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V. Emprunt
1. Généralités
Malgré la diversité des ressources internes, le français s’enrichit
par les emprunts qui restent une source importante d’enrichissement de
la langue. Le développement des techniques modernes souvent
d’invention étrangère, l’accroissement des échanges matériels et
humains, la multiplication des traductions, les médias empêchent plus
que jamais le français de vivre en autarcie, et y ouvrent des brèches par
lesquelles s’introduisent des termes étrangers, notamment dans les
secteurs du lexique où le français ne dispose pas des termes adéquates
pour désigner les réalités nouvelles qui attendent un nom (H.
Mitterrand).
Outre la pénurie de termes, les savants nomment d’autres causes
de l’emprunt, à savoir la mode et le snobisme, ce qui est considéré
comme un fait négatif (Étiemble).
Une langue peut emprunter à une autre un mot (marketing), un
morphème (les suffixes, les préfixes: -esque, -ard, auto-, archi-, super), la signification du mot, qu’on appelle les emprunts de sens (exemple
de réaliser, au sens de concevoir, ou étoile, au sens de vedette), les
calques (lavage de cerveau, frères cosmiques). L’emprunt le plus
fréquent est le mot.
2. Assimilation des emprunts
Le degré de l’assimilation des vocables empruntés dépend de
plusieurs faits: de la date de l’emprunt et de son origine, de la structure
phono-morphologique du mot, de la sphère et de la fréquence de son
emploi.
Les emprunts complètement assimilés sont représentés par les
mots d’origine latine et grecque parce que leurs structures phonomorphologiques sont souvent rapprochées. Les mots d’origine nonromane s’assimilent moins vite. Pourtant, le français tâche toujours de
"franciser" les emprunts.
L. Guilbert distingue trois étapes d’assimilation des mots
étrangers:
a. le xénisme, c’est-à-dire les mots qui restent toujours étrangers;
le recours à ces termes produit un effet d’exotisme; le procédé est
souvent employé dans les reportages, afin que le lecteur prenne une
idée non seulement des choses évoquées, mais aussi des mots qui les
désignent; ces emplois ne relèvent à aucun degré de l’emprunt; par
exemple: izba, samovar, vendetta, whisky etc.;
b. le pérégrinisme, c’est-à-dire le néologisme étranger
l’innovation étrangère; c’est un terme étranger dans la première phase
de son installation, par exemple: posters, zippé, lobby, label, safari,
politologue etc.;
с. l’emprunt c’est-à-dire la phase ultérieure, celle de l’assimilation
véritable, au point que le terrhe n’est même plus perçu comme terme
étranger, par exemple: cavalerie, chocolat, budget etc.
L’emprunt est tout à fait assimilé s’il se prête à la dérivation:
sport→sportif→ sportivité.
L’analyse des dictionnaires de néologismes révèle un afflux
toujours croissant des anglicismes, qui se rapportent surtout à la langue
technique et médiatique. Cette observation a beaucoup d’intérêt
puisqu’elle montre combien l’influence anglaise est présente dans les
journaux que le francophone lit tous les jours. Souvent c’est la mode
qui introduit des choses et des mots anglais. Ces derniers temps
l’influence d’Internet est aussi énorme.
Plusieurs linguistes protestent vivement contre les emprunts
abusifs à l’anglais. Par exemple, R. Étiemble dans son ouvrage
"Parlez-vous franglais?" s’inquiète de l’anglomanie, de l’anglofolie
des Français. Selon ce savant, les anglicismes troublent l’équilibre
phonologique du français par des phonèmes nouveaux. Le caractère
oxytonique du français est souvent, lui aussi, menacé. Les anglicismes
provoquent parfois la crise de l’orthographe. Du point de vue
morphologique, on constate l’abus des mots-valises (p.ex. multimédia,
motel, cybernation) et des sigles non sans influence anglaise, le mépris
pour les variations du genre et du nombre des adjectifs et le mépris du
genre des substantifs’.
La résistance à l’influence étrangère continue. En 1995 on a
adopté la loi (la loi Toubon) qui interdit le recours à des termes
étrangers dans les actes de la vie économique et sociale dans le cas où
il existe un terme français de même sens. Cette loi touche, avant tout,
l’enseignement, les examens et les concours, les thèses.
Selon A. Goosse, H. Mitterrand l’assimilation de plusieurs mots
étrangers ne provoque pas de graves difficultés. Les mots à
l’orthographe et à la prononciation difficiles devraient être francisés à
l’aide des moyens propres au français (dopage, zégiste, racketeur,
merchadiser, gadgetisation, speakerine etc.).
En guise de conclusion, on peut dire que "l’ennemi tout-puissant"
contre lequel on tâche de lutter, c’est avant tout la mode. Mais, selon
A. Goosse, les sarcasmes et les arguments logiques n’ont jamais eu de
prise sur la mode.
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