OBJECTIFS ET DEROULEMENT DE LA JOURNEE
Lors de cette quatrième journée de travail, nous proposons de réfléchir aux questions relatives au genre et
à la sexualité dans les recherches en sciences humaines et sociales portant sur le cancer envisagé non pas
en tant qu’entité biologique mais en tant que construction sociale (Freidson, 1970). Les représentations
associées aux pathologies cancéreuses ont considérablement évolué depuis la fin du XIXe siècle (Pinell,
1992) et parmi elles, la perception de leur éventuel caractère genré. En effet, dans la première moitié du
XXe siècle, la relative accessibilité des cancers du sein et du col utérin (permettant aux médecins d’observer
différents stades de développement de ces tumeurs) ont contribué à créer une image du cancer comme
une maladie affectant principalement les femmes (Lowy, 2010). Bien qu’aujourd’hui cette image « genrée »
du cancer ne soit plus d’actualité, certaines localisations cancéreuses continuent d’être considérées comme
« masculines » ou « féminines » en fonction de leur localisation génitale et/ou de leur prévalence très
contrastée selon le sexe.
Dans le domaine de la recherche médicale, ces localisations apparaissent comme les plus pertinentes pour
aborder les effets du cancer sur la sexualité alors que d’autres cancers, moins fréquents et/ou non
directement liées au fonctionnement génital (tels que les cancers du poumon, les tumeurs du cerveau ou
les leucémies) font rarement l’objet d’enquêtes portant sur cette question (Giami, Moreau et Moulin,
2007). À partir d’une perspective de genre, les recherches en sciences humaines et sociales peuvent
proposer une autre approche, en dénaturalisant la différence des sexes et en mettant en lumière les
différentes conceptions de la sexualité portées par les soignants et par les profanes de la médecine ainsi
que la manière où elles rentrent en jeu dans la prévention, le dépistage ou la prise en charge des
pathologies cancéreuses et dans l’organisation que ces activités impliquent. Ce type d’approche permet
aussi de réfléchir aux effets du genre dans la relation d’enquête, à l’intersection avec d’autres
caractéristiques – tels que l’âge, la position sociale, l’appartenance ethnique – des chercheur(e)s et des
enquêté(e)s (Fournier, 2006).
Lors de cette journée d’étude nous proposons de réfléchir, d’une part, à la place que ces questions
occupent dans nos recherches – en tant que jeunes chercheur(e)s en sciences humaines et sociales - et aux
diverses manières de les aborder selon les problématiques et disciplines ; d’autre part, d’un point de vue
méthodologique, aux effets du genre sur la manière dont nous avons construit nos objets d’étude
respectifs et sur la relation que nous établissons avec nos enquêté(e)s et avec les autres chercheurs.
La journée sera organisée en deux temps:
- la matinée sera consacrée à une réflexion autour des notions de sexe, genre et sexualité à partir de quatre
présentations : d’abord, un point conceptuel sur ces notions, suivi de trois présentations de travaux
portant sur les représentations de la sexualité chez des soignant(e)s engagé(e)s dans la prise en charge du
cancer, d’une part et, d’autre part, sur des cancers conjugués au masculin (les tumeurs testiculaires) ou
féminin (cancers du sein et du col utérin).
- l’après-midi sera consacrée à une réflexion collective autour de trois questions :
1) comment le genre et à la sexualité sont (ou pourraient être) traitées dans nos travaux respectifs ; 2)
comment analyser les effets du genre (dans son intersection avec notre âge, position sociale, appartenance
ethnique, origine nationale…) dans la construction de notre objet d’étude et de notre problématique ainsi
que dans la relation d’enquête et 3) quelles sont les difficultés, les doutes, les interrogations de
chacun concernant ces questions.
La réussite de cette table ronde repose donc sur la participation active de chacun des participants,
impliquant une préparation préalable.
Références bibliographiques citées
Fournier P. (2006) Le sexe et l'âge de l'ethnographe: éclairants pour l'enquêté, contraignants pour l'enquêteur, Ethnographiques.org, n°11.
Freidson E. (1970) Profession of Medecine, New York, Harper and Row. Trad. (1984): La profession médicale, Paris, Payot: 369 pp.
Giami A., Moreau E., Moulin P. (2007) Les théories de la sexualité dans le champ du cancer: les savoirs infirmiers. Revue Francophone de Psycho-
Oncologie, 1 : pp. 1-5.
Löwy I. (2009) Preventive strikes: women, precancer, and prophylactic surgery, Baltimore, Johns Hopkins University Press: 328 pp.
Pinell P. (1992) Naissance d’un fléau. Histoire de la lutte contre le cancer en France (1890-1940), Paris, Metaillé, Coll. Leçons de choses : 366 pp.