Le squelette adulte se renouvelle en permanence de l`ordre de 10

REMODELAGE OSSEUX : ASPECTS BIOLOGIQUES ET MOLECULAIRES
Dr Anne Gomez-Brouchet
Service d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, CHU Rangueil, Toulouse
Le squelette adulte se renouvelle en permanence de l’ordre de 10 % par an. Ce
remodelage est assuré par deux types cellulaires, les ostéoclastes qui résorbent la matrice
osseuse et les ostéoblastes qui synthétisent une nouvelle matrice. L’équilibre entre destruction
et formation de l’os est régulé par un réseau complexe d’interactions entre les cellules
osseuses, les hormones systémiques et les facteurs de croissance, les cytokines du micro-
environnement local. Le système RANK-L, RANK, OPG représente le médiateur ultime qui
contrôle les ostéoclastes.
1. Structure de l’os - Remodelage
Le tissu osseux est un tissu complexe composé d’une matrice extra-cellulaire calcifiée
dont les propriétés permettent d’assurer trois fonctions principales :
-une fonction mécanique assurant le support du poids de l’organisme,
-une fonction de protection des organes essentiels,
-une fonction métabolique liée à sa capacité de stoker le calcium et le phosphate.
Le tissu osseux adulte comporte l’os cortical compact et l’os spongieux ou
trabéculaire. L’os cortical, essentiellement situé dans les os longs est constitué d’ostéones.
Ces ostéones sont constitués par des lames osseuses concentriques disposées autour d’un
canal haversien au sein duquel on trouve les éléments vasculo-nerveux. Ces canaux
haversiens sont reliés entre eux ou à la surface de l’os et à la moelle osseuse par des canaux
transversaux ou obliques. L’os spongieux est constitué d’ostéones qui prennent un aspect en
croissant. Entre les travées spongieuses on trouve le tissu médullaire hématopoiétique.
La matrice extra-cellulaire de l’os comporte une partie organique et une partie
minérale. La partie organique est constituée principalement de fibres de collagène de type 1 et
d’autres protéines non collagéniques : l’ostéocalcine, l’ostéonectine, la thrombospondine, la
fibronectine, la vitronectine, l’ostéopontine, et des protéoglycanes. La partie minérale est
constituée de cristaux d’hydroxyapatite. Des cytokines et des facteurs de croissance sont aussi
présents dans la matrice extra-cellulaire osseuse.
Le remodelage osseux doit permettre la constitution d’un squelette adapté à la
croissance, la conservation de ses propriétés mécaniques et de sa capacité d’adaptation aux
contraintes, la réparation des fractures et la mise à disposition du calcium qu’il stocke. Le
remodelage a lieu dans une structure définie appelée BMU (Basal Multicellular Unit), unité
multi-cellulaire de base au sein de laquelle agissent de manière séquentielle et couplée les
ostéoclastes qui résorbent l’os ancien puis les ostéoblastes qui apposent une matrice ostéoïde
qu’ils vont minéraliser. Le couplage entre ces deux évènements constitue la base du concept
du remodelage.
Le cycle du remodelage débute par une phase d’activation caractérisée par la
différenciation des ostéoclastes, suivie d’une phase de résorption de la matrice par les
ostéoclastes murs. Les ostéoclastes vont ensuite se détacher, les précurseurs des ostéoblastes
vont se différencier en pré-ostéoblastes puis en ostéoblastes murs qui vont synthétiser et
déposer une nouvelle matrice comblant la lacune de résorption. Une fois la matrice osseuse
synthétisée et minéralisée les ostéoblastes vont devenir des cellules bordantes (s’aplatissent et
bordent la surface de l’os). Une partie des ostéoblastes vont subir un phénomène d’apoptose,
une autre partie se laissera inclure dans la matrice pour devenir des ostéocytes.
2. Les cellules osseuses
Les ostéoblastes
a) Origine et plasticité de l’ostéoblaste
L’ossification enchondrale responsable de la formation des os longs est caractérisée
par le dépôt de matrice osseuse sur une matrice cartilagineuse.
L’ossification membranaire au niveau des os plats procède d’une apposition de matrice
extra-cellulaire sécrétée par les ostéoblastes.
Au niveau des os plats, les ostéoblastes proviennent de la différenciation de cellules
précurseurs mésenchymateuses dérivées de la crête neurale. La formation se fait alors par
condensation du mésenchyme.
Au niveau de l’endoste, les ostéoblastes proviennent de la différenciation de cellules
souches du stroma-médullaire. Ces dernières sont capables de se différencier en cellules
cartilagineuses, osseuses, musculaires ou adipocytaires sous l’induction de facteurs de
transcription. L’expression de Sox-9 induit la voie chondroblastique, celle de MyoD, la voie
myoblastique. L’expression du péroxisome PPAR2 (proliferator activated receptor 2) induit
la différenciation adipocytaire alors que celle de Cbfa/Runx2 est nécessaire pour la
différenciation ostéoblastique.
b) Différenciation de l’ostéoblaste
L’ostéogénèse est caractérisée par l’engagement et la prolifération de cellules
ostéoprogénitrices qui après arrêt de la multiplication cellulaire se différencient en
ostéoblastes fonctionnels chargés de la synthèse et de la minéralisation de la matrice osseuse.
Plusieurs marqueurs sont exprimés de façon séquentielle au cours de la différenciation
ostéoblastique. La différenciation progressive de l’ostéoblaste est caractérisée par l’expression
de gènes ostéoblastiques précoces (PTH-R, récepteur de la PTH ; ALP, phosphatase alcaline,
COLL-1, collagène de type 1 ; OP, ostépontine), ou tardifs (BSP sialoprotéine osseuse ;
ostéocalcine).
c) Fonction de l’ostéoblaste
La fonction principale de l’ostéoblaste est de synthétiser et de minéraliser la matrice
osseuse au cours de la croissance du squelette, du renouvellement de la matrice osseuse chez
l’adulte et de la réparation osseuse tout au long de la vie. La matrice osseuse est composée
majoritairement de collagène de type 1. Les ostéoblastes synthétisent également un grand
nombre de protéines matricielles : l’ostéocalcine et l’ostéopontine qui représentent 50 % des
protéines non collagéniques de l’os, des molécules d’adhésion qui interagissent avec les
intégrines, des protéoglycanes et des facteurs de croissance.
Les ostéoblastes sécrètent d’abord la matrice organique ou matrice ostéoïde, structurée
par les fibres de collagènes où les protéines non collagéniques sont intriquées.
Les ostéoblastes matures contrôlent ensuite la minéralisation de la matrice par des
dépôts de cristaux d’hydroxyapatite (Sécrétion de phosphatase alcaline, transfert de calcium et
phosphate du milieu extracellulaire au site de minéralisation).
Le volume de l’os est déterminé uniquement par la sécrétion de la matrice ostéoïde et
la densité osseuse, par la minéralisation.
Enfin l’ostéoblaste et ses précurseurs présents dans le stroma-médullaire vont produire
des molécules régulatrices solubles (OPG, RANKL) et des cytokines (M-CSF, TNF, IL1,
IL6 et IL11). Celles-ci, relarguées dans le milieu extra-cellulaire vont agir au niveau des
cellules précurseurs des ostéoclastes, contrôlant ainsi la résorption ostéoclastique et la masse
osseuse.
c) Contrôle de l’ostéoblaste
La formation osseuse est principalement dépendante du nombre d’ostéoblastes
différentiés, et la différentiation ostéoblastique est sous le contrôle 1) de facteurs de
transcription, 2) d’interactions cellulaires et matricielles et 3) de facteurs systémiques et
locaux.
Rôle des facteurs de transcription
Cbfa1/Runx2 est un facteur essentiel de l’engagement et de la différentiation des
ostéoblastes. Il est aussi essentiel à l’ostéoformation in vivo et dans le maintien de la fonction
ostéoblastique au cours de la croissance post natale.
D’autres facteurs jouent un rôle important dans le contrôle de l’ostéogénèse.
L’invalidation du gène Dlx-5 chez la souris induit un retard d’ossification. La surexpression
de Msx-2 accélère l’ossification membranaire alors que son inactivation retarde la
différentiation ostéoblastique. Le facteur de transcription Twist est un régulateur négatif de
l’ostéoformation car son inactivation fonctionnelle augmente la prolifération et la
différentiation des ostéoblastes. Ainsi, l’engagement, la prolifération, et la différentiation des
ostéoblastes nécessite l’expression coordonnée du facteur de transcription majeur
Cbfa1/Runx2 et d’autres facteurs régulateurs comme msx2, Dlx5, Twist qui contrôlent
l’expression des gènes cibles au cours de l’ossification enchondrale et membranaire.
Rôle des interactions cellulaires
Plusieurs types d’interactions cellulaires ont un rôle inducteur ou permissif sur la
différentiation ostéoblastique. La N-Cadhérine est impliquée dans l’induction des gènes de
différentiation dont Cbaf1/Runx2 dans les ostéoblastes. Les jonctions communicantes formées
par les connexines contrôlent l’activité fonctionnelle des ostéoblastes. L’invalidation de la
connexine 43 chez la souris altère la fonction ostéoblastique et induit un retard d’ossification.
Rôle des facteurs systémiques
Les hormones les plus importantes contrôlant l’ostéoformation sont l’hormone
parathyroïdienne (PTH), les hormones sexuelles en particulier les estrogènes, les
glucocorticoides et la vitamine D.
Parathormone ou PTH
La PTH sécrétée par les parathyroïdes, régule la calcémie et le métabolisme osseux.
Son action s’exerce sur les os, les reins, les intestins. La sécrétion de PTH est étroitement
régulée par la concentration sérique en calcium ionisé. Ainsi, une diminution de la calcémie
provoque une augmentation de la PTH en quelques secondes et inversement une
augmentation de la calcémie induit une diminution de la sécrétion de PTH.
Il existe une régulation plus lente du métabolisme des parathyroïdes, sur plusieurs
heures, par le métabolite actif de la vitamine D (1,25 dihydroxyvitamine D) qui diminue le
taux de ARNm de la PTH exprimée par les cellules parathyroïdiennes.
Au niveau des reins, la PTH a une triple action pour réguler la calcémie :
- Elle augmente la réabsorption du calcium
- Elle augmente l’excrétion du phosphate
- Elle active l’hydroxylase 1a qui transforme la vitamine D en son métabolite actif :
1.25-(OH)2 D au niveau du tubule proximal.
Sur l’os, la PTH a plusieurs effets :
- Augmente la résorption osseuse par stimulation de la différentiation des ostéoclastes
et de leur prolifération.
- Effets anaboliques sur la croissance osseuse et la formation osseuse par une triple
action de la PTH sur les ostéoblastes :
Conversion des cellules bordantes en ostéoblastes
Stimulation de l’expression par les ostéoblastes matures de facteurs de croissance tels,
IGF 1, TGF, FGF
Prolongation de la vie de l’ostéoblaste en inhibant l’apoptose
Vitamine D
La vitamine D a 2 sources. La vitamine D3 est formée à partir des UV, la vitamine D2
est d’origine alimentaire. Ces 2 formes évoluent de façon identique. La vitamine D est peu
circulante et est rapidement stockée dans le tissu adipeux (réserve mobilisable plusieurs mois)
ou est métabolisée. La métabolisation de la vitamine D se fait en 2 étapes. La première se fait
dans le foie elle subit une hydroxylation en 25. La deuxième se fait dans le rein elle est
hydroxylée en 1 par une 1a hydroxylase. Les taux de 1,25 (OH) 2 vitamine D sont maintenus
stables par le contrôle de l’activité de l’hydroxylase par la PTH. Le catabolisme de la 1,25
(OH) 2 vitamine D se fait par une 24 hydroxylase qui donnera des métabolites rapidement
éliminés après métabolisation et dégradation.
La 1,25 (OH) 2 vitamine D représente le principal principe actif de la vitamine D. Elle
est impliquée dans l’homéostasie du calcium et du phosphate. Sa principale action est de
stimuler l’absorption intestinale du calcium et du phosphate.
Au niveau de l’os, elle active la différentiation et la maturation des ostéoblastes en
présence de PTH. A doses physiologiques, l’effet est anabolique et les ostéoblastes sécrètent
la matrice osseuse. A doses importantes, l’effet est inverse. Les ostéoblastes activent la
différentiation et la prolifération des ostéoclastes qui vont détruire l’os et permettre la
mobilisation du calcium. Elle régule aussi l’homéostasie calcique en agissant sur la
parathyroïde, elle induit une suppression de la prolifération des cellules parathyroïdiennes
qui sécrètent PTH.
La 1,25 (OH) 2 vitamine D agit par l’intermédiaire d’un récepteur à la vitamine D
(VDR), qui est nucléaire ; L’invalidation du gène qui code pour VDR, chez la souris induit
une diminution de la formation osseuse. A l’inverse sa surexpression favorise la formation de
l’os à partir du périoste. Ces données montrent que la vitamine D a un effet anabolique
important sur l’ostéogénèse in vivo.
Elle stimule également l’expression de gènes ostéoblastiques comme l’ostéopontine et
l’ostéocalcine, ce dernier effet impliquant Cbfa1.
La Vitamine D est indispensable à la minéralisation du tissu osseux c’est-à-dire à l’accrétion
du minéral (calcium pour 90 %) sur la trame collagénique élaborée par les ostéoblastes.
Estrogènes
Les estrogènes sont avant tout des inhibiteurs de la résorption osseuse. Les estrogènes
exercent des effets directs et indirects importants sur les ostéoblastes. Les ostéoblastes
expriment les récepteurs de type et . Le rôle de ces récepteurs dans le contrôle de
l’ostéogénèse reste cependant à établir. In vitro, les estrogènes augmentent la prolifération et
la différentiation des ostéoblastes ainsi que la prolifération des précurseurs via une
augmentation de la production de facteurs locaux tels que le TGF-, l’IGF. Les estrogènes ont
en plus des effets anti-apoptotiques sur les ostéoblastes.
Chez la femme en post ménopause, la perte de la masse osseuse serait plus lié à un
défaut de la balance entre formation et perte osseuse.
Glucocorticoides
Leurs effets sont multiples et complexes sur les ostéoblastes et varient selon leur stade
de maturation. In vivo, la dexaméthasone inhibe la prolifération des préostéoblastes et induit
à long terme une diminution de la formation osseuse. Ils stimulent l’apoptose des ostéoblastes.
Contrairement aux estrogènes, les glucocorticoides stimulent l’expression de RANKL et
réduisent celle de l’OPG par les cellules stromales/ostéoblastes, ce qui induit une
augmentation de la différentiation des ostéoclastes.
Autres hormones
D’autres hormones pourraient contribuer à la régulation des gènes exprimés par
l’ostéoblaste. Ainsi, le récepteur nucléaire orphelin ROR, exprimé dans les cellules
ostéoformatrices augmente l’expression de la sialoprotéine osseuse et réprime celle de
l’ostéocalcine.
L’ostéoformation est par ailleurs réglée au niveau central par la Lectine.
Rôle des facteurs locaux (facteurs de croissance et cytokines)
Plusieurs facteurs de croissance sont d’importants régulateurs de recrutement, de la
différentiation et de la fonction de l’ostéoblaste. Ils vont favoriser l’expression par les
ostéoblastes de plusieurs cytokines. Les facteurs les plus importants sont ceux produits par les
ostéoblastes et qui s’incorporent dans la matrice osseuse, c’est-à-dire les IGF, le TGF-, les
BMP, et les FGF.
L’IGF-1
L’IGF-1 active la prolifération ostéoblastique et la synthèse de collagène de type I in
vitro et la formation osseuse in vivo.
TGF
Le TGF est un facteur local fondamental dans le contrôle de l’ostéogénèse. TGF-
stimule la formation osseuse, la prolifération des pré-ostéoblastes ainsi que la production de
collagène de type I et de l’ostéopontine. TGF- inhibe la dégradation de la matrice en
inhibant l’activité de la collagénase, a un effet anti-apoptotique sur les ostéoblastes. En dehors
de ses effets anaboliques, TGF- contrôle la différentiation ostéoclastique en augmentant la
production de l’OPG par les cellules stromales et les ostéoblastes.
Les BMPs (bone morphogenetic proteins)
Les BMPs ont des propriétés ostéoinductives in vivo. Les BMPs ( 2 à 7) appartiennent
à la famille des polypeptides TGF . Les BMPs sont produites par les ostéoblastes et jouent
un rôle fondamental dans le contrôle de la formation osseuse (développement embryonnaire,
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