REMODELAGE OSSEUX : ASPECTS BIOLOGIQUES ET MOLECULAIRES Dr Anne Gomez-Brouchet Service d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, CHU Rangueil, Toulouse Le squelette adulte se renouvelle en permanence de l’ordre de 10 % par an. Ce remodelage est assuré par deux types cellulaires, les ostéoclastes qui résorbent la matrice osseuse et les ostéoblastes qui synthétisent une nouvelle matrice. L’équilibre entre destruction et formation de l’os est régulé par un réseau complexe d’interactions entre les cellules osseuses, les hormones systémiques et les facteurs de croissance, les cytokines du microenvironnement local. Le système RANK-L, RANK, OPG représente le médiateur ultime qui contrôle les ostéoclastes. 1. Structure de l’os - Remodelage Le tissu osseux est un tissu complexe composé d’une matrice extra-cellulaire calcifiée dont les propriétés permettent d’assurer trois fonctions principales : -une fonction mécanique assurant le support du poids de l’organisme, -une fonction de protection des organes essentiels, -une fonction métabolique liée à sa capacité de stoker le calcium et le phosphate. Le tissu osseux adulte comporte l’os cortical compact et l’os spongieux ou trabéculaire. L’os cortical, essentiellement situé dans les os longs est constitué d’ostéones. Ces ostéones sont constitués par des lames osseuses concentriques disposées autour d’un canal haversien au sein duquel on trouve les éléments vasculo-nerveux. Ces canaux haversiens sont reliés entre eux ou à la surface de l’os et à la moelle osseuse par des canaux transversaux ou obliques. L’os spongieux est constitué d’ostéones qui prennent un aspect en croissant. Entre les travées spongieuses on trouve le tissu médullaire hématopoiétique. La matrice extra-cellulaire de l’os comporte une partie organique et une partie minérale. La partie organique est constituée principalement de fibres de collagène de type 1 et d’autres protéines non collagéniques : l’ostéocalcine, l’ostéonectine, la thrombospondine, la fibronectine, la vitronectine, l’ostéopontine, et des protéoglycanes. La partie minérale est constituée de cristaux d’hydroxyapatite. Des cytokines et des facteurs de croissance sont aussi présents dans la matrice extra-cellulaire osseuse. Le remodelage osseux doit permettre la constitution d’un squelette adapté à la croissance, la conservation de ses propriétés mécaniques et de sa capacité d’adaptation aux contraintes, la réparation des fractures et la mise à disposition du calcium qu’il stocke. Le remodelage a lieu dans une structure définie appelée BMU (Basal Multicellular Unit), unité multi-cellulaire de base au sein de laquelle agissent de manière séquentielle et couplée les ostéoclastes qui résorbent l’os ancien puis les ostéoblastes qui apposent une matrice ostéoïde qu’ils vont minéraliser. Le couplage entre ces deux évènements constitue la base du concept du remodelage. Le cycle du remodelage débute par une phase d’activation caractérisée par la différenciation des ostéoclastes, suivie d’une phase de résorption de la matrice par les ostéoclastes murs. Les ostéoclastes vont ensuite se détacher, les précurseurs des ostéoblastes vont se différencier en pré-ostéoblastes puis en ostéoblastes murs qui vont synthétiser et déposer une nouvelle matrice comblant la lacune de résorption. Une fois la matrice osseuse synthétisée et minéralisée les ostéoblastes vont devenir des cellules bordantes (s’aplatissent et bordent la surface de l’os). Une partie des ostéoblastes vont subir un phénomène d’apoptose, une autre partie se laissera inclure dans la matrice pour devenir des ostéocytes. 2. Les cellules osseuses Les ostéoblastes a) Origine et plasticité de l’ostéoblaste L’ossification enchondrale responsable de la formation des os longs est caractérisée par le dépôt de matrice osseuse sur une matrice cartilagineuse. L’ossification membranaire au niveau des os plats procède d’une apposition de matrice extra-cellulaire sécrétée par les ostéoblastes. Au niveau des os plats, les ostéoblastes proviennent de la différenciation de cellules précurseurs mésenchymateuses dérivées de la crête neurale. La formation se fait alors par condensation du mésenchyme. Au niveau de l’endoste, les ostéoblastes proviennent de la différenciation de cellules souches du stroma-médullaire. Ces dernières sont capables de se différencier en cellules cartilagineuses, osseuses, musculaires ou adipocytaires sous l’induction de facteurs de transcription. L’expression de Sox-9 induit la voie chondroblastique, celle de MyoD, la voie myoblastique. L’expression du péroxisome PPAR2 (proliferator activated receptor 2) induit la différenciation adipocytaire alors que celle de Cbfa/Runx2 est nécessaire pour la différenciation ostéoblastique. b) Différenciation de l’ostéoblaste L’ostéogénèse est caractérisée par l’engagement et la prolifération de cellules ostéoprogénitrices qui après arrêt de la multiplication cellulaire se différencient en ostéoblastes fonctionnels chargés de la synthèse et de la minéralisation de la matrice osseuse. Plusieurs marqueurs sont exprimés de façon séquentielle au cours de la différenciation ostéoblastique. La différenciation progressive de l’ostéoblaste est caractérisée par l’expression de gènes ostéoblastiques précoces (PTH-R, récepteur de la PTH ; ALP, phosphatase alcaline, COLL-1, collagène de type 1 ; OP, ostépontine), ou tardifs (BSP sialoprotéine osseuse ; ostéocalcine). c) Fonction de l’ostéoblaste La fonction principale de l’ostéoblaste est de synthétiser et de minéraliser la matrice osseuse au cours de la croissance du squelette, du renouvellement de la matrice osseuse chez l’adulte et de la réparation osseuse tout au long de la vie. La matrice osseuse est composée majoritairement de collagène de type 1. Les ostéoblastes synthétisent également un grand nombre de protéines matricielles : l’ostéocalcine et l’ostéopontine qui représentent 50 % des protéines non collagéniques de l’os, des molécules d’adhésion qui interagissent avec les intégrines, des protéoglycanes et des facteurs de croissance. Les ostéoblastes sécrètent d’abord la matrice organique ou matrice ostéoïde, structurée par les fibres de collagènes où les protéines non collagéniques sont intriquées. Les ostéoblastes matures contrôlent ensuite la minéralisation de la matrice par des dépôts de cristaux d’hydroxyapatite (Sécrétion de phosphatase alcaline, transfert de calcium et phosphate du milieu extracellulaire au site de minéralisation). Le volume de l’os est déterminé uniquement par la sécrétion de la matrice ostéoïde et la densité osseuse, par la minéralisation. Enfin l’ostéoblaste et ses précurseurs présents dans le stroma-médullaire vont produire des molécules régulatrices solubles (OPG, RANKL) et des cytokines (M-CSF, TNF, IL1, IL6 et IL11). Celles-ci, relarguées dans le milieu extra-cellulaire vont agir au niveau des cellules précurseurs des ostéoclastes, contrôlant ainsi la résorption ostéoclastique et la masse osseuse. c) Contrôle de l’ostéoblaste La formation osseuse est principalement dépendante du nombre d’ostéoblastes différentiés, et la différentiation ostéoblastique est sous le contrôle 1) de facteurs de transcription, 2) d’interactions cellulaires et matricielles et 3) de facteurs systémiques et locaux. Rôle des facteurs de transcription Cbfa1/Runx2 est un facteur essentiel de l’engagement et de la différentiation des ostéoblastes. Il est aussi essentiel à l’ostéoformation in vivo et dans le maintien de la fonction ostéoblastique au cours de la croissance post natale. D’autres facteurs jouent un rôle important dans le contrôle de l’ostéogénèse. L’invalidation du gène Dlx-5 chez la souris induit un retard d’ossification. La surexpression de Msx-2 accélère l’ossification membranaire alors que son inactivation retarde la différentiation ostéoblastique. Le facteur de transcription Twist est un régulateur négatif de l’ostéoformation car son inactivation fonctionnelle augmente la prolifération et la différentiation des ostéoblastes. Ainsi, l’engagement, la prolifération, et la différentiation des ostéoblastes nécessite l’expression coordonnée du facteur de transcription majeur Cbfa1/Runx2 et d’autres facteurs régulateurs comme msx2, Dlx5, Twist qui contrôlent l’expression des gènes cibles au cours de l’ossification enchondrale et membranaire. Rôle des interactions cellulaires Plusieurs types d’interactions cellulaires ont un rôle inducteur ou permissif sur la différentiation ostéoblastique. La N-Cadhérine est impliquée dans l’induction des gènes de différentiation dont Cbaf1/Runx2 dans les ostéoblastes. Les jonctions communicantes formées par les connexines contrôlent l’activité fonctionnelle des ostéoblastes. L’invalidation de la connexine 43 chez la souris altère la fonction ostéoblastique et induit un retard d’ossification. Rôle des facteurs systémiques Les hormones les plus importantes contrôlant l’ostéoformation sont l’hormone parathyroïdienne (PTH), les hormones sexuelles en particulier les estrogènes, les glucocorticoides et la vitamine D. Parathormone ou PTH La PTH sécrétée par les parathyroïdes, régule la calcémie et le métabolisme osseux. Son action s’exerce sur les os, les reins, les intestins. La sécrétion de PTH est étroitement régulée par la concentration sérique en calcium ionisé. Ainsi, une diminution de la calcémie provoque une augmentation de la PTH en quelques secondes et inversement une augmentation de la calcémie induit une diminution de la sécrétion de PTH. Il existe une régulation plus lente du métabolisme des parathyroïdes, sur plusieurs heures, par le métabolite actif de la vitamine D (1,25 dihydroxyvitamine D) qui diminue le taux de ARNm de la PTH exprimée par les cellules parathyroïdiennes. Au niveau des reins, la PTH a une triple action pour réguler la calcémie : - Elle augmente la réabsorption du calcium - Elle augmente l’excrétion du phosphate - Elle active l’hydroxylase 1a qui transforme la vitamine D en son métabolite actif : 1.25-(OH)2 D au niveau du tubule proximal. Sur l’os, la PTH a plusieurs effets : Augmente la résorption osseuse par stimulation de la différentiation des ostéoclastes et de leur prolifération. - Effets anaboliques sur la croissance osseuse et la formation osseuse par une triple action de la PTH sur les ostéoblastes : Conversion des cellules bordantes en ostéoblastes Stimulation de l’expression par les ostéoblastes matures de facteurs de croissance tels, IGF 1, TGF, FGF Prolongation de la vie de l’ostéoblaste en inhibant l’apoptose - Vitamine D La vitamine D a 2 sources. La vitamine D3 est formée à partir des UV, la vitamine D2 est d’origine alimentaire. Ces 2 formes évoluent de façon identique. La vitamine D est peu circulante et est rapidement stockée dans le tissu adipeux (réserve mobilisable plusieurs mois) ou est métabolisée. La métabolisation de la vitamine D se fait en 2 étapes. La première se fait dans le foie où elle subit une hydroxylation en 25. La deuxième se fait dans le rein où elle est hydroxylée en 1 par une 1a hydroxylase. Les taux de 1,25 (OH) 2 vitamine D sont maintenus stables par le contrôle de l’activité de l’hydroxylase par la PTH. Le catabolisme de la 1,25 (OH) 2 vitamine D se fait par une 24 hydroxylase qui donnera des métabolites rapidement éliminés après métabolisation et dégradation. La 1,25 (OH) 2 vitamine D représente le principal principe actif de la vitamine D. Elle est impliquée dans l’homéostasie du calcium et du phosphate. Sa principale action est de stimuler l’absorption intestinale du calcium et du phosphate. Au niveau de l’os, elle active la différentiation et la maturation des ostéoblastes en présence de PTH. A doses physiologiques, l’effet est anabolique et les ostéoblastes sécrètent la matrice osseuse. A doses importantes, l’effet est inverse. Les ostéoblastes activent la différentiation et la prolifération des ostéoclastes qui vont détruire l’os et permettre la mobilisation du calcium. Elle régule aussi l’homéostasie calcique en agissant sur la parathyroïde, où elle induit une suppression de la prolifération des cellules parathyroïdiennes qui sécrètent PTH. La 1,25 (OH) 2 vitamine D agit par l’intermédiaire d’un récepteur à la vitamine D (VDR), qui est nucléaire ; L’invalidation du gène qui code pour VDR, chez la souris induit une diminution de la formation osseuse. A l’inverse sa surexpression favorise la formation de l’os à partir du périoste. Ces données montrent que la vitamine D a un effet anabolique important sur l’ostéogénèse in vivo. Elle stimule également l’expression de gènes ostéoblastiques comme l’ostéopontine et l’ostéocalcine, ce dernier effet impliquant Cbfa1. La Vitamine D est indispensable à la minéralisation du tissu osseux c’est-à-dire à l’accrétion du minéral (calcium pour 90 %) sur la trame collagénique élaborée par les ostéoblastes. Estrogènes Les estrogènes sont avant tout des inhibiteurs de la résorption osseuse. Les estrogènes exercent des effets directs et indirects importants sur les ostéoblastes. Les ostéoblastes expriment les récepteurs de type et . Le rôle de ces récepteurs dans le contrôle de l’ostéogénèse reste cependant à établir. In vitro, les estrogènes augmentent la prolifération et la différentiation des ostéoblastes ainsi que la prolifération des précurseurs via une augmentation de la production de facteurs locaux tels que le TGF-, l’IGF. Les estrogènes ont en plus des effets anti-apoptotiques sur les ostéoblastes. Chez la femme en post ménopause, la perte de la masse osseuse serait plus lié à un défaut de la balance entre formation et perte osseuse. Glucocorticoides Leurs effets sont multiples et complexes sur les ostéoblastes et varient selon leur stade de maturation. In vivo, la dexaméthasone inhibe la prolifération des préostéoblastes et induit à long terme une diminution de la formation osseuse. Ils stimulent l’apoptose des ostéoblastes. Contrairement aux estrogènes, les glucocorticoides stimulent l’expression de RANKL et réduisent celle de l’OPG par les cellules stromales/ostéoblastes, ce qui induit une augmentation de la différentiation des ostéoclastes. Autres hormones D’autres hormones pourraient contribuer à la régulation des gènes exprimés par l’ostéoblaste. Ainsi, le récepteur nucléaire orphelin ROR, exprimé dans les cellules ostéoformatrices augmente l’expression de la sialoprotéine osseuse et réprime celle de l’ostéocalcine. L’ostéoformation est par ailleurs réglée au niveau central par la Lectine. Rôle des facteurs locaux (facteurs de croissance et cytokines) Plusieurs facteurs de croissance sont d’importants régulateurs de recrutement, de la différentiation et de la fonction de l’ostéoblaste. Ils vont favoriser l’expression par les ostéoblastes de plusieurs cytokines. Les facteurs les plus importants sont ceux produits par les ostéoblastes et qui s’incorporent dans la matrice osseuse, c’est-à-dire les IGF, le TGF-, les BMP, et les FGF. L’IGF-1 L’IGF-1 active la prolifération ostéoblastique et la synthèse de collagène de type I in vitro et la formation osseuse in vivo. TGF Le TGF est un facteur local fondamental dans le contrôle de l’ostéogénèse. TGF- stimule la formation osseuse, la prolifération des pré-ostéoblastes ainsi que la production de collagène de type I et de l’ostéopontine. TGF- inhibe la dégradation de la matrice en inhibant l’activité de la collagénase, a un effet anti-apoptotique sur les ostéoblastes. En dehors de ses effets anaboliques, TGF- contrôle la différentiation ostéoclastique en augmentant la production de l’OPG par les cellules stromales et les ostéoblastes. Les BMPs (bone morphogenetic proteins) Les BMPs ont des propriétés ostéoinductives in vivo. Les BMPs ( 2 à 7) appartiennent à la famille des polypeptides TGF . Les BMPs sont produites par les ostéoblastes et jouent un rôle fondamental dans le contrôle de la formation osseuse (développement embryonnaire, cicatrisation des fractures osseuses). Les BMPs agissent en augmentant l’expression de Cbfa1/Runx2 dans les précurseurs ostéoblastiques et en stimulant l’expression des gènes ostéoblastiques (phosphatase alcaline, collagène de type I, ostéocalcine) dans les ostéoblastes. Dans l’os l’une des plus importantes BMPs est BMP-2 qui active Cbfa1. Les voies de signalisation impliquées dans les effets cellulaires des BMPs sont mieux connues et impliquent les Smads. Les FGF Les FGF sont des régulateurs importants de la prolifération, de la fonction et de l’apoptose des ostéoblastes. Ils stimulent la formation osseuse. Ainsi, Il apparaît clairement que l’ostéoformation est sous le contrôle de facteurs agissant au niveau de l’engagement des cellules mésenchymateuses vers la voie ostéoblastique (BMPs et protéines modulatrices), de la prolifération des préostéoblastes (TGF, FGF), de la différenciation en ostéoblastes (BMP, IGF), de la régulation de la fonction (IGF, TGF-) et enfin de la durée de vie des ostéoblastes (FGF, IGF, TGF-, BMP). Cytokines Les cytokines IL6 et IL11 jouent un rôle important dans le remodelage osseux. Ces deux cytokines ont des effets inverses. IL6 active la résorption osseuse en stimulant l’expression par les cellules ostéoblastiques de facteurs qui déclenchent la différenciation et la prolifération des ostéoclastes. IL6 agit aussi directement sur les précurseurs ostéoclastiques hématopoiétiques pour activer leur différenciation en ostéoclastes. Ainsi, il a été démontré chez la femme, durant les dix premières années suivant la ménopause qu’il existait une corrélation entre destruction osseuse et les taux circulant d’IL6. De plus, le traitement substitutif par oestrogènes induit une diminution en IL6 circulante et un gain de masse osseuse. IL11 stimule à l’inverse la formation d’ostéoblastes à partir des cellules souches mésenchymateuses du stroma médullaire. L’action d’IL11 sur les os s’effectue en augmentant l’action de BMP-2 sur les cellules osseuses, donc en stimulant la différenciation et la prolifération des ostéoblastes. Les ostéoblastes et leurs précurseurs du stroma médullaire produisent aussi des cytokines inflammatoires comme l’interleukine 1 et le TNF . Ces cytokines stimulent la destruction de l’os par les ostéoclastes et inhibent la formation osseuse par les ostéoblastes. Les ostéocytes Certains ostéoblastes qui ne meurent pas par apoptose, se transforment en ostéocytes. Ces cellules sont incluses dans la matrice osseuse et reliées entre elles et avec les cellules de la surface osseuse par des extensions de la membrane cytoplasmique. Les ostéocytes sont les cellules les plus abondantes de l’os, espacées régulièrement dans la matrice en formant un réseau de communication. Ce sont des cellules sensibles aux stimuli mécaniques qui détectent le besoin d’une augmentation ou d’une diminution de la formation osseuse dans le processus d’adaptation fonctionnelle ou en cas de microfractures. Un fin réseau de canalicules affère à l’ostéoplaste, cavité qui contient l’ostéocyte. Les stimuli mécaniques sont probablement transmis à l’ostéocyte via des flux liquidiens contenus dans ces canalicules. Les ostéocytes sont probablement les cellules qui orientent dans l’espace l’activité des ostéoblastes et ainsi agencent et adaptent l’architecture osseuse afin d’assurer une résistance maximale aux contraintes physiques auxquelles est soumis le tissu osseux. L’ostéoclaste a) Origine et différenciation des ostéoclastes L’ostéoclaste est d’origine hématopoïétique et est responsable de la résorption osseuse. Les ostéoclastes ont une origine commune avec les monocytes/macrophages. La spécification des pro-monocytes en ostéoclastes se fait sous l’influence de facteurs de transcription et de facteurs de croissance dont les principaux sont au nombre de trois : MCSF, RANKL (= le ligand du récepteur RANK), et son antagoniste l’ostéoprotégérine (OPG). La maturation des ostéoclastes et l’acquisition de leur fonction spécifique se font après leur migration vers la surface osseuse, et leur fusion asynchrone, entraînant la formation d’une cellule multinucléee. b) Système RANKL/RANK/OPG RANKL (receptor activator of nuclear factor (NF-kB ligang) est une protéine liée à la membrane cellulaire, et exprimée dans de nombreux tissus comme les cellules endothéliales et les lymphocytes T. Dans l’os, RANKL est synthétisé par les cellules mésenchymateuses du stroma-médullaire, par les ostéoblastes et les ostéoclastes. Les ostéoblastes matures expriment peu RANKL alors que les cellules du stroma-médullaire l’expriment en quantité importante. La principale action de RANKL est de stimuler la différenciation des ostéoclastes, leur maturation et d’en inhiber l’apoptose. La différenciation des ostéoclastes par RANKL ne peut se réaliser qu’en présence de M-CSF. L’activation des ostéoclastes a été mise en évidence chez des souris transgéniques déficientes dans le gène RANKL. Ces souris ont présenté une ostéopétrose sévère et l’absence complète d’ostéoclaste. Le récepteur de RANKL est RANK. RANK est une protéine transmembranaire qui appartient à la famille des récepteurs du TNF. Dans l’os, RANK est uniquement exprimé dans les ostéoclastes. Dans les autres tissus RANK est surtout exprimé dans les fibroblastes, les cellules dendritiques et les lymphocytes T et B. RANK est essentiel à la différenciation et à la survie des ostéoclastes. L’ostéoprotégérine (OPG) est appelée aussi récepteur leurre. Elle se lie à RANKL et empêche son action. OPG appartient à la famille des récepteurs du TNF. Dans l’os, OPG est synthétisée par les cellules de la lignée ostéoblastique. Sa sécrétion augmente d’autant plus que le degré de différenciation des cellules est élevé. In vitro, OPG inhibe la différenciation, la survie et la fusion des précurseurs des ostéoclastes. Elle inactive les ostéoclastes matures et accélère leur apoptose. In vivo, les souris qui surexpriment le gène OPG, développent une ostéopétrose sévère et les souris déficientes, une grave ostéoporose. OPG et RANKL ont donc des effets inverses sur l’ostéoclastogénèse. Toutes les hormones et les facteurs locaux qui agissent sur les ostéoclastes ont une action sur le système RANKL, RANK et OPG. C’est le cas de PTH et de la vitamine D. Les cytokines inflammatoires IL 1 et TNF augmentent la destruction osseuse en stimulant la synthèse de M-CSF et de RANKL par les précurseurs ostéoblastiques médullaires, ce qui renforce le nombre et l’activité des ostéoclastes. L’expression de RANKL est également stimulée par IL6 et les gluco-corticoïdes. TGF-, oestrogènes et BMP augmentent l’expression d’OPG. RANKL et OPG sont donc les clés du système agoniste/antagoniste qui régule le devenir des ostéoclastes : différenciation, fusion, activation, survie, apoptose. c) Mécanisme de la résorption osseuse L’ostéoclaste fonctionne de manière cyclique, alternant des phases migratoires le long de la surface osseuse et des phases de résorption active créant des lacunes osseuses. L’acquisition d’une bipolarité phénotypique et fonctionnelle est essentielle à la fonction de résorption osseuse de l’ostéoclaste. Le pôle apical est en regard de la matrice osseuse. Il comprend la sealing zone (zone d’attachement), et délivre par la bordure en brosse (ruffled border) les enzymes lysosomiales et les métalloprotéases qui vont dégrader la matrice. La bordure en brosse est aussi le siège d’une sécrétion spécifique de protons (pompe à protons ATPasique) qui acidifie le compartiment de résorption osseuse. Le pôle baso-latéral est en rapport avec le micro-environnement. A ce niveau sont exprimés les récepteurs de facteur de croissance et les intégrines qui assurent le contact avec les cellules stromales médullaires. Ce pôle a pour fonction essentielle le maintien de l’équilibre électrochimique de l’ostéoclaste et il comprend un excréteur d’acide (échangeur Na+/H+) et un excréteur de base (échangeur HCO3-, Cl-) qui acidifie le cytoplasme. Au cours de la résorption osseuse, l’ostéoclaste se déplace le long de la surface osseuse. La motilité des ostéoclastes et leur attachement à la sealing zone sont contrôlés par la réorganisation du cytosquelette d’actine et notamment par la distribution des podosomes qui contiennent un certain nombre de protéines qui sont fréquemment associées au site d’interaction entre deux cellules ou entre une cellule et son substrat et qui sont désignées sous le terme de plaques d’adhérence focale ou focal adhésion. Les podosomes sont localisés au bord antérieur de la cellule motile, ils se concentrent en un anneau périphérique d’actine très caractéristique dansla zone de contact avec l’os permettant d’isoler la vacuole de résorption de l’environnement. Dans ces sites d’adhérence on retrouve également de nombreuses molécules impliquées dans la transduction du signal tel que c-Src, Pyk2 ou FAK (focal adhésion kinase), PI3 kinase. Ces molécules jouent un rôle déterminant dans l’assemblage et le désassemblage des structures d’adhérence, processus nécessaire à la migration cellulaire. Pour qu’une cellule soit mobile, elle doit pouvoir alterner rapidement attachement, détachement de son substrat. Cette propriété repose sur certains récepteurs membranaires en particulier les intégrines. A ce jour le récepteur de la vitronectine (53) est l’intégrine déterminante pour l’adhérence, la motilité et l’activation de l’ostéoclaste. Le proto-oncogène c-Src semble également jouer un rôle déterminant dans la migration de l’ostéoclaste et la résorption osseuse. Son action est liée aux voies de signalisation des intégrines et de la molécule Pyk 2, tyrosine kinase activée directement par l’intégrine 53 (récepteur de la vitronectine). d) Apoptose et contrôle de la résorption osseuse Comme nous l’avons indiqué l’ostéoclaste fonctionne de manière cyclique (phases migratoires le long de la surface osseuse/ phases de résorption active). Après un nombre probablement déterminé de cycle, l’ostéoclaste entre dans une phase d’apoptose et disparaît. Ce rôle de l’apoptose dans la régulation de la résorption osseuse, via le nombre d’ostéoclastes, est clairement établi à l’heure actuelle. L’action anti-ostéoclastique des oestrogènes semble s’exercer par l’induction de l’apoptose ostéoclastique via l’activation du TGFβ. Les agents thérapeutiques anti-résorbants, comme les biphosphonates semblent également agir en induisant l’apoptose des ostéoclastes. e) Rôle de la calcitonine La calcitonine sécrétée par les cellules de la thyroïde est l’une des rares hormones qui agit directement sur les ostéoclastes. Elle a une action anti-résorption, en inhibant la fonctionnalité des ostéoclastes et en accélérant leur apoptose. CONCLUSION Le remodelage osseux est gouverné par des processus complexes où interviennent des facteurs locaux et systémiques inter-dépendants, des lignées cellulaires en constante différenciation et recrutement, des contacts cellules-cellules et cellules-matrice extracellulaire. Les cellules ostéoblastiques du stroma-médullaire avec RANKL seraient les principaux responsables de l’orchestration du site de destruction et de formation de la matrice osseuse. Beaucoup de questions restent encore en suspens. Les progrès dans la compréhension de ces processus permettront de mieux appréhender les mécanismes de pathologies osseuses et d’identifier de nouvelles cibles pour le développement de stratégies thérapeutiques.