Chirurgie prophylactique des lipomes du cône terminal : Mythe ou

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Chirurgie prophylactique des lipomes du cône terminal :
Mythe ou réalité ? Considérations éthiques
En 1995, nous rapportions notre expérience des lipomes du cône terminal{Pierre-Kahn, 1995
#333} et mettions en doute le bien-fondé des interventions systématiques à visée
« prophylactique », dogme à l’époque largement admis. Nous montrions en effet que le risque
de développer un trouble neurologique dans les 15 ans suivant ces interventions avoisinait
50%, observation d’ailleurs confirmée ultérieurement par d’autres équipes{Chumas, 2000
#186; Cochrane, 2000 #180; Colak, 1992 #422; Sutton, 1995 #322; Wu, 1998 #960}. Trois
raisons nous ont alors conduit à changer d’attitude thérapeutique pour ne plus opérer que les
enfants symptomatiques: d’une part, ces résultats, d’autre part la notion que les risques
d’aggravation neurologique postopératoire n’étaient pas négligeables, enfin notre
méconnaissance du niveau des risques d’aggravation neurologique spontanée. En 2001
{Huttmann, 2001 #162}, une seconde publication montrait, à partir d’une série de 54 patients
asymptomatiques et non opérés, que leur devenir à 5 ans de recul ne différait pas
significativement de celui observé dans notre première série de patients où tout enfant
asymptomatique était systématiquement opéré. Ce résultat nous autorisait à poursuivre dans la
même voie, mais le recul n’était pas encore suffisant pour conclure. L’objet du présent article
est de donner maintenant nos résultats à 10 ans et une vision du pronostic réel des lipomes du
cône terminal. Son objet est également de comparer l’état fonctionnel final des patients opérés
en l’absence de troubles à celui des patients non opérés ou seulement du fait d’une
dégradation neurologique.
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Sélection des patients
Les critères d’inclusion ont été : 1) l’existence sur IRM d’un lipome implanté sur le cône
terminal avec ou sans spina bifida, quelque soit le niveau de terminaison médullaire ; 2) un
état neurologique normal et l’absence de complainte à l’exception d’un éventuel préjudice
esthétique lié à des stigmates cutanés de nature dysraphique. L’abolition d’un réflexe ostéotendineux d’un membre inférieur n’a pas été un critère d’exclusion du fait de son extrême
banalité dans le cadre des lipomes et de son absence de conséquence. Les critères d’exclusion
ont été par contre: 1) un lipome du filum isolé ; 2) un déficit moteur, sensitif ou trophique
d’un membre inférieur avec, éventuellement à ce niveau, atrophie d’un groupe musculaire,
déformation d’un pied ou d’un orteil, inégalité de longueur, vivacité ou diffusion d’un
réflexe ; 3) un trouble sphinctérien vésical (incluant des anomalies caractéristiques aux
examens urodynamiques) ou ano-rectal (incluant une constipation opiniâtre, une anomalie du
sphincter anal, une absence de réflexe anal) ; 4) une douleur rachidienne ou d’un membre.
Tous ces enfants ont donc fait l’objet d’examens neurologiques attentifs et répétés selon un
protocole préétabli{Kulkarni, 2004 #103}. Chez le nouveau-né ou le nourrisson le
comportement sphinctérien a été évalué par l’interrogatoire des parents, la recherche
d’infection urinaire et de constipation, l’étude des réflexes anaux et, chaque fois que possible,
un examen urodynamique répété tous les 6 mois jusqu’à l’âge de 2 ans. La pratique d’EMG
des membres inférieurs et du périnée, systématique en début d’étude a été abandonnée par la
suite du fait des douleurs provoquées par l’examen et de la grande difficulté d’interprétation
des résultats. Un score neurologique fonctionnel selon une échelle mise au point dans le
service puis légèrement révisée{Kulkarni, 2004 #103} a été calculé pour chaque patient et à
chaque consultation. Ce score donne des valeurs de 4 pour le pire à 18 pour le meilleur en
appréciant les fonctions motrices et sensitives ainsi que la qualité de la rétention urinaire et
1
stercorale (Tabl 1). Par définition, le score de tous les enfants était maximal au moment de la
première consultation.
Modalités du Suivi
De 1995 à 2007, 108 enfants répondant aux critères d’inclusion ont été rentrés dans une base
de donnée. Aucun n’a été opéré d’emblée. Sur ces 108 enfants, 2 ont été perdus de vue. Les
106 restants (41 garçons, 65 filles) constituent le corps de cette étude. Le motif de la
consultation a été 8 fois la conséquence d’un diagnostic anténatal de lipome ou de
méningocèle, 96 fois l’observation postnatale de stigmates cutanés évocateurs de lésion
dysraphique sous-jacente, au premier plan desquels une masse lombo-sacrée, et 2 fois une
imperforation anale. L’âge à la première consultation était égal ou inférieur à 1 mois dans 84
cas (79,2%), mais supérieur à 1 an dans 22 cas (20,8%). Parmi ces derniers, 9 avaient plus de
5 ans (6 à 21 ans). Ces 9 patients sont tous venus consulter pour des anomalies cutanées
lombosacrées. Certains ont été opérés de leur lipome superficiel par lipo-aspiration. Un bilan
urodynamique a été réalisé chez 44 bébés (41,5%) entre 2 mois et 1 an. La durée moyenne du
suivi a été 6,5 ans.
Le diagnostic de lipome a constamment reposé sur la pratique d’une IRM incluant des coupes
axiales et sagittales, en séquences T1, T2, et injection de gadolinium avec saturation de
graisse. Leur répétition au cours du suivi a été laissée à la discrétion du médecin responsable.
La revue des IRMs pour ce travail n’a été possible que pour 98 patients. La moelle se
terminait en L2-L3 dans 17 cas (17,4%), de L3 à S1 dans 55 cas (56,1%), au dessous de S1
dans 26 cas (26,5%). L’insertion du lipome était de type transitionnel dans 63 cas (64,3%) et
postéro-latéral dans 31 cas (31,6%), indiquant alors la très grande probabilité de racines intralipomateuses {Chapman, 1993 #364; Pierre-Kahn, 1995 #333}. Au lipome coexistait une
méningocèle dans 13 cas (31,6%), une syrinx du cône terminal dans 23 cas (23,5%) et/ou une
myélocèle (hernie médullaire extra-rachidienne) dans 13 cas (31,6%). Des polymalformations ont été constatées chez 12 patients (11,3%) : 9 anomalies rachidiennes autres
qu’un spina bifida, dont 7 agénésies sacrées, 3 malformations des pieds, 7 malformations
périnéales dont 3 sténoses et 2 imperforations anales, 3 malformations viscérales, cardiaque
(n=1), rénale (n=1) et omphalocèle (n=1). Dans l’ensemble, et sur un plan anatomique, la
série étudiée ne diffère en rien de notre série historique où les enfants asymptomatiques
étaient systématiquement opérés {Pierre-Kahn, 1995 #333}.
Toute dégradation du score fonctionnel du fait de troubles de la marche, de déformation d’un
pied ou d’un orteil, de trouble sensitifs, d’une amyotrophie, d’un dysfonctionnement vésical
(clinique, ou urodynamique), d’une constipation opiniâtre, de douleurs rachidiennes ou d’un
membre inférieur a conduit à une intervention à bref délai sur le lipome.
L’objectif de l’intervention a été la libération médullaire, la section du filum en cas de lipome
du filum associé, et la réduction de volume du lipome du cône sans chercher à atteindre
l’interface fibreuse le séparant de la moelle. Son déroulement sous microscope a
constamment utilisé un laser « contact » Diomed delta 700 microns et souvent l’aspirateur à
ultrasons. Aucune des interventions n’a été pratiquée sous contrôle neurophysiologique. La
suture bord à bord de la placode médullaire a dépendu de l’opérateur. Il en a été de même de
l’agrandissement du fourreau dural au moyen d’une plastie dont, en outre, la nature a varié
avec le temps (Gore-tex, Neuropatch®, dure-mère lyophilisée). Pour éviter la création d’un
espace mort, source éventuelle d’une méningocèle postopératoire, de complications cutanées
ou de fuite de LCR et de surinfection, le lipome sous-cutané a généralement été laissé au
moins en partie en place et simplement incisé dans son grand axe jusqu’à parvenir au niveau
du spina bifida. Son reliquat a parfois fait l’objet ultérieur d’une lipoaspiration au gré de la
demande familiale.
2
Traitement statistique
Les données ont été analysées à l’aide du logiciel XL STAT (addinsoft®). La première
donnée étudiée a été le temps écoulé (en mois) entre la première consultation et l’observation
d’une dégradation du score fonctionnel. Ce temps a été comparé à celui observé dans notre
cohorte historique où tous les patients avaient été opérés à titre prophylactique. Les courbes
de survie ont été calculées avec la méthode de Kaplan Meier. L’analyse de survie du délai de
survenue de l’aggravation neurologique a été réalisée à l’aide d’un modèle de Cox. Les
variables indépendantes suivantes ont été testées : chirurgie préventive (oui/non), âge du
patient au diagnostic (mois). Le modèle multivarié a été utilisé pour estimer un intervalle de
confiance de 95% et le risque relatif de chaque variable. Un test de Wald a servi pour estimer
le risque de survenue d’un évènement à une significativité à 0,05. Des analyses secondaires
ont également été effectuées en utilisant le test de CHI 2: comparaison de la décroissance du
score fonctionnel entre la série historique et la présente série, décroissance du score
fonctionnel en fonction de l’existence ou non d’une agénésie sacrée, de l’âge au diagnostic,
du type d’insertion du lipome, de l’existence d’une syringomyélie
RÉSULTATS
Evolution anatomique
Chez 4 enfants, le lipome a régressé en l’absence de tout amaigrissement{Kulkarni, 2004
#77} jusqu’à quasi disparaître chez l’un d’eux. Dans 2 cas, cette régression n’a pas empêché
la survenue secondaire de troubles neurologiques, lesquels ont conduit à une intervention.
Dans un de ces deux cas, le lipome était en majorité extra dural. Chez un cinquième enfant la
moelle, apparemment non « tendue » sur la première IRM, prenait la corde des courbures
rachidiennes sur les IRM ultérieures sans que pour autant l’enfant devienne symptomatique.
Une syringomyélie est apparue ou s’est étendue dans 9% des cas. Dans tous les autres cas, les
anomalies observées sur la première IRM sont restées stable d’un examen à l’autre.
Détérioration neurologique
Après 10 ans de recul, 73 patients sont restés asymptomatiques (68,9%). Les autres (n=33;
31,1%) ont développé un trouble clinique et, de ce fait, ont été opérés. L’aggravation clinique
est survenue dans un délai moyen et médian de 24 mois (6 mois à 3,2 ans). Les principaux
symptômes ont été, par ordre décroissant, sphinctériens (n=22), vésical ou ano-rectal, moteurs
au niveau d’un pied ou d’une jambe (n=14), trophiques ou dysmorphiques au niveau d’un
pied ou d’un mollet (n=9), algiques au niveau lombaire et/ou radiculaire (n=7) ou sensitifs à
type d’hypoesthésie ou de dysesthésie (n=5). Ces troubles se sont développés lentement sur
des mois chez 30 patients, mais rapidement sur quelques semaines chez les 3 autres. Aucune
aggravation n’a été d’apparition aigüe. Aucune n’a été observée après l’âge de 10 ans. La
probabilité de détérioration neurologique à 15 ans est de 12%, inférieure à celle observée
après chirurgie systématique (46%), mais cette différence n’est pas statistiquement
significative (p<0.19) (Fig. 2).
Résultats opératoires
Les troubles pré-opératoires ont totalement régressé (score=18) chez 17 patients (51,5%), en
majeure partie chez 2 (scores=16/17), et discrètement ou pas du tout chez 10 (30,3%) lesquels
ont gardé des déficits invalidants (scores<16). Les 4 derniers patients ont été soit aggravés du
fait de l’opération (n=2), soit ont continué à se détériorer en dépit de la chirurgie (n=2). Cette
détérioration s’est d’ailleurs poursuivie chez les deux en dépit d’une réintervention. Dans ces
4 cas, la chirurgie a été particulièrement difficile du fait d’adhérences multiples et de racines
3
intra-lipomateuses, et n’a pu conduire à une libération médullaire satisfaisante. Tous ces
enfants avec une atteinte mixte vésicale et sphinctérienne. Leur score préopératoire était
respectivement de (13, 14, 14, 15) .
État fonctionnel
Au terme de l’étude, 90 enfants sont neurologiquement normaux (84,9% ; score=18), dont 17
à la suite d’une intervention. Deux enfants ont des déficits discrets non réellement invalidants
si bien que sur l’ensemble de la série, 92 enfants (86,7%) mènent une vie normale. Les
douleurs ont constamment disparu après intervention. Les troubles sphinctériens ont été les
plus difficiles à faire régresser. La Fig 2 montre que la probabilité d’être asymptomatique à 15
ans (score=18) est plus grande dans la série présente (82%) que dans la série historique
(60%). Il en est de même pour celle de mener une vie normale (score ≥16) respectivement
91% et 70% (Fig3) . Dans les deux cas, cette différence n’est cependant pas significative
(respectivement, p<0.19 et p<0.26).
DISCUSSION
Un traitement prophylactique doit répondre à 3 conditions nécessaires et suffisantes: 1)
s’attaquer à une affection aux complications fréquentes et sévères, 2) être bénin ou seulement
responsable de troubles légers et réversibles, 3) prévenir l’affection ou ses complications ou,
au pire, en réduire les risques spontanés. Tout traitement « préventif » ne répondant pas à ces
critères sort du champ éthique et doit donc être prohibé.
La chirurgie « prophylactique » des lipomes, initiée par Lassman et James en 1964{Lassman,
1967 #951}, obéit-elle à ces principes? Il est permis d’en douter bien que cette attitude soit
encore celle de nombreux neurochirurgiens pédiatres.
Trois observations étayent ce doute.
 1) Comme nous le montrons dans la présente étude, la survenue de troubles
neurologiques évolutifs n’affecte qu’une minorité de patients et non pas leur très grande
majorité comme cela a été écrit en l’absence de toute étude prospective et statistique {Bruce,
1979 #755; Lapras, 1985 #638; McLone, 1986 #596; Pang, 1982 #701}. L’inexorabilité de
l’aggravation neurologique clamée par beaucoup est donc un aphorisme faux. Les courbes
actuarielles de survie dans notre série avec maintenant 10 ans de recul confirment celles déjà
présentées à 5 ans de recul{Kulkarni, 2004 #103} et montrent qu’un tiers seulement des
enfants asymptomatiques non opérés deviennent symptomatiques. Plus encore, elles montrent
que le risque de dégradation neurologique affecte surtout les enfants avant l’âge de 2 ans pour
diminuer par la suite et devenir négligeable passé l’âge de 10 ans. Au plan
physiopathologique, on a souvent incriminé la croissance comme facteur déterminant de
tension médullaire et d’aggravation clinique. Si tel était le cas, un pic d’aggravation
neurologique devrait être observé aux alentours de la puberté ce qui n’est pas. Le pic
d’aggravation neurologique avant 2 ans soulève même la question de savoir si ces enfants
n’étaient pas porteurs en fait de déficits préexistants passés inaperçus.
À la question de savoir si le lipome malformatif lombo-sacré représente une pathologie grave,
à coup sûr évolutive et à terme sévèrement handicapante, on peut répondre par la négative.
 2) Le traitement chirurgical des lipomes n’est simple et bénin{Pierre-Kahn, 1997
#269} que dans le cas des lipomes du filum où les racines sont constamment normales, faciles
à identifier et à respecter. Il en est tout autre des lipomes du cône terminal : la chirurgie y est
le plus souvent difficile et complexe, parfois impossible à mener à son terme sauf à prendre
des risques inconsidérés. La raison en est l’insertion du lipome sur la moelle, la fréquence
d’adhérences souvent très denses fixant la moelle aux tissus avoisinants, la difficulté, parfois,
à distinguer les racines des adhérences, l’absence possible de dure mère alors remplacée par
4
des trousseaux musculaires se fixant à même la moelle et surtout la fréquence (45% dans
notre expérience) d’une insertion postéro latérale du lipome sur la moelle avec, pour
conséquence, la présence de racines intra-lipomateuses courtes{Chapman, 1982 #715; PierreKahn, 1997 #269}. Dans toutes les séries le risque de complications postopératoires, en
particulier sphinctériennes, n’est pas négligeable,: près de 4% dans notre expérience, 9% en
moyenne dans la littérature {Maher, 2007 #17; Kasliwal, 2007 #22; Finn, 2007 #2; Yamada,
2004 #91; Dorward, 2002 #138; Huttmann, 2001 #162}. L’utilisation du monitoring électro
physiologique per-opératoire n’est pas la garantie d’une chirurgie sans risque comme nous
l’avons constaté après revue de notre première série. Si le monitoring aide à distinguer les
racines motrices des adhérences, il est moins performant pour les racines sensitives, en
particulier sphinctériennes. De plus, il n’est malheureusement qu’un moyen de contrôle
discontinu. Pour toutes ces raisons nous avons cessé de l’utiliser après 1995. Ainsi, tout
oppose les lipomes du filum et du cône, au point qu’étudier ensemble dans une même étude
ces deux types de lésions sans les distinguer aboutit à rendre ce travail illisible et
ininterprétable.
À la question de savoir si la chirurgie des lipomes est un traitement bénin, on peut répondre
par l’affirmative pour ce qui concerne les lipomes du filum, mais on doit répondre par la
négative pour ce qui concerne les lipomes du cône.
 3) Le pronostic de la malformation est il amélioré par une libération médullaire
« préventive » ? Notre travail de 1994 {Pierre-Kahn, 1995 #333}puis ceux d’autres équipes
{Steinbok, 2006 #44; La Marca, 1997 #279; Colak, 1992 #422}en faisaient douter toutes ces
séries montrant chez les enfants opérés en l’absence de symptômes un risque actuariel
d’aggravation neurologique des enfants asymptomatiques opérés avoisinait 50% à 15 ans. La
méconnaissance, alors, de l’histoire naturelle de ces lésions empêchait toutefois de savoir si la
chirurgie avait un effet positif, nul, voire négatif. Maintenant que cette histoire est connue, on
peut dire sans se tromper que la chirurgie n’influence pas le génie évolutif des lipomes du
cône terminal. Bien que la différence ne soit pas significative, on peut même observer que,
dans nos séries, le risque d’aggravation neurologique est supérieur après chirurgie
systématique qu’en son absence. Il est fort possible que cette différence s’explique et par les
complications de la chirurgie, et par les adhérences se développant à son décours.
La chirurgie prophylactique est donc un mythe et un mythe dangereux puisque la chirurgie
l’est elle-même. De plus en plus de neurochirurgiens en sont maintenant convaincus et
récusent l’indication chirurgicale en l’absence de symptomes. Cela évidemment ne signifie
pas que la chirurgie n’ait pas sa place Elle s’impose chez les enfants déficitaires, encore que
l’on puisse s’interroger sur son intérêt en présence de troubles congénitaux dont on sait qu’ils
ne régresseront pas.. En présence de trouble évolutif la chirurgie s’impose même
rapidement.C’est sans doute, la rapidité avec laquelle nous sommes intervenus au moindre
trouble qui fait que 57,5% des opérés mèment une vie normale. Comme dans toutes les autres
séries, la douleur est le symptome le plus à même de régresser ; inversement le syndrome
neuro-orthopédique ne peut que s’aggraver avec le temps du simple fait de la croissance.
Ces bons résultats ne doivent cependant masquer ni le risque d’aggravation postopératoire ni
la persistance possible de troubles neurologiques évolutifs en dépit de l’intervention. Ces
revers ont concernés 4 enfants dans notre série. Chez tous la libération médullaire s’est
révélée impossible du fait d’adhérences ou de racines intralipomateuses. Chez deux d’entre
eux, la poursuite de cette aggravation neurologique peut probablement aussi s’expliquer par
l’existence d’une myélodysplasie sous-jacente, évolutive pour son propre compte et sur
laquelle la chirurgie n’a pas prise.
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Il a été souvent dit que les adhérences se développent avec l’âge rendant la chirurgie plus
difficile. Cette dernière explication ne nous paraît pas plausible.Nous n’avons pas observé de
différence en terme de complications chirurgicales en fonction de l’âge.
“Les spinas bifida avec tumeurs forment une classe tout à fait à part . L’intérêt est de savoir si
l’intervention précoce serait capable d’éviter l’apparition des accidents tardifs. C’est un point
je ne suis pas en mesure de répondre pour l’instant” C’est en ces termes que Leveuf
s’exprimait en 1937 {Leveuf, 1937 #953}. La présente série lui apporterait la réponse,
montrant que la chirurgie préventive est une chimère.
Ces informations sont importantes maintenant que se développe le conseil anténatal. Elles le
sont d’autant plus dans les pays comme le nôtre qui autorisent l’interruption de grossesse à
tout moment de la gestation dès lors que le pronostic d’une lésion est jugé par trop péjoratif.
Dans le cas des lipomes du cône terminal, il est donc crucial de pouvoir rassurer les parents en
leur annonçant un pronostic qui a les plus grandes chances d’être bon. Deux difficultés
persistent néanmoins. La première est diagnostique, le lipome étant souvent confondu avec
une méningocèle , mais l’erreur éventuelle est en réalité de peu d’importance, le pronostic des
deux anomalies étant proche. La seconde est pronostique, puisque nous ignorons les
paramètres anatomiques qui laisserait craindre l’existence de troubles neurologiques,
congénitaux ou d’apparition postnatale.
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