Tumeur s osseuses et des tissus mous Lipome qui grossit : bénin ou malin ? Growing lipoma: begnin or malignant lesion? ● M. Trappe, D. Lardé* LIPOME BÉNIN Le lipome bénin superficiel est très souvent de découverte fortuite par le patient, avec la palpation d’une masse ovalaire souscutanée, plus ou moins molle, de moins de 5 cm dans 80 % des cas. Les douleurs sont peu fréquentes et les compressions nerveuses rares, retrouvées surtout dans les lipomes profonds ou les lipomes intra- ou intermusculaires. Le bilan radiographique standard est peu contributif (fonction de la localisation et des paramètres utilisés). Un épaississement des corticales de voisinage est parfois observé et, de façon exceptionnelle, une érosion osseuse de contiguïté. Dans une majorité de cas, l’échographie est l’examen de référence pour le diagnostic des lipomes superficiels et des extrémités. Elle montre une formation ovalaire ou allongée, bien limitée, à grand axe parallèle au plan cutané. Son échogénicité est variable en fonction des interfaces entre le tissu graisseux et les éléments conjonctifs. Elle apparaît hypoéchogène (figure 1a) ou, de façon plus caractéristique, hyperéchogène (figure 1b), avec une structure homogène ou discrètement hétérogène. Déformable de façon modérée sous la pression, cette lésion tissulaire est toujours avasculaire (vaisseaux comprimés par les adipocytes). a b Figure 1a. Lipome bénin superficiel typique : formation ovalaire hypoéchogène, bien limitée, du tissu cellulo-graisseux sous-cutané (face postérieure de l’épaule gauche), à grand axe parallèle au plan cutané. Figure 1b. Lipome bénin superficiel de la face palmaire du deuxième doigt de la main droite : masse ovalaire hyperéchogène, bien limitée, de structure homogène et à grand axe parallèle au plan du tendon fléchisseur. * Cabinet de radiologie, Créteil. 8 Dans les lipomes profonds (figure 2), le rôle de l’échographie est très limité ; le scanner et l’IRM constituent en revanche des examens de choix. Au scanner, on retrouve une masse bien limitée et homogène (figures 3 et 4, figures 5a et 5b), avasculaire, de densité basse négative (de – 60 UH à – 130 UH). Très rarement, elle présente des calcifications (figure 7c) témoignant de phénomènes de nécrose lipoïque ou d’ossification métaplasique. Figure 2. Lipome bénin profond de la fosse sous-épineuse droite : formation tissulaire hypodense (densité graisseuse) de contour polylobé régulier inclus dans le muscle avec une érosion du col de la glène. À l’IRM, cette formation apparaît hyperintense en pondération T1 (figure 6a), de signal intermédiaire en T2 et hypo-intense (figure 6b) sur toutes les séquences utilisant la suppression du signal graisseux (Fat Sat) ou l’inversion-récupération à T1 court (STIR). Figure 3.Lipome bénin de l’éminence thénar droite : masse hypodense homogène, bien limitée, moulée sur les tendons fléchisseurs. a Figure 4.Petit lipome bénin de la face palmaire du deuxième espace interdigital :nodule hypodense bien limité interposé entre les tendons fléchisseurs. b Figures 5a et 5b. Lipome bénin profond du grand fessier droit : formation tissulaire ovalaire hypodense et bien limitée. La Lettre du Rhumatologue - n° 325 - octobre 2006 Tumeur s osseuses et des tissus mous a b LIPOME MALIN OU LIPOSARCOME Le diagnostic de lipome malin ou liposarcome (tumeurs d’origine mésenchymateuse représentant 12 % à 18 % des tumeurs malignes des parties molles) repose sur l’imagerie en coupes, scanner et IRM. Figures 6a et 6b. Lipome bénin typique en IRM de la face palmaire de la main droite :formation tissulaire de contour régulier en hypersignal intense homogène en pondération T1, et en hyposignal en pondération T1 avec Fat Sat. Dans la majorité des cas, le signal IRM est identique ou proche de celui de la graisse sous-cutanée. Après injection intraveineuse de gadolinium, on n’observe pas de prise de contraste. Certains lipomes (lipofibromes) peuvent présenter de fines cloisons fibreuses de moins de 2 mm (hypo-intenses sur toutes les séquences) ou des travées fibroconjonctives et vasculaires se rehaussant modérément après injection de gadolinium. Certaines variantes méritent d’être connues : le fibrolipome neural développé dans le nerf médian dans 85 % des cas (paresthésies et syndrome du canal carpien chez l’adulte jeune) infiltre l’épinèvre et le périnèvre du nerf, avec, à l’IRM, une auga mentation de taille du nerf et la présence de tissu graisseux dissociant les fibres nerveuses (aspect de “paquet de spaghettis”). L’hibernome (formé de graisse brune), le lipome arborescent (hyperplasie de la synoviale et du tissu graisseux) et le lipome parostéal développé à la surface des corticales (figures 7a, 7b et 7c) b sont plus rares. Leur évolution étant lente et discontinue, tout lipome qui grossit ne signifie pas une éventuelle transformation sarcomateuse. L’augmentation de taille ne peut être le seul critère de malignité. c Figures 7a, 7b et 7c. Volumineux lipome parostéal au contact de la diaphyse fémorale droite : lésion tissulaire “borderline” ovalaire de plus de 10 cm de grand axe, de structure hétérogène constituée de plages hypodenses plus ou moins bien limitées (contingent graisseux estimé à 85 %), de calcifications dystrophiques polymorphes et de travées fibroconjonctives parfois épaisses (plus de 2 mm). La Lettre du Rhumatologue - n° 325 - octobre 2006 En effet, la symptomatologie clinique est pauvre, les douleurs et l’altération de l’état général ne se révèlent que tardivement. Le bilan radiographique met en évidence une masse de tonalité plus ou moins graisseuse, parfois associée à des calcifications polymorphes, à une érosion corticale ou à une réaction périostée. Parmi les critères discriminants dans les formes histologiques les plus fréquentes (le liposarcome bien différencié et le liposarcome dédifférencié représentent 56 % des cas), on retiendra la taille de plus de 10 cm, un contingent graisseux inférieur à 75 % (figures 8a et 8b), la présence de zones tissulaires nodulaires non spécifiques, de calcifications polymorphes, des septas et des travées épaisses de plus de 2 mm, une prise de contraste hétérogène parfois intense et des plages nécrotiques pseudo-kystiques importantes, en hyposignal T1 et en hypersignal T2 (liposarcome myxoïde avec un contingent graisseux peu important). Devant certaines lésions trompeuses à forte composante graisseuse, simulant un lipome bénin, on recherchera attentivement des cloisons épaisses et irrégulières, et surtout des plages tissulaires non spécifiques à la périphérie de la tumeur, se rehaussant après injection de gadolinium. a b Figures 8a et 8b. Liposarcome du muscle vaste intermédiaire gauche : formation tissulaire mal limitée infiltrant le muscle de signal intermédiaire non spécifique avec un contingent graisseux peu important (estimé à 10 % de la masse) en hyposignal en pondération T1 avec Fat Sat (visible en périphérie de la lésion) et un rehaussement hétérogène après injection de gadolinium. 9 Tumeur s osseuses et des tissus mous Les liposarcomes pléomorphes et à cellules rondes, de mauvais pronostic, se présentent comme des tumeurs hétérogènes en partie nécrosées, mal délimitées et hypervascularisées, avec un contingent graisseux difficile à identifier et des métastases (poumon, plèvre, os, etc.) souvent présentes dès le diagnostic. LE DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL Il se pose dans des circonstances variées : – l’involution lipomateuse des structures musculaires et la collection hématique (hypersignal T1 sur les séquences avec suppression de graisse) sont facilement reconnues ; – l’élastofibrome (localisation élective à la paroi thoracique dorsale en regard de la scapula) présente une architecture caractéristique composée d’une alternance de couches fibreuses et adipeuses. L’échographie (stries hyperéchogènes), le scanner et l’IRM permettent d’affirmer le diagnostic devant l’aspect carac- N OUVELLES téristique fibrillaire et fasciculé avec des couches fibreuses en hyposignal T1 et T2. La prise de contraste après injection de gadolinium est variable, parfois intense ; – la tumeur primitive ou secondaire à mélanine est en hypersignal T1, avec également un hypersignal en EG T2 et sur les séquences avec suppression de graisse ; – le sarcome à cellules claires, en fonction de sa teneur en mélanine, présente un signal en pondération T1 supérieur à celui du muscle, un signal variable en pondération T2 et surtout un rehaus■ sement intense après injection de gadolinium. Po u r e n s av o i r p l u s . . . ❒ Fusch A, Henrot P, Walter F et al. Tumeurs graisseuses des parties molles des membres et des ceintures de l’adulte. J Radiol 2002;83:1035-57. ❒ Peterson JJ, Kransdorf MJ, Bancroft LW, O’Connor MI. Malignant fatty tumors: classification, clinical course, imaging appearance and treatment. Skeletal Radiol 2003;32:493-503. D E L’ I N D U S T R I E P H A R M AC E U T I Q U E Communiqués des conférences de presse, symposiums, manifestations organisés par l’industrie pharmaceutique Étude STOPP : Chondrosulf® confirme son efficacité à 2 ans Les premiers résultats de l’étude STOPP (STudy on Osteoarthritis Progression Prevention) ont été présentés dans le cadre du congrès de l’EULAR qui s’est déroulé du 20 au 24 juin dernier à Amsterdam. Cet essai clinique prospectif multicentrique constitue la quatrième partie d’un vaste programme de recherche mené avec Chondrosulf® (Laboratoires Genévrier/Ibsa) dans la gonarthrose. Cet essai randomisé en double aveugle a comparé un traitement par chondroïtine sulfate à un placebo chez 622 patients âgés de 62 ans en moyenne ayant une gonarthrose symptomatique. Le critère principal d’évaluation était la réduction de hauteur de l’interligne articulaire à 2 ans. Les critères secondaires étaient la douleur mesurée par l’EVA et la composante dou10 leur du WOMAC, la consommation de paracétamol et le recours aux AINS. La lecture des clichés effectués en position “schuss” a été réalisée par un examinateur entraîné à l’aide d’un analyseur automatique d’images numérisées. Les clichés ont été effectués au moment de l’inclusion, puis à 12, 18 et 24 mois. L’évaluation clinique a été réalisée à intervalles rapprochés par un même examinateur pour chaque patient, à distance de la prise d’antalgiques ou d’AINS. Au cours des deux années de suivi, 33,3 % des patients du groupe chondroïtine sulfate et 34,2 % des patients du groupe témoin ont arrêté leur traitement. Les données radiographiques à 2 ans montrent une différence significative en faveur de la chondroïtine sulfate (p < 0,0002) pour la hauteur de l’interligne articulaire au point de pincement maximal. La perte moyenne de hauteur de l’interligne articulaire est de 0,10 ± 0,03 mm dans le groupe Chondrosulf® contre 0,24 ± 0,03 mm à 2 ans dans le groupe placebo (analyse en intention de traiter). Les résultats en analyse per protocole sont comparables : la différence de pincement articulaire est statistiquement significative en faveur de Chondrosulf® dès le 18e mois de traitement (0,14 mm versus 0,21 mm ; p < 0,009). Une diminution significative de la douleur pour les patients traités par Chondrosulf® est notée entre J1 et M9. La tolérance globale rapportée par les patients et les examinateurs est bonne, sans différence entre les deux groupes. L’ensemble de ces résultats est superposable à ceux obtenus par les essais cliniques du programme international de recherche, notamment ceux de la Zurich Study (B.A. Michel), et suggèrent qu’un traitement par Chondrosulf® donné pendant deux ans ralentit significativement la progression de l’arthrose du genou. Dr Catherine Bailly La Lettre du Rhumatologue - n° 325 - octobre 2006