un cas inhabituel de syndrome de la moelle attachée à

Rachis, 1996, vol. 8, nO 5pp 279-282 FAIT CLINIQUE
UN CAS INHABITUEL DE SYNDROME DE LA MOELLE
ATTACHÉE ÀRÉVÉLATION TARDIVE
AN UNUSUAL CASE OF LATE ONSET TETHERED CORD
SYNDROME CASE REPORT
L. VENAT, M. COUTURAUD, 1.NEGRIER, P. BERTIN, J.J. MOREAU**,
MP. BONCOEUR-MARTEL*, R. TREVES
'Service de radiologie C.H.U. Dupuytren, 2avenue Martin Luther King 87042 Limoges
"Service de rhumatologie, Service de neuro-chirurgie
RESUME SUMMARY
Le syndrome de la moelle attachée est une pathologie
mal connue des services de rhumatologie; les lipomes
malformatifs intra-rachidiens sont habituellement
diagnostiqués dans la jeune enfance. Nous en
. rapportons un cas révélé tardivement chez une patiente
de 72 ans, par une sciatalgie droite pluri-radiculaire,
sans déficit moteur ni trouble sphinctérien. L'I.R.M. est
l'imagerie la plus performante dans les dysraphies,
objectivant une moelle anormalement basse fixée par
un lipome intra-dural, constituant le fait anatomique
majeur de l'évolution des troubles neurologiques.
Classiquement, on observe des facteurs déclenchants
dans 60 %des cas, favorisant l'apparition ou
l'aggravation des manifestations neurologiques.
Cliniquement, ce syndrome se manifeste par des
troubles neuro-orthopédiques associant des déficits
sensitivo-moteurs, des atteintes trophiques des
membres inférieurs et des troubles sphinctériens. Chez
l'adulte, la douleur est le symptôme principal dans 80%
des cas. Les résultats de la chirurgie sont variables,
décevants pour les troubles sphinctériens et les déficits
mais satisfaisants pour la douleur.
Mots clés: Lipome- Moelle attachée - Révélation tardive - Sciatalgie -
Résonance magnétique nucléraire.
279
The tethered cord syndrome is an entity poorly known by
rheumatologists and urologists. Malformative intraspinal
lipomas are usually diagnosed in infants. We report here
a case of tethered cord syndrome with late onset in a 72
year old woman presenting with right non-dermatomal
sciatalgia free of motor deficit or sphincter dysfunction.
Magnetic resonance imaging is an excellent non-invasive
technique exploring congenital anomalies of the spinal
cord, showing low conus medullaris adherent to an intra-
duraI lipoma leading to the outcome of neurological
disorders. ln 60% of cases, patients present with specifie
circumstances, leading to onset or worsening of
neurological disorders. Several features in the clinical
presentation should alert physicians as to the diagnosis of
the tethered cord syndrome. These include manifestations
suggesting underlying dysraphic state, and static
sensitivo-motor deficits, spinal orfoot deformities dating
from childhood, and cutaneous stigmata lumbo sacral,
present in 50% of adult patients. Diffuse and non-
dermatomal leg pain often referred to the anorectal
region is the most common presenting symptom, found in
80% of adult patients. Surgical management reduces pain
but produces poor results with respect to sphincter
dysfunction and inconstant results with regards to
neurological deficits. Early and adequate release of the
tethered conus are the keys to successful management. ln
our case, medical management by anodyne drugs led to
favorable outcome, and surgery was not required.
Keys words :Lipoma - Tethered cord - Sciatalgia - Magnetic resonance
imaging - Adult onse!.
L. VENAT, M. COUTURAUD, 1. NEGRIER, P. BERTIN, J.J. MOREAU, M.P. BONCOEUR-MARTEL, R. TREVES
Le syndrome de la moelle attachée est une malformation
congénitale secondaire à un développement anormal du
tube neural, diagnostiquée habituellement dans la jeune
enfance, d'autant plus précocement qu'il existe un syndro-
me cutané lombo-sacré associé (2,7). Nous rapportons une
observation de syndrome de la moelle attachée à révélation
tardive du fait de sa rareté et de l'intérêt de l'iconographie,
en le confrontant aux données de la littérature.
OBSERVATION
Il s'agit d'une femme âgée de 72 ans hospitalisée pour une
sciatalgie droite pluriradiculaire évoluant depuis six mois.
L'interrogatoire ne révèle aucun antécédent notable ni fac-
teur déclenchant. La douleur est intense et insomniante. Il
n'y a pas de signe de conflit disco-radiculaire et le syndro-
me rachidien est modéré, l'indice de Schober étant à 10+2
centimètres. Il n'y a ni syndrome cutané lombo-sacré, ni
déficit moteur, ni trouble sphinctérien, en dehors d'une
constipation opiniâtre sans défécation douloureuse. Le
réflexe achilléen droit est aboli et il existe une hypoesthésie
mal systématisée du membre inférieur droit sans anesthésie
en selle. Il n'y a pas de syndrome inflammatoire biolo-
gique, la calcémie et l'électrophorèse des protéines sont
normales. Les radiographies standards mettent en évidence
des discopathies dégénératives lombaires étagées prédomi-
nant à l'étage L5S1 avec hyperostose vertébrale. Demandée
devant l'inefficacité du traitement médical, la saccoradicu-
lographie montre un élargissement du fourreau durai en
regard des corps vertébraux de L3 et L4 et permet par
Figure 1:
ScanNer lombaire centré sur L3L4 sans injection de produit de contraste:
on visualise un processus intra-canalaire de densité graisseuse (environ -
100 unitées Hounsfield).
280
ailleurs de contrôler le L.C.R. qui est normal. Le scanner
lombaire centré sur L3L4 objecti ve un processus intra-
canal aire de densité graisseuse (figure]). Les explorations
radiologiques sont complétées par une I.R.M. (figures 2a,
2b) confirmant le diagnostic de lipome intra-canalaire. La
lésion semble englober le filum terminal, apparaissant en
Figure 2a:
Coupes I.R.M. sagittales pondérées en TI sans chélate de gadolinium du
rachis dorsolombosacré; TR =450 ms. TE =12 ms. On visualise une
lésion qui prolonge le cône terminal, qui apparaît spontanémment
hyperintense, de signal similaire à la graisse sous cutanée et retro-
péritonéale. La moelle est attachée basse sur le lipome.
Figure 2b:
Coupes I.R.M. sagittales pondérées en T2 rapides (séquence de turbo spin
écho; TR =3340ms.; TE =150ms.). La lésion demeure en hypersignal et
toujours de valeur similaire à celle de la graisse adjacente, ce qui confirme
la nature graisseuse de la lésion décrite dans la figure 2a.
UN CAS INHABITUEL DE SYNDROME DE LA MOELLE ATT ACHÉE ÀRÉVÉLATION TARDIVE
Tl comme une structure hyperintense, allongée, étendue de
L3 àL4, prolongeant le cône terminal et adhérant àla face
postérieure du fourreau duraI. Il s' y associe une moelle
anormalement basse, visible jusqu'en L3. Du fait de l'âge,
de la difficulté de l'acte chirurgical, de l'absence de déficit
et de trouble sphinctérien et surtout de l'évolution favorable
de la douleur sous morphiniques, l'indication chirurgicale
n'est pas retenue
DISCUSSION
Le syndrome de la moelle attachée est une pathologie peu
connue des rhumatologues, plus souvent rencontrée dans
les services de pédiatrie ou d'urologie. Un filum terminal
tendu, épaissi, difficilement identifiable, un cône médullaire
toujours en dessous de L:2, et une moelle collée à la face
postérieure du fourreau duraI par un lipome intra-dural avec
ou sans extension extra-durale, sont les trois principaux élé-
ments anatomiques de ce syndrome (6).
Classiquement, les manifestations cliniques qui incitent à
rechercher une dysraphie n'ont aucune spécificité. Les
trou bles débutent dans l'adolescence ou existent dès
l'enfance sans être invalidants et s'aggravent àl'âge adulte.
On distingue trois syndromes cliniques (5,7)
Le syndrome neuro-orthopédique consiste en des déficits
moteurs, sensitifs, et parfois trophiques des membres infé-
rieurs ànette prédominance distale, couramment unilaté-
raux ou bilatéraux mais très asymétriques. Cliniquement, ce
syndrome se caractérise par une intrication de signes péri-
phériques et centraux et par une anomalie constante des
réflexes osteo-tendineux. Il s'y associe des troubles de la
marche, une dysmorphie du ou des pieds, une amyotrophie,
des troubles vasomoteurs distaux, des anomalies de courbu-
re du rachis. La douleur est le principal symptôme chez
l'adulte (78% des cas dans la série de Pang (5», classique-
ment diffuse, non radiculaire et principalement localisée à
la région ano-périnéale.
Le syndrome cutané lombo-sacré associe le plus souvent
par ordre de fréquence un sinus dermique, une voussure
sous-cutanée, une tumeur pédiculée, une queue de faune ou
un angiome. Ces stigmates cutanés lombo-sacrés sont
absents dans plus de 50% des cas chez l'adulte, alors qu'au
moins un des signes cités ci-dessus est présent dans 90%
des cas chez l'enfant, il est alors révélateur d'une dysra-
phie occulte (5.7).
Les troubles sphinctériens sont fréquents, évalués à 80%.
Les troubles urinaires, conséquences de l'hypertonie vési-
cale, sont plus fréquents que les troubles stercoraux, carac-
térisés par une constipation opiniâtre avec défécation dou-
loureuse (7).
La quasi-totalité des auteurs mentionne la possibilité
281
d'aggravation où d'apparition des troubles neurologiques.
Il s'agit d'une détérioration lente et insidieuse pouvant
débuter à tout âge. La situation basse de la moelle fixée sur
un lipome constitue le fait anatomique majeur, indépen-
damment du siège du lipome (7). Des facteurs déclenchants
tels qu'un traumatisme du rachis, un accident de la voie
publique, une chute sur les fesses, un accouchement sont
mentionnés dans 60% des cas, et précipitent l'évolution
neurologique (5). Il est communément admis que les
lipomes malformatifs sont des lésions stables non évolu-
tives. Il existe cependant des cas une augmentation de
volume de la lésion a été clairement établie. Plusieurs cir-
constances favorisantes ont été rapportées, comme la prise
rapide de poids, la corticothérapie ou encore la grossesse (7).
L'I.R.M. fournit la meilleure imagerie dans les dysraphies
comme dans de nombreuses pathologies médullaires (2,9),
C'est un examen indispensable en préopératoire car le scan-
ner ne permet pas d'étudier les rapports entre la moelle et le
lipome. Le lipome apparaît en Tl comme une structure
spontanément hyperintense, de signal isointense à la graisse
sous-cutanée en Tl comme en T2. Les séquences après
injection de gadolinium n'ont pas d'intérêt car il n'y a pas
de modification du signal. Il faut souligner l'intérêt de
l'I.R,M. dynamique qui permet d'étudier les mouvements
de la moelle épinière et du liquide céphalo-rachidien, gui-
dant l'intervention chirurgicale. Dans les séries combinées,
B.I.N.E.M. et S.N.L.F, 70% des lipomes sont insérés sur le
cône et/ou la moelle terminale, 18% sont des lipomes du
filum, 5% ont une origine mixte et les 7% restant représen-
tent des lipomes médullaires. La hauteur moyenne du lipo-
me est d'environ trois vertèbres. Le niveau inférieur est
sacré dans 90% des cas (entre L5 et S3 dans 90% des cas)
mais la terminaison médullaire semble significativement
plus haute dans les lipomes du filum (7).
L'attitude chirurgicale est mal codifiée. Chez l'adulte, les
résultats sont décevants pour les déficits et les troubles
sphinctériens mais satisfaisants pour la douleur (3,8). Chez
l'enfant, l'attitude va dans le sens d'une intervention systé-
matique et précoce en raison du risque potentiel d'aggrava-
tion neurologique (7).
Notre observation s'intègre assez bien au syndrome de la
moelle attachée décrit chez l'adulte dans la littérature. Son
originalité tient au fait de la révélation tardive, alors que
notre patiente n'avait jamais souffert de troubles neurolo-
giques antérieurement. Le mode de révélation est égale-
ment inhabituel. L'imagerie prend tout son intérêt dans le
diagnostic étiologique d'une sciatalgie chronique atypique
dans son expression clinique et surtout résistante au traite-
ment médical habituel. L'absence d'électromyogramme des
sphincters ne permet pas d'affirmer l'imputabilité des
troubles stercoraux au lipome, en sachant que les troubles
sphinctériens, même infra-cliniques et détectés par le bilan
urodynamique, conditionnent souvent l'attitude chirurgicale.
Aucun facteur déclenchant n'a été noté chez notre patiente,
en dehors d'une fracture de la jambe droite plusieurs
années auparavant.
L. VENA T. M. COUTURAUD. 1.NEGRIER. P. BERTIN, J.J. MOREAU, M.P. BONCOEUR-MARTEL, R. TREVES
CONCLUSION
Il est impossible de connaître l'incidence exacte des
lipomes intra-rachidiens, le nombre des formes asympto-
matiques et donc le risque réel de dégradation neurologique
au cours du temps. Notre observation a l'intérêt de rappeler
que, bien qu'exceptionnelle, la révélation tardive d'un syn-
drome de la moelle attachée est possible chez l'adulte.
RÉFÉRENCES
1.- FLANIGAN Re., RUSSEL DP., WALSH JW.
Urologie aspects oftethered conl.
Urology, 1989; Vol. 33, No. 1: 80-82.
2.- HALL WA., ALBRIGHT AL., BRUNBERG J.A.
Diagnosis oftethered cords by magnetic resonance imaging.
Surg. Neurol. 1988; 30: 60-64.
3.- HELLSTROM W.J.G., EDWW ARDS M.S.B., KOGAN B.A.
Urological aspects of the tethered cord syndrome.
The J. of Urology Vol. 135,317- 320, February 1986.
4.- KAPLAN JO., QUENCER RM.
The occult tethered conus syndrome in the adult.
Radiology 1980;137: 387-391.
5.- PANG D., WILBERGER J.E. JR.
Tethered cord syndrome in adults.
J. Neurosurg. 1982.57: 32-47.
6.- PETIT H., JOMLN M., JULLIOT JP., CARON Je., WAROT
P., LAINE E.
Dysraphie lombo-sacrée et moelle longue de révélation tardive.
Rev. Neurol. (Paris), 1979;135: 427-438.
7.- PIERRE-KAHN A, ZERAH M, RENIER D et coll.
Lipomes malformatif,i' intra-rachidiens.
Société de neurochirurgie de la langue française, rapport du 45°
congrès annuel, Vol. 41, 1995 B.I.N.E.M.: série de 303 patients
suivis soit àl'Hôpital Necker-Enfants-Malades (n=234), soit à
l'Hôpital Bicêtre (n=69).
S.N.L.F: série de 257 patients émanant de services de
neurochirurgie Français ou de pays Francophones.
8.- SATAR N., BAUER SB., SHEFNER J, MD., DARBEY MM.
The effects of delayed diagnosis and treatment in patients with an
occull spinal dysraphism.
The J. ofUrology, 1995; Vol. 154,754-758.
9.- TRACY PT., HANIGAN We.
Spinal dysraphism: use of resonance imaging in evaluation.
Clinical Pediatries, J990: Vol. 29, No. 4: 228- 232.
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !