Allô (B1/2) Didactisation Claudia Uhl (DOC 10 p.)

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Monique Proulx : ALLÔ
Didactisation par Claudia Uhl
La cabine téléphonique est dans une petite rue sans arbres, sans passants, sans rien pour
distraire le regard ou emprisonner l'imagination. Quand il s'enferme là le lundi soir, avec son
carnet d'adresses, il parvient à oublier des quantités de choses déplaisantes, à commencer par
sa propre existence.
Il téléphone. Il téléphone à des femmes qu'il ne connaît pas, ce qui limite passablement les
conversations et constitue, il faut bien l'admettre, un geste répréhensible puni par la loi.
Il procède toujours méthodiquement, car on n'arrive nulle part, autrement, dans la vie. Il
choisit vingt-six noms de femmes dans l'annuaire, commençant par les vingt-six lettres de
l'alphabet. C'est simple, et ça favorise la diversité. Il reconnaît les femmes à leurs prénoms -
Julie, Carmelle, Zéphyrine... - ou à la puérile habitude qu'elles ont de se camoufler sous une
lettre, comme si ça ne constituait pas en soi une signature sexuelle. Il n'est évidemment pas à
l'abri des erreurs: il y a un M. Proulx, l'autre lundi soir, qui l'a laissé pantois avec sa voix de
brute belliqueuse, et d'autre part, l'époque est difficile, nombre d'hommes se mêlent de plus en
plus de se prénommer Dominique ou Laurence, pour brouiller les pistes. Mais il s'agit de cas
isolés, le vrai problème réside ailleurs. Il a pris cruellement conscience, la dernière fois, que
les Yanofsky, les Zajoman et les Winninger se faisaient rares, ce sont là de périlleuses lettres,
à vrai dire, tout juste bonnes à alimenter encore une dizaine de lundis, il lui faudra repenser sa
méthode. Déjà, en farfouillant dans ces W, X, Y, Z barbares, il est tombé sur des étrangères,
Allemandes ou Polonaises, qui n'ont pas compris qu'il s'agissait d'un appel anonyme, et cela
lui a tout à fait gâché le plaisir.
Quand il a arrêté son choix sur les vingt-six noms de femmes présumées commençant par
les vingt-six lettres de l'alphabet, il les copie dans son carnet parce que c'est plus intime, ainsi,
et que ça tisse subtilement des liens. Il s'appuie le dos contre la vitre de la cabine
téléphonique, il pose devant lui vingt-six pièces de vingt-cinq cents, il tient à la main son
carnet ouvert comme une sorte de drapeau blanc.
Il glisse une pièce de monnaie. Il compose les numéros. Il attend.
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Il ne dit rien. Il attend que les femmes parlent, voix d'inconnues éraillées et délicates,
troublées et agressives, flétries et juvéniles, tant de voix différentes qui l'entraînent
sur-le-champ dans d'incroyables périples immobiles. Et pourtant, il n'a rien du détraqué
pervers, il en est sûr, il ne se branle pas au téléphone, par exemple. Ce qu'il aime, c'est autre
chose, c'est s'introduire subrepticement dans leur existence à partir de presque rien, un timbre
de voix, deux trois syllabes et il peut tout imaginer, leur visage, leur environnement immédiat,
leur état d'âme très précis, la façon dont elles se vêtent et mangent et cajolent leur chat.
Elles raccrochent toujours trop vite, en ne disant rien, ou en lui hurlant dans les oreilles, ou
pire, en le menaçant d'une castration très douloureuse. Il ne voit pas en quoi il a mérité ça.
Quand il a terminé ses vingt-six appels, il reste un moment les yeux fermés avant de
composer l'ultime numéro, le même chaque lundi, qu'il connaît par cœur et qu'il n'a pas
cherché dans l'annuaire.
Elle répond. Il ne parle pas, il est tendu par l'angoissante expectative. Elle a sa belle voix
rauque qui s'impatiente au bout du fil: «Allô! ALLÔ!...», et ...
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c'est le même déchirement, toujours, quand elle raccroche sans l'avoir reconnu, quand elle le
rejette brutalement dans le néant duquel elle l'a à peine tiré en le mettant au monde.
[Monique Proulx : LES AURORES MONTREALES, Montréal 1997]

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MONIQUE PROULX: ALLO B1
FICHE DU PROFESSEUR
Objectifs
Expression orale: décrire, faire des
associations; imaginer une conversation
téléphonique ; exprimer son opinion ; faire
une présentation.
Expression écrite : écriture créative
(inventer la vie de qn à partir d’une image) ;
inventer la fin de la nouvelle ; écrire un
journal intime ; prendre des notes.
Thèmes
 métropole : solitude, anonymat
 conflit entre mère – fils ; enfance
difficile ; relation tendue avec toutes
les femmes
 immigration à Montréal
Vocabulaire
Comme dans tous les textes littéraires, il y a
quelques mots que les élèves ne connaissent
pas. On les indique en donnant un synonyme,
une explication en français ou une traduction.
Un exercice de vocabulaire sert à élargir le
lexique et à entraîner l’usage du dictionnaire
monolingue.
1- Approche
 Avant d’élucider que vous traiterez une nouvelle, montrez à la classe par
rétroprojecteur la caricature ci-dessous. À cette occasion, vous pouvez répéter le
vocabulaire autour du téléphone (appeler qqn, le combiné, la conversation
téléphonique, raccrocher,...)
Important : Les paroles restent couvertes.
 Décrivez ce que vous voyez et essayez d’interpréter la caricature en faisant des
hypothèses sur les paroles de la personne au téléphone.
Mise en commun (réponses attendues : l’homme est dans une cabine téléphonique
dans une ville, il tient le combiné dans la main et il est en train de téléphoner, peut-être
parce que sa voiture est en panne.)
 Après avoir montré les paroles :
 Avec qui est-ce qu’il téléphone ?
Fiche apprenant, activité n° 1
 Expression écrite
 À deux : Imaginez la vie de cette personne. Où est-ce qu’il habite ? Qu’est-ce qu’il
fait ? Quel est son problème ?
Rédigez un petit texte.
 Expression orale/Discussion en classe sur la question suivante
Pensez-vous que les citadins ont une vie moins heureuse que les habitants des
villages ? Pourquoi (pas) ?
2- Autour du texte

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 Présenter la première partie en annonçant qu’il s’agit aussi d’un homme dans une
cabine téléphonique.
 Notez tout ce qu’on apprend de l’homme.
 Concentrez-vous sur son « hobby » : Quand est-ce qu’il l’exerce, où, comment est-
ce qu’il procède ? Quels problèmes est-ce qu’il y a de plus en plus ?
 Expression orale : jeu de rôle
 Imaginez un appel chez une femme. Comment est-ce qu’elle réagit ?
Jouez la scène !
Mise en commun :
o Réactions possibles : raccrocher, l’insulter, peut-être courte communication
o Motifs possibles : il n’a pas de copine, il se sent seul, il est pervers
 Présenter la deuxième partie : les élèves doivent vérifier leurs hypothèses en lisant
l’extrait.
Mise en commun : il veut imaginer la vie des femmes pour ne plus être seul
 Présenter la troisième partie (qui finit au milieu de la phrase, peu avant la chute)
Imaginez la fin de la nouvelle en environ 40 mots !
Mise en commun : les élèves présentent leurs histoires ; ils doivent justifier /dire
pourquoi ils ont choisi telle ou telle version devant les autres.
 Présenter la quatrième partie/ la fin : lecture commune ; ensuite comparaison aux
versions des élèves
 Élaborer le tableau
(Questions structurantes : - Quel rôle joue la mère pour lui ?
- Comment cette relation tendue influe sur les
relations amoureuses de l’homme ?
3- Au-delà du texte
 Après avoir interprété la nouvelle, il reste la question pourquoi l’homme ne dit rien
quand il appelle sa mère. Les élèves inventent ce qui s’est passé entre mère et fils en
écrivant une entrée dans le journal intime de l’homme. (cf. fiche apprenant, activité
n° 2)
 Pour élargir leur vocabulaire et pour pratiquer l’utilisation du dictionnaire
monolingue, les élèves font l’activité n°1.
 Si on veut consacrer plus de temps à la nouvelle, les élèves peuvent aussi inventer une
publicité pour S.O.S. Amitié de Montréal (cf. fiche apprenant, activité n° 3). Ainsi,
vous revenez à la caricature du début (cf. Approche).
4- Pour aller plus loin : Immigration au Québec
 Les élèves se rencontrent dans la salle des ordinateurs. Ils doivent préparer un dossier
sur le Québec. Le but est d’informer la meilleure amie mais aussi de faire de la publi-
cité pour la province. Ainsi ils forment au total quatre groupes et choisissent un sujet
parmi les sujets suivants :
o la géographie

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o l’économie
o la culture/le sport/la musique
o la langue québécoise
 Ils doivent rechercher les informations sur Internet et les présenter sur une affiche.
 Ensuite, ils doivent faire leur présentation devant la classe.

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MONIQUE PROULX: ALLÔ B1
FICHE DE TRAVAIL POUR L’APPRENANT
Le vocabulaire
7 répréhensible ........................ condamnable
11 puéril, -e ................................ infantile ; typique d’un enfant
11 se camoufler .......................... se cacher
13 pantois ................................... stupéfait ; surpris
14 belliqueux, -se ....................... agressif, -ve
15 brouiller les pistes ................ faire perdre les traces
17 périlleux, -se .......................... ici : difficile
19 farfouiller .............................. fouiller en bouleversant tout (durchstöbern ;
herumwühlen)
24 tisser ...................................... ici : créer
30 éraillé, -e ................................ ici : rauque (rau)
31 flétri, -e ................................. ici : sans force ; faible
32 un périple .............................. un voyage d’exploration (Reise)
32 un détraqué ........................... un malade, un dérangé
33 se branler .............................. masturber
34 subrepticement ..................... clandestinement ; en secret
36 cajoler .................................... caresser, avoir des paroles tendres pour qn/qc
46 le déchirement ...................... das Zerreißen
47 le néant .................................. le non-être
Approche
1. La vie du correspondant téléphonique
Imaginez la vie de cette personne. Où est-ce qu’il habite ? Qu’est-ce qu’il fait ? Quel est son
problème ?
Rédigez un petit texte.
2. Discussion
Pensez-vous que les citadins ont une vie moins heureuse que les habitants des villages ?
Pourquoi (pas) ?
Autour du texte
1. Les appels de l’homme inconnu (ll. 1-27)
Décrivez le hobby de l’homme. Répondez aux questions suivantes: Quand est-ce que
l’homme se trouve dans la cabine téléphonique? Comment est-ce qu’il se sent? A qui est-ce
qu’il téléphone? Comment est-ce qu’il procède? Quels problèmes est-ce qu’il a de plus en
plus ?