Rémi BELOEIL Simon BURLOT 18/10/2010 Sémiologie, Les troubles psychotiques, David Travers LES TROUBLES PSYCHOTIQUES Plan du cours I- Introduction et mise en contexte II- Le syndrome dissociatif III- Le syndrome cognitif IV- Le syndrome délirant V- Regroupement syndromique nosographique VI- Récapitulatif I- Introduction et mise en contexte Les troubles psychotiques sont des pathologies fréquentes. La schizophrénie a une prévalence de 1% dans la population générale. Ce sont des troubles non curables pour l'essentiel. Leur modèle étiopathologique est incertain et leur approche est multidimensionnelle biopsychosociale. Trois blocs sémiologiques à part variable interviennent dans ces troubles psychotiques : la dissociation les troubles cognitifs les troubles délirants Les troubles psychotiques ont une part : génétique certaine - facteurs de vulnérabilité (gènes vulnérabilisants) - facteurs de protection (gènes protecteurs) environnementale - Évènements précoces → Vulnérabilité Ex: Les infections virales du deuxième trimestre durant la grossesse influencent le risque de troubles schizophréniques à l'âge adulte - Évènement récent/durable → déclenchement/pérennisation - Évènement positifs → protection psychosocial : qualité du support social importante psychologique : personnalité, coping (= capacité adaptative) neurobiologique : neurotransmetteurs et hormones du stress 1/10 II- Le syndrome dissociatif ou désorganisation A) Définition La dissociation est le noyau de la schizophrénie. Elle se décline en 4 symptômes : ambivalence bizarrerie impénétrabilité détachement du réel Ces 4 symptômes se déclinent dans 3 éléments : le comportement (agir) l'intellect (penser) l'affectif (ressentir) La dissociation correspond à l'expression de ces 4 symptômes dans ces différents éléments. Elle domine le tableau clinique dans la schizophrénie et peut être plus ou moins pregnant selon les cas et selon les moments, un patient n'ayant pas forcément tous les symptômes. Dans le fonctionnement normal, chaque personne : présente des relations cohérentes entre les trois éléments : quand on est joyeux, on a un comportement positif et des pensées positives. possède des éléments eux-mêmes cohérents dans la durée : on ne change pas de pensées, d'émotions et de comportement toutes les 15 secondes. Dans la dissociation, il n'y a plus d'unitarité. Il y a rupture entre les éléments : une personne peut avoir l'air détendu, être souriante et pourtant exprimer un désir de mort. De même, elle peut se penser triste sans en avoir l'air. Il y a également une dysfonction de l'unitarité dans le temps : certains peuvent penser à des choses opposées en même temps, ("J'ai très envie de mourir mais je n'ai pas envie de mourir"), ou en se succédant.(Le patient change d'avis tout le temps) Par exemple, la bizarrerie se retrouve à tous les niveaux. Un patient peut dire qu'il est heureux mais qu'il a envie de mourir. Le médecin en face ressent une bizarrerie car ce n'est pas cohérent. Ce phénomène peut expliquer la mise à l'écart du système social de ce genre de patients. B) Les symptômes sur le plan intellectuel 1) Les troubles du cours de la pensée Ils concernent la fluidité de la pensée. Le patient peut présenter : un barrage : la pensée est stoppée et arrêtée en route. Très fréquent. un fading : le patient parle et l'intensité de sa voix diminue jusqu'à l'extinction. Rare. une difluence par relâchement des associations : il n'y a pas trop de lien entre les différents éléments. Le patient passe d'un sujet à l'autre sans lien entre deux phrases. 2/10 2) Les troubles du langage Le maniérisme psychotique intellectuel : il y a une désadaptation des mots, le patient utilise des mots savants et compliqués. Néologismes : les patients utilisent des mots qui n'existent pas. Les paralogismes : les mots sont utilisés dans un sens qui n'est pas le leur. Syntaxe : la phrase est complètement désorganisée. Schizophasie : la personne ne parle qu'avec des néologismes. Mutisme : il n'y a plus d'expression orale. 3) Les troubles du contenu de la pensée Appauvrissement des idées : le patient tourne en rond au niveau de ses idées, on ne s'en rend compte qu'au bout de quelques jours. Altération du système logique - Hermétisme : le patient parle mais le discours est flou et la pensée n'est pas logique. Le contenu n'a pas de sens et il est très difficile d'en faire une synthèse. - Rationalisme morbide : le patient multiplie les explications pseudo-logiques. Altération des capacités d'abstraction (capacité à se projeter dans la réalité) : avec un patient très dissocié, il faut faire attention de rester terre à terre. C) Les symptômes sur le plan affectif Ambivalence : propos et attitudes bizarres. Il y a une incohérence entre les attitudes affectives et les propos. Emoussement affectif : disparition de l'affect. Il se passe la même chose qu'avec l'extinction de la pensée : il y a perte des émotions et du ressenti. Perte de l'élan vital - Désintérêt - Inertie - Athymormie : absence de ressenti. Le patient est incapable de dire comment il se sent. - Négativisme : refus du contact. D) Les symptômes sur le plan moteur 1) Discordance Maniérisme psychotique physique : de manière inattendue et involontaire, le patient peut avoir des attitudes bizarres désadaptées au contexte. Il peut s'asseoir dans une posture inhabituelle sans explication aucune. Sourires immotivés : le patient sourit d'un seul coup, sans raison, puis s'arrête. Négativisme/opposition : absence ou opposition de mouvements. Parakinésies : décharges motrices imprévisibles. Le patient peut avoir le bras qui fait un aller-retour ou bien il se lève et se rassoit brutalement. Stéréotypies motrices ou gestuelles. 3/10 2) Troubles du tonus Catalepsie : absence de mouvement, attitude flasque, flexible. On lève le bras du patient et le bras reste levé. Catatonie : absence de mouvement,attitude rigide, inflexible. Il est impossible de lever le bras du patient. N.B. : Le terme de schizophrénie ne se réfère pas à des personnalités multiples mais vient de cette notion de discordance. Schizo signifiant « couper » et phrénie « pensée ». Il y a un découpage de l'unité et de la cohérence au niveau du cerveau. III- Le syndrome cognitif Jusqu'à récemment on ne parlait que des syndromes dissociatif et délirant. Mais depuis une dizaine d'années, on a individualisé un syndrome cognitif pour 3 raisons : sa pertinence clinique son utilité en recherche ses nombreux débouchés au niveau thérapeutique : modules de réadaptation cognitif des malades schizophrènes. A) Définition des cognitions Elles regroupent : des processus élémentaires : perception, mémoire, attention. Si perte d'un des processus élémentaires, on ne peut plus fonctionner. des processus complexes (supérieurs) : langage, apprentissage, contrôle des actes, contextualisation, raisonnement et conscience. Elles font l'objet d'études importantes dans les schizophrénies et plus largement les psychoses, au point d'en devenir une composante à part entière. B) Le syndrome cognitif par rapport à la pathologie schizophrénique La détérioration cognitive apparait antérieurement aux symptômes classiquement décelables On observe une hétérogénéité interindividuelle On observe également une stabilité intraindividuelle Ces éléments deviennent désormais cliniques, repérables à l'entretien ou via des tests simples ayant des applications thérapeutiques pratiques (module de réhabilitation non pas pour restaurer les fonctions perdues car ce n'est pas possible, mais pour utiliser les éléments cognitifs qui fonctionnent pour compenser les autres et pallier ainsi à une partie des difficultés que créé ce dysfonctionnement cognitif) 4/10 C) Liste des symptômes (Ces éléments ne sont pas à connaître en détail) Les patients ne présentent pas forcément tous ces symptômes. 1) Au niveau de la mémoire Mémoire de travail altérée surtout lorsqu'il y a nécessité de stratégie pour la majorer. Ex : retenir un numéro de téléphone entre le moment où on le lit et le moment où on le compose. Mémoire procédurale conservée avec apprentissage toujours possible : elle sert à la mise en place d'automatismes. Ex : On intègre une procédure qui au bout de quelques jours s'automatise. Pour aider les patients schizophréniques, on peut les aider à rendre les choses procédurales. Mémoire épisodique altérée. Ex : Que m'est-il arrivé il y a 2 jours, 2 mois, etc... 2) Au niveau des processus attentionnels Les ressources sont diminuées et surtout peu modulables selon le contexte. 3) Au niveau des fonctions exécutives Capacité de contrôle altérée, surtout sur la durée Formulation, initiation et exécution de tâches altérées Adaptation aux situations présentes ou prévisibles altérées : un patient psychotique sera en très grande difficulté face à un imprévu. Il n'a pas la capacité de changer la procédure de départ. Ex : Un patient ne venant pas à sa consultation hebdomadaire car la route qu'il emprunte à chaque fois pour venir est en travaux ce jour là. Il fait demi-tour et rentre chez lui au lieu de prendre une autre rue. Difficultés de contextualisation et d'intégration. Ex : On ne parle pas de la même manière à un membre de sa famille ou à un professeur. On contextualise les choses. On ne fait donc pas d'humour avec un patient dissocié... Autre ex : Le médecin demandant au patient comment il a dormi et le patient lui répondant "Allongé". 4) Au niveau de la métacognition Métacognitif = la réflexion sur soi. Il y a altération manifeste de leur retour sur soi. Les patients ont du mal à réaliser ce qu'il leur arrive. 5/10 IV- Le syndrome délirant Il faut différencier les propos délirants de la confusion ! Les propos délirants sont par principe et a priori : adaptés à la question posée : Ex : Qu'avez-vous fait hier ? J'ai été sur Vénus pour récupérer des papiers... → propos décalés mais adaptés non fluctuant dans le temps non critiqués par le patient rétrospectivement analysables et structurés Alors que les propos dans la confusion mentale sont : non adaptés : Ex : -Qu'avez-vous fait hier ? -Table. d'origine non psychiatrique mais pouvant être due à une hyponatrémie, une tumeur cérébrale,etc... associés à une désorientation temporo-spatiale (DTS) fluctuants dans le temps. Ex : Elle peut être présente à 9h mais absente à midi. critiquables dans les phases d'apaisement : le patient se rend compte des absurdités qu'il a pu dire. N.B. : Un patient présentant un symptôme de confusion ne nécessite pas d'avis psychiatrique car à tous les coups, c'est une pathologie somatique pure...d'où l'importance de la sémiologie ! Pour arriver au diagnostic, il s'agit de retrouver : des mécanismes (comment le délire s'explique) des thèmes (de quoi parle le délire) une organisation et une extension Ex de beau diagnoctic de tableau délirant : M. Machin présente un tableau hallucinatoire à thématique persécutive, un délire organisé et sans extension. Parfois, les patients n'expriment pas leur délire. Il s'agit donc de repérer des arguments en faveur de celui-ci. Le patient dit réticent présente des difficultés à exprimer son délire. Le patient ne veut pas en parler : soit de manière directe, oppositionnelle, soit de manière indirecte, en essayant de noyer le poisson dans le flot de ses propos. Le patient halluciné peut avoir des attitudes d'écoute car il entend des voix hallucinatoires. Il peut alors entamer une conversation puis s'arrêter car il pense avoir entendu quelque chose, puis reprendre le fil de la conversation. NB : La réticence et les attitudes d'écoute sont des signes cliniques qu'on repère. 6/10 A) Les mécanismes 1) Hallucinatoires a) Les hallucinations auditives acousticoverbales (les voix sont entendues par les oreilles) intrapsychiques (les voix sont entendues dans la tête) -l'automatisme mental : la voix peut répondre aux pensées, les commenter, les répèter et les anticiper. b) Les hallucinations visuelles, olfactives c) Les hallucinations cénesthésiques C'est une hallucination corporelle : le patient sent ses organes bouger ou a l'impression qu'on lui tient la main par exemple) 2) Interprétatifs Détournement des éléments réels. Ex : M. Machin est persuadé que M. Bidule veut le tuer. 3) Imaginatifs et intuitifs B) Les thèmes Ils varient selon les tableaux : Mystique Persécutif Hypocondriaque (« Mon foie est en train de pourrir ») Mégalo-maniaque (« Le monde entier m'en veut à cause de mon secret et je peux changer le monde avec ! ») D'influence (« Mon voisin me dicte mes mouvements !) De filiation (« Mes parents ne sont pas mes parents, je suis le fils de Johnny Hallyday !») De transformation C) Organisation et extension Le délire peut être : structuré (autour du thème) ou désorganisé (plusieurs thèmes, part dans tous les sens) sectorisé (délire à secteur strict : ex : mon voisin) ou en réseau (le délire s'étend à différentes sphères sociales : ex : mon voisin + mes collègues +...) 7/10 Le délire est dit paranoïde (≠ paranoïaque) lorsqu'il est à mécanismes et thèmes multiples. L'adhésion au délire est complète ou partielle. Le délire est vécu de manière plus ou moins intense, avec une participation variable : participation anxieuse participation thymique V- Nosographie syndromique Nosographie = description, classification des maladies. A) Les schizophrénies = psychoses dissociatives 1) Généralités 1% de la population Sex-ratio = 1 (autant d'hommes que de femmes) âge de début : adolescent/adulte jeune début progressif, insidieux ou brutal hypothèse neurodéveloppementale La schizophrénie présente : un syndrome dissociatif et des troubles cognitifs de fond avec plus ou moins un syndrome délirant paranoïde (car syndrome dissociatif !) non systématisé une tendance au repli des signes positifs : éléments délirants des signes négatifs : éléments dissociatifs de retrait Temporalité clinique de la schizophrénie : Phase Prodromale Phase diagnostique Phase évolutive Troubles cognitifs Dissociation Délire Ado/Adulte jeune Temps / Age 8/10 2) Formes cliniques de schizophrénies En fonction de la prédominance des symptômes, il existe plusieurs formes de schizophrénie : paranoïde (délire) hébéphrénique (dissociation et autisme, repli) catatonique (désorganisation motrice) dysthymique (délire non congruent à une humeur qui fluctue) simple B) Les troubles délirants = psychoses non dissociatives absence de dissociation et de troubles cognitifs 3 types selon le délire qui s'exprime : Le délire paranoïaque Psychose hallucinatoire chronique Paraphrénies 1) Les délires paranoïaques délires chroniques interprétatifs systématisés sur terrain (personnalité paranoïaque, sensitive) on en distingue différents types : délire passionnel délire de jalousie délire érotomaniaque (pense être aimé, concerne plutôt les femmes, avec une phase amoureuse, puis de dépit puis de rancœur) délire de revendication (pense qu'on lui doit quelque chose) délire d'interprétation délire de relation sectorisé au départ, s'étendant ensuite 2) Psychose hallucinatoire chronique (PHC) délire hallucinatoire riche, touchant les 5 sens thématique : persécution, sexuelle, mystique, d'influence automatisme mental fréquent (voix intrapsychiques...) 3) Paraphrénies délire d'imagination thématiques : mystiques, cosmiques participation affective fréquente 9/10 Temporalité clinique des troubles délirants chroniques : Phase Prodromale Phase diagnostique Phase évolutive Troubles cognitifs Dissociation Délire Adulte Temps / Age VI- Récapitulatif Schizophrénies Paranoïdes, hébéphréniques, catatoniques, dysthymiques, pseudopsychopathiques, pseudonévrotiques, simples, résiduelles Délires chroniques - Délires paranoïaques - Psychoses hallucinatoire chroniques - Paraphrénie Adulte jeune 50 ans SR = 1 SR ≠ 1 Dissociation + Troubles Cognitifs Pas de dissociation ni de troubles cognitifs Délire paranoïde Délire Mécanismes multiples + Thèmes multiples Mécanisme précis + Thème précis ou non Non systématisé Systématisé (1 mécanisme précis avec 1 ou 2 thématiques précises) 10/10