FT : La parité de pouvoir d’achat Pascal Braun Chloé Szafran La monnaie a deux formes de valeur : la valeur externe et la valeur interne. La valeur externe de la monnaie, à laquelle nous allons nous intéresser ici, désigne le taux de change de la monnaie en devises, c'est-à-dire le prix de la monnaie en devises étrangères. Cette valeur externe peut s’apprécier sur les marchés réels et financiers. La parité de pouvoir d’achat se range au titre des approches réelles, et s’inscrit dans une recherche des causes du niveau et des variations des taux de change. Elle repose sur les hypothèses de la concurrence pure et parfaite et appartient à un modèle où s’opère le libre-échange. 1) Définition A) Au sens large La théorie du pouvoir d’achat a été développée en 1918 par Cassel, et correspond à la généralisation de la loi du prix unique de Modigliani à l’ensemble des biens d’une économie ; selon cette loi, dans un marché international concurrentiel, sans obstacle à l’échange, sans coûts de transport et de transaction, les prix de biens identiques vendus dans des pays différents doivent être les mêmes, quelle que soit la monnaie dans laquelle ils sont exprimés. Ainsi selon l’explicitation la plus courante de cette théorie, il y a parité de pouvoir d’achat entre deux pays lorsqu’une unité de monnaie nationale permet d’avoir le même pouvoir d’achat à l’étranger et dans le pays d’origine. Prenons l’exemple de deux économies : celles de la France et des USA, avec un seul bien : le timbre. Si le timbre vaut 0,8€ en France et 1dollar aux Etats-Unis alors on peut en conclure qu’1$ = 0,8€. Ainsi, le pouvoir d’achat interne des monnaies conditionne le taux de change. Soit P le prix du timbre en France, P* le prix du timbre aux EU, et S le taux de change nominal € / $ : P / P* = S (dans le cas de la PPA absolue) (Pour une économie à plus d’un bien, le taux de change entre ces deux pays doit être déterminé par le quotient entre tous les biens de ces deux pays.) Appliquons le même raisonnement mais, cette fois, de manière dynamique, en tenant compte de l’inflation. Supposons que la valeur de l’euro se dégrade par rapport à celle du dollar (cela signifie que le taux d’inflation en France est supérieur à celui que l’on observe aux Etats-Unis). Si l’inflation française est de 10%, contre 8% aux EU, la devise de la France se dépréciera du différentiel d’inflation soit de 10-8= 2%. La théorie de la PPA implique que la valeur de l’euro va, à plus ou moins long terme, se réajuster pour rééquilibrer les pouvoirs d’achat. B) Distinctions Deux formes de parité de pouvoir d’achat peuvent être distinguées : - Parité de pouvoir d’achat absolue: Modèle d’un marché parfait où l’évolution des changes est exclusivement due à une évolution des prix. Si les taux de change reflètent la PPA alors on obtient un maintien de cette parité. - Parité de pouvoir d’achat relative : Modèle plus en adéquation avec la réalité : seulement une partie de l’évolution est due aux variations de prix ; d’autres paramètres rentrent en compte comme les coûts de transport, d’où une grande complexité pour déterminer mathématiquement la PPA relative. L’équation obtenue est : log (S) = log (P) – log (P*) d’où Δ s = Δ p – Δ p* (avec : s = taux de change nominal € / $ ; p = prix en France ; p* = prix aux Etats-Unis) - Il est à noter qu’il existe également une théorie de la PPA ex-ante, pour laquelle la variation anticipée du taux de change compense le différentiel anticipé de l’inflation. 2) Utilité La PPA permet de comparer les devises au cours de l’évolution de l’inflation et de la productivité. Nous pouvons également anticiper les évolutions : en effet, les pays qui connaissent les taux d’inflation les plus élevés verront leur monnaie se déprécier. La PPA sert d’autre part à définir la valeur fondamentale du taux de change. La théorie de la PPA permet également de déduire qu’à long terme, les différences d’inflation entre les pays sont compensées par des mouvements de sens inverse des taux de change. 3) Limites a. Difficultés liées à sa vérification La théorie de la PPA s’appuie sur des hypothèses contraignantes (surtout celles de CPP), qui peuvent expliquer les difficultés quant à sa vérification empirique : 1) La structure de consommation supposée identique dans tous les pays. 2) Des marchés de biens parfaits : absence de droits de douane. 3) Des marchés de change parfaits : absence de fiscalité. b. Insuffisances dans la théorie La théorie de la PPA présente des insuffisances, notamment : 1) Elle ne retient qu’un seul facteur explicatif du taux de change, le niveau général des prix, ce qui paraît restrictif. 2) L’indice des prix à la consommation est contestable, dans la mesure où il englobe des biens et des services absents des échanges internationaux (en d’autres termes, certains biens et services ne sont pas exportés, et existent sous des formes différenciées selon le marché national auquel ils appartiennent, ce qui peut justifier des divergences de prix). 3) Elle est fondée sur la seule évolution des balances courantes, ce qui est discutable, car la PPA peut évoluer sous l’effet des autres balances de paiement. La théorie de la PPA se situe à la base des travaux visant à anticiper les variations des taux de change ; à ce titre, on peut souligner son importance capitale dans le domaine du commerce international, puisque le taux de change est un des instruments majeurs pour ajuster les politiques monétaires et commerciales d’un pays, et que la connaissance de son niveau d’équilibre est donc fondamentale pour mener à bien ces politiques. Elle est d’autant plus utile dans ce cadre pratique qu’elle inclut la spéculation liée à l’arbitrage entre devises.