PQRST 8 2012 2013 Enoncé Vous êtes interne de Médecine Générale en début de 3e semestre chez le praticien. Vous voyez en consultation, en cette veille de Toussaint, Mr G., 70 ans, qui se plaint depuis 3 jours d’une nette aggravation de la toux, dont il est coutumier depuis quelques années, associée à une sensation de forte fièvre et d’épuisement, une rhinorrhée claire, des douleurs articulaires, musculaires et à des maux de tête qui l’empêchent de sortir du lit. Il vous signale également que depuis ce matin, il « crache vert et non sanglant ». Mr G. vit avec sa femme et a 3 enfants. Il est retraité de l’enseignement public. Il n’a pas voyagé récemment, joue au bridge, l’hiver, au golf, l’été, arpentant ses 18 trous sans problème. Il ne boit pas mais fume la pipe à longueur de journée depuis qu’il est à la retraite, alors qu’il préférait la cigarette avant. Il n’a pas d’antécédent notable et ne prend aucun traitement. A l’examen clinique, en dehors d’une fièvre à 39°C, l’examen cardio-pulmonaire, digestif et neurologique est strictement normal. Question N°1 Quel est votre diagnostic précis ? (Sans justifier) Question N°2 Quelle est votre prise en charge thérapeutique ? Trois jours plus tard, vous êtes appelé à son domicile par sa femme car la fièvre persiste à 38,2°C, de même que les crachats et, surtout, Mr G. est dyspnéique au repos. L’auscultation pulmonaire note des crépitants, une matité et une diminution des vibrations vocales à la base gauche. L’examen cardio-vasculaire est normal. La PA est à 120/76 mmHg ; la FC à 105 bpm ; la FR à 34/min ; la SatO2 90% en AA. Vous suspectez une pneumo-pleurésie grave et transférez le patient à l’hôpital où le bilan sanguin montre : - Hb = 13.4 g/dl ; Ht = 37% ; leucocytes = 13.000/mm3 dont 8.600 PNN ; plaquettes = 180.000/m3 ; CRP = 145 mg/l. - Na+ = 135 mmol/l ; K+ = 3,5 mmol/l ; créatinine = 85 µmol/l ; urée = 8 mmol/l. - Aux gaz du sang en AA : PaO2 = 54,2 mmHg ; PaCO2 = 37,9 mmHg ; pH = 7,39 ; SatO2 = 89,9% ; HCO3- = 30,6 mmol/l. Question N°3 Quels sont les 4 signes cliniques de gravité de ce tableau ? Question N°4 Interprétez la radio de thorax (Iconographie 1). Réalisez-vous un scanner (ne justifiez pas) ? Question N°5 Quels sont les germes possiblement en cause chez ce patient ? Question N°6 Quels sont les 4 examens à demander pour étayer le diagnostic bactériologique ? Question N°7 Quelles sont les conditions de réalisation de la ponction pleurale ? PQRST 8 2012 2013 Question N°8 Quelle antibiothérapie instituez-vous ? Finalement, l’état de Mr G. s’améliore. Vous le voyez à sa consultation de contrôle, un mois plus tard. La radiographie pulmonaire s’est quasi-normalisée. Vous prenez connaissance des résultats des EFR que vous aviez également demandées (Iconographie 2). Question N°9 Interprétez ces EFR. Quelles sont les 2 composantes physiopathologiques de la baisse du VEMS/CV ? Question N°10 Quelle est votre prise en charge concernant sa maladie de fond ? 2012 2013 PQRST 8 Dossier N°8 – Iconographie 1 Dossier N°8 – Iconographie 2 Théorique 3,18 CVF 2,76 VEMS 87 VEMS/CV 5,86 DEM 75 4,26 DEM 50 2,1 DEM 25 6,47 DPE 3,99 DEM 25-75 BD = bronchodilatateurs Pré-BD 3,51 2,01 57 2,46 1,14 0,57 6,64 1,05 % 110 73 42 27 27 103 26 Post- BD 3,58 2,22 62 2,6 1,18 0,64 6,45 1,16 % 112 95 44 28 30 100 29 PQRST 8 2012 2013 CORRECTION du DOSSIER N° 8 Q1/ Exacerbation aiguë d’une bronchite chronique Terrain : bronchitique chronique post tabagique Clinique : - purulence verdâtre franche = meilleur critère - Augmentation de la toux - La dyspnée manque à la triade d’Anthonisen mais il n’est pas impossible que la dyspnée d’effort soit masquée par le repos imposé par la grippe Déclenchée par une grippe saisonnière typique Survenue en automne (Toussaint) Caractère brutal des symptômes Richesse des signes fonctionnels et pauvreté des signes cliniques Altération de l’état général : asthénie Syndrome pulmonaire : toux Syndrome ORL : rhinorrhée claire Syndrome douloureux : arthralgies, myalgies, céphalées Q2/ Prise en charge ambulatoire, en l’absence de signe de gravité / de comorbidité Mise en condition Repos Hydratation orale et alimentation salée Traitement symptomatique : Traitement antalgique antipyrétique : paracétamol PO 1 g x 3/j en cas de fièvre mal tolérée (+/- AINS en cas de douleurs rebelles) Traitement bêta-2-mimétique de courte durée d’action +/- anticholinergique (mais ici pas de composante bronchospastique, donc discutable NC) Pas de corticothérapie systémique en 1e intention en l’absence de composante asthmatique évidente dans l’énoncé Pas d’antitussif Traitement étiologique : Pas d’indication à un traitement antigrippal type anti-neuraminidase (oseltamivir / Tamiflu®, pendant 5 jours) car le début des symptômes de grippe date de plus de 48 heures et qu’il n’y pas de complication ni de forme grave Pas d’indication à un traitement antibiotique d’emblée en l’absence de dyspnée d’effort à l’état de base (« fait 18 trous de golf sans problème »). Surveillance clinique à 48-72 heures de l’efficacité et de la tolérance du traitement Education et prévention secondaire : Informer le patient de la nécessité de reconsulter en cas de d’aggravation des signes ou de persistance de la fièvre > 3 jours Informer le patient de la nécessité de se faire vacciner contre la grippe tous les ans au début de la période de circulation du virus car il est âgé de plus de 60 ans 10 points 5 5 10 points NC 1 3 NC NC NC NC NC 2 2 2 PQRST 8 Q3/ Outre l’âge (> 65 ans) et les comorbidités (absentes ici) Signes cliniques pulmonaires de gravité : Trouble du rythme respiratoire (polypnée >30 /mn / tachypnée / gasps) Signes de détresse respiratoire (tirage ; balancement thoraco-abdominal ; battement des ailes du nez ; cyanose) Signes cliniques hémodynamiques de gravité : Hypotension artérielle < 90 / 60 mmHg (+/- autres signes de choc : marbrures, extrémités froides) Signes cliniques neurologiques de gravité : Troubles de la vigilance : confusion NB/ Pensez au CURB 65 (pour la pneumonie) !! = C (confusion) ; U (urée > 7 mmol/l) ; R (rythme respiratoire) ; B (blood pressure < 90 mmHg) ; 65 (ans) Q4/ Radio de thorax de face, au lit : Opacité du lobe inférieur gauche sans bronchogramme aérien avec ligne de Damoiseau Evoquant un épanchement pleural de moyenne abondance Réactionnel à un foyer pulmonaire alvéolaire = pleuroneumonie Non, il ne faut pas faire de scanner car l’imagerie est facile à interpréter : on voit bien qu’il y a un épanchement avec un foyer pulmonaire NF/ Conf de Consensus SPILF 2006 Les opacités alvéolaires systématisées sont aisément reconnues. À l’inverse, les opacités interstitielles et les opacités en mottes péribronchiques de type « bronchopneumonie » sont d’identification plus délicate. Chez le sujet âgé, le diagnostic est encore plus difficile du fait de fréquentes anomalies préexistantes, de la prévalence élevée de la forme bronchopneumonique, et des difficultés techniques de réalisation. Le scanner sans injection trouve sa place dans ces diagnostics difficiles. Q5/ Germes en cause chez un bronchitique chronique : Streptococcus pneumoniae Moraxella catarrhalis Haemophilus influenzae Germes en cause en post grippal : Streptococcus pneumoniae Staphylococcus aureus Haemophilus influenzae Streptocoques du groupe A Germes en cause chez un sujet âgé : Legionella pneumophila 2012 2013 8 points 2 2 2 2 5 points 1 2 1 1 10 points 2 2 2 2 2 PQRST 8 Q6/ Les 4 examens à visée bactériologique à demander sont : Hémocultures Antigénuries Légionnelle et Pneumocoque ECBC (induit si possible par kinésithérapie et/ou aérosol de sérum salé hypertonique pendant 15 minutes) Ponction pleurale Q7/ Modalités de réalisation de la ponction pleurale : Avant : - Information du patient sur les risques et les bénéfices attendus - Vérifier l’hémostase - Rechercher le meilleur point de ponction (en pleine matité +/- à 1 travers de main des épineuses entre le 5e et le 7e espace intercostal+/- échorepérage) - Asepsie Pendant : - Anesthésie locale à la xylocaïne adrénalinée - Ponction au trocart/aiguille, au bord supérieur de la côte inférieure pour éviter le paquet vasculo-nerveux, jusqu’au feuillet pariétal - Retrait du mandrin, en laissant le trocart, une fois passée la plèvre pariétale - Effectuer les prélèvements : Examen biochimique (protides et LDH) Examen cyto-bactérologique Examen anatomo-pathologique - Evacuation car dyspnée importante - Critères de retrait si drainage : toux, douleur, tarissement Après : - Radio de thorax de contrôle - Prélèvement sanguin : protides (+/- LDH) Q8/ Antibiothérapie en urgence dès les prélèvements réalisés (< 2 heures car hypoxémie) sans en attendre les résultats par voie IV, bactéricide et synergique Initialement probabiliste, active sur Pneumocoque et Légionella en 1e ligne Secondairement adaptée à l’antibiogramme : céphalosporine de 3ème génération (C3G) (céfotaxime) + macrolide (josamycine ; érythromycine) ou fluroquinolone (FQ) antipneumococcique seule en cas d’allergie aux bêtalactamines = lévofloxacine / Tavanic® (si autre FQ ou pas de précision : 0) Pendant 7 à 14 jours Q9/ Analyse : VEMS / CV < 70% syndrome obstructif Post BD : toujours < 70% et augmentation < 200mL Non réversible par les bêta-2 mimétiques DEM 25-75 diminué atteinte bronchiolaire VEMS = 73% Interprétation : BPCO modérée stade GOLD 2 2012 2013 8 points 2 2 2 2 8 points 1 1 PMZ 1 1 1 1 NC 2 (PMZ) 12 points 2 2 2 2 1 2 1 16 points 2 2 2 2+1 PQRST 8 Stade 2 de GOLD (“Global initiative for chronic Obstructive Lung Disease”) VEMS/CV < 70 % VEMS entre 30 et 70 % Présence ou non de symptomatologie chronique : toux, expectoration, dyspnée La mesure de la PaO2 doit être réalisée pour les VEMS < 40% et en cas de dyspnée et/ou d'insuffisance cardiaque droite Ce patient n'entre pas dans la définition de la réversibilité. VEMS pré 2010 et VEMS post 2220 soit delta VEMS 210 mL (premier critère de réversibilité atteint) mais (2220-2010)/2010 =0,104 soit 10,4% (deuxième critère non atteint > 12%). L'erreur de la correction c'est d'utiliser le VEMS/CV comme critère de réversibilité. L'atteinte "bronchiolaire" c'est anecdotique. C'est bien un stade II de la classification de Gold. Les deux composantes physiopathologiques de la baisse du VEMS / CV sont : La maladie des petites voies aériennes associant inflammation et remodelage responsable d’une obstruction bronchique intrinsèque La maladie du parenchyme pulmonaire = emphysème, responsable d’une diminution du calibre bronchique Q10/ Traitement ambulatoire Lutte contre les facteurs de risque : Arrêt du tabac (et aide au sevrage) Lutte contre l’exposition domestique aux toxiques (poêle…) Vaccination anti grippale annuelle Vaccination anti Pneumococcique (rappel tous les 5ans) Traitements pharmacologiques : Traitement broncho-dilatateur de longue durée d’action en systématique Traitement broncho-dilatateur de courte durée d’action si besoin Traitements non pharmacologiques : Réhabilitation pulmonaire Education Suivi Prise en charge en ALD 30 (100%) Associations de patients 2012 2013 2+1+1 2+1 13 points 2 2 1 2 2 2 2 NC NC NC