1 18ème Forum de presse de l’IZZ, le 29 juin 2012 à Strasbourg Faculté de chirurgie dentaire de l’Université de Strasbourg Renforcer la compétence en matière de santé dans une Europe des régions (Le discours prononcé fait foi) Dr Ute DDR Ute Maier, présidente du Conseil d'administration IZZ en 2012 et présidente du Comité exécutif de l'Association des chirurgiens-dentistes conventionnés du Bade-Wurtemberg Mesdames et Messieurs, Nous nous trouvons ici au cœur de la région des trois frontières, à la croisée de la France, de la Suisse et de l’Allemagne – dans une région particulière de l’Europe. Pour moi, cette région symbolise d’une part la dimension supranationale – l’Europe – et de l’autre un régionalisme efficace. La globalisation apporte certes des évolutions positives mais ce n’est pas un hasard si, ces dernières années, le terme de régionalisation a nouveau pris plus de poids dans le débat sociétal, politique et scientifique, et notamment dans la discussion sur la santé publique en Allemagne. On qualifie souvent la régionalisation de pendant de la mondialisation. Dans un monde sans frontières, l’espace limité que constitue la région prend de plus en plus d’importance dans l’action économique, sociale et politique. L’Europe des Etats-nations est un modèle dépassé. Du fait de la suppression des barrières commerciales, de la monnaie unique et du D:\582691128.doc 2 processus d’intégration au sein de l’Union européenne, l’évolution au cœur de l’Europe s’affranchit de plus en plus des frontières nationales. Comme les frontières des Etats européens ont souvent été tracées de façon arbitraire, il est fréquent qu’elles séparent des espaces historiquement liés. Aussi les frontières sont-elles toujours en partie des « cicatrices de l’histoire ». Ainsi, la coopération transfrontalière contribue à atténuer les inconvénients de ces frontières et à compenser la position marginale de ces régions au sein de l’Etat auquel elles appartiennent. Généralement, cela contribue à améliorer les conditions de vie de la population. C’est en particulier le cas dans l’Est de l’Europe où - jusque fin des années 1980 - les Etats et régions se trouvaient derrière le Rideau de fer. Cette barrière certes révolue se traduit encore aujourd’hui par des différences économiques et sociales sensibles. Cela dit, même des espaces limités, par exemple les régions au cœur de l’Europe, changent du fait des problèmes, actions et enjeux mondiaux, qui proviennent certes d’ailleurs mais dont les conséquences doivent être réglées sur place. Le professeur Hans-Peter Dürr, un physicien de 83 ans lauréat du Prix Nobel alternatif, a déclaré récemment concernant la mondialisation « Je suis convaincu que les problèmes mondiaux ne peuvent pas être réglés à l’échelle planétaire. De même, la nature règle les problèmes mondiaux en modifiant quelque chose au niveau local de telle sorte que ce changement se diffuse progressivement à grande échelle. » Au niveau socioculturel, on observe que les régions redeviennent un facteur d’identification. En raison de la dissolution des communauté locales dans le cadre du rapprochement et de la fusion des communes, de la séparation entre lieu de travail et lieu de vie, et de la mobilité qui en découle, la population recherche davantage des espaces d’identification. Souvent, ces espaces ne se limitent plus à la localité d’origine et à l’environnement direct, mais s’étendent à la région au sens historique, géographique, économique ou social. Après 20 années de centralisation, les régions ont à nouveau été prises en compte dans le cadre de la loi visant à améliorer les structures en matière de soins de santé dans le cadre de l’assurance-maladie obligatoire. La loi sur l’amélioration de la structure des soins de santé entrée en vigueur au 1er janvier 2012 (GKV-VStG) est une loi-cadre souple et à vocation décentralisée. Elle redonne une partie des compétences décisionnelles aux entités responsables des soins de santé au niveau régional. Cette loi permettra-t-il d’atteindre tous les objectifs fixés dans les domaines suivants : mise à disposition de soins de santé de proximité sur tout le territoire, flexibilisation et régionalisation des honoraires des praticiens conventionnés et mise en lien des divers secteurs de prestation ainsi que renforcement de la concurrence en vue d’accroître la qualité et la rentabilité ? La question reste entière. Je ne puis que souhaiter que ces compétences spécialisées soient véritablement ancrées dans les régions et que des garanties durables soient données pour les moyens financiers nécessaires à cet effet. D:\582691128.doc 3 Permettez-moi à présent de passer à la compétence en matière de santé, une notion qui a été intégrée au débat public à l’initiative de l’Organisation mondiale de la santé et du Conseil de l’Europe ainsi que de scientifiques spécialisés en la matière. On entend par là la capacité d’une personne à se débrouiller au sein du système de santé. Cette compétence dépend d’une part des capacités de celle-ci et de l’autre de la complexité du système. Les exigences médicales, informations sanitaires et autres documents sont souvent formulés dans un jargon spécialisé difficile à comprendre par les malades et leurs proches. De plus, un malade se trouve dans une situation exceptionnelle qui l’empêche d’évoluer facilement dans ce système. Selon la définition de l’OMS, « La santé est un état de complet bienêtre physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Parallèlement, on en appelle de plus en plus à la responsabilité et à l’autonomie des patients. Celles-ci supposent toutefois une certaine capacité à se procurer des informations sanitaires, à les analyser de façon critique en termes de crédibilité et de qualité, et aussi à mettre en balance les risques et les bénéfices. Une telle attitude est de mise en période de crise économique, alors que les ressources sont limitées dans quasiment tous les domaines. Une meilleure information et l’accroissement de la compétence en matière de santé qui en découle peut augmenter la qualité et la rentabilité des soins médicaux et de santé, de même que la satisfaction des patients. En termes de santé publique, cette compétence contribue à améliorer l’état de santé de la population. Par ailleurs, cette compétence constitue une partie du capital social car les différences au niveau des compétences en matière de santé se traduisent par des inégalités. Aussi cette compétence joue-t-elle un rôle important dans l’économie. Des études réalisées aux EtatsUnis révèlent que des compétences insuffisantes en matière de santé ont induit des dépenses supplémentaires de 73 milliards de dollar par an. C’est pourquoi la santé n’est pas seulement un bien précieux pour l’individu, mais aussi un bien inestimable pour la collectivité. En même temps, la santé est un facteur économique ainsi qu’un facteur de coût pour la société car les frais de santé représentent 10,6 % du PIB, la tendance étant à la hausse. Cela m’amène à passer du renforcement de la compétence personnelle et sociale en matière de santé à la dimension politique. En l’occurrence, l’objectif est de remédier aux inégalités sanitaires, au travers notamment de la prévention et de la suppression des carences en matière de soins de santé – je pense ici en particulier au concept de bonne santé bucco-dentaire chez les handicapés et D:\582691128.doc 4 les personnes très âgées. Dans le même temps, les décideurs politiques s’emploient à renforcer les compétences des patients par une loi relative à leurs droits. Permettez-moi de commencer par ce point. Cette loi soulève un grand nombre de questions. En effet, selon le communiqué de presse commun de la ministre fédérale de la Justice Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, du ministre fédéral de la santé Daniel Bahr, et du chargé de mission du gouvernement pour les patients Wolfgang Zöller, cette loi vise « à permettre aux patients de mieux connaître leurs droits et de mieux les faire appliquer » ; or, cette loi est formulée de façon tellement complexe que même les juristes ne s’accordent pas sur son interprétation ! Quel est alors l’intérêt d’une loi sur les droits des patients qui ne peut conduire qu’à une médecine défensive – à plus forte raison si on y intègre le renforcement de l’obligation d’inversion de la charge de la preuve exigé par l’opposition et une partie des caisses de maladie ? Etendre la responsabilité médicale (et dentaire) n’améliorera pas forcément les droits des patients. Des critères de circonspection et de responsabilité accrus de façon excessive, entraîneront forcément des mesures diagnostiques et thérapeutiques maximales aux fins de limiter d’emblée tous les risques, même infimes. Cela génèrera non seulement des traitements superflus et un surcoût mais aussi des contraintes supplémentaires pour les patients eux-mêmes Il se pose enfin une dernière question : quel est l’intérêt d’une loi qui remet en question et dessert des structures existantes, comme le système d’expertise en santé dentaire qui fonctionne pourtant très bien, du fait de ses dispositions restrictives en termes de délais? Comme souvent lorsque la politique essaie d’améliorer et de réglementer au maximum les choses, les nouvelles dispositions produisent finalement l’effet inverse. De plus, les droits ne sont décrits qu’unilatéralement, ceux des médecins et des dentistes passant à la trappe. Les droits et obligations des patients, à savoir la participation au traitement médical et la prise de responsabilités, ne sont pas cités. En l’occurrence, il vaut mieux se tourner vers les régions qui sont les premières responsables de la prévention. Et je puis citer ici un exemple issu non de la médecine dentaire, et aussi du BadeWurtemberg : la prévention bucco-dentaire à l’intention des enfants et des adolescents qui y est particulièrement efficace. La santé bucco-dentaire a fortement progressé depuis les années 1990 dans toute l’Allemagne et les jeunes générations ont aujourd’hui des dents nettement plus saines que leurs aînés, ce qui apporte des avantages évidents en termes de santé. Cela dit, des problèmes sont apparus qui ternissent ces évolutions positives. Je citerai notamment les caries des dents de lait qui touchent env. 20 % des enfants âgés de un à deux ans. On observe en outre une polarisation croissante en termes de caries, c.-à-d. que toutes les catégories de la population ne profitent pas de la même manière D:\582691128.doc 5 du recul des caries. Il subsiste en partie une corrélation entre l’apparition de caries et la situation socioéconomique des patients. L’un des facteurs déterminants en l’occurrence est que la plupart des décisions en matière de santé continue d’être prise pour le citoyen – voire par-delà du citoyen – plutôt qu’avec lui. Et souvent, les décisions du patient se fondent sur une connaissance parcellaire des faits pertinents pour son cas. Le manque de compétence en matière de santé qui en découle est un fardeau médical comme économique majeur pour nos sociétés en Europe. La « Charte européenne des droits des patients » qui repose sur les droits fondamentaux des êtes humains et vise à assurer un haut niveau de protection de la santé vous sera présentée juste après par mes confrères. Il me semble toutefois important de souligner que le droit à des informations précises, transparentes et fiables, qui est un facteur déterminant pour la compétence des patients en matière de santé, est très largement respecté par les chirurgiens-dentistes et s’inscrit dans le quotidien de tous les cabinets. Par ailleurs, nous contribuons à informer et à éclairer la population grâce à l’activité de conseil que nous avons développée sensiblement ces dernières années et à la possibilité de leur gratuitement un deuxième avis. De plus, nous mettons à profit les « nouveaux » médias comme facebook et twitter, et proposons également des informations sanitaires sous forme de documents électroniques. Mesdames et Messieurs, je suis impatiente d’entendre vos questions et j’espère que la discussion sur le thème des droits des patients et de la prévention bucco-dentaire nous permettra de rapprocher nos points de vue et pratiques. Je vous remercie de votre attention. D:\582691128.doc 6 Bibliographie Prof. Dr. Renate Mayntz: Gesellschaftliche Selbstregulierung und politische Steuerung. Schriften des Max-Planck-Instituts für Gesellschaftsforschung Köln, Bd. 23.1995 Oskar Meggeneder: Unter-, Über- und Fehlversorgung. Vermeidung und Management von Fehlern im esundheitswesen. Verlag Mabuse,2003 Prof. Dr. Toni Faltermaier Gesundheit im Alltag, Laienkompetenz in Gesundheitshandeln und Gesundheitsförderung. Juventa, 1998: Prof. Dr. Friedrich Wilhelm Schwartz: Das Public Health Buch. Gesundheit und Gesundheitswesen, Urban und Fischer, 2003 , daraus: Kap. 1: Schwartz: Public Health – Zugang zu Gesundheit und Krankheit der Bevölkerung, Analysen für effektive und effiziente Lösungsansätze Kap. 2: Abelin, Jakubowski, Schwefel: Public Health aus globaler und europäischer Sicht. Kap. 3: Schwartz/Siegrist/Troschke/Schlaud, Schäfer: Gesundheit und Krankheit in der Bevölkerung. Kap. 31: Noack: Public Health in Europa: Forschung, Ausbildung und Perspektiven . Hurrelmann, Klaus; Kotz, Theodor; Haisch, Jochen (Hrsg.): Lehrbuch Prävention und Gesundheitsförderung, Verlag Hans Huber: Bern, 2007 Kickbusch, I.: Enabling healthy choices in modern health societies. European Health Forum, Bad Gasteig, 2005. Nielsen-Bohlman, L., Panzer, A., & Kindig, D. (Eds.).. Health literacy: A prescription to end confusion, 2004 Gemeinsame Pressemitteilung des Bundesministeriums für Gesundheit vom 23. Mai 2012 Endlich mehr Transparenz für Patienten - Patientenrechtegesetz vom Kabinett beschlossen D:\582691128.doc