REGULATION et COHESION SOCIALE I) Normes et cohésion sociale A) Normes et société 1°) La construction des normes a) l’apparition des normes (docs1 à 15 pages 260 à 263) Les règles explicites sont des règles énoncées et le plus souvent écrites (règlement intérieur, code civil …). En terme de norme, on peut parler de norme « juridique » Les règles implicites sont des règles non écrites et ne sont pas exprimées parce qu’elles sont supposées être intériorisées au cours de la socialisation (exemple : ne pas mettre ses pieds sur la table en classe est une règle explicite en maternelle et implicite au lycée). Dans ce cas , on peut parler de normes sociales Règles axiologiques : respect d’autrui, assistance à personne en danger, liberté d’expression, interdiction de l’inceste. Règles coutumières : rendre une invitation, rites de salutation, rites funéraires. Règles fonctionnelles : règlement intérieur d’un établissement scolaire ou d’une entreprise. Les règles axiologiques participent à la socialisation des individus et structurent la société en associant les normes aux valeurs et en attribuant les rôles et les statuts sociaux. Les Normes : règles de conduite communes à un groupe ou à une société. Les normes sont contraignantes et extérieures aux individus, elles ne sont dans tous les cas, pas naturelles, mais construites par les individus. Pour Durkheim, ce sont les groupes sociaux et les institutions qui construisent les normes, pour les sociologues individualistes, elles résultent d’intéractions entre individus et groupes sociaux. b) L’évolution des normes (docs 13 à 15) Les mutations de la société, en particulier l’élévation du degré d’instruction, l’affaiblissement des pratiques religieuses ou le progrès technique, expliquent la transformation des normes. Dans les sociétés traditionnelles, les comportements sont naturalisés, ils ne sont pas considérés comme une construction sociale. La démocratisation des sociétés occidentales a permis de respecter davantage les minorités : les homosexuels ne sont plus pourchassés, l’homophobie est devenue un délit ; de plus le22 décembre 2004 le Parlement a adopté un projet de loi créant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE)). La crise des institutions intégratrices (famille, religion, travail…) engendre un relâchement du contrôle social. Le mode de transmission des normes est moins traditionnel et moins directif ; l’absence de modèle rend l’individu plus libre, mais sans repère, c’est ce qui peut poser problème 2°) Le rôle des normes dans la société a) la conformité (docs 16 à 18) L’approche macrosociologique est une approche globale, c'est-à-dire au niveau de la société ; l’approche microsociologique se situe au niveau des groupes sociaux et /ou de l’individu. Les deux approches considèrent toute deux que les normes sociales représentent un élément décisif de la vie sociale ; en revanche, elles diffèrent sur leur rôle : du point de vue macrosociologique, celles-ci permettent à la société de fonctionner de façon harmonieuse ; du point de vue microsociologique, les normes représentent un guide pour les groupes sociaux et pour les individus. Pour les holistes, l’individu est plutôt considéré comme passif, alors que pour les individualistes méthodologiques l’individu est considéré comme un acteur. Le holisme considère que la société s’impose à l’individu ; celui-ci est contraint de respecter les normes sous peine de sanctions. Pour les individualistes méthodologiques, c’est la rationalité des acteurs qui les conduit à adopter une attitude conforme afin d’éviter les sanctions. La conformité, selon ces deux approches, résulte soit d’une contrainte (déterminisme), soit d’un libre choix (comportement stratégique). b) le contrôle social (docs 19 à 27) La notion de contrôle social admet quelques synonymes tels que régulation sociale ou contrainte sociale. Ces notions décrivent l’ensemble des moyens et processus par lesquels une société parvient à faire respecter ses normes. C’est un ensemble de sanctions positives et négatives exercées par des institutions ou des groupes. L’agent le plus puissant de la régulation sociale est cependant l’auto-contrôle qui correspond de la part de l’individu à l’intériorisation d’une norme. Le contrôle social formel est assuré par des institutions. Le contrôle social informel est le fait de groupes sociaux ou des individus. Une institution transforme les valeurs en normes sociales. Par exemple, l’institution scolaire apprend aux élèves les règles de politesse et le rejet de la violence (normes) afin de transmettre le respect et la fraternité (valeurs). Actuellement, nous assistons à une crise des grandes institutions dans la mesure où celles-ci sont confrontées à des crises majeures : « crise » de la famille(Les familles monoparentales ou recomposées produisant des normes différentes de la famille nucléaire auront plus de mal à les imposer à leurs enfants ; dans les familles monoparentales, les enfants se socialisent sans représentation de rôles sociaux sexuellement différenciés) , de l’école, de l’État , de la religion. Cette désinstitutionalisation conduit à une remise en cause de la conformité. Pour d’autres auteurs, nous n’assistons pas à un recul du contrôle social, mais plutôt à son renforcement au travers de nouvelles méthodes de conditionnement : la publicité, les sondages et le marketing. B) La transgression des normes 1°) La déviance a) définitions (docs 28/29) La déviance est une transgression des normes sociales sanctionnée par la société La variance est une transgression non sanctionnée. La déviance collective caractérise celle de groupes organisés alors que la déviance individuelle représente un comportement singulier. La déviance individuelle : l’alcoolisme, un clochard fortuné, l’escroquerie … La déviance collective : celle d’un groupe néo-nazi, d’une association de fondamentalistes … La chasse à courre qui se pratique en groupe est, depuis son interdiction récente, une déviance collective. b) les causes (docs 30 à 36) Aujourd’hui, la société s’est transformée, on note une émancipation des individus et un affaiblissement des institutions, aussi les normes ne s’imposent plus de façon aussi forte et les comportements déviants se multiplient. Au niveau sociologique, cette déviance peut être diversement interprétée : Pour DURKHEIM, l’anomie : situation qui se caractérise par l’affaiblissement ou l’absence de normes peut favoriser la déviance et cette anomie se développe lorsque l’on passe d’un type de société à un autre et lorsque de nouvelles normes apparaissent alors que les anciennes n’ont pas totalement disparu. (voir aussi MERTON doc 31) Pour les interactionnistes, cette déviance vient de la stigmatisation ou de l’étiquetage de certains individus ou certains groupes, cela entrave leur intégration et les pousse à la déviance. Globalement, tous les éléments actuels entravant l’intégration des individus (pauvreté, précarité etc…) peuvent permettre d’expliquer la montée de la déviance. 2°) La délinquance a) les faits (docs 37 à 42) La délinquance est une transgression des normes juridiques donnant lieu à une sanction. On peut la considérer comme une forme particulière de déviance. Les homicides et tentatives d’homicides ont tendance à diminuer depuis 1988 (de 0,45 pour 100 000 à un peu plus de 0,3). La propension à déclarer les viols a augmenté ces dernières années, ce qui permet de conclure que l’augmentation constatée ne correspond pas à une augmentation réelle du nombre des viols. Autrefois, les viols étaient rarement déclarés car les victimes ressentaient un sentiment de honte, voire de culpabilité. Actuellement, ces silences ont tendance à disparaître grâce aux mutations de la société (émancipation des femmes, comportement moins sexiste des policiers et des magistrats). Le viol est considéré comme un crime depuis 1992 (article 222.23 du Code pénal, loi du 22 juillet 1992) Après avoir augmenté, l’ensemble des délits (à l’exception des viols) sur la période 19922000 a eu tendance à diminuer. La sécurisation des biens (véhicules, domiciles) explique cette tendance. La délinquance des jeunes est un phénomène observable depuis plus d’un siècle, notamment dans les grandes villes comme Paris ou Marseille. L’entrée dans la délinquance est plus précoce qu’autrefois. Cette délinquance des jeunes est un phénomène qui concerne l’ensemble des sociétés développées. La pénalisation est le fait de sanctionner juridiquement (amendes, peines de prison) un comportement (exemple : pénalisation du commerce de drogue). L’usage du téléphone portable et le non-bouclage de la ceinture de sécurité sont aujourd’hui interdits et donc passibles de sanctions. Cela peut influencer les statistiques globales sur la montée de la délinquance. b) les causes (docs 43 à 50) Le crime existe dans toutes les sociétés, c’est dans ce sens qu’É. Durkheim le considère comme normal. Ce qui est anormal, c’est une augmentation importante à un moment donné, ce qui montre que les instances d’intégration fonctionnent mal. ( ce constat s’applique également à la déviance) L’augmentation des délits s’explique en partie par l’augmentation des possibilités (ici les opportunités) d’appropriation : vols de téléphones portables, vols de véhicules, cambriolages de maisons non occupées. L’augmentation des vols s’explique en partie par l’avènement de la « société de consommation » (grandes surfaces, publicité, augmentation de l’équipement des véhicules ou des logements …) résultant de la croissance économique. L’augmentation des inégalités nourrit un sentiment de frustration (« On assiste à une généralisation des besoins mais non des satisfactions ». J. Baudrillard) qui explique une délinquance « compensatrice ». Le chômage, en particulier le chômage des jeunes, prive les individus de revenus suffisants pour accéder aux normes actuelles de consommation. La corrélation entre chômage et délinquance ne signifie pas causalité directe et exclusive (tous les chômeurs ne sont pas des délinquants). Aujourd’hui, les sociologues s’accordent pour explique l’aggravation de la délinquance par ce caractère inégalitaire de notre société, le chômage, le comportement peu exemplaires des élites du pays. II) Conflits sociaux et régulation sociale A) Les conflits sociaux Un conflit du travail est une opposition entre salariés et employeurs concernant la rémunération ou les conditions de travail Un conflit social est une opposition entre groupes sociaux au nom d’intérêts ou de valeurs différents. L'action collective est une action concertée d'un ou de plusieurs groupes cherchant à atteindre des fins partagées qui concernent la société, soit en partie, soit en totalité. En fait, l'action collective est un conflit qui a pris une telle ampleur qu'il s'étend à l'ensemble de la société. 1°) Caractéristiques et causes des conflits a) présentation des conflits (docs 1 à 6 pages 286 à 288) La grève et la manifestation sont les moyens les plus fréquemment utilisés pour faire pression sur ceux qui détiennent le pouvoir de corriger le problème à l’origine du conflit. Ces formes d’action renforcent les solidarités de groupe et permettent de capter l’attention des médias. De nos jours d’autres types d’action (pétitions, occupations, prises d’otages, chantage à la pollution ou à la destruction de l’outil de travail) sont également observés. b) les causes des conflits (docs 8 à 10) Le conflit va se développer avec l'apparition d'un problème, c'est à dire avec le constat d'un écart entre la situation qui existe , celle qui pourrait exister et celle qui devrait exister. Pour que le conflit apparaisse, il faut que le problème soit clairement défini par les acteurs sociaux et pour qu'il se développe que les individus prennent conscience de leur intérêt commun ( Dahrendorf ou Marx); selon l'intensité du conflit, les modes d'action seront plus ou moins violents et conduiront à une action collective. Au niveau collectif, on peut citer comme principales causes: - la division du travail et sa hiérarchie de fonctions qui favorise les conflits de type bureaucratique - la possession ou l'emploi de ressources matérielles monétaires ou non, l'existence d'écarts favorisant les oppositions (revenus) - l'antagonisme entre les objectifs des différents acteurs de l'organisation concernée (société, entreprise…) - l'autorité qui selon DAHRENDORF est répartie inégalement ce qui aboutit à l'opposition entre ceux qui en possèdent et les autres. Chez Durkheim, c'est l'absence de règles (anomie) qui provoque le conflit, il n'y a plus de solidarité, il faut alors trouver des valeurs collectives, des règles communes qui rapprochent les individus. Pour Tocqueville, « la passion pour l’égalité », caractéristique des sociétés démocratiques, traduit le rejet des individus à l’égard des inégalités. Tocqueville prévoit tout à la fois une réduction et une amplification des conflits avec l’avènement de la démocratie. D’un côté, la réduction des inégalités devrait réduire les tensions sociales ; mais d’un autre côté, cette réduction est toujours insatisfaisante ; elle alimente de nouvelles revendications pour éradiquer les inégalités restantes. Plus les inégalités sont faibles, moins elles sont acceptées par les individus vivant dans une société démocratique, donc jouissant de l’égalité des droits. 2°) L’évolution des conflits a) le déclin des conflits traditionnels (docs 11 à 13) Depuis les années 80, on observe un affaiblissement des conflits du travail, avec une diminution importante du nombre de journées de grève. L’augmentation des grèves depuis 1995, et plus particulièrement depuis2003, invite à nuancer la thèse de l’affaiblissement durable des conflits du travail. L’hétérogénéité du salariat (féminisation, proportion croissante d’ouvriers immigrés, précarité croissante) et « l’embourgeoisement » de la classe ouvrière (accès à la consommation de masse, élévation du taux de scolarisation des enfants d’ouvriers…) expliquent l’effacement de la culture ouvrière. Au-delà de l’affaiblissement de la « conscience de classe », visible également au niveau du déclin syndical, l’institutionnalisation des relations sociales, la diminution des ouvriers non qualifiés, le chômage et la précarité sont aussi à l’origine du déclin du mouvement ouvrier au profit de mouvements corporatistes. b) les nouveaux mouvements sociaux (docs 14 à 23) Les nouveaux mouvements sociaux (NMS) sont des conflits qui s’organisent autour d’enjeux culturels. Les conflits portent sur l’environnement, la lutte contre les discriminations, les droits de l’homme etc... , et mobilisent de nouveaux acteurs comme les écologistes, les consommateurs ou des minorités sexuelles ou ethniques qui utilisent de nouveaux moyens d’action comme les concerts ou internet : mouvements féministes, écologistes, antiracistes, homosexuels, les mouvements des « sans » (papiers, logement, emploi…) La lutte n’est plus une lutte des classes puisque l’on retrouve, unis dans une même action, des individus appartenant à des catégories sociales très variées. B) le conflit, élément de la régulation sociale 1°) le conflit comme régulateur social a) conflit et cohésion sociale (docs 24 à 27) Plusieurs expériences menées par des psychosociologues montrent les principaux effets sociaux du conflit: - renforcement de l'identité et de la cohésion du groupe - rapprochement entre adversaires par la création d'un objectif commun - maintien voire renforcement de l'équilibre du pouvoir dans le groupe b) conflit et évolution des normes (docs 28 à 30) Le conflit contribue au bon fonctionnement de la société ; il permet de poser des problèmes et de proposer des solutions ; en ce sens il contribue à produire des règles sociales. Les mouvements sociaux exercent une pression sur le pouvoir politique qui peut être amené à adopter de nouvelles lois (ex: lois sur l’IVG) ; ils influencent également les institutions qui produiront d’autres normes (ex: école et entreprise à la suite de Mai 68). Le mouvement ouvrier a, en son temps, contribué à l’obtention de nouveaux droits dans l’entreprise (section syndicale, convention collective, comité d’entreprise….) Les mouvements sociaux peuvent également s’opposer au changement social, c’est le cas des récents conflits sur les retraites ou contre le CPE, on veut conserver des acquis sociaux et ne pas changer la société. 2°) la résolution des conflits a) la négociation (docs 31 à34) La négociation est l’ensemble des procédures ayant pour objectif la résolution des conflits. Le problème qui se pose est que si les parties en présence s’affrontent, c’est qu’elles ont des intérêts opposés et il va être difficile de trouver une solution satisfaisante pour chacun. A priori, les deux parties devront faire des concessions. Dans un jeu à somme nulle, ce que l’un gagne, l’autre le perd ; l’augmentation de salaire entraîne dans la plupart des cas une diminution des profits de l’entreprise ou une augmentation des prix pour le consommateur. Dans un jeu à somme positive les deux parties sont gagnantes : des mesures de protection de l’environnement qui peuvent léser certaines parties à court terme bénéficient à tous les habitants à long terme (diminution de maladies, amélioration de la qualité de la vie…). b) l’institutionnalisation des conflits (docs 35 et 36) L'institutionnalisation des conflits, càd leur règlement par des instances représentatives ayant des lieux de rencontre et des moyens d'arbitrage et de négociation, permet une régulation sociale, cad de réduire les oppositions et de permettre la stabilité. A côté des syndicats, on peut citer les prud'hommes, les comités d'entreprise, la politique contractuelle et même la démocratie et le système juridique; les instances en place sont si nombreuses qu'il paraît y avoir peu de place pour l'action collective, le conflit fait apparaître un dysfonctionnement du système social et en même temps il est un moyen de le résorber. La politique contractuelle, issue des accords de Grenelle, à la suite de Mai 68, organise la négociation : l’Etat a organisé la représentation des salariés dans l’entreprise (élection des délégués du personnel, section syndicale …) et les relations entre partenaires sociaux (obligation de négocier une fois par an…), il y trouve également son compte car il est mauvais pour le pouvoir politique de voir s’installer le mécontentement et l’agitation sociale.