Halte à la maltraitance de la nourriture ! Chaque jour, le plus souvent sans le savoir, nous maltraitons nos aliments. Ces aliments si précieux qu’ils devraient être, selon Hippocrate, nos seuls médicaments. Ces aliments dont la mission est de fournir à nos dizaines de milliards de cellules une bonne cinquantaine de nutriments et de micronutriments connus – sans compter les inconnus ! Ces aliments qui, des chercheurs et des médecins nous le disent, modulent, après chaque bouchée, l’expression de nos gènes. « Lorsque nous mangeons, souligne le Dr Mark Hyman, l’un des représentants de la médecine fonctionnelle aux Etats-Unis, nous envoyons des instructions à nos gènes afin de leur indiquer la marche à suivre. » Ces gènes, informés par tel ou tel aliment, vont-ils ensuite travailler dans le sens de la maladie, ou dans celui de la santé ? Cela dépend beaucoup de nos choix. Par exemple, les carbolines issues des protéines brûlées, l’acrylamide des frites, chips ou céréales pour petits déjeuners peuvent être mutagènes ; les produits de glycation avancée (caramels ou autres appétissants produits du rôtissage ou de la viennoiserie) peuvent se « coller » aux gènes. A juste titre, nous sommes préoccupés par des aliments contenant pesticides et additifs très dangereux, pourtant certains chercheurs en nutrition estiment qu’ils contiennent moins de composés mutagènes que les aliments cuits… Autre écueil : nos enzymes ne sont pas « outillées » pour scinder les molécules transformées par des cuissons agressives (au-dessus de 100-110° ). Ces molécules toxiques au mieux nous encrassent, au pire alimentent inflammations chroniques et maladies auto-immunes. Savez-vous que le caramel foncé est résistant à nos enzymes digestives, tout comme à l’eau de Javel ? Que certaines molécules de Maillard sont absentes chez le nourrisson, mais abondantes chez les personnes âgées ? « Elles pourraient participer au vieillissement vasculaire et cérébral prématuré, écrit le Dr Jean Seignalet (1), aux démences séniles, souvent observées à notre époque. » A l’inverse, il a été montré par le Dr Béliveau, entre autres, que certains composés phytochimiques du brocoli ou de l’oignon (crus) peuvent bloquer au niveau des gènes, dès la phase d’initiation, l’action de substances cancérigènes. Que la curcumine, le lycopène (tomate, pamplemousse rose, poivron rouge, pastèque…) ou le limonène des zestes d’agrumes (bios et crus !) peuvent inhiber la promotion et la progression de cellules cancéreuses. Que des extraits d’ail ou de certains choux verts (crus !) provoquent en laboratoire l’arrêt complet de la croissance de cellules cancéreuses, y compris celles d’une tumeur cérébrale très agressive, le méduloblastome (2). Que la génistéine du soja peut occuper des récepteurs cellulaires qui recevraient autrement les xéno-oestrogènes dans lesquels nous baignons de nos jours? Il ne suffit pas de manger « bio » pour manger sain : une alimentation bio déséquilibrée, composée de trop de viandes et/ou de laitages dont les facteurs de croissance stimulent les cellules tumorales(3), de sucreries et d’aliments trop cuits peut aussi nous mener vers quantité de maladies graves. L’homme braise des viandes et certains tubercules depuis trois cent ou quatre cent mille ans, mais la cuisson généralisée des aliments ne date que de la période agricole - il y a seulement 8 000 à 12 000 ans -, alors que durant des millions d’années nos lointains ancêtres ont nourri leurs gènes de végétaux (surtout) et de quelques animaux crus, et que ces gènes sont à peu de chose près toujours les nôtres. Aujourd’hui, les pseudo-aliments qui arrivent dans la plupart des cuisines des citadins du monde entier sont déjà gravement maltraités : par le mode de culture (sols appauvris, engrais de synthèse, herbicides, pesticides), par les transports, les délais de mise en vente et les stockages dans les frigos (perte de vitalité et d’une bonne partie des vitamines les plus fragiles). Ensuite, les modes de conservation (mise en boîtes avec revêtement interne au Bisphénol A, surgélation, UHT, ionisation) éliminent d’autres micronutriments tout en ajoutant des molécules toxiques. Le raffinage des céréales et l’extraction des huiles à chaud aura été une catastrophe pour la santé publique, ainsi que l’ont bien expliqué Henri-Charles Geffroy ou le Dr Kousmine. Puis, de nombreux produits intermédiaires (solvants, etc.) et additifs font de quantité de ces pseudo-aliments imposés par la grande distribution de véritables ovnis nutritionnels pour nos organismes. Faut-il que la petite part de légumes que nous consommons par rapport aux véritables besoins de nos cellules, et qui aurait échappé à ce jeu de massacre, soit pour finir quasi détruite dans un micro-ondes, un autocuiseur, un bain de friture ou un four à 300 degrés ? Pas de panique, la solution est simple : une alimentation surtout végétale, de qualité biologique. Nos menus quotidiens devraient être composés de 60 à 80% de végétaux, nos assiettes d’une moitié de légumes verts et colorés, en bonne partie crus. D’algues, de graines germées (légumineuses et noix variées, céréales si possible sans gluten), de quelques légumes lactofermentés (choucroute crue). Certes, les aliments cuits réchauffent les frileux et nous apportent une part de plaisir, part d’autant plus grande que nous y sommes habitués depuis longtemps. Chacun peut modifier en partie ses habitudes, remplacer un plaisir par un autre encore plus grand – celui de se sentir léger, souple et plein d’énergie ? Bonne nouvelle : les aliments cuits avec respect sont presque aussi bénéfiques pour la santé que les crudités, qui restent cependant indispensables en début de repas. Modes de cuisson respectueux : soleil, déshydrateur réglé à moins de 45° (pour préserver les enzymes), vapeur douce, étouffée, wok à l’occasion. Cuissons brèves, légumes « al dente ». Il a été montré que les aliments cuits, de même que certaines grosses molécules, augmentent fortement le taux de globules blancs dans le sang immédiatement après chaque repas. Le système immunitaire se mobilise face à des inconnus ! Or cela ne se produit pas lorsque nous mangeons soit un repas cru, soit des crudités suivies de légumes cuits à la vapeur. La belle saison est idéale pour se rafraîchir avec des crudités variées, colorées, bien mastiquées, sous forme de gazpachos, de jus de légumes fraîchement extraits, de tartares de graines germées, voire de quelques sorbets maison préparés avec des fruits bien mûrs. Profitons-en pour déguster, savourer, explorer, innover, pour apprendre à mieux respecter les aliments ainsi que notre santé. Henriette Sarraseca (1) L’Alimentation ou la troisième médecine, Dr Jean Seignalet (Ed. François-Xavier de Guibert) (2) Les Aliments contre le cancer, Drs Richard Béliveau et Denis Gingras (Ed. Solar). (3) Le Rapport Campbell, Pr Colin Campbell (Ed. Ariane).