Association Nature et Progrès Document Biodoc n° 26
Association d’agriculture Mars 2012
écologique de l’Orne (AGRECO) Joseph Pousset
Groupement régional d’agriculture (tous droits de reproduction réservés)
biologique de Basse-Normandie (GRAB)
La Culture du sarrasin
Eléments d’observation et de recherche
Beaucoup d’agriculteurs actuels, surtout parmi les plus jeunes, seraient incapables de décrire le sarrasin, faute
d’en avoir vu. Cette culture était pourtant très connue et pratiquée dans certaines régions de France jusque vers
les années 1900. Son abandon est dû à des causes techniques (insertion difficile dans une agriculture industrielle
intensive) et à des facteurs psychologiques que j’ai eu l’occasion de ressentir à plusieurs reprises chez certaines
personnes (on a tendance à le considérer comme dépassé et à le percevoir comme culture de pauvre).
Actuellement il connaît un modeste renouveau comme « couvert végétal ».
CARACTERISTIQUES BOTANIQUES DE LA PLANTE – IMPORTANCE DE SA CULTURE
Le sarrasin porte divers noms locaux. En Bretagne, c’est le blé noir ; dans l’Orne, on l’appelle plutôt carabin.
En France, à l’heure actuelle, on en cultiverait environ 10.000 hectares alors qu’il aurait couvert 750.000 hectares
au milieu du 19ème siècle. D’après Férault, la France au début des années 1980 importait par an 7 à 10.000 tonnes
de sarrasin provenant surtout du Brésil alors que, d’après Rousseaux (France Agricole du 15 avril 1984), les
importations françaises de sarrasin provenaient surtout du Canada.
Au niveau mondial, les pays de l’ex URSS fourniraient environ 90% du sarrasin produit et consacreraient environ
1,4 millions d’hectares à cette culture ; les autres pays ayant une production significative seraient la Pologne, le
Japon, le Canada, les Etats Unis, l’Afrique du Sud.
Le rendement moyen actuel en France serait de l’ordre de 12 à 16 qx/ha ; d’après Rousseaux (France Agricole du
20 avril 1984) le rendement moyen en Russie serait seulement de 5 qx/ha ; quant au rendement mondial moyen, il
serait, d’après Férault de 8 à 9 qx/ha. Je précise que je cite ces chiffres sous toutes réserves mais ils
correspondent à ce qu’on observe sur le terrain.
Sur le plan botanique, le sarrasin appartient à la famille des polygonacées (comme notre cher rumex) et constitue
le genre fagopyrum qui comprend lui-même plusieurs espèces, notamment :
– le sarrasin argenté (Polygonum fagopyrum L)
– le sarrasin de Tartarie (Polygonum tataricum L).
Ces deux espèces ont été cultivées en France mais, à l’heure actuelle, à ma connaissance, seule la culture du
sarrasin argenté est encore pratiquée. Certains parlent également d’un sarrasin « commun » dont les grains
seraient de couleur plus sombre, de forme plus irrégulière, moins bombée, je n’ai jamais eu l’occasion d’observer
ce type de sarrasin et j’ignore s’il s’agit d’une espèce particulière. Quant au sarrasin dit « chinois », cultivé non
seulement en Chine mais également en Amérique du Nord et en Europe Centrale, il donne des grains plus gros
que le sarrasin argenté, noirs, se décortiquant facilement. A priori, il paraît intéressant à cultiver mais il donne de
mauvais résultats chez nous, tout au moins dans les conditions où j’ai pu l’observer, j’ignore pourquoi. Par
ailleurs, je ne connais pas sa dénomination botanique exacte.
Le sarrasin de Tartarie serait plus précoce et s’accommoderait mieux des sols calcaires que le sarrasin argenté
mais ses grains sont moins beaux et sa farine serait légèrement amère, peu propice à l’alimentation humaine. A
l’œil, on le distingue facilement du sarrasin argenté car il a des feuilles plus larges et des fleurs plus petites et
verdâtres.
Les fleurs du sarrasin n’ont pas de pétales. Dans le cas du sarrasin de Tartarie, elles sont hermaphrodites et
autogames, c’est-à-dire que le pollen d’une fleur peut féconder les ovules de la même fleur. Chez le sarrasin
argenté, les fleurs sont également hermaphrodites mais hétérostyles. L’autogamie est encore possible mais rare,
c’est donc la fécondation croisée qui est de règle : le pollen d’une fleur va féconder les ovules d’une autre fleur.
Cette fécondation croisée suppose l’intervention d’agents extérieurs qui permettent le transport du pollen. Dans le
cas du sarrasin argenté, les insectes jouent un rôle considérable dans ce transport ; nous verrons que cela a de
l’importance. La végétation ne doit être trop dense pour que les insectes puissent y pénétrer facilement et
accomplir pleinement leur travail de pollinisateurs. Des facteurs climatiques (pluie, vent) peuvent aussi gêner la
fécondation croisée (c’est la coulure à laquelle le sarrasin de Tartarie est moins sensible). De la réussite de la