Matthieu 1, 1-25 - Luc 2, 1-20 - Jean 1, 1-18
Notre monde est en crise. Rien à voir, pourrait-on penser, avec celui de César Auguste où
Rome triomphe… Une mondialisation avant l’heure, dont témoigne le recensement de tout
l’univers. Mais le sauveur, ce n’est pas l’empereur de Rome, c’est le « Christ Seigneur ». Luc
mêle ainsi l’envoyé, celui qui a reçu l’onction, et la source puisque le vocable Seigneur renvoie
au Nom de Dieu. Même perspective dans le prologue du quatrième évangile : la Parole,
divine, est devenue chair, manifestant ainsi la gloire de Dieu pour que « nous » puissions
l’admirer. On retrouve donc chez Luc comme chez Jean la trilogie inattendue de la parole (de
grâce), de la chair et de la gloire puisque l’ « aujourd’hui » du salut est proclamé à des
bergers, eux qui vivaient aux marges de la société, par le chant des puissances célestes : « la
gloire de Dieu au plus haut des cieux, et aussi sur la terre » !
Dieu en notre chair : « il a planté sa tente » (rappel de l’arche d’alliance. Cf. la première
lecture de dimanche dernier) « en nous » dit Jean ! La généalogie de Matthieu le rappelle
aussi : Jésus est engendré, verbe au passif, qui évoque l’action de Dieu pour le monde. Jésus
n’est pas seulement le descendant d’Abraham et de David mais il est le nouvel Adam.
Nouvelle création, nouvelle « genèse » (Cf. le « au commencement » du Prologue qui sont les
premiers mots de la Bible) qui récapitule toute l’histoire, y compris dans ses dimensions
bancales comme en témoignent les seules femmes nommées dans sa généalogie : trois ne
sont pas d’Israël, signe d’universalité certes mais Thamar et Ruth ont enfanté dans des
situations irrégulières ; quant à Rahab, elle fut prostituée et, on sait dans quelle condition
Bethsabée devint mère de Salomon !
Parce que le « monde » dans lequel vient le Verbe est dans l’ambigüité : s’il est aimé par Dieu,
il est encore dans le péché. Situation résumé par Jean : « le monde à travers lui devint, et le
monde ne le connut pas » ! Pour Luc, Marie et Joseph « n’avaient pas de place dans la salle
commune ». Jésus enfanta donc dans une « mangeoire ». Mais à Noël, ce n’est pas cette
opposition qui est soulignée, c’est la nouveauté radicale, inscrite au commencement, d’un
Dieu qui devint l’un de nous et qui, ainsi, nous donna pouvoir de devenir ses enfants ! Les
évangiles rappellent aussi la mission accomplie par Joseph qui accepte de ne pas répudier sa
fiancée, mais aussi celle de Jean qui crie la venue de Celui qui était avant lui, sans oublier
celle de Marie qui accueille la « parole-évènement » et la garde en son cœur. La Parole
continue donc à nous travailler pour enfanter ce monde nouveau rêvé et promis par Dieu.
Joseph est obligé de retourner dans la ville de son ancêtre David. Beaucoup sont tentés, en
ces temps d’incertitudes, de retourner à la pensée et à la liturgie de nos pères, oubliant leur
péché… La sainte famille devra vite quitter Bethléem pour un autre lieu qui rappelle autant
l’esclavage que la libération. Dans ce monde violent qui est aussi le nôtre, ce qui est proclamé
c’est l’aujourd’hui d’un salut abondant, de plénitude dit Jean. C’est Jésus qui nous entraine
sur ce chemin. Une logique de surcroît ! Celle du don, pas celle du marché ! A bon entendeur,
très beau Noël… Aux autres aussi !