ses propres critères pour juger la performance d’une organisation. La performance ne pourrait
s’apprécier dans l’absolu, mais par rapport à un référentiel dont le choix appelle un jugement,
une interprétation. La performance serait ainsi, une construction sociale qui dépend du point
de vue des acteurs.
Le modèle de Morin, Savoie et Beaudin permet de faire ressortir les caractères
multidimensionnel et subjectif du concept de performance.
Le lien dialogue social- performance de l’entreprise a fait l’objet de nombreuses études,
principalement dans les pays anglo-saxons, sous son aspect « quantitatif » (Pour un
développement récent voir la thèse de P. Laroche : « L’influence des organisations syndicales
de salariés sur la performance économique et financière des entreprises »).
Notre recherche, quant à elle, propose d’étudier ce lien dialogue social- performance sous son
aspect « qualitatif ». Nous nous focaliserons sur le processus par lequel les acteurs mettent en
œuvre leurs stratégies dans le cadre de la négociation collective ; et tenterons de rapprocher
ce processus de la performance de l’entreprise.
Puisque nous souhaitons démonter les mécanismes de la négociation collective, il nous faut
comprendre, d’une part, le comportement des acteurs concernés par ce processus et, d’autre
part, comment les règles se forment.
LA RATIONALITE LIMITEE DES ACTEURS
Ce concept est l’œuvre de Simon (1947). Par la suite, de nombreux auteurs ont repris cette
hypothèse de rationalité limitée des individus ( Boudon (1979), Crozier et Friedberg (1977)
notamment).
La rationalité limitée peut, tout d’abord, être explicitée en reprenant l’approche adoptée par
March et Simon (1957).
Les choix des individus s’appuient sur « un schéma simplifié, limité et approximatif de la
situation réelle ». Les éléments de ce schéma sont « le produit de processus psychologiques et
sociologiques, comprenant les activités propres de celui qui choisi, et celles des autres dans
son milieu ». Les auteurs illustrent la différence entre la rationalité absolue et la rationalité
limitée par un exemple concret : « L’exploration d’une meule de foin pour y trouver la plus
fine aiguille, et l’exploration pour en trouver une assez fine pour pouvoir coudre, sont d’ordre
différent », la plus fine correspond à un optimum, la rationalité absolue, une assez fine pour
pouvoir coudre correspond à la rationalité limitée.
Pour approfondir ce concept, nous pouvons nous référer à un ouvrage de Rojot (1994) qui
nous offre une vue synthétique de ce concept. En voici un extrait :
« « En général, la rationalité concerne la sélection de branches d’alternatives de comportement préféré dans les
termes d’un système de valeurs quelconque à travers lequel les conséquences de ce comportement peuvent être
évaluées. »° Cependant, l’on ne peut s’attendre à ce que des individus soient parfaitement et totalement
rationnels et se comportent comme tels. Par exemple, il n’est pas possible pour un individu de définir clairement
ou même simplement de deviner les principaux comportements alternatifs qu’il lui serait loisible d’adopter
quand il se trouve dans une situation donnée. Dans la plupart des cas, il y a trop de possibilités et de directions
d’actions pour qu’il lui soit possible de les découvrir toutes et même simplement de les énumérer. Il n’est pas
possible de considérer ensemble, dans leur totalité, celles qui vont être évoquées car cela dépasse les capacités de
traitement des informations d’un cerveau humain. Il est encore plus difficile d’appliquer complètement les
mesures d’un système de valeurs stable et cohérent aux branches d’alternatives évoquées et à ceux de leurs
aspects considérés car une situation est trop riche en détail et il n’y a pas assez d’informations disponibles. Enfin,
il est totalement impossible, en terme absolu de faisabilité, de dérouler les chaînes possibles et probables de
conséquences qui découlent de chaque branche d’alternative, car le futur est trop incertain. Trop de branches
d’alternatives s’ouvrent, se ferment avec trop de conséquences imprévisibles. Tenter de comprendre ou
simplement de deviner les conséquences d’une action donne, au mieux, toujours des résultats fragmentés et