
Le monde – 14/09/11 
 
Mancur Olson, théoricien des " biens collectifs " 
 Mancur Olson (1932-1998) est un économiste américain dont les travaux ont marqué la 
réflexion  et  la  recherche  sur  l'action  collective,  la  production  de  biens  publics,  la  place  des 
institutions et le rôle de la démocratie. Au-delà d'articles universitaires marquants, trois ouvrages 
ont construit sa notoriété : le premier, Logique de l'action collective, paru en 1965 (traduction 
française en 1978), est  issu de la  thèse  qu'Olson a réalisée  à Harvard sous la direction du 
théoricien  des  jeux  Thomas  Schelling.  Il  y  développe  l'idée  apparemment  paradoxale  qu'un 
ensemble de personnes liées par un intérêt commun et ayant les moyens de poursuivre cet 
intérêt  ne  le  feront  pas  toujours  spontanément.  Autrement  dit,  l'action  individuelle  ne  se 
généralise  pas  simplement  en  action  collective,  il  faut  pour  cela  une  organisation  et  des 
institutions. Dans un appendice à l'édition de 1971, il prévoit que les biens collectifs vont devenir 
de  plus  en  plus importants, aux Etats-Unis et  ailleurs.  Il  en découlerait  que l'intervention du 
gouvernement serait nécessaire sur un champ de plus en plus vaste, que la mesure du " bien-
être  national  " serait  de  moins en  moins  réductible  à  celle du  revenu national, et  que cette 
évolution  multiplierait  au  sein  des  sociétés  les  sources  de  tensions  liées  à  la  diversité  des 
besoins de biens collectifs. 
Son second livre, The Rise and Decline of Nations, paru en 1982, applique l'approche 
précédente à l'explication du degré de dynamisme économique des différents pays. Sa thèse 
principale est  que les  démocraties stables facilitent le  développement de coalitions d'intérêts 
agissant  sur  la  répartition  des  revenus,  qui  consolident  leur  pouvoir  et  génèrent  des 
comportements rentiers pénalisant la croissance. Il explique ainsi le déclin relatif de l'économie 
du Royaume-Uni, par contraste avec la forte expansion de l'Allemagne et du Japon après que 
leur défaite a débarrassé ces pays des groupes d'intérêt qui en bloquaient le dynamisme. Il y 
développe  donc  une  vision  pessimiste  de  la  démocratie,  portant  en  germe  une  forme 
d'inefficacité structurelle de l'action collective par le jeu de groupes d'intérêts partiels et partiaux. 
Son  dernier  livre, Power  and  Prosperity,  paraît  en  2000  et  corrige  en  partie  cette  vision 
pessimiste,  trouvant  son  inspiration  dans  l'effondrement  du  communisme  et  la  difficile 
problématique de la transition. La démocratie est nécessaire pour prévenir les comportements 
prédateurs de  gouvernements autocratiques. Mais il  faut aussi un  gouvernement capable de 
protéger les droits de propriété et de lutter contre les comportements privés de prédation que ses 
travaux antérieurs sur les groupes ont mis en évidence. Dès lors, les formes institutionnelles des 
-régimes démocratiques prennent toute leur importance. 
C'est donc un matériau très riche qu'a laissé Olson pour nourrir la réflexion sur l'évolution 
des sociétés, la croissance, le développement et le rôle des institutions. Cette somme révèle la 
complexité intrinsèque du développement économique, l'absence de prescription miracle et la 
contradiction permanente des modes organisationnels. Olson permet d'analyser la difficulté à 
produire  les  "  biens  publics  mondiaux  "  qui  défraient  aujourd'hui  la  chronique  :  comment 
construire l'action collective sur le climat, la biodiversité, les pandémies, la stabilité financière et 
bien d'autres sujets majeurs sans un leadership international fort et visionnaire ? C'est l'enjeu de 
la période actuelle. 
Pierre Jacquet 
Pierre Jacquet est chef économiste, Agence française de développement