Si Ni Tang et le traitement du cancer du Poumon de
Lewis
Si Ni Tang est une prescription classique du « Shang Han Za Bing Lun » de Zhang Zhong Jing, servant
essentiellement à traiter les syndromes de vide-froid de la couche Shao Yin. Constituée de fu zi, gan jiang
et gan cao, elle a pour fonction de réchauffer le milieu, disperser le froid et traiter l'échappement de Yang.
On considère en général que les composants chimiques essentiels de Si Ni Tang sont les alcaloïdes et les
polysaccharides contenus dans fu zi ( l'aconite). Puis, on a aussi découvert ces dernières années que fu zi
avait des vertus tonicardiaques, immuno-stimulantes, anti-vieillissement et antitumorales. L'idée est donc
de réaliser une expérimentation clinique sur les souris permettant de mesurer les effets de Si Ni Tang
(dont fu zi est la plante empereur) sur les tumeurs cancéreuses, non seulement l'effet de réduction directe,
mais l'impact sur la récidive et les métastases. Enfin, il s'agit aussi de voir quelles sont les
combinaisons optimales entre différents composants de cette formule.
1. Expérimentation
Pour mener cette expérimentation, il a été choisi de tester les effets de Si Ni Tang sur le cancer du poumon
de Lewis chez des souris. En effet, le cancer du poumon est le cancer avec le plus haut taux de mortalité
(estime à 90%), du au fait qu'il est rarement possible d'effectuer un dépistage précoce. Les causes de
mortalité sont à la fois l'invasion directe des poumons par les tumeurs et les métastases qui entrainent une
généralisation du cancer; selon certaines études récentes, cette deuxième cause représente les 2/3 des
cas.
Le VGEF (Vascular Endothelial Growth Factor ou Facteur de Croissance Vasculaire Endothelial) est une
substance secrétée (en partie) par les cellules cancéreuses et qui joue un rôle particulièrement important
dans le processus de prolifération cancéreuse de ce cancer du poumon de Lewis, tant pour les tumeurs
elles-mêmes que pour les métastases. En effet, ce VGEF est un facteur important de vascularisation et s'il
s'exprime de manière excessive, cela peut stimuler la vascularisation des tumeurs et donc favoriser leur
développement; par ailleurs, cela peut aussi favoriser le passage des cellules cancéreuses dans le sang et
donc la formation de métastases. Ainsi, mesurer l'impact d'une formule comme Si Ni Tang sur ce VGEF
permet d'en évaluer les effets sur la croissance des tumeurs, le développement des métastases et les risques
de récidive, dans une forme de cancer particulièrement meurtrière.
2. Résultats
Les résultats montrent que Si Ni Tang permet de réduire le nombre des nodules métastasiques sur la
surface des poumons et d'inhiber l'expression du VGEF contenu dans le sérum sanguin, ce qui freine le
développement des tumeurs en empêchant leur vascularisation.
Par ailleurs Si Ni Tang permet aussi d'inhiber l'expression du VGEF à l'intérieur les cellules cancéreuses
elles-mêmes, vraisemblablement grâce à l'effet inhibiteur sur la vascularisation.
Il apparait également que :
° La proportion optimale entre fu zi et gan jiang est entre 1,5 et 2 contre 1.
° Les effets anti-tumoraux (via le VPEG) augmentent proportionnellement à la
quantité absorbée de Si Ni Tang
° L'association de gan Jiang et de zhi gan cao avec fu zi permettent d'annuler la
toxicité de ce dernier
Dans l'expérimentation, les grammages optimaux apparaissent être les suivants :
fu zi 30
gan jiang 20
zhi gan cao 30
Conclusion:
Il est intéressant de voir qu'une formule classique comme Si Ni Tang peut-être utilisée dans
le traitement de cancers, alors qu'elle n'a pas du tout été conçue pour cela à l'origine. Cela
conduit à ne pas sous-estimer l'expérience clinique des anciens, mais au contraire, à conduire
des expérimentations cliniques approfondies pour pouvoir étendre le champ d'application de
formules classiques comme Si Ni Tang.
Alors que le tropisme de Si Ni Tang est essentiellement le Rein et la Rate, elle est utilisée ici pour le
traitement de maladies des poumons. En fait, Si Ni Tang traite le froid interne à sa source (couple
Rein/Rate) et, par conséquent, permet aussi de traiter le froid, quels que soit les Organes ou Entrailles
concernées. D'ailleurs, si on y regarde de plus près, les composants de Si Ni Tang ont aussi un tropisme
Foie, Estomac, Poumon, Cœur, etc. Ainsi, ce qu'il faut vraiment retenir de cette formule, c'est sa fonction
et non son tropisme, car cela conduirait à en limiter le champ d'application.
Enfin, contrairement à ce semblent penser certains, un cancer ne relève pas forcément d'un syndrome de
chaleur toxique et il n'y a pas à avoir peur d'utiliser des formules « chaudes » comme Si Ni Tang.
D'ailleurs, si on admet que le cancer implique nécessairement la présence de toxicité, on voit qu'on doit
aussi parler de froid toxique. Seul le diagnostic du syndrome doit faire foi pour le choix ou la constitution
d'une formule de pharmacopée, qu'il s'agisse d'un cancer ou de toute autre maladie. Du coup, on pourrait
tout à fait utiliser Si Ni Tang pour traiter d'autres cancers que celui du poumon dans la mesure où il s'agit
bien d'un syndrome de froid interne, ce qui est la véritable indication de Si Ni Tang.
Article originel :
北京中医药大学学报, 35 , 2期,20126
四逆汤组成药物不同配伍对肺癌小鼠血清血管内皮生成因子表达的影响
Journal de l'Université de MTC de BeiJing, vol. 35, n° 7, Juillet 2012, p. 470
ffets de Si Ni Tang et de ses différentes combinaisons sur le facteur de croissance
endothélial dans le sérum sanguin chez les souris atteintes d'un cancer du poumon de
Lewis
Traduit et adapté par Jean-Christian Raoux
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