Matériel d'urgence nécessaire pour la réanimation
par jean Rigal*
* Médecin, Médecins sans Frontières, Paris.
La réanimation n'est pas seulement affaire d'équipement et de matériel
consommable, mais surtout de compétence et d'expérience du personnel dical.
La réanimation d'un malade en situation de détresse cardiovasculaire autorise des
gestes qui peuvent le sauver, mais aussi aggraver définitivement son état, si ces
gestes ne sont pas effectués au moment opportun, ou s'ils le sont par des mains non
expertes.
Cette réanimation ne se conçoit donc qu'au niveau de structures sanitaires équipées
: bloc opératoire d'hôpital de district, salle d'urgence ou d'admission d'un centre
médical sous la responsabilité d'un médecin.
I. L'inefficacité circulatoire
Le terme d'inefficacité circulatoire dans sa signification la plus complète, l'arrêt
circulatoire, représente l'urgence totale n'admettant aucun délai dans l'institution de
son traitement symptômatique.
1. Diagnostic
Il ne tolère aucun délai. Il se fait essentiellement :
- sur la disparition des pouls au niveau des gros troncs artériels,
- sur l'aspect du sujet : perte de conscience, pâleur et souvent cyanose périphérique,
mydriase bilatérale (inconstante),
- en cours d'intervention chirurgicale, la plaie opératoire devient exsangue ou
cyanosée, les vaisseaux immobiles.
2. Conduite à tenir
Appeler à l'aide et noter l'heure.
Placer le sujet sur un plan dur.
S'assurer de l'absence de mouvements respiratoires, luxer le maxillaire inférieur
vers l'avant et nettoyer au doigt le larynx.
Deux gestes simultanés sont indispensables :
- le rétablissement de la ventilation alvéolaire,
le massage cardiaque externe.
Mettre en place une perfusion percutanée sur une grosse veine périphérique
avec un cathéter 16 ou 18 G., puis remplissage vasculaire si nécessaire
(hémorragie).
Évaluer les résultats de la réanimation précoce, active et efficace au bout de
quelques minutes.
Il. Le rétablissement de la ventilation alvéolaire
C'est le premier objectif des gestes d'urgence. Plusieurs techniques peuvent être
employées en sachant que l'intubation endotrachéale est la plus efficace.
1. Technique du « bouche à bouche »
C'est la plus rapide à mettre en oeuvre. Le rétablissement de la ventilation alvéolaire
se fait par insufflation d'air expiré. Cette technique a déjà été décrite dans un article
précédent et ne nécessite aucun matériel particulier.
Cependant, pour les techniques de bouche à bouche et de ventilation au masque
avec Ambu, on peut s'aider en insérant une canule oro-pharyngée (type Mayo ou
Guedel) : de taille adaptée à l'âge, elle facilite le passage de l'air et évite la chute de
la langue sur le larynx (schéma n° 1).
La canule est glissée sur la langue, tournée vers le haut puis retournée afin que la
canule repose sur la convexité de la langue. Fixer la canule avec du sparadrap sur
la lèvre supérieure (schéma n° 2).
2. Ventilation au masque avec ballon auto-gonflable (Ambu)
Cette technique rend de grands services dans trois circonstances particulières et
devrait être connue de tous les médecins ou infirmiers exerçant dans un hôpital
(schéma n° 3).
Réanimation d'un nouveau-né dans les premières minutes, lorsque l'évolution
satisfaisante de cette réanimation permet d'éviter l'intubation.
Réanimation lors d'un arrêt circulatoire en attendant l'intubation qui doit être
réalisée au plus vite.
Lors d'une apnée induite par l'injection d'un produit anesthésique, tout en sachant
être prêt à intuber si nécessaire : le matériel d'intubation doit toujours être à
portée de la main et vérifié lors de toute anesthésie.
Technique
Elle doit être rigoureuse :
Tête en hyperextension modérée.
Masque adapté au massif facial de l'adulte ou de l'enfant (pas de fuites au niveau
de la bouche et du nez).
Luxer la mâchoire inférieure vers l'avant et le haut à l'aide de la main gauche en
maintenant le masque sur le visage.
Ventiler avec le ballon (main droite) au rythme de :
- 10 à 12/mm pour l'adulte,
- 20/mm pour l'enfant,
- 40/mmpour le nouveau-né (attention : alvéoles fragiles).
3. L'intubation endo-trachéale (par la bouche)
Nous détaillerons ici le matériel nécessaire à une intubation et vous rappelons que
lors de toute anesthésie, ce matériel doit être à portée de la main et en bon état de
fonctionnement (schéma n° 4) :
Un laryngoscope avec un jeu de lames (courbes pour l'adulte, droites pour
l'enfant), des ampoules et des piles de 1,5 V de rechange (attention : l'ampoule
du laryngoscope se dévisse fréquemment et risque de tomber au fond de la gorge
lors de la manoeuvre d'intubation).
Lidocaïne visqueuse pour enduire le bout de la sonde d'intubation.
Sondes d'intubation stériles avec raccords :
- 6,5 - 7 - 7, 5 avec ballonnets pour l'adulte (vérifier l'étanchéité du ballonnet),
- 2,5 à 5 sans ballonnet pour l'enfant. Pour déterminer le calibre de la sonde à
insérer chez un enfant, on choisit celle dont le diamètre se rapproche le plus du petit
doigt de l'enfant.
Aspirateur à pied et sondes d'aspiration stériles.
Canules oro-pharyngées (Mayo ou Guedel) de différentes tailles.
Pinces de Magill ; pince de Kelly ou Kocher.
Seringue de 10 ml.
Sparadrap.
Ambu avec une valve s'adaptant sur les raccords des sondes d'intubation
(vérifier + + +).
Technique
Tête en hypertension (schéma n° 5, (a))
La lame du laryngoscope tenue de la main gauche est introduite dans la bouche
sans blesser les lèvres en évitant de faire levier sur les dents et charge sur la
langue ; le maxillaire inférieur est soulevé à en avant et en haut sans
mouvement du poignet qui reste bien ferme. Par ce mouvement l'épiglotte est
repérée et le bout de la lame vient s'arrêter devant sans la charger (b) (excepté
chez le petit enfant, où l'on charge l'épiglotte sur la lame du laryngoscope (c)).
Les cordes vocales sont ainsi exposées introduire la sonde d'intubation tenue de la
main droite jusqu'à disparition du ballonnet derrière les cordes vocales (d).
Gonfler le ballonnet avec 7-8 ml d'air, clamper en dessous du ballonnet témoin
avec la pince de Kocher (e).
Adapter l'Ambu avec la valve et ausculter les deux poumons : la sonde est en
place et la ventilation est symétrique des deux côtés.
Si un seul poumon est ventilé, retirer la sonde de 1 à 2 cm après avoir dégonflé le
ballonnet et recommencer la vérification par l'auscultation.
En cas d'inefficacité ventilatoire (pas de bruit à l'auscultation), la sonde a été placée
dans l'oesophage ; recommencer la manoeuvre d'intubation.
Mettre en place une canule oropharyngée.
Fixer très soigneusement la sonde en place avec du sparadrap.
La fréquence ventilatoire est la même que pour une ventilation au masque (10 à
12 mn pour l'adulte).
L'extubation se fait lorsque le patient a récupéré une conscience normale, une
ventilation spontanée efficace et un état hémodynamique satisfaisant (ne pas oublier
de dégonfler le ballonnet et d'aspirer dans la trachée avant l'extubation).
III. Massage cardiaque externe
C'est le second geste d'urgence, à effectuer simultanément à la ventilation assistée.
Sa technique a été discutée dans un article précédent.
IV. Adjuvants thérapeutiques essentiels
L'arrêt circulatoire s'accompagne toujours de perturbations métaboliques dont la plus
importante est l'acidose. Pour ramener une activité cardiaque normale, il faut
corriger cette acidose et souvent utiliser des agents pharmacologiques (produits
vaso-actifs).
1. Par cathéter intraveineux mis en place immédiatement, perfuser une solution
alcalinisante si ]'une est disponible : 200 ml de bicarbonate de sodium isotonique
à 14 %o chez l'adulte ; de 10 à 100 ml chez l'enfant suivant le poids (environ 3
ml/kg).
2. L'injection de médicaments n'est efficace que sur un coeur qui a bénéficié d'un
bon massage, d'une bonne ventilation et d'une correction de l'acidose.
Utiliser l'épinéphrine (Adrénaline (R) (1 mg = 1 ml). Chez l'enfant (0,01 cc/kg) : une
ampoule intraveineuse, renouvelable si besoin.
Si le coeur ne repart plus, malgré un massage cardiaque externe et une ventilation
corrects, le problème de l'arrêt des mesures de réanimation se pose. La décision se
fondera sur une maladie causale et le délai qui a précéla mise en oeuvre de la
réanimation.
Développement et Santé, N°99, juin 1992
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