Gérard Vergnaud est un psychologue développementaliste. Inspiré par Jean Piaget, il a
infléchi le cadre théorique de ce dernier, en mettant l'accent sur l'importance des contenus
d'apprentissage dans le développement et le rôle de la médiation. Cela l'a conduit à Lev
Vygotski, mais avec un souci de synthèse plutôt que de confrontation. Le plus saisissant
dans son œuvre est qu’elle nous montre, preuve par l’acte, comment la psychologie
développementale contribue au développement de la psychologie elle-même. Quel plus
grand hommage l’élève pouvait-il rendre au maître genevois ?
Au début de sa carrière, Gérard Vergnaud aborde les questions d’enseignement des
mathématiques à la manière d’une spécification des résultats de l’épistémologie génétique
au contexte scolaire et aux contenus mathématiques particuliers. La perspective reste
développementale, toutefois plus question ni de grandes structures de l’intelligence
rapportées aux concepts logico-mathématiques les plus généraux, le nombre, l’espace, la
fonction etc., mais un effort visant à préciser ce cadre trop général et éloigné des questions
d’enseignement et d’apprentissage scolaire, afin de le rendre utilisable par les enseignants.
L’ordre qu’il considère n’est plus celui trop rigide de la théorie des stades de Jean Piaget,
mais est conçu comme un ordre partiel dans le développement. Cette idée permettra
d’ouvrir les questions relatives au développement cognitif au cas des adultes. Ceci sera
précisé dans des recherches s’intéressant à la classification des situations d’apprentissage
(Essai de classification des situations d’apprentissage, article 1964), puis à l’idée de
complexité psychogénétique mise en regard des structures additives (Structures additives et
complexité psychogénétique, article 1976), ou encore à la relation entre psychogenèse et
hiérarchies de difficulté des tâches scolaires (Psychogenèse et programmes
d’enseignement : différents aspects de la notion de hiérarchie, article 1976-1977). Gérard
Vergnaud reste fidèle à l’esprit piagétien puisqu’il n’a de cesse de mettre en parallèle la
structure des contenus mathématiques avec les progrès de l’apprentissage et le
développement des connaissances de l’élève. Mais, contrairement aux chercheurs genevois
autour de Bärbel Inhelder, il n’engage pas son travail de précision sur une étude des détails
poussant les recherches vers des phénomènes microgénétiques. Il en reste à des catégories
de connaissances calibrées sur les pratiques scolaires. Et c’est ceci qui marque son
engagement de didacticien. À ce titre, il est significatif que Gérard Vergnaud ait défendu
avec insistance que l’on pense la progression des apprentissages à l’école sur le long terme
(ex. Le long terme et le court terme dans l’apprentissage de l’algèbre, article 1988 ;
Algebra, Additive and Multiplicative Structures. Is there any coherence at early secondary
level ?, article 1997). De là aussi une insistance sur des recherches longitudinales tant en
psychologie qu’en didactique. La psychologie de Gérard Vergnaud reste à valence
épistémologique. L’article majeur de ce type de recherches est celui qu’il a co-signé avec
Mme C. Durand et que nous avons déjà cité : Structures additives et complexité
psychogénétique.
Cette hypothèse forte de considérer comme central le lien entre genèse de la connaissance
et structure du savoir mathématique, Gérard Vergnaud n’y renoncera jamais. Cela va
l’amener à s’intéresser plus précisément à une logique relationnelle, au concept
psychologique de représentation, et au concept mathématique d’homomorphisme, en
prônant que ce qui rend opérationnelle la représentation est précisément qu’elle a un