Annexe A
Surveillés par une photo
Le neuromarketing ne se limite pas à la vente. Certaines de ses applications peuvent
servir au bureau: mettre la photo d'un visage au-dessus de la caisse commune de la
cafetière décourage les tricheurs qui prennent du café sans payer, parce qu'ils se
sentent surveillés.
Autre découverte surprenante: les garderies qui imposent des frais élevés aux
parents retardataires pourraient augmenter le nombre des retards parce que cette
stratégie apaise les zones du cerveau liées à la culpabilité (les parents ont payé,
donc ne se sentent plus coupables).
Mais l'industrie multimilliardaire de la pub est évidemment mieux placée que
d'autres pour tirer profit de ces découvertes.
«La publicité veut essentiellement influer sur les décisions, explique Christophe
Morin. On sait maintenant quelles sont les régions du cerveau qui s'animent dans
certaines conditions. Essentiellement, nous lisons les revues médicales pour
connaître les derniers progrès en neurologie. L'une des grandes découvertes est que
les décisions sont souvent dirigées par la partie la plus primitive du cerveau, la
partie reptilienne. Nous avons mis au point un langage qui essaie de traduire plus
concrètement les propositions publicitaires pour le cerveau reptilien.»
Selon M. Morin, il existe six «codes» qui permettent d'atteindre plus efficacement
ce cerveau reptilien.
«Il est extraordinairement égoïste. L'important est l'impact que le produit ou
l'entreprise aura sur le sujet. Il est attentif à ce qui est différent, en rupture. Il
faut donc multiplier les contrastes visuels et sonores. Il est attentif au début et à
la fin des messages mais perd de l'intérêt au milieu, afin de limiter ses dépenses
énergétiques. Il est sensible aux émotions extrêmes, positives comme négatives. Et
le cerveau reptilien est plutôt visuel, parce qu'il est connecté directement au nerf
optique.»
Les publicitaires utilisent des principes psychologiques de base depuis belle lurette.
C'est ce qui explique la diffusion de musique et, dans certains magasins, d'odeurs
susceptibles d'inciter à l'achat.
Plusieurs appellent ce genre de stratégie l'«effet Proust», en référence au
romancier français qui avait noté que tremper une madeleine dans le thé suscitait en
lui une joie liée à son enfance et à sa tante Léonie.