Annexe A
1
La neurologie au service la pub
La publicité a une réputation sulfureuse. Elle nous incite parfois à acheter des choses
superflues.
Mais une nouvelle approche pourrait être encore plus dévastatrice pour le porte-
monnaie: le neuromarketing. Basé sur les travaux de neurologues qui ont étudié le
processus de prise de décision, le neuromarketing veut titiller plus efficacement le
subconscient des magasineurs. Certains d'entre eux craignent d'être transformés
en marionnettes.
«Pour vendre un produit, il faut s'imaginer que tous les clients ont 4 ans, même s'il
s'agit de physiciens nucléaires qui magasinent un scanner de plusieurs millions de
dollars.»
Inutile de blâmer le milieu de la publicité pour ce conseil peu flatteur du publicitaire
français Christophe Morin. Depuis quelques années, une nouvelle science - le
neuromarketing - donne de nouvelles pistes pour titiller le subconscient des
magasineurs.
Car les spécialistes du marketing sont de plus en plus nombreux à faire équipe avec
des spécialistes du cerveau.
À L'Assomption, près de Montréal, le fabricant d'échafaudages industriels
Hydromobile a eu recours aux spécialistes de la firme Salesbrain, fondée en
Californie par Christophe Morin.
Leur leçon: même si les dépliants d'Hydromobile sont destinés à des ingénieurs ou à
des techniciens, ils doivent stimuler la partie émotive du cerveau. «Avant, nous
mettions davantage l'accent sur les caractéristiques de nos produits, explique
Thierry Lachapelle, directeur du marketing d'Hydromobile. Salesbrain nous a aidés
à mettre l'accent sur les émotions de nos clients: le désir de sécurité, de faire des
profits et d'allonger la productivité des employés plus âgés.»
Hydromobile a intégré l'une des découvertes les plus récentes de la neurologie: les
décisions d'ordre financier sont émotives et non rationnelles. Grâce aux
neuroscientifiques, de grands fabricants tentent d'aller plus loin encore.
Il y a deux ou trois ans, Chrysler a par exemple constaté que les voitures sport
activent les régions du cerveau responsables de la reconnaissance des figures, ce
qui explique pourquoi nous avons tendance à «personnaliser» nos voitures en les
affublant d'un surnom.
Annexe A
2
Surveillés par une photo
Le neuromarketing ne se limite pas à la vente. Certaines de ses applications peuvent
servir au bureau: mettre la photo d'un visage au-dessus de la caisse commune de la
cafetière décourage les tricheurs qui prennent du café sans payer, parce qu'ils se
sentent surveillés.
Autre découverte surprenante: les garderies qui imposent des frais élevés aux
parents retardataires pourraient augmenter le nombre des retards parce que cette
stratégie apaise les zones du cerveau liées à la culpabilité (les parents ont payé,
donc ne se sentent plus coupables).
Mais l'industrie multimilliardaire de la pub est évidemment mieux placée que
d'autres pour tirer profit de ces découvertes.
«La publicité veut essentiellement influer sur les décisions, explique Christophe
Morin. On sait maintenant quelles sont les régions du cerveau qui s'animent dans
certaines conditions. Essentiellement, nous lisons les revues médicales pour
connaître les derniers progrès en neurologie. L'une des grandes découvertes est que
les décisions sont souvent dirigées par la partie la plus primitive du cerveau, la
partie reptilienne. Nous avons mis au point un langage qui essaie de traduire plus
concrètement les propositions publicitaires pour le cerveau reptilien.»
Selon M. Morin, il existe six «codes» qui permettent d'atteindre plus efficacement
ce cerveau reptilien.
«Il est extraordinairement égoïste. L'important est l'impact que le produit ou
l'entreprise aura sur le sujet. Il est attentif à ce qui est différent, en rupture. Il
faut donc multiplier les contrastes visuels et sonores. Il est attentif au début et à
la fin des messages mais perd de l'intérêt au milieu, afin de limiter ses dépenses
énergétiques. Il est sensible aux émotions extrêmes, positives comme négatives. Et
le cerveau reptilien est plutôt visuel, parce qu'il est connecté directement au nerf
optique.»
Les publicitaires utilisent des principes psychologiques de base depuis belle lurette.
C'est ce qui explique la diffusion de musique et, dans certains magasins, d'odeurs
susceptibles d'inciter à l'achat.
Plusieurs appellent ce genre de stratégie l'«effet Proust», en référence au
romancier français qui avait noté que tremper une madeleine dans le thé suscitait en
lui une joie liée à son enfance et à sa tante Léonie.
Annexe A
3
Inquiétudes
Les promesses du neuromarketing inquiètent grandement les associations de
consommateurs.
Mais les consommateurs ne devraient pas s'inquiéter, selon M. Chebat. «Chaque fois
que les gens ont l'impression d'être manipulés, il y a des réactions brutales. Il faut
que les publicitaires fassent très attention avec le neuromarketing.»
Texte adapté de : La Presse Mathieu Perreault
19 août 2007
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