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4.3. Maladies du système urinaire
4.3.1. Des reins
4.3.1.1. Glomérulonéphrites
Les maladies dues aux glomérulonéphrites sont rarissimes chez les animaux
domestiques. Tout au plus trouve-t-on mention dans les livres d'une assez forte
incidence de glomérulonéphrites chez des bovins, ovins et caprins en bonne santé et
d'un type de glomérulonéphrite très comparable à celle de l'espèce humaine (anticorps +
protéine d'origine streptococcique) chez des agneaux de moins de 4 mois de race
finnoise. Chez le chien et le chat, on peut observer des glomérulonéphrites associées à
la borréliose de Lyme (Borrelia lurgdorferii) (voir 4.8.), à la brucellose (voir 4.4.5.1.), à
l'ehrlichiose (voir 4.5.3.2.), à la leishmaniose, à des pyomètres, à des infections virales
et à mycoplasmes selon les mêmes mécanismes pathophysiologiques. La
glomérulonéphrite du poulain à Actinobacillus equuli a déjà été présentée (voir 1.5.1. et
2.4.2.).
4.3.1.2. Néphrose
La néphrose ou lésion inflammatoire et dégénérative des tubuli rénaux est
décrite chez les animaux comme résultat de toxémies d'origine endo- ou exogène
(médicamenteuse par exemple).
4.3.1.3. Néphrites interstitielles
La néphrite interstitielle est une maladie à laquelle l'on associe d'une part le
chien, d'autre part la bactérie Leptospira interrogans.
Il faut cependant distinguer la néphrite interstitielle focale (reins à points
blancs), qui est une trouvaille classique d'autopsie (ou d'abattoir) sans conséquence
clinique, de la néphrite interstitielle diffuse importante cliniquement et le plus souvent
due à Leptospira interrogans.
4.3.1.3.1. Les leptospiroses
Les leptospiroses sont des maladies communes à l'homme et aux différentes
espèces d'animaux domestiques, causée par des souches de l'espèce bactérienne
Leptospira interrogans. Cette espèce bactérienne est subdivisée en de très nombreux
sérotypes (environ 200), plus ou moins spécifiques d'une espèce animale.
Les syndromes et signes cliniques sont variés et multiples dans la phase aiguë,
mais la phase subaiguë est associée à des problèmes de néphrite interstitielle ce qui
justifie la présentation de la leptospirose dans ce chapitre. Nous y avons déjà fait
référence dans les maladies hépatiques (voir 4.1.8.), dans les septicémies chez le jeune
(voir 1.) et nous le ferons encore dans les problèmes d'avortements (voir 4.4.3.).
Il ne faut pas oublier que la leptospirose est une zoonose: maladie de Weill,
fièvre de Fort Bragg etc...
a) Etiologie
Les leptospires sont de fins bâtonnets spiralés (lepto + spires). L'espèce
pathogène Leptospira interrogans comprend de très nombreuses souches différentes
antigéniquement. Les sérotypes les plus fréquents sont:
Bovins: Pomona, Hardjo, (Grippotyphosa, Sejroe, Australis, Icterohaemorrhagiae,
Canicola);
Ovins: Pomona, Grippotyphosa (Hardjo);
Porcins: Pomona (Canicola, Tarassovi, Grippotyphosa, Bratislava,
Icterohaemorrhagiae);
Canins: Canicola (Icterohaemorrhagiae, Autumnalis, Australis, Pomona,
Grippotyphosa);
Homme: Icterohaemorrhagiae, Canicola (Pomona, Autumnalis, Grippotyphosa,
Bataviae, Hardjo);
Félins: Canicola (Bataviae, Pomona, Grippotyphosa);
Equins: Grippotyphosa, Pomona (Icterohaemorrhagiae, Hardjo, Australis, Bratislava,
Canicola).
De plus, chaque sérotype a son réservoir animal particulier car ces bactéries sont
très fragiles et ne survivent que très peu de temps dans le milieu extérieur:
Pomona: bétail, porcs, animaux sauvages;
Canicola: chiens et canidés sauvages, bétail et porcs;
Hardjo: bétail (mouton);
Icterohaemorrhagiae: rats, souris;
Autumnalis, Grippotyphosa, Sejroe: faune sauvage;
Tarrassovi: porc;
Australis: hérisson;
Bataviae: chien, rat, souris;
Bratislava: bétail, porc, chevaux.
b) Incidence
Les infections à leptospires existent dans le monde entier chez toutes les espèces
animales. Cependant, la leptospirose, maladie clinique, existe avant tout chez le chien et
dans une moindre mesure chez le bétail et le porc; rarement chez le cheval et les petits
ruminants; exceptionnellement chez le chat.
Les sérovars Pomona et Canicola sont les plus répandus. La répartition
géographique des autres sérovars est variable.
Des enquêtes sérologiques ont montré dans différents pays que 1/3 des chiens
ont été exposés, à peu près 10% des bovins (dont 2-3% développent la maladie) et
jusqu'à 25% des porcs (dont 2-3% développent la maladie). Chez ces derniers,
cependant, l'infection est plus rare si les porcs sont gardés à l'intérieur (sauf peut-être
pour les sérovars dont le réservoir est constitué par les rats).
c) Pathogénie
La source N°1 de leptospires est représentée par l'urine contaminée des animaux
infectés chroniquement. En général, l'infection se passe par le contact direct avec l'urine
infectée. Cependant, des intermédiaires animés (fomites) ou inanimés (eaux, nourriture)
peuvent aussi exister. D'autres sources seraient le lait lors de la phase aiguë et les
produits d'avortements.
Les leptospires survivent peu dans le milieu extérieur (12 heures dans les égouts)
sauf dans un environnement humide, à pH légèrement alcalin et à température douce.
Dans ces conditions optimales (sols détrempés, rivières, flaques et marais), ils survivent
pendant plusieurs mois. Autrement, ils sont rapidement détruits par la sécheresse, le
froid, la chaleur, les détergents et désinfectants ainsi que la putréfaction et les sels
biliaires.
L'entrée se fait par la voie cutanée (même intacte), la conjonctive, la muqueuse
nasale et buccale. Par contre, ils sont détruits dans l'estomac (pH acide). La transmission
transplacentaire existe aussi.
La pénétration dans l'organisme est suivie d'une multiplication dans le sang et
d'une localisation dans les organes parenchymateux où ils prolifèrent (principalement le
foie et les reins, mais aussi les muscles, les yeux, les méninges, le placenta et le foetus).
Cette phase dure une quinzaine de jours.
Des cytotoxines actives sur les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins
endommagent les parois des vaisseaux et provoquent des hémorragies. D'autre part,
certains sérotypes produisent des hémolysines qui lysent les érythrocytes. Après cette
phase aiguë, si l'animal survit, les bactéries disparaissent du sang et des organes, suite à
la production d'anticorps spécifiques, à l'exception des reins où ils se localisent dans les
tubes contournés (probablement moins riches en anticorps) et s'y multiplient. Cette
localisation est à l'origine de la leptospirurie, de la néphrite interstitielle diffuse
chronique et des signes cliniques. La leptospirurie persiste pendant des semaines, des
mois, voire des années dans certains cas.
La présence des leptospires dans les tubuli est associée à de la dégénérescence et
à de la nécrose des cellules épithéliales. La présence de leptospires dans le tissu
interstitiel de la corticale stimule une réaction d'infiltration de lymphocytes,
macrophages et plasmocytes (=néphrite interstitielle aiguë). Suite à cet ensemble de
modifications, la pression intrarénale augmente, résultant en oligurie et urémie. Les
néphrons endommagés sont remplacés par du tissu fibreux. Si les dommages ne sont
pas trop étendus, l'animal récupère totalement et peut même éliminer l'infection. Si les
dommages sont très étendus, l'hypertension provoque une perte progressive de
néphrons, avec fibrose progressive du rein (=néphrite interstitielle subaiguë ou
chronique). Dans les cas subaigus, l'infection persiste souvent.
d) Signes cliniques
- Chiens: Dans la phase aiguë, l'animal souffre d'hyperthermie, d'anorexie, de
vomissements et d'une injection de la conjonctive (sans inflammation). Ces signes
disparaissent en même temps que la leptospirémie. L'animal redevient normal après 10
jours environ. Un deuxième stade apparaît après quelques jours à quelques semaines et
est appelé le stade rénal primaire (=néprhite interstitielle aiguë). Les signes sont
variables: simple perte de poids; faiblesse générale avec soif accrue et polyurie;
faiblesse, anorexie, soif accrue avec polyurie ou oligurie et vomissements, selon la
gravité. L'urémie se développe progressivement. De la douleur abdominale se remarque
à la palpation. L'animal récupère ou meurt plus ou moins rapidement. Dans la forme
subaiguë, des problèmes hépatiques apparaissent aussi avec possibilité d'ictère et de
décoloration des fèces. Le troisième stade est celui de la décompensation rénale qui se
développe en plusieurs mois (=néphrite intertitielle chronique). Ce stade apparaît aussi
bien chez des animaux qui n'ont jamais complètement récupéré cliniquement que chez
des animaux "guéris". La décompensation rénale s'installe progressivement: urémie
avec apathie, anorexie et vomissements, amincissement, soif accrue, polyurie. Des
problèmes d'hépatite chronique avec fibrose peuvent compliquer l'image clinique:
ascite, ictère. L'urémie des stades 2 et 3 s'accompagne d'une décoloration et
d'ulcérations de la langue et de la muqueuse buccale et d'halitose (=odeur urémique de
la respiration). Des pétéchies peuvent aussi être observées sur la peau et les muqueuses.
L'infection à Icterohaemorrhagiae s'accompagne aussi d'une hémolyse
conduisant à l'anémie, l'ictère jaune-orangé et l'hémoglobinurie.
- Bovins: La forme suraiguë à Pomona est rare chez les adultes et se remarque chez les
jeunes veaux: fièvre intense, anorexie, congestion de la conjonctive. La mort suit en
moins de 48 heures. De l'anémie hémolytique avec hémoglobinurie, ictère et pâleur des
muqueuses est parfois présente.
La forme aiguë, plus fréquente, commence par des signes généraux: fièvre,
anorexie, dépression, arrêt de la rumination, chute de la lactation, avortements, présence
de sang dans le lait (sans mammite apparente), synovite et boîterie chez certains.
L'animal meurt en 5 à 10 jours.
Dans les formes subaiguës, de l'ictère, de l'hémoglobinurie, de l'anémie et des
pétéchies apparaissent. Les vaches gestantes avortent 3 à 4 semaines après les signes
généraux. L'animal meurt en 2 à 3 semaines (50%).
La forme chronique à Pomona et la forme aiguë à Hardjo se manifestent quasi
exclusivement par des avortements (50% du troupeau) et des chutes dans la production
de lait. L'avortement se produit le plus souvent dans le dernier tiers de la lactation. Chez
des vaches non gestantes, le seul signe peut être la chute du rendement laitier et la
couleur rouge du lait. Des cas atypiques rapportés montraient des problèmes de
méningite et de signes nerveux, des nécroses cutanées.
Dans toutes les formes des problèmes dus à l'urémie peuvent apparaître.
- Porcins: La forme aiguë est très rare chez le porcelet et encore plus rare chez l'adulte.
Elle est similaire aux formes aiguës septicémiques du chien et du veau et est aussi
accompagnée d'avortements. La mortalité est supérieure à 50% chez les porcelets et
atteint 20% chez les animaux sevrés. Elle est nulle chez les adultes.
L'avortement peut être le seul signe clinique de la leptospirose des adultes.
L'avortement se produit dans les 2 à 4 semaines avant la mise-bas. Les porcelets
peuvent aussi être mort-nés et les survivants sont faibles et meurent rapidement. Aucun
autre signe n'est observé chez la truie. Le taux de reproduction peut chuter de 80% dans
un troupeau.
- Chevaux: La forme aiguë septicémique est aussi très rare et ne se différencie pas des
formes aiguës dans les autres espèces animales (50% de mortalité).
La forme subaiguë est plus courante et montre les mêmes signes cliniques que
chez les bovins avec ictère, dépression, avortement et fluxion périodique mais aussi des
troubles locomoteurs, nerveux et gastroïntestinaux. Les lésions cutanées sont aussi
présentes.
Quant à la forme chronique, l'avortemement entre le 7ème et le 10ème mois en
est la manifestation la plus fréquente.
La fluxion périodique est caractérisée cliniquement par des attaques de
photophobie, hypersécrétions lacrymales, conjonctivite, kératite, hypopyon et
indocyclite pouvant conduire à la cécité.
- Petits ruminants: La leptospirose est rare dans ces espèces. La symptomatologie
s'inspire de celle des bovins.
- Chats: Le chat est une espèce très résistante à l'infection par Leptospira interrogans.
Les signes sont exceptionnellement aigus.
- Humains: La forme aiguë est caractérisée par de la fièvre, de la jaunisse et de la
néphrite comme chez les animaux. L'homme se contamine à partir d'animaux
domestiques (vétérinaires, abatteurs, fermiers), de rongeurs sauvages et d'eaux
contaminées (maladie des égoutiers).
e) Lésions
- Chien: Si l'animal meurt en phase aiguë (leptospirémie), l'autopsie révèle des lésions
de septicémie. Des leptospires sont observables dans le foie et le rein.
Si l'animal meurt dans la deuxième phase, les lésions générales sont dues à
l'urémie qui se développe suite à la néphrite interstitielle aiguë: décoloration et
ulcération de la langue et de la muqueuse buccale, érosions hémorragiques de la
muqueuse gastrique, dégénérescence et nécrose du myocarde et des muscles
intercostaux. Quant aux reins, ils sont pâles, gonflés et nodulaires. Le microscope révèle
une destruction importante des tubuli dans la corticale avec accumulation de
mononucléaires dans le tissu interstitiel visible macroscopiquement à la jonction
cortico-médullaire. Des leptospires sont visibles dans les tubuli.
Dans la troisième phase (néphrite intersititelle subaiguë à chronique), le cadavre
est émacié, pâle, "urémique" et éventuellement ictérique. Les reins sont pâles, fermes,
granuleux et rétractés. Le microscope montre une réaction cellulaire qui décroît avec la
chronicité du problème ainsi que le nombre de tubuli infectés. Au contraire, la fibrose
augmente. Dans les cas tout à fait chroniques, aucun leptospire ne sera observé. Chez
les animaux ictériques, des lésions de nécrose centrilobulaire avec infiltration de
lymphocytes et de la fibrose dans les cas chroniques sont observés.
- Bovins: La forme suraiguë est caractérisée par des lésions de septicémies,
éventuellement hémorragiques. La forme aiguë montre un cadavre anémié, ictérique,
avec des hémorragies sous-cutanées et sous-muqueuses et de l'hémoglobinurie.
Les avortons sont souvent autolysés. Les lésions rénales et hépatiques ont été
décrites chez le chien. Des lésions d'urémie sont aussi présentes (cf chien).
- Porc: Les lésions lors de formes aiguës ont été décrites chez le chien et le veau.
L'avorton montre des épanchements cavitaires ainsi que de petits foyers grisâtres
nécrotiques (1 à 4 mm) sur le foie. Les enveloppes sont oedémateuses et nécrosées. La
truie montre de la néphrite interstitielle.
- Chevaux, petits ruminants et chats: Les lésions sont similaires à celles des autres
espèces animales dans les différentes formes.
f) Diagnostic
Le diagnostic clinique de leptospirose est difficile à poser car les signes
d'hépatite et de néphrite ne fournissent que des présomptions. Seul le laboratoire
apportera une confirmation.
Le diagnostic bactériologique par examen microscopique, par cultures ou par
inoculation intrapéritonéale chez le hamster peut se faire sur le sang pendant la phase de
leptospirémie (12 semaines), ou sur l'urine (dès la seconde semaine). En raison du peu
de résistance des leptospires, il importe de procéder à l'examen de produits fraîchement
recueillis. L'examen microscopique se pratique sur fond noir ou au contraste de phases.
Les cultures ne sont pas possibles pour toutes les souches de leptospires et doivent se
faire sur milieux spéciaux. Des hémocultures positives sont obtenues à partir des
hamsters huit jours après l'inoculation.
Le diagnostic bactériologique au microscope est aussi possible sur coupes
histologiques après imprégnation à l'argent ou immunofluorescence indirecte.
Actuellement, des techniques génétiques permettent de mettre les leptospires en
évidence (sondes génétiques, PCR).
Le diagnostic sérologique est très important. Les tests utilisés sont ceux de la
microagglutination-lyse (test de Schuffner). Les anticorps provoquent la lyse des
bactéries à hautes concentrations et leur agglutination à faibles concentrations.
L'agglutination sur lames et la fixation du complément sont aussi utilisées. Les
anticorps apparaissent en une à trois semaines et augmentent jusqu'à des titres de 1:30
000 à 1:3 000 000, puis décroissent jusqu'à 1:300 à 1:100. Des sérums couplés sont bien
sûr indispensables (7 à 10 jours d'intervalle).
La vaccination chez le chien produit des titres de 1:300 qui diminuent pour
atteindre des valeurs de 1:30 à 1:10.
- Chien:
< ou= 1:30: non signifgicatif
1:100 à 1:300: infection débutante ou chronique ou vaccination
1:1000: infection active ou passée
> ou = 1:3000: infection active (pas besoin de sérums couplés)
- Chez les bovins et les porcs, l'attention doit être attirée par la chute de la production
laitière et les avortements. Le diagnostic de troupeau doit être basé sur différents
animaux et sur différentes techniques.
g) Traitement
Les leptospires sont sensibles à un grand nombre d'antibiotiques. Une
combinaison de pénicillines, streptomycine ou de l'oxytétracycline sont les antibiotiques
de choix pendant au moins dix jours. Rappelons que ces antibiotiques n'auront aucune
incidence sur le développement de la néphrite interstitielle chronique. De plus,
l'existence de lésions rénales oblige à utiliser avec précaution les antibiotiques à
excrétion rénale (voir pharmacologie). L'antibiothérapie ne supprime cependant pas la
leptospirurie.
Les traitements symptomatiques et de support sont décrits ailleurs.
h) Prophylaxie
La prophylaxie médicale consiste à éviter les contacts avec les sources
d'infection: urines des animaux malades bien sûr, décharges utérines après avortement,
mais aussi faune sauvage et notamment les rats. En cas d'infection dans un troupeau, le
mot d'ordre sera: cherchez le rat! Il ne faut pas oublier que malgré leur fragilité, les
leptospires peuvent survivre plusieurs mois dans des conditions optimales.
En ce qui concerne la prophylaxie médicale, des vaccins inactivés existent:
Chiens: Icterohaemorrhagiae et Canicola;
Bovins: Pomona, Hardjo, Sejroe, Grippotyphosa, Icterohaemorrhagiae;
Deux doses à 2 à 4 semaines d'intervalle avec rappels annuels.
4.3.1.4. La pyélonéphrite
La pyélonéphrite ou inflammation de la cavité pyélique du rein, peut apparaître
secondairement à une cystite dans toutes les espèces animales. L'extension se fait par
voie ascendante.
Deux affections spécifiques restent cependant à décrire. Chez la bête bovine,
Corynebacterium renale provoque une pyélonéphrite et une néphrite aiguës ou
chroniques. Chez la truie, Eubacterium suis provoque une cystite et une pyélonéphrite
aiguë.
4.3.1.4.1. La pyélonéphrite contagieuse bovine
a) Etiologie
Corynebacterium renale est associée à cette affection et est capable de
reproduire la maladie expérimentalement. Cependant, à l'examen de laboratoire, d'autres
bactéries peuvent y être associées. Auparavant, cette espèce était subdivisée en 3
sérobiotypes. L'un de ces sérobiotypes constitue l'espèce actuelle de Cor. renale (extype I) tandis que les deux autres forment deux nouvelles espèces Cor. cystitidis (type
III) et Cor. pilosum (type II). Cor. cystitidis est l'espèce la plus virulente et Cor. pilosum
la moins virulente.
Des pyélonéphrites ont également été observées chez le mouton, le porc, le
cheval et le chien.
Des posthites sont décrites chez le bélier mais seulement à Cor. renale et Cor.
pilosum.
b) Incidence
La pyélonéphrite à Cor. renale, Cor. pilosum ou Cor. cystitidis est décrite dans
le monde entier mais est, en fait, une maladie sporadique, peu fréquente (moins
fréquente que celle à E. coli).
Elle est confinée aux femelles adultes, essentiellement. Chez le mâle (taureau
mais aussi bélier et autres ruminants), ces bactéries vivent en commensales dans le
tractus génital.
c) Pathogénie
Bien que Cor. renale, cystitidis et pilosum puissent reproduire
expérimentalement la maladie, l'intervention d'autres facteurs (tel un traumatisme par
cathétérisme, parturition ou accouplement ou telle une obstruction urinaire) est
indispensable.
La transmission se fait par contact direct ou vénérien. Dans la grande majorité
des cas l'infection est ascendante et emprunte la voie urètre-vessie-uretères et reins.
Deux éléments importants dans la pathogénie sont la production d'adhésines
("pilosum") qui médient l'attachement aux cellules de l'épithélium urinaire et l'hydrolyse
de l'urée avec la production d'ammoniac qui entraîne la réaction inflammatoire par
irritation, l'alcalinité de l'urine (pH > 9,0) et l'inactivation du complément et des
défenses antibactériennes.
La réaction inflammatoire entraîne la nécrose du tissu rénal avec formation de
foyers nécrotiques suppurés.
La dilatation de la cavité pyélique et du calice ainsi que l'obstruction des uretères
par des débris nécrosés aggravent l'atrophie et la nécrose par surpression du tissu rénal.
Le rein devient un ensemble de poches de pus correspondant aux lobules
(=pyonéphrose). Finalement, la décompensation rénale entraîne l'urémie et la mort de
l'animal. Si l'animal survit, les problèmes deviennent chroniques et le rein se fibrose
progressivement.
d) Signes cliniques
La forme aiguë débute par de l'apathie, de l'anorexie, un dos arqué, des coups de
pattes dans l'abdomen, des balancements sur les postérieurs. De faibles quantités d'urine
sont émises à la miction. Elle contient du sang, du pus ou des débris tissulaires. La
fièvre est présente (40-41°C). Le fouiller rectal peut révéler un rein gauche tuméfié ainsi
que l'un ou les deux uretères. Une cystite est notée chez certains animaux.
Dans le cas d'une évolution fatale, des lésions classiques d'urémie peuvent
apparaître.
Dans le cas d'une évolution non fatale, la forme chronique apparaît mais celle-ci
peut aussi se développer directement.
Pendant la phase chronique, il y a perte progressive de la condition et du
rendement en lait. Des périodes de pyrexie et d'anorexie sont observées. La miction est
fréquente, douloureuse. L'urine contient du pus, des débris tissulaires et des caillots de
sang.
e) Lésions
Des lésions suppuratives sont visibles le long du tractus urinaire depuis l'urètre
jusqu'aux reins dans certains cas, tandis que seules des lésions rénales sont présentes
dans d'autres cas.
La paroi de la vessie est épaissie. L'urine est sanguinolente, purulente et contient
des débris nécrosés. La muqueuse montre des pétéchies, des hémorragies, des
ulcérations, des membranes diphtéroïdes. Les urètres et la cavité pyélique montre des
lésions semblables. Le rein est tuméfié avec des foyers nécrotiques et purulents et
adhère à la capsule.
Dans des cas subaigus, des lésions de fibrose coexistent avec des lésions aiguës.
Dans les cas chroniques, le rein est fibrosé (cf leptospirose).
f) Diagnostic
Tout problème du tractus urinaire doit faire penser d'abord à E. coli puis à Cor.
renale chez la vache. Le laboratoire fera facilement le diagnostic étiologique par
examen microscopique après coloration et par culture et identification. Les lésions sont
assez caractéristiques. Des cultures peuvent être faites à partir de la cavité pyélique ou
des uretères. Il n'y a pas de diagnostic sérologique possible.
g) Traitement
Le traitement inclut de fortes doses de pénicilline pendant un minimum d'une
semaine. Cependant, comme pour la leptospirose, le traitement aux antibiotiques
n'élimine pas les lésions rénales. D'autre part, des cas non traités guérissent
spontanément si les lésions ne sont pas étendues.
h) Prophylaxie
Cor. renale et Cor. pilosum peuvent vivre en commensaux dans le vagin de
jusqu'à 25% des vaches. Cor. renale, Cor. pilosum et Cor. cystitidis vivent en
commensaux sur les muqueuses génitales du mâle.
La prophylaxie hygiénique est donc celle de toute maladie infectieuse: isolement
des malades essentiellement pour éviter la dissémination des germes.
Il n'y a pas de vaccin.
4.3.1.4.2. Pyélonéphrite et cystite à Eubacterium suis chez la truie
a) Etiologie
Eubacterium suis est une bactérie corynéforme anaérobie stricte anciennement
dénommée Corynebacterium suis. Elle fermente aussi l'urée.
b) Incidence
La bactérie et l'infection sont relativement répandues en Europe mais
apparemment moins dans les autres régions du monde. Cependant, la maladie est rare.
Elle se caractérise par l'apparition de signes cliniques chez un petit nombre de truies en
rapport avec la saillie ou la mise-bas, dont l'état général se dégrade rapidement et qui
meurent.
c) Pathogénie
La bactérie vit en commensale dans le prépuce des verrats et est transmise à la
truie au moment de la saillie. Elle ne survit normalement que quelques heures.
Cependant, chez certains animaux, probablement en conjonction avec d'autres
facteurs comme chez la vache, une infection ascendante de la vessie se développe et
s'étend progressivement aux uretères et aux cavités pyéliques des reins.
Les facteurs de virulence paraissent être les mêmes que ceux de Cor. renale: pili
et production d'ammoniac par attaque de l'urée.
Le développement de lésions est comparable à la description faite pour les
vaches. La forme chronique est très rare.
d) Signes cliniques
Un groupe de truies accouplées au même verrat montre soudainement des signes
généraux: dépression, anorexie, dos arqué, peu de fièvre avec des urines rouges,
purulentes, deux à trois semaines après la saillie. Certaines truies peuvent mourir
subitement, d'autres ne montreront de signes cliniques qu'à la mise-bas. La plupart des
truies malades mourront. Certaines ne feront qu'une maladie légère avec surtout de
l'apathie et de l'inappétence.
e) Lésions, diagnostic, traitement et contrôle
Se rapporter à la pyélonéphrite de la vache. Ajoutons que le traitement est
couronné de peu de succès. Le verrat devrait aussi être traité pour éviter de continuer à
répandre l'infection. La truie peut être traitée à la pénicilline si des écoulements
sanguinolents sont observés après la saillie.
4.3.1.4.3. Pyélonéphrite à autres germes
L'agent N°1 en fréquence de pyélonéphrite est Escherichia coli. L'infection
procède par voie ascendante. Ces souches d'E. coli sont douées, ainsi que les autres
bactéries, de propriétés particulières de virulence, dont l'adhésion aux cellules de la
cavité pyélique (voir cystites). Les autres bactéries fréquemment impliquées sont
Proteus spp, des coliformes, des staphylocoques, des streptocoques, Pseudomonas spp.
Ces infections sont assez fréquemment mixtes.
Les signes cliniques, lésions et évolution sont, bien sûr, calqués sur ceux déjà
décrits dans les deux chapitres précédents: apathie, fièvre, douleur thoraco-lombaire
pendant la phase aiguë; urémie, polyurie, polydipsie pendant la phase chronique. Ces
signes sont le plus souvent vagues et inconsistants. Notons que la forme chronique est
prédominante chez le chat.
Le diagnostic étiologique se fait par examen de frottis colorés, par isolement et
identification.
Le traitement inclut des antibiotiques actifs contre les germes Gram négatifs et à
large spectre.
4.3.2. De la vessie
La vessie contient un petit nombre de bactéries, normalement. Elles proviennent
de l'urètre et sont surtout isolées chez les femelles. Ces bactéries ne persistent que peu
de temps. La miction permet, en effet, une élimination fréquente des germes. De plus,
l'urine possède diverses propriétés antimicrobiennes: osmolarité élevée, pH extrêmes,
urée, acides oxalique et hippurique, ammoniac. Dans certains cas, cependant, la vessie
est colonisée et une inflammation peut se développer.
a) Etiologies
Les bactéries capables de provoquer des infections du tractus urinaire sont
multiples mais la plus fréquemment rencontrée dans toutes les espèces animales est E.
coli.
Ces souches d'E. coli sont capables d'adhérer aux cellules de l'épithélium vésical
(et même de la cavité pyélique du rein), de résister à l'activité bactéricide du sérum et de
produire l'aérobactine.
Les autres bactéries impliquées varient selon les espèces mais dans le désordre il
s'agit des suivantes:
- Staphylococcus aureus, intermedius (et non hémolytiques);
- Proteus mirabilis;
- Enterococcus spp et Streptococcus spp bêta-hémolytique;
- Klebsiella pneumoniae et coliformes;
- Corynebacterium renale (bovins), Eubacterium suis (porcins), et autres
corynébactéries;
- Pseudomonas aeruginosa;
etc....
Il faut ajouter toutes les causes de septicémies avec localisation.
b) Pathogénie
Deux voies d'infection de l'appareil urinaire sont décrites:
1°) la voie ascendante via l'urètre est la plus commune. La vessie est infectée la
première. Parmi les causes d'infection par voie ascendante, il faut citer le cathétérisme
des voies urinaires.
2°) la voie hématogène via une bactériémie, voire une septicémie. Dans ce cas les reins
sont affectés les premiers (exemple: leptospirose).
Des facteurs dépendant de l'hôte interviennent pour contrarier le flux urinaire et
la miction. La présence de tumeurs, de polypes, de calculs, d'anomalies de la vessie
interfèrent avec la vidange de la vessie et provoquent une réentrée d'urine dans les
uretères voire les cavités pyéliques. Des maladies générales endocrines telles le diabète
et le Cushing, l'utilisation de corticoïdes prédisposent aussi aux infections du tractus
urinaire.
Ces perturbations de la fonction et de la vidange vésicale permettent aux
bactéries de se multiplier dans l'urètre, la vessie et d'atteindre le rein. Chez le mâle,
l'infection ascendante peut aussi affecter les glandes génitales annexes.
Pour les bactéries qui attaquent l'urée, la production d'ammoniac est un facteur
d'irritation.
c) Signes cliniques et lésions
Les infections du tractus urinaire sont souvent asymptomatiques et seule la
bactériurie en témoigne. La cystite et l'urétrite sont caractérisées par de la dysurie et de
la pollakiurie. L'odeur de l'urine peut être ammoniacale (attaque de l'urée), son aspect
est trouble et éventuellement hémorragique. L'hématurie due à une cystite aparaît en fin
de miction (celle en début est souvent associée à de la prostatite ou de l'urétrite).
Les signes généraux sont très rarement présents. La vessie est contractée et
douloureuse à la palpation. Dans les cas aigus la paroi peut être couverte de pétéchies.
Des infiltrations de polynucléaires neutrophiles et des hémorragies sont visibles au
microscope.
Dans les cas chroniques la paroi est épaissie par fibrose.
d) Diagnostic
Le diagnostic se base sur les signes cliniques, l'analyse des urines et la culture
bactériologique. L'urine est prélevée, soit au jet ("midstream"), soit par cathétérisme,
soit par cystocentèse.
Les urines doivent être réfrigérées et envoyées au laboratoire dans les 6 heures
pour culture.
Les urines tiennent plus longtemps dans les tubes de transport (jusqu'à 72
heures). L'idéal est cependant de ne pas les maintenir à température ambiante, ni de les
incuber, ni de les congeler.
L'analyse des urines comprend deux étapes: la numération des germes et
l'analyse du sédiment après centrifugation.
Le seuil significatif de bactériurie varie avec l'espèce animale, la méthode de
prélèvement, la présence ou non de signes cliniques et la concentration des urines. Chez
les bovins et les chiens plus de 105 organismes par ml d'urine est un seuil significatif.
Mais des infections existent à un seuil dix fois moins élevé. Cependant, moins de 103
bactéries par ml est non significatif et marque une contamination lors du prélèvement. A
ce sujet, il faut remarquer, et insister sur le fait qu'un prélèvement d'urine au jet peut
introduire plus de 105 bactéries contaminantes par ml d'urine. Le cathétérisme
n'introduit que peu de bactéries contaminantes chez le mâle mais un peu plus chez la
femelle si les conditions n'ont pas été respectées.
Chez le chat, une infection est à suspecter au-dessus de 103 bactéries par ml.
Mais des contaminations supérieures à 105 bactéries par ml peuvent exister lors de
prélèvements au jet.
L'interprétation des résultats exige donc: l'anamnèse complète avec indications
de la voie de prélèvement et de la méthode de conservation, le frottis coloré du sédiment
urinaire après centrifugation pour repérer les signes d'une infection (pyocytes), la
numération des bactéries.
Chez le bovin, l'émission d'urine rouge peut faire penser à l'hémoglobinurie
bacillaire (voir les maladies de l'adulte).
e) Traitement et contrôle
La grande différence dans le traitement des infections urinaires est qu'une forte
concentration d'antibiotiques (100 à 1000 fois plus élevée) peut être atteinte dans les
urines comme résultat de l'excrétion rénale de l'antibiotique sous forme active. Donc,
les résultats d'un antibiogramme classique pénalisent l'antibiotique (testé à
concentrations sériques et non urinaires).
Les principaux antibiotiques à recommander sont: ampicilline/amoxycilline
(avec acide clavulanique), céphalexine, nitrofurantoïne, thiamphénicol, gentamycine,
tétracyclines, trimétoprim/sulfamidés, acides pipémidique et enrofloxacine (E coli
multirésistants). Le traitement dure de 3 à 5 jours.
En cas d'insuccès, il faut penser à une résistance bactérienne ou à une autre cause
de bactériurie (prostatite, pyélonéphrite) auquel cas la thérapie doit être prolongée
pendant plusieurs semaines.
Dans le cas de récidives, la cause première doit être recherchée (voir
pathogénie).
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