4.3. Maladies du système urinaire
4.3.1. Des reins
4.3.1.1. Glomérulonéphrites
Les maladies dues aux glomérulonéphrites sont rarissimes chez les animaux
domestiques. Tout au plus trouve-t-on mention dans les livres d'une assez forte
incidence de glomérulonéphrites chez des bovins, ovins et caprins en bonne santé et
d'un type de glomérulonéphrite très comparable à celle de l'espèce humaine (anticorps +
protéine d'origine streptococcique) chez des agneaux de moins de 4 mois de race
finnoise. Chez le chien et le chat, on peut observer des glomérulonéphrites associées à
la borréliose de Lyme (Borrelia lurgdorferii) (voir 4.8.), à la brucellose (voir 4.4.5.1.), à
l'ehrlichiose (voir 4.5.3.2.), à la leishmaniose, à des pyomètres, à des infections virales
et à mycoplasmes selon les mêmes mécanismes pathophysiologiques. La
glomérulonéphrite du poulain à Actinobacillus equuli a déjà été présentée (voir 1.5.1. et
2.4.2.).
4.3.1.2. Néphrose
La néphrose ou lésion inflammatoire et dégénérative des tubuli rénaux est
décrite chez les animaux comme résultat de toxémies d'origine endo- ou exogène
(médicamenteuse par exemple).
4.3.1.3. Néphrites interstitielles
La néphrite interstitielle est une maladie à laquelle l'on associe d'une part le
chien, d'autre part la bactérie Leptospira interrogans.
Il faut cependant distinguer la néphrite interstitielle focale (reins à points
blancs), qui est une trouvaille classique d'autopsie (ou d'abattoir) sans conséquence
clinique, de la néphrite interstitielle diffuse importante cliniquement et le plus souvent
due à Leptospira interrogans.
4.3.1.3.1. Les leptospiroses
Les leptospiroses sont des maladies communes à l'homme et aux différentes
espèces d'animaux domestiques, causée par des souches de l'espèce bactérienne
Leptospira interrogans. Cette espèce bactérienne est subdivisée en de très nombreux
sérotypes (environ 200), plus ou moins spécifiques d'une espèce animale.
Les syndromes et signes cliniques sont variés et multiples dans la phase aiguë,
mais la phase subaiguë est associée à des problèmes de néphrite interstitielle ce qui
justifie la présentation de la leptospirose dans ce chapitre. Nous y avons déjà fait
référence dans les maladies hépatiques (voir 4.1.8.), dans les septicémies chez le jeune
(voir 1.) et nous le ferons encore dans les problèmes d'avortements (voir 4.4.3.).
Il ne faut pas oublier que la leptospirose est une zoonose: maladie de Weill,
fièvre de Fort Bragg etc...
a) Etiologie
Les leptospires sont de fins bâtonnets spiralés (lepto + spires). L'espèce
pathogène Leptospira interrogans comprend de très nombreuses souches différentes
antigéniquement. Les sérotypes les plus fréquents sont:
Bovins: Pomona, Hardjo, (Grippotyphosa, Sejroe, Australis, Icterohaemorrhagiae,
Canicola);
Ovins: Pomona, Grippotyphosa (Hardjo);
Porcins: Pomona (Canicola, Tarassovi, Grippotyphosa, Bratislava,
Icterohaemorrhagiae);
Canins: Canicola (Icterohaemorrhagiae, Autumnalis, Australis, Pomona,
Grippotyphosa);
Homme: Icterohaemorrhagiae, Canicola (Pomona, Autumnalis, Grippotyphosa,
Bataviae, Hardjo);
Félins: Canicola (Bataviae, Pomona, Grippotyphosa);
Equins: Grippotyphosa, Pomona (Icterohaemorrhagiae, Hardjo, Australis, Bratislava,
Canicola).
De plus, chaque sérotype a son réservoir animal particulier car ces bactéries sont
très fragiles et ne survivent que très peu de temps dans le milieu extérieur:
Pomona: bétail, porcs, animaux sauvages;
Canicola: chiens et canidés sauvages, bétail et porcs;
Hardjo: bétail (mouton);
Icterohaemorrhagiae: rats, souris;
Autumnalis, Grippotyphosa, Sejroe: faune sauvage;
Tarrassovi: porc;
Australis: hérisson;
Bataviae: chien, rat, souris;
Bratislava: bétail, porc, chevaux.
b) Incidence
Les infections à leptospires existent dans le monde entier chez toutes les espèces
animales. Cependant, la leptospirose, maladie clinique, existe avant tout chez le chien et
dans une moindre mesure chez le bétail et le porc; rarement chez le cheval et les petits
ruminants; exceptionnellement chez le chat.
Les sérovars Pomona et Canicola sont les plus répandus. La répartition
géographique des autres sérovars est variable.
Des enquêtes sérologiques ont montré dans différents pays que 1/3 des chiens
ont été exposés, à peu près 10% des bovins (dont 2-3% développent la maladie) et
jusqu'à 25% des porcs (dont 2-3% développent la maladie). Chez ces derniers,
cependant, l'infection est plus rare si les porcs sont gardés à l'intérieur (sauf peut-être
pour les sérovars dont le réservoir est constitué par les rats).
c) Pathogénie
La source N°1 de leptospires est représentée par l'urine contaminée des animaux
infectés chroniquement. En général, l'infection se passe par le contact direct avec l'urine
infectée. Cependant, des intermédiaires animés (fomites) ou inanimés (eaux, nourriture)
peuvent aussi exister. D'autres sources seraient le lait lors de la phase aiguë et les
produits d'avortements.
Les leptospires survivent peu dans le milieu extérieur (12 heures dans les égouts)
sauf dans un environnement humide, à pH légèrement alcalin et à température douce.
Dans ces conditions optimales (sols détrempés, rivières, flaques et marais), ils survivent
pendant plusieurs mois. Autrement, ils sont rapidement détruits par la sécheresse, le
froid, la chaleur, les détergents et désinfectants ainsi que la putréfaction et les sels
biliaires.
L'entrée se fait par la voie cutanée (même intacte), la conjonctive, la muqueuse
nasale et buccale. Par contre, ils sont détruits dans l'estomac (pH acide). La transmission
transplacentaire existe aussi.
La pénétration dans l'organisme est suivie d'une multiplication dans le sang et
d'une localisation dans les organes parenchymateux où ils prolifèrent (principalement le
foie et les reins, mais aussi les muscles, les yeux, les méninges, le placenta et le foetus).
Cette phase dure une quinzaine de jours.
Des cytotoxines actives sur les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins
endommagent les parois des vaisseaux et provoquent des hémorragies. D'autre part,
certains sérotypes produisent des hémolysines qui lysent les érythrocytes. Après cette
phase aiguë, si l'animal survit, les bactéries disparaissent du sang et des organes, suite à
la production d'anticorps spécifiques, à l'exception des reins où ils se localisent dans les
tubes contournés (probablement moins riches en anticorps) et s'y multiplient. Cette
localisation est à l'origine de la leptospirurie, de la néphrite interstitielle diffuse
chronique et des signes cliniques. La leptospirurie persiste pendant des semaines, des
mois, voire des années dans certains cas.
La présence des leptospires dans les tubuli est associée à de la dégénérescence et
à de la nécrose des cellules épithéliales. La présence de leptospires dans le tissu
interstitiel de la corticale stimule une réaction d'infiltration de lymphocytes,
macrophages et plasmocytes (=néphrite interstitielle aiguë). Suite à cet ensemble de
modifications, la pression intrarénale augmente, résultant en oligurie et urémie. Les
néphrons endommagés sont remplacés par du tissu fibreux. Si les dommages ne sont
pas trop étendus, l'animal récupère totalement et peut même éliminer l'infection. Si les
dommages sont très étendus, l'hypertension provoque une perte progressive de
néphrons, avec fibrose progressive du rein (=néphrite interstitielle subaiguë ou
chronique). Dans les cas subaigus, l'infection persiste souvent.
d) Signes cliniques
- Chiens: Dans la phase aiguë, l'animal souffre d'hyperthermie, d'anorexie, de
vomissements et d'une injection de la conjonctive (sans inflammation). Ces signes
disparaissent en même temps que la leptospirémie. L'animal redevient normal après 10
jours environ. Un deuxième stade apparaît après quelques jours à quelques semaines et
est appelé le stade rénal primaire (=néprhite interstitielle aiguë). Les signes sont
variables: simple perte de poids; faiblesse générale avec soif accrue et polyurie;
faiblesse, anorexie, soif accrue avec polyurie ou oligurie et vomissements, selon la
gravité. L'urémie se développe progressivement. De la douleur abdominale se remarque
à la palpation. L'animal récupère ou meurt plus ou moins rapidement. Dans la forme
subaiguë, des problèmes hépatiques apparaissent aussi avec possibilité d'ictère et de
décoloration des fèces. Le troisième stade est celui de la décompensation rénale qui se
développe en plusieurs mois (=néphrite intertitielle chronique). Ce stade apparaît aussi
bien chez des animaux qui n'ont jamais complètement récupéré cliniquement que chez
des animaux "guéris". La décompensation rénale s'installe progressivement: urémie
avec apathie, anorexie et vomissements, amincissement, soif accrue, polyurie. Des
problèmes d'hépatite chronique avec fibrose peuvent compliquer l'image clinique:
ascite, ictère. L'urémie des stades 2 et 3 s'accompagne d'une décoloration et
d'ulcérations de la langue et de la muqueuse buccale et d'halitose (=odeur urémique de
la respiration). Des pétéchies peuvent aussi être observées sur la peau et les muqueuses.
L'infection à Icterohaemorrhagiae s'accompagne aussi d'une hémolyse
conduisant à l'anémie, l'ictère jaune-orangé et l'hémoglobinurie.
- Bovins: La forme suraiguë à Pomona est rare chez les adultes et se remarque chez les
jeunes veaux: fièvre intense, anorexie, congestion de la conjonctive. La mort suit en
moins de 48 heures. De l'anémie hémolytique avec hémoglobinurie, ictère et pâleur des
muqueuses est parfois présente.
La forme aiguë, plus fréquente, commence par des signes généraux: fièvre,
anorexie, dépression, arrêt de la rumination, chute de la lactation, avortements, présence
de sang dans le lait (sans mammite apparente), synovite et boîterie chez certains.
L'animal meurt en 5 à 10 jours.
Dans les formes subaiguës, de l'ictère, de l'hémoglobinurie, de l'anémie et des
pétéchies apparaissent. Les vaches gestantes avortent 3 à 4 semaines après les signes
généraux. L'animal meurt en 2 à 3 semaines (50%).
La forme chronique à Pomona et la forme aiguë à Hardjo se manifestent quasi
exclusivement par des avortements (50% du troupeau) et des chutes dans la production
de lait. L'avortement se produit le plus souvent dans le dernier tiers de la lactation. Chez
des vaches non gestantes, le seul signe peut être la chute du rendement laitier et la
couleur rouge du lait. Des cas atypiques rapportés montraient des problèmes de
méningite et de signes nerveux, des nécroses cutanées.
Dans toutes les formes des problèmes dus à l'urémie peuvent apparaître.
- Porcins: La forme aiguë est très rare chez le porcelet et encore plus rare chez l'adulte.
Elle est similaire aux formes aiguës septicémiques du chien et du veau et est aussi
accompagnée d'avortements. La mortalité est supérieure à 50% chez les porcelets et
atteint 20% chez les animaux sevrés. Elle est nulle chez les adultes.
L'avortement peut être le seul signe clinique de la leptospirose des adultes.
L'avortement se produit dans les 2 à 4 semaines avant la mise-bas. Les porcelets
peuvent aussi être mort-nés et les survivants sont faibles et meurent rapidement. Aucun
autre signe n'est observé chez la truie. Le taux de reproduction peut chuter de 80% dans
un troupeau.
- Chevaux: La forme aiguë septicémique est aussi très rare et ne se différencie pas des
formes aiguës dans les autres espèces animales (50% de mortalité).
La forme subaiguë est plus courante et montre les mêmes signes cliniques que
chez les bovins avec ictère, dépression, avortement et fluxion périodique mais aussi des
troubles locomoteurs, nerveux et gastroïntestinaux. Les lésions cutanées sont aussi
présentes.
Quant à la forme chronique, l'avortemement entre le 7ème et le 10ème mois en
est la manifestation la plus fréquente.
La fluxion périodique est caractérisée cliniquement par des attaques de
photophobie, hypersécrétions lacrymales, conjonctivite, kératite, hypopyon et
indocyclite pouvant conduire à la cécité.
- Petits ruminants: La leptospirose est rare dans ces espèces. La symptomatologie
s'inspire de celle des bovins.
- Chats: Le chat est une espèce très résistante à l'infection par Leptospira interrogans.
Les signes sont exceptionnellement aigus.
- Humains: La forme aiguë est caractérisée par de la fièvre, de la jaunisse et de la
néphrite comme chez les animaux. L'homme se contamine à partir d'animaux
domestiques (vétérinaires, abatteurs, fermiers), de rongeurs sauvages et d'eaux
contaminées (maladie des égoutiers).
e) Lésions
- Chien: Si l'animal meurt en phase aiguë (leptospirémie), l'autopsie révèle des lésions
de septicémie. Des leptospires sont observables dans le foie et le rein.
Si l'animal meurt dans la deuxième phase, les lésions générales sont dues à
l'urémie qui se développe suite à la néphrite interstitielle aiguë: décoloration et
ulcération de la langue et de la muqueuse buccale, érosions hémorragiques de la
muqueuse gastrique, dégénérescence et nécrose du myocarde et des muscles
intercostaux. Quant aux reins, ils sont pâles, gonflés et nodulaires. Le microscope révèle
une destruction importante des tubuli dans la corticale avec accumulation de
mononucléaires dans le tissu interstitiel visible macroscopiquement à la jonction
cortico-médullaire. Des leptospires sont visibles dans les tubuli.
Dans la troisième phase (néphrite intersititelle subaiguë à chronique), le cadavre
est émacié, pâle, "urémique" et éventuellement ictérique. Les reins sont pâles, fermes,
granuleux et rétractés. Le microscope montre une réaction cellulaire qui décroît avec la
chronicité du problème ainsi que le nombre de tubuli infectés. Au contraire, la fibrose
augmente. Dans les cas tout à fait chroniques, aucun leptospire ne sera observé. Chez
les animaux ictériques, des lésions de nécrose centrilobulaire avec infiltration de
lymphocytes et de la fibrose dans les cas chroniques sont observés.
- Bovins: La forme suraiguë est caractérisée par des lésions de septicémies,
éventuellement hémorragiques. La forme aiguë montre un cadavre anémié, ictérique,
avec des hémorragies sous-cutanées et sous-muqueuses et de l'hémoglobinurie.
Les avortons sont souvent autolysés. Les lésions rénales et hépatiques ont été
décrites chez le chien. Des lésions d'urémie sont aussi présentes (cf chien).
- Porc: Les lésions lors de formes aiguës ont été décrites chez le chien et le veau.
L'avorton montre des épanchements cavitaires ainsi que de petits foyers grisâtres
nécrotiques (1 à 4 mm) sur le foie. Les enveloppes sont oedémateuses et nécrosées. La
truie montre de la néphrite interstitielle.
- Chevaux, petits ruminants et chats: Les lésions sont similaires à celles des autres
espèces animales dans les différentes formes.
f) Diagnostic
Le diagnostic clinique de leptospirose est difficile à poser car les signes
d'hépatite et de néphrite ne fournissent que des présomptions. Seul le laboratoire
apportera une confirmation.
Le diagnostic bactériologique par examen microscopique, par cultures ou par
inoculation intrapéritonéale chez le hamster peut se faire sur le sang pendant la phase de
leptospirémie (12 semaines), ou sur l'urine (dès la seconde semaine). En raison du peu
de résistance des leptospires, il importe de procéder à l'examen de produits fraîchement
recueillis. L'examen microscopique se pratique sur fond noir ou au contraste de phases.
Les cultures ne sont pas possibles pour toutes les souches de leptospires et doivent se
faire sur milieux spéciaux. Des hémocultures positives sont obtenues à partir des
hamsters huit jours après l'inoculation.
Le diagnostic bactériologique au microscope est aussi possible sur coupes
histologiques après imprégnation à l'argent ou immunofluorescence indirecte.
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