AVERTISSEMENT VÉTÉRINAIRE
ÉPIDÉMIOSURVEILLANCE ANIMALE
R
ÉSEAU D’ALERTE ET D’INFORMATION ZOOSANITAIRE
No 22 Le 11 décembre 2000
LA LEPTOSPIROSE CANINE : UNE ZOONOSE EN ÉMERGENCE
La leptospirose d’origine canine est considérée comme une zoonose en émergence au Québec et en
Ontario. Depuis le début de l’année 1996, 45 cas positifs ont été confirmés par sérologie au laboratoire de
pathologie animale du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) de Sainte-
Foy. Les sérovars les plus fréquemment impliqués ont été Pomona, Grippotyphosa et Bratislava. Ainsi, la
leptospirose est une maladie bien présente chez l’espèce canine au Québec et fait maintenant partie du
diagnostic différentiel de tous les cas d’insuffisance rénale aiguë chez cette espèce animale. Quoique
aucun cas associé à cette infection n’ait été signalé chez l’humain dans le cadre de cette émergence, il
n’en demeure pas moins que des précautions doivent être prises afin de prévenir la transmission de la
maladie aux personnes en contact avec des chiens infectés ou suspectés de l’être.
ÉTAT DE LA SITUATION
La leptospirose est une zoonose à distribution mondiale affectant plusieurs espèces animales et causée par une bactérie
appartenant à l’ordre des Spirochaetales, essentiellement l’espèce Leptospira interrogans. Cette dernière est divisée en
plus de 220 sérovars dont Pomona, Icterohaemorrhagiae, Grippotyphosa, Bratislava et Hardjo, qui sont les plus
fréquemment trouvés en Amérique du Nord. Avant l’utilisation du vaccin contre les sérovars Icterohaemorrhagiae et
Canicola, la leptospirose du chien était généralement caractérisée par une thrombocytopénie sévère, de l’ictère et des
hémorragies. Depuis quelques années, les cas se manifestent plutôt par une insuffisance rénale aiguë et sont associés aux
sérovars Pomona et Grippotyphosa et, à un degré moindre, aux sérovars Bratislava et Automnalis.
ÉPIDÉMIOLOGIE AU QUÉBEC
La plupart des sérovars ont un ou plusieurs hôtes réservoirs, principalement les rongeurs, les ratons laveurs et les
moufettes, qui assurent la survie de l’organisme et qui participent à sa dissémination dans l’environnement. Les
conditions environnementales optimales pour la survie des leptospires sont la présence d’eau et de temps frais et humide,
comme on en trouve en automne en Amérique du Nord, ce qui explique que la plupart des cas surviennent entre les mois
d’octobre et de décembre.
L’émergence des cas de leptospirose chez l’espèce canine associés à des sérovars autres que Canicola et
Icterohaemorrhagiae est vraisemblablement attribuable à une augmentation des contacts directs ou indirects, par
exemple, par des mares d’eau contaminée par de l’urine infectée, entre les chiens et les animaux de la faune présents en
milieu urbain, comme les ratons laveurs et les moufettes. Quant à la diminution radicale des cas associés au sérovar
Icterohaemorrhagiae, elle est sans doute reliée à l’utilisation, pendant de nombreuses années, du vaccin contre les deux
sérovars précités. Depuis 1995, 145 demandes d’analyse sérologique pour la leptospirose canine ont été transmises au
Laboratoire de pathologie animale de Sainte-Foy où sont effectuées les analyses, soit par les différents laboratoires du
MAPAQ, soit par le Service de diagnostic de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. Une
compilation des résultats est présentée dans le tableau suivant. Il semble qu'un grand nombre d'épreuves sérologiques
visant à confirmer des cas de leptospirose chez l’espèce canine soient effectuées dans des laboratoires privés, ce qui
suggère que le nombre réel de cas soit plus élevé que celui qui est indiqué dans le présent avertissement.
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Sérologie pour la leptospirose chez l’espèce canine effectuée
au Laboratoire de pathologie animale de Sainte-Foy (1995-2000)
Année Nombre
soumis Nombre
positif Sérovar infectant∗∗(nombre de dossiers)
1995 2 0
1996 5 3 Pomona (3)
1997 14 6 Pomona (5) Grippotyphosa (1)
1998 18 5 Pomona (2) Bratislava (2)
Titre égal pour Pomona, Bratislava et Grippotyphosa (1)
1999 55 19 Grippotyphosa (11) Pomona (5)
Icterohaemorrhagiae (1) Bratislava (1)
Titre égal pour Pomona, Bratislava et Grippotyphosa (1)
2000 51 12 Pomona (4) Grippotyphosa (4) Bratislava (3)
Titre égal pour Pomona et Bratislava (1)
Total 145 45 Pomona (19) Grippotyphosa (16)
Bratislava (6) Icterohaemorrhagiae (1)
Titre le plus élevé égal pour deux sérovars ou plus (3)
Dans le présent tableau, un cas est considéré positif si le titre contre au moins un des sérovars est
1 :800
∗∗ Lors de réactions croisées, le sérovar infectant indiqué est celui contre lequel le titre d’anticorps est le
plus élevé.
MALADIE CHEZ L’ANIMAL
L’infection est retrouvée chez plusieurs espèces animales dont les ruminants, les porcs, les chiens et les chevaux. Elle
peut être asymptomatique ou se manifester sous des tableaux cliniques variés. Les animaux infectés peuvent aussi
excréter la bactérie sans toutefois présenter les symptômes de la maladie.
Chez les chiens, à la suite de l’infection, les leptospires se multiplient rapidement dans le sang et peuvent coloniser
plusieurs organes tels que le foie, les reins, les poumons, les yeux et le système nerveux central. L’animal peut alors
présenter de l’abattement, de l’anorexie, des vomissements, de la polyurie/polydypsie, de la réticence à se déplacer, de
l’hyperthermie, un syndrome de l’œil rouge, de l’ictère, de l’hématurie, une gastro-entérite hémorragique ou une
néphrite aiguë. La mort peut survenir en 5 à 10 jours des suites de l’insuffisance rénale aiguë; toutefois, la létalité est
rarement de plus de 10 %.
Chez les sujets plus résistants, l’apparition d’anticorps circulants élimine la bactériémie. Les leptospires vont alors se
loger dans les tubules contournés des reins où ils sont à l’abri des anticorps, ce qui provoque un état de porteur chez
l’animal. Ils colonisent les tubules et sont excrétés par intermittence dans l’urine. Le chien demeure porteur pendant une
période de temps relativement longue, allant jusqu’à quelques années, comparativement à d’autres espèces comme les
herbivores.
Chez les ruminants, la maladie peut se manifester par des problèmes de reproduction tels que des avortements, de
l’infertilité, une mammite et une chute brusque de la lactation. Le sérovar Pomona peut aussi provoquer de l’anémie, de
l’ictère et de l’hémoglobinurie, accompagnés de fièvre, de prostration, d’anorexie et de dyspnée. La létalité est de
5 à 15 %.
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DIAGNOSTIC CHEZ L’ANIMAL
Le diagnostic de la leptospirose se fait principalement par des tests sérologiques, le test de référence étant l’épreuve
d’agglutination microscopique (TAM), disponible au Laboratoire de pathologie animale de Sainte-Foy au coût de 5 $
par sérovar. Des réactions croisées sont fréquemment observées durant la phase aiguë de la maladie. Il est en général
présumé que le sérovar responsable de l’infection est celui contre lequel le titre d’anticorps est le plus élevé. Une
augmentation de 4 fois le titre d’anticorps sur une période de 3 à 4 semaines ou un titre de 1 :800 suggère fortement la
présence d’une infection active. La culture de l’urine peut donner de bons résultats dans les semaines qui suivent
l’infection à condition d’être ensemencée sur les milieux spéciaux dans les minutes qui suivent son prélèvement. Si
l’animal est mort, l’isolement de la bactérie peut être tenté à partir des reins.
TRAITEMENT ET PROPHYLAXIE CHEZ LE CHIEN
La bactérie est rapidement détruite par la chaleur, le gel, la lumière et les antiseptiques usuels, mais elle peut résister
plus longtemps dans un milieu chaud, ombragé et humide. Elle nécessite de l’eau douce pour sa survie dans
l’environnement.
Antibiothérapie
Le traitement consiste en une antibiothérapie avec de la Pénicilline G ou ses dérivés pour une période de 14 jours afin de
combattre la leptospirosémie, puis avec de la doxycycline pendant 15 jours afin d’éliminer l’état de porteur rénal. Il est à
noter toutefois que des études soulignent de nombreux échecs lors des tentatives d’élimination des leptospires dans les
reins chez l’espèce canine.
VACCINATION
Un vaccin est maintenant disponible contre les sérovars Pomona et Grippotyphosa en plus des sérovars Canicola et
Icterohaemorrhagiae. Il protégerait l’animal contre la maladie clinique et la leptospirémie. Il peut être administré dès
l’âge de 6 semaines, avec un rappel 2 à 3 semaines plus tard, puis annuellement. Produit à partir de l’enveloppe externe
de la bactérie, ce vaccin est censé diminuer le taux de réactions allergiques et toxiques associées à la vaccination.
MALADIE CHEZ L’HUMAIN
L’humain est sensible à la plupart des sérovars. La période d’incubation est habituellement de 5 à 14 jours, mais peut
varier de quelques jours à au-delà de 30 jours. En Amérique du Nord, la majorité des personnes infectées présentent des
symptômes s’apparentant à un syndrome grippal sévère : fièvre, céphalée, frissons, douleurs musculaires importantes et
généralisées. Des complications d’ordre rénal ou hépatique peuvent également survenir à l’occasion. La durée de la
maladie varie de quelques jours à plusieurs semaines, selon la gravité et le traitement. Le taux de létalité est faible,
environ 5 %, mais peut dépasser les 20 % chez les sujets qui développent une insuffisance hépatique ou rénale (maladie
de Weil) ou chez les personnes âgées.
La guérison survient après quelques semaines et est favorisée par une antibiothérapie précoce. Une excrétion urinaire de
leptospires consécutive à la colonisation rénale peut néanmoins persister plusieurs mois. La leptospirose chez les
humains au Québec est rare, aucun cas n’ayant été confirmé depuis les années 1990 au Laboratoire de santé publique du
Québec (LSPQ). Cependant, il est à noter qu’il ne s’agit pas d’une maladie à déclaration obligatoire au Québec ce qui
fait qu'il nous est très difficile de connaître l'incidence réelle de la maladie chez les humains.
Direction de l'épidémiosurveillance et de la santé animale
200, chemin Sainte-Foy, 11e étage Québec (Québec) G1R 4X6
Téléphone : 1 800 463-5023 Télécopieur : (418) 380-2169
MODES DE TRANSMISSION À L’HUMAIN
Chez l’humain, l’infection se transmet essentiellement par contact de la peau ou des muqueuses, dont les conjonctives,
avec de l’eau, des aliments, le sol ou tout autre élément contaminé par l’urine des animaux infectés ou les tissus
placentaires et fœtaux provenant des avortements. La transmission peut aussi survenir au cours de loisirs tels que la
baignade ou la nage dans des étangs ou des lacs contaminés. La maladie constitue un risque professionnel chez les
travailleurs exposés à de l’eau ou à des animaux contaminés, comme les personnes travaillant dans le secteur des eaux
usées, les agriculteurs et le personnel des cliniques vétérinaires.
RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES
Pour que l’infection par Leptospira interrogans soit transmise d’un chien à l’autre ou à l’humain, il faut qu’il y ait
contact, direct ou indirect, avec le sang ou autres secrétions en période de bactériémie ou avec l’urine dans les semaines
ou les mois qui suivent la fin de la bactériémie.
En clinique vétérinaire, il est recommandé de :
q Porter des gants de latex et un sarrau à manches longues lors de tout contact avec un animal potentiellement
atteint de leptospirose ou l’ayant été dans les mois précédents. Les leptospires peuvent être excrétés dans
l’urine pendant des mois, voire des années, suivant la disparition des signes cliniques.
q Éviter d’entrer en contact avec l’urine des animaux infectés ou suspectés de l’être, qu’ils soient malades ou en
convalescence. L’installation d’un cathéter urinaire relié à un sac étanche est recommandée en clinique afin d’éviter
la contamination de l’environnement.
q Si de l’urine est répandue sur le plancher, couvrir soigneusement avec des serviettes de papier et appliquer une
solution d’hypochlorite de sodium à 1 % de la périphérie vers le centre; laisser agir au moins 30 minutes avant de
procéder au nettoyage. Faire tremper la serpillière dans un désinfectant en permanence. Porter des gants durant ces
opérations.
q Respecter de bonnes mesures d’hygiène personnelle, principalement le lavage des mains après chaque manipulation
et en fin de journée.
q Éviter de manger, fumer, boire ou entreposer de la nourriture dans l’animalerie.
q Changer la tenue de travail personnelle quotidiennement.
À la maison :
q Éviter d’entrer en contact avec l’urine des animaux infectés ou suspectés de l’être, qu’ils soient malades ou en
convalescence. Porter des gants et des vêtements protecteurs lors de l’administration des soins à ces animaux.
q Éviter de manger, boire ou fumer lors du soin des animaux (toilettage, entretien de la cage à la maison s’il y a lieu).
q Respecter de bonnes mesures d’hygiène personnelle, principalement le lavage des mains après chaque manipulation.
q Respecter rigoureusement le protocole de vaccination recommandé par le médecin vétérinaire.
q Contrôler la vermine et ne pas laisser les chiens s’approcher des animaux de la faune.
q Éviter de laisser les chiens boire ou marcher dans des mares d’eau auxquelles les animaux de la faune ont accès, par
exemple dans les parcs publics.
q Éviter de se baigner dans des étangs pouvant être contaminés.
q Clôturer les potagers de façon à en empêcher l’accès aux animaux.
Si vous pensez avoir été exposé à un animal atteint de leptospirose, veuillez communiquer avec votre médecin de
famille dans les plus brefs délais.
AUTEURE : Dre Chantal Vincent, coordonnatrice aux zoonoses
Téléphone (418) 380-2100, poste 3110
Télécopieur (418) 380-2169
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