Appel à communications: « Jeux en jeu dans l’enseignement/apprentissage des langues en
Lansad »
Dans son ouvrage intitulé L’anthropologie du geste, Marcel Jousse décrit l’homme comme
“un animal interactionnellement mimeur” ([1974] 2008) ne pouvant s’empêcher de rejouer les
actions qu’il voit autour de lui, actions qui s’im-priment en lui et qu’il ex-prime ensuite au
travers de rejeux. L’homme construit donc son identité, son « je » en rejouant les actions du
monde. Jouer lui permet de « faire corps avec » et, par là, de mieux comprendre et mémoriser
(Lecoq 1997). Par conséquent, l’acte de jouer (et de rejouer) permet d’acquérir des
connaissances et compétences tout en se reliant à autrui puisque tout jeu implique une
reconnaissance et une adaptation à l’autre. Enfin, pour Jousse, jouer est un acte de création
puisque le rejeu n’est jamais une réverbération, une simple imitation fidèle de ce qui a été
perçu mais une réponse personnelle et dynamique. Il ne s’agit pas de représenter de manière
figurée l’objet observé mais « d’agir » sa dynamique intérieure.
Ainsi, le jeu peut être un amusement, une activité divertissante que l’on pourrait proposer aux
étudiants dans une perspective (re)motivationnelle ; toutefois, il reste fondamentalement un
comportement qui nous est propre, « quelque chose de profondément anthropologique »
(ibid). Dans cet esprit, Berthoz considère qu’il ne peut y avoir d’apprentissage sans action
puisque « l’origine de la pensée réside dans la nécessité de bouger » (2009). D’autres
chercheurs en neurosciences mettent en évidence l’importance du corps dans l’apprentissage,
comme Rizzolatti, qui suggère l’existence des neurones miroirs qui nous permettent
inconsciemment de simuler les actions d’autrui.
Les liens entre jeu et apprentissage sont nombreux et tous deux sont des phénomènes
éminemment sociaux qui relient l’individu à son environnement. Ils favorisent « la mise en
je » de son identité et rappellent le rôle du corps dans la compréhension d’autrui. Le jeu reste
néanmoins marginalisé en cours de langue (Lapaire & Masse, 2008 ; Aden 2008). Comment,
dans ces conditions, penser l’enseignement/apprentissage dans le secteur LANSAD afin de
redonner toute leur place aux jeux quels qu’ils soient ? Telle sera la question à laquelle nous
tenterons de répondre lors du prochain congrès de l’APLIUT à Lyon. La notion de jeu pourra
être envisagée dans ses nombreuses acceptions (théâtraux, stratégiques, vidéo, tangibles, pour
n’en citer que quelques-uns) et ses enjeux en termes d’enseignement/apprentissage
(motivation, plaisir, autonomie, mémorisation).
Références
Aden J. 2008. « Compétences interculturelles en didactique des langues : développer
l’empathie par la théâtralisation », Apprentissages des langues et pratiques artistiques, Paris,
Édition le Manuscrit, p. 67-102.
Berthoz A. 2009. La simplexité, Paris : Odile Jacob.
Jousse M. 2008. L’Anthropologie du Geste, Paris : Gallimard (1978)
Lecoq J. 1997. Le corps poétique : un enseignement de la création théâtrale, Arles : Actes
Sud.
Lapaire, J.-R. & Masse J. (2008). « Danser la grammaire de l’anglais », dans Aden J.,
Apprentissages des langues et pratiques artistiques, p. 149-176.
Rizzolati G., Sinigaglia C. 2007. Mirrors in the Brain. How our minds share actions and
emotions, Oxford : Oxford University Press.