Table des Matières :

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Table des Matières :
Prise de vue
Auteur(s) : ROMELAER Pierre
#
1. La notion d'organisation
Les diverses configurations de l'organisation
Les conceptions spécifiques de l'organisation
Les composantes de l'organisation
#
2. Les types d'organisations
Les organisations types
Les organisations hybrides
#
3. Mode d'emploi des organisations
Avantages et inconvénients des types d'organisations
Les regroupements variables d'unités de base
Les éléments vitaux de l'organisation
Bibliographie
Articles liés
ENTREPRISE (théories et représentations)
FORCE DE VENTE (gestion)
LOGISTIQUE (gestion)
Prise de vue
La plupart des activités humaines ne sont pas des activités individuelles et
solitaires : elles sont le produit des actions concertées et coordonnées de
plusieurs personnes. Dès qu'on aborde cet aspect de l'action, on a intérêt à
étudier ce qu'est une organisation, comment elle est gérée, s'adapte, décide, et se
transforme. L'organisation que constitue une entreprise intéresse aussi bien les
dirigeants et les managers que les exécutants : tous à des degrés divers
l'influencent et voient leurs actions influencées par son fonctionnement.
1 La notion d'organisation
Une organisation est un ensemble de personnes qui ont entre elles des relations en
partie régulières et prévisibles. Cette définition large présume bien de la
diversité des configurations possibles.
Les diverses configurations de l'organisation
Beaucoup d'organisations sont composées de salariés de la même entreprise qui
travaillent en un même lieu et sont directement sous l'autorité d'un même supérieur
hiérarchique : un atelier d'usinage et un service contrôle de gestion ont souvent
ces caractéristiques.
Mais, dans certains cas, les membres de l'organisation sont géographiquement
dispersés : dans une entreprise de vente et de réparation de photocopieurs, une
bonne partie des salariés se voient peu, puisqu'ils passent l'essentiel de leur
temps auprès de la clientèle.
Parfois, les membres d'une organisation n'ont pas le même supérieur hiérarchique.
Dans une grande entreprise du secteur « équipement automobile », il existe des
contrôleurs de gestion dans les usines, dans les divisions et au siège. Chacun
dépend de son patron dans sa propre structure, mais ces spécialistes d'une même «
technique de gestion » forment aussi une organisation s'ils ont des réunions
périodiques au cours desquelles ils échangent sur leurs problèmes et leurs
méthodes.
Il existe également des situations dans lesquelles les membres d'une même
organisation ne sont pas salariés de la même entreprise, par exemple une usine dans
laquelle des délégués-qualité des clients et des membres d'entreprises partenaires
travaillent sur site avec les salariés de l'usine.
Du cabinet conseil en stratégie de vingt salariés à Carrefour qui en compte 240000,
les organisations sont de toutes tailles. Et chaque unité d'une organisation est
aussi une organisation : des entités aussi diverses que le département achats
textiles d'un grand magasin, une usine de fabrication de crèmes glacées, le
département recherche et développement de Corning Glass, la filiale française de
Nestlé ou la division pharmacie d'Aventis sont des organisations. Est à considérer
également une autre catégorie d'organisations – sur laquelle nous ne concentrerons
toutefois pas l'analyse – qui inclut les associations caritatives, les
administrations publiques nationales ou régionales, l'O.C.D.E., les partis
politiques, les syndicats professionnels, les familles et les groupes d'amis.
Les conceptions spécifiques de l'organisation
Dans le langage courant comme dans la conception de certains spécialistes,
l'organisation, c'est aussi :
– L'organigramme hiérarchique. Il donne des indications sur qui est supérieur
hiérarchique de qui. L'organigramme fonctionnel y ajoute des intitulés de poste qui
fournissent quelques indications sur ce que sont les missions principales des
personnes.
– Le flux régulier des activités de production et de transport. Cette description
est couramment utilisée par les spécialistes de gestion de production et de
logistique.
– La disposition des machines et des matériels, le classement. Au sens de cette
définition, une activité, ou une partie d'entreprise, est bien organisée si « tout
est en ordre ».
– Le format des informations, l'architecture du système d'information. Cette
définition de l'organisation est par exemple celle des informaticiens.
– L'ensemble des procédures. Cette définition est entre autre celle d'un
département méthodes qui définira les modes opératoires pour les actions des
ouvriers, par exemple pour l'assemblage d'un produit à partir de ses composants.
– La structure juridique, la répartition du capital, les participations dans
d'autres sociétés, la répartition des pouvoirs de décision et de contrôle. Cette
définition de l'organisation est celle des juristes.
Chacune de ces définitions donne une vision très partielle de l'organisation. On ne
peut comprendre et encore moins gérer une organisation en se cantonnant à une seule
d'entre elles.
Les composantes de l'organisation
Une organisation se caractérise par un certain nombre de composantes dont
l'importance relative varie selon le type d'organisation considéré.
L'ensemble des activités qui constituent la raison d'être de l'entreprise forment
ce qu'on appelle le centre opérationnel. Souvent, il s'agit des activités de
production et de vente. Dans les entreprises qui ont un objectif d'innovationproduit, la R&D (recherche et développement) fait partie du centre opérationnel.
La technostructure correspond à l'ensemble des activités qui consistent à
standardiser le travail, les résultats et les qualifications, c'est-à-dire à,
respectivement, définir les procédures, fixer les objectifs et les normes, et
calibrer les compétences. Les départements méthodes, systèmes d'information et
contrôle de gestion appartiennent classiquement à la technostructure.
Le sommet stratégique
objectifs stratégiques
logistique sont celles
(les services généraux
désigne les activités qui définissent et adaptent les
de l'organisation, tandis que les fonctions de support
qui participent au fonctionnement sans être essentielles
par exemple).
Enfin, la hiérarchie opérationnelle rassemble les managers qui ont, parmi leurs
subordonnés directs ou indirects, des opérateurs du centre opérationnel. Par
opposition, on qualifie de « fonctionnels » les salariés dont les activités sont
principalement dans la technostructure ou les fonctions de support logistique.
2 Les types d'organisations
Il existe cinq principaux types d'organisations. Dans la pratique, environ deux
tiers des organisations correspondent assez fidèlement à l'un de ces types, le
tiers restant correspondant à des formes hybrides.
Les organisations types
La structure simple
La structure simple se caractérise par une très faible standardisation. Le
travail est défini et coordonné par le sommet stratégique. La technostructure est
inexistante, ou bien elle existe mais est en permanence bridée par les ordres, les
contre-ordres et les exceptions imposées par une direction générale omniprésente.
Ce type de structure est courant dans les P.M.E. dirigées par de réels
entrepreneurs. Mais, d'une part, toutes les P.M.E. ne sont pas « entrepreneuriales
» et n'ont donc pas toutes ce type de structure simple. D'autre part, certaines
fonctionnent comme une structure simple mais de façon très conservatrice, gérées en
direct par un patron qui lance très peu de projets nouveaux.
La structure mécaniste
Dans une structure mécaniste, le travail du centre opérationnel est effectué sur la
base de procédures élaborées par des départements spécialisés, de type méthodes
dans l'industrie, ou informatique et organisation dans les entreprises de services.
Les organisations de fabrication de masse et les entreprises de « services de masse
» (compagnies d'assurances, banques, entreprises de télé-marketing) sont couramment
de ce type, à condition qu'elles ne soient pas très fortement automatisées et
robotisées ; ce sont sinon des « adhocraties » (voir plus loin).
L'organisation taylorienne est l'exemple le plus connu de structure mécaniste. On
la nomme ainsi parce qu'elle a été inventée à la fin du xixe siècle par Frederick
Taylor. Elle possède une caractéristique qu'on ne rencontre pas dans toutes les
structures mécanistes : une division très poussée du travail en tâches élémentaires
très simples qui peuvent être effectuées par des personnes sans qualification.
Les structures mécanistes ne sont pas toutes de grande taille : la performance
d'une sandwicherie reposera en général sur une standardisation très poussée du
travail de confection des sandwichs ; on a alors une P.M.E. qui n'a pas une
structure simple.
La structure basée sur les compétences
Dans une structure basée sur les compétences, le travail de base de l'organisation
(celui du centre opérationnel) est plutôt stable, et il est effectué d'une façon
fortement indépendante par des professionnels très qualifiés. Les hôpitaux, les
cliniques, les universités et grandes écoles ont ce type de structure, de même que
certains cabinets de conseil ou certaines S.S.I.I. (sociétés de services et
d'ingénierie informatique).
Comme les professionnels ont une rémunération élevée, il est fréquent de trouver
dans ces structures de nombreuses activités dans les fonctions de support
logistique, où des personnels moins qualifiés (donc moins coûteux) effectuent les
tâches exigeant moins d'expertise. Il peut exister une technostructure dans ces
organisations, mais elle ne concernera que les aspects budgétaires et logistiques
(planning d'utilisation des salles d'opérations dans un hôpital par exemple).
Généralement, ces types d'organisations mobilisent de nombreuses commissions
permanentes dans lesquelles siègent des membres des divers services : dans un
hôpital, on trouvera, par exemple, une commission médicale d'établissement, une
commission informatique, etc. Ces commissions travaillent souvent avec une bonne
dose d'ajustement mutuel.
L'adhocratie
Dans une adhocratie (le terme vient du latin « ad hoc »), le travail dans le centre
opérationnel change de nature en permanence. La méthode suivie pour faire le
travail n'est pas définie a priori dans ce type d'organisation : elle est souvent
déterminée au fur et à mesure de l'avancement de l'activité, avec une dose
considérable d'ajustement mutuel entre les salariés. Le chef de projet et le cahier
des charges jouent souvent un rôle non négligeable.
Comme la définition du travail évolue sans cesse et que l'essentiel de la
coordination se fait par ajustement mutuel, le fonctionnement d'une adhocratie est
un « bouillonnement » d'activité, qui, vu de l'extérieur, peut apparaître
désordonné. Ce n'est pas un hasard si Renault appelle « la ruche », la partie du
technocentre de Guyancourt, dans laquelle des groupes-projets développent les
futurs modèles de la marque.
Les adhocraties sont couramment composées de plusieurs équipes-projets temporaires
: quand un projet est terminé, les membres de l'équipe sont réaffectés à un projet
suivant. On parle alors d'adhocratie de projets. On trouve ce type d'organisation
dans bon nombre d'entreprises de haute technologie, et dans certains cabinets
conseils. Ces derniers auront une structure basée sur les compétences si leur
portefeuille d'activité est assez stable, une structure d'adhocratie s'ils font en
permanence du « sur-mesure ». Parmi les adhocraties, on peut aussi mentionner les
organisations de production et de distribution de masse très fortement automatisées
et robotisées : tout le travail prévisible a été incorporé dans des machines ou
dans des logiciels, les membres de l'organisation doivent quant à eux gérer les
changements et les imprévus, ce qui implique une structure de type adhocratie.
La structure basée sur les résultats
Une organisation a une structure basée sur les résultats si ses membres sont
largement indépendants les uns des autres dans leur travail, chacun étant piloté
par des objectifs et des normes qui lui sont imposés. Un Service commercial
national est souvent organisé de cette façon : l'objectif de vente global est
réparti en objectifs de ventes imposés aux directions régionales des ventes, et
chacune d'entre elles répartit son propre objectif entre les vendeurs.
Ce type de structure comporte naturellement un système d'information qui permet de
contrôler la réalisation des objectifs. Ce type d'organisation peut aussi prévoir
des « aides à la vente » : système d'information commercial, enquêtes clientèles
périodiques, résultats de panels Nielsen, logiciel de gestion des programmes de
prospection, etc. Ces aides font partie des fonctions de support logistique.
Les organisations hybrides
Une organisation peut présenter des caractéristiques communes avec plusieurs des
cinq organisations types présentées plus haut : c'est alors une « structure hybride
».
Essor des structures hybrides
Pour chaque ensemble de deux structures différentes, il existe un hybride dont on a
observé l'existence en pratique. On peut donner deux exemples :
–Depuis les années 1980, de nombreuses banques et compagnies d'assurances se
professionnalisent en laissant plus d'initiative à des personnels – chargés
d'affaires ou chargés de clientèle – qui reçoivent une formation importante. Dans
la forme ancienne d'organisation, ces personnels avaient pour mission d'appliquer
des procédures standards en réponse aux demandes des clients. Dans la nouvelle
forme d'organisation, ils disposent de pouvoirs d'initiative pour développer leur
clientèle, par exemple, d'une marge de liberté dans l'offre de produits et dans les
conditions proposées. Ces entreprises passent ainsi d'une structure de type
mécaniste à une forme intermédiaire entre la structure mécaniste et la structure
basée sur les compétences.
–Dans une partie de ses activités, Air liquide assure pour des clients industriels
la conception d'installations utilisant des gaz liquéfiés. L'organisation est
classiquement une adhocratie de projets. Mais l'entreprise a trouvé utile de créer,
à côté des groupes-projets, des « groupes de compétences » dans plusieurs domaines
: technologies, process, exploitation, etc. Chaque groupe rassemble à temps partiel
des praticiens de son domaine pour recueillir les connaissances, les systématiser
et les diffuser. Ceux-ci font à la fin de chaque projet un point systématique sur
l'ensemble de ce qui a été appris : essais, erreurs, trouvailles, inventions,
idées. Ces éléments pourront alors être diffusés lors de séminaires de formation,
et apportés sous forme de conseil ponctuel en fonction des besoins des divers
projets ultérieurs. L'organisation devient alors intermédiaire entre une adhocratie
de projet et une structure basée sur les compétences.
Les structures divisionnalisées
Parce qu'elles sont composites, les « structures divisionnalisées » sont par nature
des organisations hybrides. Une organisation a une structure divisionnalisée si
elle est scindée en unités assez largement indépendantes les unes des autres, qui
peuvent elles-mêmes être des organisations complexes et de grande taille. Toutes
les structures divisionnalisées ne sont pas de grandes entreprises, mais presque
toutes les très grandes entreprises sont des structures divisionnalisées, notamment
quand elles ont plusieurs domaines d'activité distincts (par exemple les groupes
prétroliers, actifs dans l'exploration, le raffinage, le trading, la chimie, etc.)
et plusieurs marchés internationaux. Les grandes entreprises ont souvent une
structure à trois étages : le siège, les divisions, et les établissements et
filiales.
Une des questions à examiner quand on analyse une structure divisionnalisée est
celle du type d'organisation de chacune des unités : on rencontre dans la pratique
chacun des cinq types principaux et leurs hybrides. Une seconde question relative à
ces structures est celle des relations entre le siège et les filiales. Plusieurs
cas de figure se présentent :
–Dans la « structure divisionnalisée de type féodal », le siège pilote les unités
en plaçant des personnes de confiance aux postes clés, par exemple, à la direction
des unités et des filiales. L'organisation n'est pas sans faire penser à celle de
la société féodale dans laquelle les barons ne dépendent que du roi, et peuvent
parfois devenir très puissants dans leur « baronnie ».
–Dans la « structure divisionnalisée de type standard », le siège pilote les
unités sur la base de ratios, qui sont souvent financiers et à court terme, de type
« taux de croissance de la part de marché », ou « résultat net/capitaux propres ».
Selon les cas, il peut y avoir un seul ratio ou plusieurs (jusqu'à une
cinquantaine). Les ratios imposés à une unité sont calculés localement selon des
procédures standard et sont communiqués au siège périodiquement (par exemple tous
les trimestres). Cette communication est couramment appelée le reporting. Un
département d'audit rattaché au siège a le redoutable pouvoir d'aller dans les
filiales pour voir si les ratios sont respectés. Une mauvaise appréciation peut,
dans certains cas, donner un coup d'arrêt à la carrière du dirigeant local, voire
amener la fin de sa carrière dans l'entreprise.
La structure divisionnalisée de type standard est encore très répandue. Depuis les
années 1990, ce type de structure évolue dans deux directions. D'une part, en
renforçant les liens entre les unités pour accroître les synergies, par exemple,
par des carrières transversales et des groupes de travail transversaux. D'autre
part, en décentralisant l'initiative stratégique comme l'ont fait à des degrés
divers des entreprises comme ABB, Intel ou
General Electric. Dans cette dernière
entreprise, le président-directeur général laisse à chaque directeur de business
unit une grande marge de manœuvre, à condition qu'il devienne l'un des trois
premiers opérateurs mondiaux dans son domaine ; sinon le directeur cède sa place ou
voit sa division vendue. Le succès rencontré par Jack Welch lui a valu de nombreux
imitateurs.
Dans certaines organisations divisionnalisées, l'essentiel de la coordination entre
les unités ne se fait pas par les mécanismes qu'on vient d'énoncer, mais par des
décisions et des outils de gestion négociés entre les unités. On dit alors qu'il
s'agit d'une organisation en réseau (on utilise l'expression « réseau d'entreprises
» si les unités sont juridiquement indépendantes).
Connaître le type de structure permet de déterminer les méthodes les plus efficaces
dans des domaines aussi divers que la gestion des investissements, la conception
des nouveaux produits ou la gestion des ressources humaines : si une méthode est en
phase avec le type de structure, elle sera mise en œuvre plus rapidement, avec
moins d'efforts et de risques d'échec. Autrement dit, la connaissance du type
d'organisation éclaire son mode d'emploi.
3 Mode d'emploi des organisations
Aucune organisation concrète ne correspond exactement à l'une des cinq
organisations types présentées. Mais, dans la majorité des cas, une organisation
concrète se rapproche de l'un des types et se distingue nettement des quatre
autres, ou bien prend l'allure d'une structure hybride. Quand on sait qu'une
organisation pour laquelle on travaille est proche d'un seul des cinq principaux
types d'organisations, on en déduit des informations très utiles pour la gestion.
Avantages et inconvénients des types d'organisations
Chaque type de structure présente des avantages et des inconvénients qui lui sont
spécifiques. Par exemple, les structures mécanistes peuvent faciliter l'expansion
géographique de l'entreprise car on peut assez facilement les dupliquer. En
revanche, elles peuvent dériver vers un esprit procédurier, et les conflits entre
technostructure et hiérarchie opérationnelle y sont fréquents. Le rôle de la
hiérarchie dans les structures mécanistes est, en effet, de faire appliquer des
procédures à des salariés qui n'ont souvent pas du tout été impliqués dans la
définition de ces dernières, d'où un risque élevé de conflits d'intérêts.
Les adhocraties, notamment les adhocraties de projets, tirent leurs avantages de
leur souplesse. Cette dernière les rend plus à même de satisfaire aux exigences
spécifiques des clients et de réaliser des projets qui exigent la collaboration de
plusieurs spécialités de haut niveau. Les premières adhocraties ont d'ailleurs été
repérées dans l'industrie électronique et dans les activités spatiales au cours des
années 1960. Mais ces structures ne sont pas non plus sans problèmes.
L'organisation du travail change tout le temps. De ce fait, même les opérateurs et
les managers peuvent avoir des difficultés à comprendre comment l'organisation
fonctionne. Ces organisations favorisent le stress : les changements constants sont
fatigants à la longue et chaque opérateur doit se coordonner avec de nombreuses
personnes qui ont des exigences parfois incompatibles. Les adhocraties sont elles
aussi souvent marquées par le conflit : les chefs de projet se battent pour les
budgets et pour avoir les meilleurs spécialistes dans leur équipe.
À l'évidence, il n'existe pas d'organisation idéale, mais seulement des
organisations plus ou moins bien adaptées à la stratégie de la direction, aux
moyens disponibles et aux pressions de l'environnement (concurrence, technologie,
etc.). Un restaurant organisé sous forme de structure mécaniste (par exemple, dans
la restauration rapide) a une productivité très importante pour une gamme peu
étendue de produits standardisés. Cette forme d'organisation ne convient pas aux
restaurants de haut de gamme, qui ont besoin de personnels spécialisés :
cuisiniers, sommeliers, chefs de rang. Ces restaurants ont souvent une structure
basée sur les compétences, qu'on ne peut pas rendre mécaniste sans devoir changer
de clientèle.
Chaque type d'organisation connaît aussi des tendances naturelles d'évolution. Par
exemple, les structures simples de grande taille ne sont pas viables, et les
organisations de type adhocratie ont tendance à être instables à moyen et long
terme, notamment parce qu'elles essayent de capitaliser sur leurs succès : si une
SSII organisée à la façon d'une adhocratie réussit l'informatisation d'une
clinique, elle aura tendance à exploiter ce marché, dans lequel elle a développé
des compétences et de la crédibilité. L'adhocratie devient alors progressivement
une structure plus stable basée sur les compétences.
Les regroupements variables d'unités de base
Le mode de regroupement des unités de base est une autre caractéristique du
fonctionnement des organisations. On peut ainsi avoir une organisation « par
fonction », si le département production s'occupe de tout ce qui relève de sa
fonction pour tous les produits de l'entreprise (et de même pour les autres
fonctions comme R&D et ventes). Le mode de regroupement est différent dans les
organisations « par produits », « par région », « par type de client », etc. Par
exemple, dans une organisation par région, chacune des régions (Sud-Ouest France,
Île-de-France, etc., ou Amérique latine, Asie Sud-Est, etc.) dispose de l'ensemble
des services dont elle a besoin : production, vente, finance, etc. Dans certaines
organisations, dites « matricielles« , le responsable de chaque unité de base a
deux supérieurs hiérarchiques : par exemple, le directeur de production France
dépend à la fois du directeur de la filiale française et du directeur de production
Europe. Ces organisations sont souvent instables et difficiles à vivre au
quotidien.
Une même organisation peut fonctionner suivant des modes de regroupement divers.
Dans une clinique, par exemple, le service cardiologie est plutôt « par produit »
alors que le service pédiatrie est plutôt « par type de client ». Chaque mode de
regroupement a des avantages et des inconvénients qui dépendent du contexte. Le
mode de regroupement ne s'impose pas dans tous les cas. Si on prend l'exemple d'un
atelier d'assemblage de micro-ordinateurs organisé selon une structure mécaniste,
le regroupement des unités peut tout aussi bien se faire « par fonction » (chaque
poste de travail est spécialisé dans une seule des activités, comme le montage du
disque dur, du lecteur de DVD-ROM, de la carte mère, etc.) ou « par produit »
(chaque poste est chargé de l'ensemble des opérations de montage).
Les éléments vitaux de l'organisation
La bonne gestion de l'organisation dépend encore de nombreux autres éléments vitaux
pour l'organisation, dont certains ne sont pas directement liés au pilotage des
dirigeants et des managers :
–les objectifs à atteindre, les projets de changement, les processus de décision ;
–les systèmes de gestion (par exemple le planning de fabrication) ;
–les relations hiérarchiques, non hiérarchiques et informelles, qui incluent les
relations entre les opérationnels et les fonctionnels. En ce qui concerne les
relations hiérarchiques, l'évolution actuelle va vers des « hiérarchies aplaties »
dans lesquelles on compte moins de niveaux hiérarchiques, et plus de
responsabilisation des subordonnés ;
–les groupes. Il en existe de nombreuses sortes : groupes formels, informels,
internes à une unité ou transversaux, permanents ou temporaires. On peut mentionner
les comités qui actualisent les définitions de postes, le comité d'investissement,
les groupes de travail créés pour gérer la mise en œuvre d'une fusion, et les
groupes informels du système de pouvoir ;
–les compétences individuelles et collectives. La gestion des compétences est une
des tendances actuelles les plus marquantes dans les organisations ;
–l'histoire de l'organisation, ses cultures et ses langages ;
–les relations externes de l'entreprise, avec les fournisseurs et les clients, mais
aussi avec les confrères, les syndicats professionnels, les pouvoirs publics et les
États.
Les relations externes, dont l'intensité varie sensiblement d'une entreprise à une
autre, jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement de l'organisation. Le
département marketing aura une organisation différente selon qu'il fait faire
ponctuellement des études de marché par des prestataires ou qu'il gère en direct
une grosse base de données, actualisée en permanence, sur les comportements
d'achats des clients. La coordination de ce département avec les autres ne sera pas
la même dans une entreprise « orientée vers le client » et dans une entreprise où
le marketing est considéré comme l'égal des départements vente et production.
Les relations externes sont aussi très liées aux décisions que prend l'entreprise
sur ce qu'elle fera toujours elle-même et ce qu'elle externalisera. Quand Novotel
externalise le nettoyage des chambres de ses hôtels, elle remplace une organisation
interne par le pilotage des relations externes avec un prestataire. La tendance
est actuellement à l'externalisation massive des fonctions de support logistique.
L'entreprise peut même, comme Benetton dès les années 1980, sous-traiter la
production et faire faire la commercialisation par un réseau de franchise. On se
trouve alors en présence d'une « organisation virtuelle ». Chacun des cinq
principaux types d'organisations, que nous avons vus, peut être plus ou moins
virtuel ; tout dépend du volume d'activités externalisées. Une organisation est
d'autant plus virtuelle qu'une partie importante du travail consiste à piloter des
relations externes.
Tous ces éléments diffèrent d'une organisation à une autre. Ils jouent un rôle
essentiel, à la fois dans la stabilité de l'organisation (faire le travail malgré
les aléas), dans l'adaptation (aux évolutions des clients, des produits, des
marchés, des technologies), ainsi que dans l'innovation et le changement
(changement stratégique, innovation, restructuration). La prise en compte de chacun
de ces éléments est nécessaire pour apprécier la pertinence et l'efficacité d'une
organisation, donc pour prendre les décisions de gestion appropriées dans le cadre
du type d'organisation auquel on a affaire.
Source Universalis
Analyse de l’organisation d’un groupe de projet
http://www.dauphine.fr/crepa/ArticleCahierRecherche/Articles/StephanieDameronFonquernie/SDF%20%20AIMS%202000.pdf
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