Le chef de département de langue et littérature françaises du CRDP, M. Khourasigian, reconnaît
les failles de ces sessions conçues à la hâte et parle d’un nouveau projet de formation plus « humain »,
plus « cohérent » et plus « adapté » aux besoins du public. Ce nouveau projet de formation va se
réaliser en 4 ans et demi dans le cadre d’une convention entre le gouvernement français et le
gouvernement libanais qui prévoit un don d’un 1.200 000 euros, pour contribuer à mettre en place une
formation continue des enseignants du secteur public, en langue française.
Les pratiques de classe
Les observations de classe que j’ai faites m’ont permis de constater que les nouvelles
instructions officielles et les manuels scolaires ne sont pas suffisamment assimilés par tous les
enseignants. Si trois enseignants sur dix respectent la méthodologie, les activités le déroulement et les
moments de classe préconisés par la méthode; établissent une transition avec le cours
précédent (rappel, questions…) ; adaptent le contenu au niveau des apprenants ; organisent le contenu
selon un plan logique ; gèrent leur temps, remanient l’information quand elle n’a pas été comprise ;
font le point de temps en temps ; proposent des exercices d’application ou d’entraînement fréquents et
variés, sept sur dix ne semblent pas avoir assimilé les programmes, malgré une tentative de les
intégrer aux pratiques de classe. Ils font passer un savoir plutôt qu’un savoir-faire, respectent rarement
les différents moments de classe, s’intéressent davantage à l’étude de la phrase et du système de la
langue qu’à celle du fonctionnement du discours, de la grammaire de la parole, de l’énonciation et des
textes. En outre, ils ne tiennent pas compte de la gestion du temps, de l’espace et du tableau,
n’inscrivent pas les activités proposées dans un projet pédagogique d’ensemble, n’aident pas
l’apprenant à s’impliquer dans son processus d’apprentissage, à réinvestir les nouveaux acquis.
Conclusion
Le français souffre d’un enseignement inadapté puisque la réforme pédagogique peine à suivre le
changement sociolinguistique du pays. Ainsi, la progression de l’anglo-américain ne freine pas pour
autant celle de français, mais elle conforte l’image conservatrice et figée qu’on fait subir à cette
langue. Sans vouloir détruire la vocation culturelle du français au Liban que cherchent à conserver les
concepteurs de programmes, il s’avère impérieux de faire en sorte que le français s’apparente
davantage à une langue utile à la vie professionnelle et pratique car L’inutilité pratique et
professionnelle attribuée de plus en plus généralement à la langue française constitue un danger
majeur pour sa survie.
Autrement dit, le français au Liban mérite une politique éducative et linguistique qui consiste non
seulement à reformer ses enseignants, à revoir ses programmes et manuels scolaires à partir d’une
didactique de français langue seconde, adaptée au cas du pays, mais aussi, à réfléchir sur les moyens à
mettre à sa disposition afin de faire apparaître son enseignement comme le prolongement social d’une
consommation immédiate.
Nous pensons avec J.M. Defays que « Le choix de la langue étrangère que l’on veut apprendre (si tant
est que l’apprenant puisse lui-même choisir) et le succès de cet apprentissage dépendent aussi des
représentations positives ou négatives que l’apprenant ou sa communauté se font de cette langue, de la
culture qu’elle véhicule, des gens qui l’utilisent, et qui peuvent les stimuler ou les décourager
. »
Notre échantillon retient cinq écoles, situées toutes à Beyrouth, reflétant assez bien les milieux sociaux et tendances que
l’on rencontre dans la communauté libanaise et exclut les écoles françaises où le français bénéficie de statut de langue
maternelle.
M. Defays, avec la collaboration de Sarah Deltour, Le français langue étrangère et seconde, enseignement et
apprentissage, Mardaga, 2003, p.32.