Qu est ce qu une ville durable - Les ateliers de la gouvernance

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Qu'est-ce qu'une ville durable ?
Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin | 04/01/2010 | 18:31 | Territoire
Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin, fondateurs de l'association SUDEN
pour la promotion du développement urbain durable et auteurs d'ouvrages sur
l'urbanisme durable, donnent leur définition de la ville durable.
La ville durable est un projet politique, un objectif global qui doit guider les politiques
d'aménagement et de développement urbains mais aussi l'ensemble des politiques d'une
collectivité : éducation, formation, solidarité, emploi,... Certains aspects de la ville
durable ne relèvent pas toujours du domaine de la collectivité locale : si celle-ci peut
venir en aide à des personnes défavorisées, aider les enfants en difficulté ou encore
empêcher l'appropriation de certains biens collectifs par quelques-uns, elle ne peut
intervenir que marginalement sur la répartition des revenus ou des richesses. La ville
durable dépend en partie des politiques menées au plan national et européen, d'où
(entre autres) les questions que l'on se pose aujourd'hui sur la mise en œuvre réelle de
la charte de Leipzig. La ville durable doit s'appuyer sur des grands principes qui sont
énoncés depuis plus de vingt ans. Elle doit être solidaire dans l'espace (ne pas reporter
sur les autres populations et écosystèmes ses coûts de développement) et dans le temps
(ne pas reporter sur les générations futures ses propres coûts de développement). Cette
solidarité implique :
- des stratégies d'économie de ressources naturelles (énergie, eau, espace, matériaux) et
de gestion de ses flux ;
- des stratégies visant l'équité sociale, lesquelles se traduisent par des actions contre
l'exclusion, la pauvreté, le chômage et aussi des actions d'éducation, de formation, etc. ;
- l'application du principe de précaution afin d'éviter les choix irréversibles et les
risques locaux ou pour la planète (effet de serre et biodiversité par exemple).
Ainsi par exemple on disait que 80 % de la biodiversité étaient sur 10 % de la planète.
On dit aujourd'hui que 80 % de la biodiversité sont sur 80 % de la planète.
Une approche « écosystémique »
La ville durable doit aussi définir des processus de décision et d'apprentissage
conduisant à des améliorations continues de la situation, que ce soit à l'échelle locale ou
à l'échelle de la planète, et ce, dans les trois champs : économique, social et
environnemental. Le développement n'est durable que s'il est accompagné d'un progrès
social et d'un progrès environnemental. Les évènements de ces dernières années
montrent plutôt un progrès de la prise de conscience environnementale mais aussi un
recul
en
termes
de
progrès
social,
notamment
en
France.
La ville durable vise donc le progrès, ce dernier n'étant pas synonyme de croissance
économique. Nous ne partageons pas la vision de ceux qui prônent la décroissance ni
même l'économie stationnaire : trop de besoins doivent être encore satisfaits à l'échelle
européenne et aussi de la planète . Les villes ont aussi un rôle à jouer dans la solidarité
Nord - Sud (ce que certaines villes françaises font très bien à travers les jumelages, les
Agenda 21, les échanges professionnels, etc.). Mais le développement doit être économe
en ressources, en espace, en énergie, en matériaux, etc. Le recyclage, la gestion en
interne des coûts environnementaux doivent devenir la règle, d'où cette nécessaire
approche « écosystémique » de la ville.
La ville durable ne se construira pas sans une coopération entre les acteurs, une
meilleure concertation entre « les parties prenantes ». Des stratégies coopératives, des
synergies doivent être recherchées entre les acteurs publics et privés ; la chaîne des
acteurs doit être plus efficace et permettre à ceux-ci de travailler ensemble dans une
vision partagée et cohérente de l'avenir du territoire.
Cinq objectifs stratégiques
La ville durable remet certainement en cause les formes de pouvoir qui n'ont de
démocratique que le nom.
Enfin, selon nous , la ville durable doit s'appuyer sur cinq objectifs stratégiques qui
traduisent un développement urbain durable, lequel ne compromet pas celui des autres
populations et des générations futures :
- Préserver et gérer durablement les ressources de la planète (énergie, air, eau, climat,
matériaux, biodiversité).
- Améliorer la qualité de l'environnement local (qualité sanitaire, réduction des
nuisances et des risques).
- Améliorer l'équité sociale en renforçant l'accessibilité pour tous à l'emploi, aux
logements, à l'éducation, à la santé, aux services et équipements collectifs, et en luttant
contre les inégalités sociales et écologiques
- Améliorer l'équité et la cohésion entre les territoires (à l'échelle infra communale, celle
des quartiers, mais aussi à l'échelle intercommunale et dans le cadre de la coopération
décentralisée).
- Améliorer l'efficacité et l'attractivité du tissu économique
Nous sommes donc loin de la simple prise en compte de l'environnement ou de la
limitation des impacts sur l'environnement.
FOCUS
Selon la Fédération nationale des agences d'urbanisme
La Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU) propose de donner quatre
dimensions à la ville durable :
- une ville compacte favorisant les déplacements sans voiture. La FNAU préconise un
projet global de territoire englobant les espaces naturels et agricoles et se déclinant
aussi bien à l'échelle de l'intercommunalité que de l'infracommunalité ;
- une ville économe, neutre en énergie , valorisant les friches et où les constructions et
les démolitions s'équilibrent. La ville économe doit entretenir et réhabiliter fortement
son parc de bâtiments existants ;
- une ville sécurisée où les risques sont bien gérés et en particulier ceux qui ont trait à
l'eau
;
- une « ville nature » conservant des espaces naturels diversifiés en forme, en taille et en
usage, dont les objectifs sont la qualité paysagère et la préservation de la biodiversité.
FOCUS
Selon le Ministère de l'Ecologie (Meeddem)
La Circulaire du 23 mars 2009 relative à la Territorialisation de la mise en œuvre du
Grenelle de l'Environnement définit les principaux objectifs dans le domaine de la ville
durable appelée éco-Cité : lutte contre l'étalement urbain, contre le changement
climatique, réduction des émissions de gaz à effet de serre... . L'éco-Cité est "à la pointe
de l'innovation en matière d'excellence architecturale, de haute qualité
environnementale, des technologies de transports et de communication » et « doit
réaliser de grands projets d'innovation architecturale, sociale et énergétique, en
continuité avec le bâti existant et qui intégreront dans leurs objectifs la rénovation du
patrimoine existant, le développement des transports en commun et des modes de
déplacement économes en énergie, la prise en compte des enjeux économiques et
sociaux, la réduction de la consommation d'espace et la réalisation de plusieurs écoquartiers".
HQE®-Aménagement : "une démarche adaptée aux projets de lotissements, pas
aux projets urbains"
Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin | 31/03/2010 | 16:23 | Territoire
©Aktisarchitecture
Perspective d'une partie de la ZAC de Bonne, à Grenoble, Grand Prix national Ecquartier
2009.
Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin, fondateurs de l'association SUDEN
pour la promotion du développement urbain durable et auteurs d'ouvrages sur
l'urbanisme durable, donnent leur vison du nouveau référentiel HQE, visant à encadrer l'
« aménagement durable ».
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"Le risque est que tout nouveau projet d'aménagement soit baptisé écoquartier"
Palmarès EcoQuartier : "Identifier des lauréats thématiques revient à nier le
caractère transversal du développement durable" selon Catherine CharlotValdieu et Philippe Outrequin
"L'écoquartier ne doit pas être une enclave écologique pour bobos"
Une des recommandations du Comité opérationnel Urbanisme du Grenelle de
l'Environnement était de s'affranchir de la démarche HQE® dans la mesure où celle-ci
est une démarche de moyens (qui s'appuie sur un système de management
environnemental) et non pas une démarche de résultat exigeant des performances: si 17
thèmes d'analyse sont identifiés dans la démarche HQE®-Aménagement, aucun d'eux
n'est incontournable et aucune performance n'est obligatoire. Il s'agit d' « un outil de
questionnement non exhaustif » et son objectif est de limiter les impacts sur
l'environnement du projet.
Un processus d'évaluation environnementale
La démarche HQE®-Aménagement est un « processus d'évaluation environnementale »
pour limiter l'impact sur l'environnement du projet d'aménagement quelle que soit son
importance (lotissement, ZAC...). Elle s'appuie sur une Analyse Environnementale de
l'Urbanisme, (AEU® de l'Ademe) c'est-à-dire un diagnostic environnemental, et aboutit
à la mise en œuvre de la démarche HQE® pour les bâtiments. Les cahiers des charges
sont environnementaux et les outils complémentaires préconisés sont logiquement
l'empreinte écologique (indicateur contesté sur le plan scientifique) et l'analyse de cycle
de vie.
Une contribution à la démarche Eco Quartier du Meeddm
La démarche HQE®-Aménagement se veut une contribution à la démarche Eco Quartier
du MEEDDM mais un projet de quartier durable doit contribuer à rendre la ville durable.
Or selon nous la conception d'un projet de quartier durable nécessite, non pas un expert
supplémentaire en système de management environnemental (AMO HQE) dans l'équipe
de maîtrise d'œuvre comme le préconise la démarche HQE®-Aménagement, mais un
assistant à maîtrise d'ouvrage transversal (AMO DD ou de développement durable)
favorisant une approche intégrée aux côtés de la maîtrise d'ouvrage.
La démarche HQE®-Aménagement est adaptée aux projets de lotissements et non pas
aux projets urbains qui contribuent à la durabilité de la ville (le lotissement répondant à
une demande sociale, de logements notamment, tandis que les projets urbains comme
les ZAC par exemple font partie intégrante de la stratégie d'urbanisation de la ville).
Pour lire la version provisoire du guide méthodologique, cliquez-ici
Source LE MONITEUR.FR
Eco quartiers français, au défi de la ville durable
Service Documentation du Moniteur | Dernière mise à jour le 08/02/2010
Paroles d'experts
"Le risque est que tout nouveau projet d'aménagement soit baptisé éco quartier"
Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin | 24/11/2009 | 10:39 | Territoire
Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin, fondateurs de l'association SUDEN
pour la promotion du développement urbain durable et auteurs d'ouvrages sur
l'urbanisme durable, donnent leur définition de l'écoquartier.
Le terme "écoquartier" est parfois distingué du "quartier durable". Le premier
relève davantage de l'écologie alors que le second comprend aussi les dimensions
économiques, sociales et participatives (en supposant la mise en œuvre d'une démarche
de développement durable). La confusion est relativement importante et fréquente,
mais, à la suite des orientations données par Jean-Louis Borloo, ministre d'État et du
Meeddem, le terme "écoquartier" l'a emporté et il est utilisé aujourd'hui en France
indifféremment pour les deux types de projet.
Dans la mesure où, d'une part, l'Etat n'a défini ni l'écoquartier ni des objectifs pour les
projets d'écoquartier et où, d'autre part, la dimension environnementale suffit à justifier
l'appellation d'écoquartier, le risque est que tout nouveau projet d'aménagement soit
baptisé écoquartier - et en particulier les projets localisés dans des terrains difficiles à
mettre en valeur (sols pollués, proximité d'infrastructures bruyantes, etc) - y compris les
projets de quelques dizaines de logements.
Il s'agit donc de veiller, comme le souligne le document d'accompagnement de la charte
des écoquartiers de Lille Métropole, à ne pas déqualifier l'appellation d'écoquartier par
des choix d'une ambition insuffisante pour certains thèmes ou par une localisation
incohérente avec les objectifs du Plan Local d'Urbanisme (PLU), et notamment de son
Projet d'Aménagement et de Développement Durable (PADD), ou incompatible avec une
gestion durable du sol ou encore en limitant le projet d'écoquartier à une vitrine
déconnectée de la stratégie de développement pour l'ensemble de la ville.
obligations
C'est pourquoi, lorsqu'ils s'engagent dans un projet de quartier durable, les décideurs
politiques doivent s'attacher à définir une démarche projet d'aménagement d'un
morceau de ville. Trois obligations structurent cette démarche projet :
- répondre aux enjeux majeurs de la planète: effet de serre, épuisement des
ressources naturelles, préservation de la biodiversité.
- répondre aux enjeux locaux de la commune ou de l'agglomération: en termes
d'emploi et d'activités, de mixités, d'équité sociale; en participant au besoin d'attractivité
des villes (mobilité, culture, etc); et en répondant aux attentes des habitants et des
usagers et en améliorant leur qualité de vie (réduction des nuisances, qualité globale
environnementale mais aussi architecturale, d'usage des bâtiments et des espaces
publics, synergie territoriale, synergie thématique, etc).
- contribuer à la durabilité de la commune ou de l'agglomération : stratégie
d'amélioration continue, reproductibilité ou transférabilité, etc.
1 définition
Nous proposons donc la définition suivante pour un projet de quartier durable
ou d'écoquartier :
Un projet de quartier durable (ou d'écoquartier) se caractérise par la mise en
œuvre d'une démarche projet visant à répondre - à son échelle - aux enjeux globaux de
la planète et aux enjeux locaux afin d'améliorer la qualité de vie de ses habitants et
usagers, et à contribuer à la durabilité de la ville, l'écoquartier étant avant tout un
morceau de ville.
Réflexions
Cette démarche projet doit être l'expression d'une volonté politique et doit se
caractériser par une nouvelle façon de penser et d'agir qui se manifeste par :
- une approche "systémique" : raisonnant en cycle (cycle de l'eau, cycle de
l'énergie et cycle des matériaux); raisonnant en écosystème (gestion des déchets,
gestion des flux); et centrée sur la cohérence économique, ce qui a aussi à voir avec la
faisabilité économique des projets.
- une démarche qui associe le sensible (architecture) et l'ingénierie
technique et économique (performance et évaluation).
- la prise en compte du long terme : économie de ressources naturelles,
investissements évités (réseaux), prévention et lutte contre le changement climatique.
- une nouvelle gouvernance : la participation des différents acteurs et
particulièrement des habitants citoyens ; des partenariats multiples (public-privé,
entreprises-clients, etc.) et de nouvelles règles de marché (Partenariat public-privé,
dialogue compétitif, etc.); une nouvelle culture urbaine, pluridisciplinaire et
transversale.
On remarquera que les piliers du développement durable ne structurent pas cette
définition (contrairement aux définitions et référentiels traditionnels). Ceux-ci sont
utilisés pour l'analyse de chacun des thèmes.
FOCUS
Les démarches françaises existantes
On distingue différents types de démarche que nous pourrions classer ainsi :
+ les démarches structurées sur les piliers du développement durable qui
cherchent à limiter les impacts du projet de quartier pour chacun de ces piliers (y
compris les démarches de type « commissioning » structurées sur un système de
management comme la démarche HQE®), comme la démarche de l'Anru et celles du
Certu-Meeddem à ce jour ;
+ Les démarches encore partiellement structurées sur les trois piliers du
développement durable mais avec une réflexion opérationnelle et des objectifs de
développement durable, comme la démarche des Éco Maires ;
+ Les démarches « désincarnées » ou à dire d'expert(s) comme la démarche
@ménagement durable® de la Dreif ;
+ Les démarches intégrées structurées sur des grandes orientations et des
objectifs qui répondent à des enjeux (faisant intervenir les trois piliers du
développement durable dans un deuxième temps) comme la Charte des éco quartiers de
Lille Métropole Communauté Urbaine ou la démarche de la Région Ile-de-France (cf.
appel à projets Nouveaux Quartiers Urbains). Rappelons que pour la prise en compte des
enjeux locaux, certaines de ces démarches s'appuient sur un diagnostic partagé de
développement durable du quartier (et du territoire dans lequel est situé le quartier),
comme la démarche HQE2R.
Enfin rappelons que quelques bureaux d'études privés ont structuré leur méthode sur
les 5 finalités et les 5 critères de développement durable définis par le Meeddem (ex
MEDDAT) dans la circulaire du 13 juillet 2006.
Source LE MONITEUR.FR
TERRITOIRE
Eco quartiers français, au défi de la ville durable
Service Documentation du Moniteur | Dernière mise à jour le 08/02/2010
Paroles d'experts
"L'écoquartier ne doit pas être une enclave écologique pour bobos"
E.L | 24/03/2009 | 11:53 | Territoire
©
DR
Le quartier historique de BedZed dans la banlieue de Londres joue sur la mixité avec
25% de logements sociaux.
La planification de la construction du quartier est lancée en 1999 par les principaux
partenaires du projet BedZED : la Fondation Peabody, le cabinet d'architectes Bill
Dunster et le cabinet de conseil en environnement Bioregional. Les travaux de BedZED
démarrent en 2001. Début 2002, la première tranche de construction est déjà terminée.
Entre mars et novembre 2002, les premiers résidents occupent les lieux. Les objectifs
étaient d'offrir aux résidents une haute qualité de vie sans sacrifier les avantages que
procure le milieu urbain et de proposer à la fois l'accès à la propriété pour des familles
aisées et la location pour des foyers disposant de revenus modestes.
Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin tentent de définir ce que doit être un
écoquartier et nous laissent entrevoir les changements culturels indispensables à leur
développement.
"L'urbanisme durable" de Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin
Vous avez recensé, en parcourant "Le Moniteur", plus de 100 projets d'éco
quartiers français. Quel regard critique auriez-vous sur ces projets
d'aménagement visant l'appellation d'écoquartier ?
Catherine Charlot-Valdieu:
Ce n'est pas trois maisons passives et deux pistes cyclables qui font un
écoquartier. Aborder un ou deux thèmes ne peut pas suffire à prétendre conduire ou
mettre en œuvre une démarche de développement urbain durable.
Il ne s'agit pas d'accumuler plusieurs actions sur des thématiques environnementales, ce
qui correspond à l'approche classique des services municipaux comme des bailleurs
sociaux, mais d'avoir une approche systémique. Les bonnes pratiques, que certaines
associations encouragent avec des trophées, permettent à des villes de se donner une
image vertueuse de développement durable alors qu'elles conservent de mauvaises
pratiques et ne sont pas durables dans certains aspects fondamentaux de la qualité de
vie.
Philippe Outrequin:
Une autre tendance qui ressort, c'est que les élus français qui lancent un projet
d'écoquartier le conçoivent trop souvent comme un îlot écologique au sein de leur
ville. Dans son élaboration, ils ne prennent pas en compte son rapport avec le
reste de la ville .Ils considèrent que des voiries ou liaisons douces suffisent à son
intégration. C'est pourquoi un écoquartier doit être le fruit d'une politique
d'aménagement de la ville qui établit en amont les stratégies de développement
économique et équilibre la mixité sociale.
Aussi, le développement durable étant à la mode, les élus font de leurs écoquartiers des
vitrines de leurs actions politiques responsables. Or, un éco-quartier doit être
reproductible. Il faut le concevoir avec l'idée d'acquérir un savoir-faire que l'on pourra
étendre au reste de la ville, afin qu'à terme l'écoquartier devienne un quartier ordinaire.
Ainsi, il faut que les projets concernent aussi des projets de rénovation urbaine et pas
seulement des constructions neuves.
Du côté de la maîtrise d'œuvre, quels sont les freins au développement d'écoquartiers exigeants ?
Philippe Outrequin:
Les freins sont avant tout culturels.
Un écoquartier, ce n'est pas une œuvre d'art. Aujourd'hui, les architectes et les
urbanistes se soucient trop du beau et du sensible, au détriment de l'ingénierie.
L'urbanisme durable nécessite de passer d'avantage des « sciences molles » vers les
sciences dures. En Espagne, par exemple, les architectes sont aussi ingénieurs.
Catherine Charlot-Valdieu:
On fait d'abord le plan masse, sans se soucier des vents ou de la topographie sur le site,
et une fois seulement à l'échelle du bâtiment, on se met à réfléchir à la façon dont on
pourrait
rendre
le
projet
durable.
Le monde de la construction est aussi trop frileux vis à vis de l'évaluation. Pour que la
France rattrape son retard, il faudra pourtant qu'elle s'habitue à observer ce qui a
fonctionné ou pas.
En lisant votre ouvrage « L'urbanisme durable », l'impression qui se dégage est
que la participation semble la clef de la réussite des écoquartiers étrangers les
plus aboutis. Comment la France pourrait s'en inspirer ?
Catherine Charlot-Valdieu:
En Grande-Bretagne, dans la stratégie de renouvellement urbain, l'élément fondamental
de la réussite d'un projet est l'implication des habitants. Au niveau national, un forum
d'habitants et vingt-quatre personnes ayant répondu à une annonce nationale se
réunissent cinq à six fois par an avec les responsables des politiques nationales pour
faire part de leur vision et de leur expérience d'habitant. A l'échelle du quartier, des
représentants sont élus pour siéger aux côtés des représentants des services publics au
sein de partenariats stratégiques locaux.
L'ANRU, inspirée de la stratégie britannique de renouvellement des quartiers, pourrait
développer cette approche participative.
Philippe Outrequin:
Mais plus encore que le mot participation, c'est le mot partenariat qu'il faut mettre au
cœur des projets d'écoquartiers. Il faut arrêter de travailler chacun son tour et dans son
coin.
Dans les années 90, l'aménagement du quartier Kronsberg à Hanovre, a d'emblée mis
autour de la même table, le promoteur et l'entreprise de gaz.
Le Grenelle, avec l'importance qu'il donne au contrat de partenariat devrait permettre
de pousser dans ce sens. Et aussi au passage, cela nous ferait passer d'une culture de
moyens à une culture de résultats.
E.L | Source LE MONITEUR.FR
Concevoir un écoquartier : l'exemple d'Augustenborg
Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin | 10/02/2009 | 16:17 | Territoire
Augustenborg, ancien quartier d'habitat collectif en difficulté, situé à l'est de Malmö en
Suède, a connu une profonde réhabilitation écologique
L'aménagement des espaces publics Augustenborg est un des premiers exemples
d'aménagement urbain durable en Suède. L'objectif du projet était de créer un
environnement extérieur attractif afin d'améliorer l'image du quartier, à travers
différentes actions capables d'avoir des retombées sur la biodiversité, et en même temps
de résoudre les problèmes d'écoulement des eaux pluviales et d'inondation.
Les espaces publics ont été traités en fonction des demandes des habitants. Ceux-ci ont
été associés à la conception et même parfois à la réalisation des espaces extérieurs, en
relation avec un architecte paysagiste et avec l'aide d'interprètes pour les minorités
ethniques. Les enfants ont été associés à la réflexion sur la création d'un jardin musical
et sur la recomposition de la cour de récréation de l'école. Ils ont notamment proposé
l'emplacement d'un petit amphithéâtre encaissé ayant, par temps de pluie, le rôle de
bassin de rétention. Les élèves ont également la possibilité de planter des fleurs dans les
nouveaux jardins situés à proximité de l'école. 0,7 hectare d'asphalte de la cour d'école a
été remplacé par des surfaces perméables et semi-perméables. Des habitants ont aussi
proposé de se charger de l'entretien des espaces verts, une fois les travaux terminés. Un
comité composé par les habitants a ainsi permis de créer des emplois à long terme
concernant la gestion de l'environnement local, à savoir le système de gestion des eaux
pluviales et le système de management des déchets.
L'accessibilité et la sécurité des déplacements
Un nombre élevé de personnes âgées habitaient dans le quartier et il était nécessaire de
favoriser leur accès aux bâtiments. Par conséquent, l'objectif principal des interventions
concernant la mobilité dans le quartier a été la sécurisation des voies de circulation et
leur adaptation aux exigences et au confort des différents usagers : cyclistes, piétons et
automobilistes. Le projet a visé à donner la priorité aux cyclistes, aux piétons et aux
transports en commun, ceux-ci devant être développés afin de satisfaire les besoins de
déplacements des personnes à faibles revenus, des personnes âgées ou des personnes
ayant des problèmes de santé.
En 2003, tout le quartier a été transformé en zone 30 et une rue du quartier, a été
modifiée en voie semi-piétonne, le but étant de créer des « rues vertes » où la priorité est
donnée aux piétons et où la vitesse de circulation des voitures n'excède pas 30
kilomètres/heure. Par ailleurs, le projet a contribué à la création d'un environnement
plus reposant et agréable, avec par exemple la création de petits canaux le long des
pistes cyclables.
Les matériaux utilisés pour le revêtement des rues, comme l'asphalte et les matériaux de
synthèse, ont été choisis dans un souci de recyclage et pour leurs caractéristiques
environnementales.
La circulation dans le quartier et l'usage des transports ont été facilités par
l'introduction d'un nouveau moyen de transport en commun : le train électrique sur
route. Ce train relie plusieurs quartiers périphériques à l'est du centre-ville avec le
centre de Malmö, ainsi que certains carrefours de bus pour se connecter au réseau de la
ville. Deux trains modulables constituent ce nouveau système de transport, qui peut
contenir vingt-huit passagers par wagon (soit cinquante-six au total).
Ces trains sont montés sur pneus et permettent au conducteur de choisir sa trajectoire,
ils sont alimentés par une batterie électrique d'une durée de cinq heures (chargée par de
l'électricité ayant le label Énergie verte) qui se remplace en une minute.
La mise en place de voitures électriques a été également prévue afin de faciliter la
mobilité et de favoriser le développement de transports propres. Ce parc de véhicules
électriques en location permet aux habitants du quartier d'avoir accès plus facilement
aux autres parties de la ville. Les voitures sont rechargées par de l'électricité ayant le
label Énergie verte dans une station implantée sur la place principale du quartier. Les
habitants peuvent les louer à l'heure et se garer gratuitement dans toute la ville.
Afin de faciliter l'accès aux bâtiments aux personnes âgées, des immeubles ont été
équipés d'ascenseurs.
La location des appartements dans ces immeubles est proposée en priorité aux
personnes âgées ainsi qu'aux personnes à mobilité réduite. Un bâtiment neuf d'un seul
étage a été construit dans le centre du quartier pour y accueillir principalement des
personnes ayant plus de cinquante-cinq ans. Au total, cette action a concerné cent
appartements.
La gestion de l'énergie
Les actions visant à la réduction de la consommation d'énergie ont d'abord été menées à
l'échelle urbaine (actions de sensibilisation des habitants aux économies d'énergie ainsi
que quelques actions sur les bâtiments en limite du quartier, sur les bâtiments de l'école,
sur les toits des maisons des ressources et sur ceux des immeubles de la zone
industrielle) et dans le secteur des transports avec la mise en service d'un parc de
véhicules électriques et d'un système de transport public électrique.
Dans le cadre d'actions de sensibilisation, les habitants de deux bâtiments ont payé leur
facture de chauffage et d'eau chaude à partir de relevés de compteurs individuels et non
plus au forfait, ce qui les a conduits à s'intéresser à leur consommation.
Une eco-classroom a été construite sur un terrain jouxtant l'école. Ce bâtiment
démontable est construit à base de matériaux naturels (bois) ; il est équipé de capteurs
solaires, d'une pompe à chaleur et d'une toiture végétalisée. Une maison pour le
recyclage des déchets a été construite en paille et en argile par les enfants eux-mêmes.
Les élèves peuvent y transformer les déchets et les restes de la cantine en compost.
L'école est équipée de toilettes à double flux, de vitrages performants et d'une isolation
renforcée.
Sur les toits des maisons des ressources et des immeubles de la zone industrielle comme
sur celui du jardin botanique d'Augustenborg, des toitures végétalisées (couvrant 10
000 mètres carrés dans le quartier) ont été mises en œuvre.
Des interventions plus importantes sur les bâtiments on été prévues dans la deuxième
phase du projet avec la prise en compte des performances énergétiques des bâtiments.
Un Plan climat a été établi pour le quartier, prévoyant l'utilisation des énergies
renouvelables (capteurs solaires et panneaux photovoltaïques, pompes à chaleur), la
récupération de la chaleur, un système de facturation et de compteurs individuels
conforme aux consommations réelles et un programme de sensibilisation des habitants.
On remarquera cependant qu'en 2006 tous les panneaux solaires ont été retirés parce
qu'ils ne fonctionnaient plus.
La gestion de l'eau
Le quartier Augustenborg était régulièrement inondé à cause d'un système sous
dimensionné d'évacuation des eaux et d'une forte imperméabilisation des surfaces. Les
services municipaux ainsi que les habitants ont dû effectuer des travaux de réparation
sur les réseaux. La saturation des réseaux d'eau provoquait également des
dégorgements d'eau non traitée. Un nouveau système de collecte et de stockage des eaux
de pluie a donc été créé, visant à limiter les surcharges du réseau lors des fortes pluies.
Le but était de collecter et de stocker 70 % des eaux de pluie du quartier. Le système a
été conçu par un habitant qui, par la même occasion, a créé sa propre entreprise pour la
réalisation de ce système de collecte des eaux de pluie, en partenariat avec l'usine de
traitement des eaux de Malmö. Le système, appelé « canal des gouttes », a une forme
esthétique et lisse s'insérant parfaitement dans le paysage. Il est placé sur l'herbe avec
une légère pente, afin de transporter l'eau superficielle dans des canaux ouverts. Des
corps ou « boules en béton » situées le long des canalisations favorisent l'auto nettoyage
et réduisent ainsi les besoins en maintenance.
Ce processus a abouti à la création de canalisations en acier recouvertes d'une couche de
béton. La forme des corps insérés dans les canaux a été mise au point lors de plusieurs
essais, notamment par rapport à la rétention et au transport des petits dépôts.
L'adaptabilité et la résistance aux jeux des enfants ainsi que l'aspect esthétique ont
constitué des facteurs déterminants dans le design des canalisations.
La majeure partie du quartier est traversée par un réseau de canaux ouverts complété
par des bassins de rétention d'eau. Le système est organisé en petits drains de
récupération des eaux se jetant successivement dans des canaux plus larges pour finir
dans des bassins de rétention. L'eau est donc stockée ou s'évapore, mais des canaux
desservent également d'autres quartiers de la ville.
La rétention d'eau permet la création de marécages et favorise ainsi une amélioration de
la biodiversité sur le site. Il a également été prévu de créer une patinoire l'hiver sur les
zones de rétention d'eau.
La gestion des déchets ménagers
Les trois mille habitants d'Augustenborg et l'école du quartier produisaient chaque
année 1 125 tonnes de déchets dirigés vers les usines d'incinération.
Les conteneurs qui existaient étaient mal utilisés, dans des conditions sanitaires peu
satisfaisantes. Plusieurs actions ont été menées afin de réutiliser ou recycler 90 % des
déchets.
Des poubelles de collecte sélective ont été distribuées et treize maisons des ressources
ont été mises en place de telle sorte qu'elles soient à moins de 130 mètres des
logements, munies de différents conteneurs pour réaliser un tri sélectif et d'unités de
compostage valorisant les déchets organiques.
Les habitants ont été associés à la conception des maisons des ressources : soixante
ménages ont aidé à la mise en forme du système de recyclage. Ils ont participé aux
démonstrations des schémas de fonctionnement, notamment en suivant les différentes
étapes de la vie des déchets et en visitant des systèmes de collecte dans d'autres villes
suédoises.
Les habitants peuvent trier le papier, les cartons, le plastique, le verre, le métal, les
batteries et les déchets organiques, ces derniers étant transformés en compost en quatre
semaines. Par la suite, ils ont également eu la possibilité de trier les encombrants, les
textiles, les déchets électroniques et les déchets dangereux (peintures, solvants,
médicaments...).
Par ailleurs, un Swap Shop (ou centre de troc) a été mis en place au dépôt central pour
échanger les vieux objets. Le nouveau dépôt de déchets, situé dans la zone industrielle,
est géré par une nouvelle société dirigée par des habitants du quartier, qui a créé ainsi
de l'emploi local. Celle-ci traite également les déchets de l'école.
Source GROUPE MONITEUR
Concevoir un écoquartier : l'exemple de Leidsche Rijn
Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin | 13/02/2009 | 10:22 | Territoire
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DR
Nouveaux quartiers de Leidsche Rijn, à l'ouest de la ville d'Utrecht aux Pays-Bas
L'enjeu du projet de Leidsche Rijn - nom d'un affluent du Rhin passant dans cette partie
des Pays-Bas - est d'accueillir 80 000 habitants et de créer 30 000 emplois d'ici 2015, en
cohérence avec le reste de la ville et dans le respect de l'environnement.
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