Qu'est-ce qu'une ville durable ? Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin | 04/01/2010 | 18:31 | Territoire Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin, fondateurs de l'association SUDEN pour la promotion du développement urbain durable et auteurs d'ouvrages sur l'urbanisme durable, donnent leur définition de la ville durable. La ville durable est un projet politique, un objectif global qui doit guider les politiques d'aménagement et de développement urbains mais aussi l'ensemble des politiques d'une collectivité : éducation, formation, solidarité, emploi,... Certains aspects de la ville durable ne relèvent pas toujours du domaine de la collectivité locale : si celle-ci peut venir en aide à des personnes défavorisées, aider les enfants en difficulté ou encore empêcher l'appropriation de certains biens collectifs par quelques-uns, elle ne peut intervenir que marginalement sur la répartition des revenus ou des richesses. La ville durable dépend en partie des politiques menées au plan national et européen, d'où (entre autres) les questions que l'on se pose aujourd'hui sur la mise en œuvre réelle de la charte de Leipzig. La ville durable doit s'appuyer sur des grands principes qui sont énoncés depuis plus de vingt ans. Elle doit être solidaire dans l'espace (ne pas reporter sur les autres populations et écosystèmes ses coûts de développement) et dans le temps (ne pas reporter sur les générations futures ses propres coûts de développement). Cette solidarité implique : - des stratégies d'économie de ressources naturelles (énergie, eau, espace, matériaux) et de gestion de ses flux ; - des stratégies visant l'équité sociale, lesquelles se traduisent par des actions contre l'exclusion, la pauvreté, le chômage et aussi des actions d'éducation, de formation, etc. ; - l'application du principe de précaution afin d'éviter les choix irréversibles et les risques locaux ou pour la planète (effet de serre et biodiversité par exemple). Ainsi par exemple on disait que 80 % de la biodiversité étaient sur 10 % de la planète. On dit aujourd'hui que 80 % de la biodiversité sont sur 80 % de la planète. Une approche « écosystémique » La ville durable doit aussi définir des processus de décision et d'apprentissage conduisant à des améliorations continues de la situation, que ce soit à l'échelle locale ou à l'échelle de la planète, et ce, dans les trois champs : économique, social et environnemental. Le développement n'est durable que s'il est accompagné d'un progrès social et d'un progrès environnemental. Les évènements de ces dernières années montrent plutôt un progrès de la prise de conscience environnementale mais aussi un recul en termes de progrès social, notamment en France. La ville durable vise donc le progrès, ce dernier n'étant pas synonyme de croissance économique. Nous ne partageons pas la vision de ceux qui prônent la décroissance ni même l'économie stationnaire : trop de besoins doivent être encore satisfaits à l'échelle européenne et aussi de la planète . Les villes ont aussi un rôle à jouer dans la solidarité Nord - Sud (ce que certaines villes françaises font très bien à travers les jumelages, les Agenda 21, les échanges professionnels, etc.). Mais le développement doit être économe en ressources, en espace, en énergie, en matériaux, etc. Le recyclage, la gestion en interne des coûts environnementaux doivent devenir la règle, d'où cette nécessaire approche « écosystémique » de la ville. La ville durable ne se construira pas sans une coopération entre les acteurs, une meilleure concertation entre « les parties prenantes ». Des stratégies coopératives, des synergies doivent être recherchées entre les acteurs publics et privés ; la chaîne des acteurs doit être plus efficace et permettre à ceux-ci de travailler ensemble dans une vision partagée et cohérente de l'avenir du territoire. Cinq objectifs stratégiques La ville durable remet certainement en cause les formes de pouvoir qui n'ont de démocratique que le nom. Enfin, selon nous , la ville durable doit s'appuyer sur cinq objectifs stratégiques qui traduisent un développement urbain durable, lequel ne compromet pas celui des autres populations et des générations futures : - Préserver et gérer durablement les ressources de la planète (énergie, air, eau, climat, matériaux, biodiversité). - Améliorer la qualité de l'environnement local (qualité sanitaire, réduction des nuisances et des risques). - Améliorer l'équité sociale en renforçant l'accessibilité pour tous à l'emploi, aux logements, à l'éducation, à la santé, aux services et équipements collectifs, et en luttant contre les inégalités sociales et écologiques - Améliorer l'équité et la cohésion entre les territoires (à l'échelle infra communale, celle des quartiers, mais aussi à l'échelle intercommunale et dans le cadre de la coopération décentralisée). - Améliorer l'efficacité et l'attractivité du tissu économique Nous sommes donc loin de la simple prise en compte de l'environnement ou de la limitation des impacts sur l'environnement. FOCUS Selon la Fédération nationale des agences d'urbanisme La Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU) propose de donner quatre dimensions à la ville durable : - une ville compacte favorisant les déplacements sans voiture. La FNAU préconise un projet global de territoire englobant les espaces naturels et agricoles et se déclinant aussi bien à l'échelle de l'intercommunalité que de l'infracommunalité ; - une ville économe, neutre en énergie , valorisant les friches et où les constructions et les démolitions s'équilibrent. La ville économe doit entretenir et réhabiliter fortement son parc de bâtiments existants ; - une ville sécurisée où les risques sont bien gérés et en particulier ceux qui ont trait à l'eau ; - une « ville nature » conservant des espaces naturels diversifiés en forme, en taille et en usage, dont les objectifs sont la qualité paysagère et la préservation de la biodiversité. FOCUS Selon le Ministère de l'Ecologie (Meeddem) La Circulaire du 23 mars 2009 relative à la Territorialisation de la mise en œuvre du Grenelle de l'Environnement définit les principaux objectifs dans le domaine de la ville durable appelée éco-Cité : lutte contre l'étalement urbain, contre le changement climatique, réduction des émissions de gaz à effet de serre... . L'éco-Cité est "à la pointe de l'innovation en matière d'excellence architecturale, de haute qualité environnementale, des technologies de transports et de communication » et « doit réaliser de grands projets d'innovation architecturale, sociale et énergétique, en continuité avec le bâti existant et qui intégreront dans leurs objectifs la rénovation du patrimoine existant, le développement des transports en commun et des modes de déplacement économes en énergie, la prise en compte des enjeux économiques et sociaux, la réduction de la consommation d'espace et la réalisation de plusieurs écoquartiers". HQE®-Aménagement : "une démarche adaptée aux projets de lotissements, pas aux projets urbains" Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin | 31/03/2010 | 16:23 | Territoire ©Aktisarchitecture Perspective d'une partie de la ZAC de Bonne, à Grenoble, Grand Prix national Ecquartier 2009. Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin, fondateurs de l'association SUDEN pour la promotion du développement urbain durable et auteurs d'ouvrages sur l'urbanisme durable, donnent leur vison du nouveau référentiel HQE, visant à encadrer l' « aménagement durable ». SUR LE MÊME SUJET Qu'est-ce qu'une ville durable ? "Le risque est que tout nouveau projet d'aménagement soit baptisé écoquartier" Palmarès EcoQuartier : "Identifier des lauréats thématiques revient à nier le caractère transversal du développement durable" selon Catherine CharlotValdieu et Philippe Outrequin "L'écoquartier ne doit pas être une enclave écologique pour bobos" Une des recommandations du Comité opérationnel Urbanisme du Grenelle de l'Environnement était de s'affranchir de la démarche HQE® dans la mesure où celle-ci est une démarche de moyens (qui s'appuie sur un système de management environnemental) et non pas une démarche de résultat exigeant des performances: si 17 thèmes d'analyse sont identifiés dans la démarche HQE®-Aménagement, aucun d'eux n'est incontournable et aucune performance n'est obligatoire. Il s'agit d' « un outil de questionnement non exhaustif » et son objectif est de limiter les impacts sur l'environnement du projet. Un processus d'évaluation environnementale La démarche HQE®-Aménagement est un « processus d'évaluation environnementale » pour limiter l'impact sur l'environnement du projet d'aménagement quelle que soit son importance (lotissement, ZAC...). Elle s'appuie sur une Analyse Environnementale de l'Urbanisme, (AEU® de l'Ademe) c'est-à-dire un diagnostic environnemental, et aboutit à la mise en œuvre de la démarche HQE® pour les bâtiments. Les cahiers des charges sont environnementaux et les outils complémentaires préconisés sont logiquement l'empreinte écologique (indicateur contesté sur le plan scientifique) et l'analyse de cycle de vie. Une contribution à la démarche Eco Quartier du Meeddm La démarche HQE®-Aménagement se veut une contribution à la démarche Eco Quartier du MEEDDM mais un projet de quartier durable doit contribuer à rendre la ville durable. Or selon nous la conception d'un projet de quartier durable nécessite, non pas un expert supplémentaire en système de management environnemental (AMO HQE) dans l'équipe de maîtrise d'œuvre comme le préconise la démarche HQE®-Aménagement, mais un assistant à maîtrise d'ouvrage transversal (AMO DD ou de développement durable) favorisant une approche intégrée aux côtés de la maîtrise d'ouvrage. La démarche HQE®-Aménagement est adaptée aux projets de lotissements et non pas aux projets urbains qui contribuent à la durabilité de la ville (le lotissement répondant à une demande sociale, de logements notamment, tandis que les projets urbains comme les ZAC par exemple font partie intégrante de la stratégie d'urbanisation de la ville). Pour lire la version provisoire du guide méthodologique, cliquez-ici Source LE MONITEUR.FR Eco quartiers français, au défi de la ville durable Service Documentation du Moniteur | Dernière mise à jour le 08/02/2010 Paroles d'experts "Le risque est que tout nouveau projet d'aménagement soit baptisé éco quartier" Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin | 24/11/2009 | 10:39 | Territoire Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin, fondateurs de l'association SUDEN pour la promotion du développement urbain durable et auteurs d'ouvrages sur l'urbanisme durable, donnent leur définition de l'écoquartier. Le terme "écoquartier" est parfois distingué du "quartier durable". Le premier relève davantage de l'écologie alors que le second comprend aussi les dimensions économiques, sociales et participatives (en supposant la mise en œuvre d'une démarche de développement durable). La confusion est relativement importante et fréquente, mais, à la suite des orientations données par Jean-Louis Borloo, ministre d'État et du Meeddem, le terme "écoquartier" l'a emporté et il est utilisé aujourd'hui en France indifféremment pour les deux types de projet. Dans la mesure où, d'une part, l'Etat n'a défini ni l'écoquartier ni des objectifs pour les projets d'écoquartier et où, d'autre part, la dimension environnementale suffit à justifier l'appellation d'écoquartier, le risque est que tout nouveau projet d'aménagement soit baptisé écoquartier - et en particulier les projets localisés dans des terrains difficiles à mettre en valeur (sols pollués, proximité d'infrastructures bruyantes, etc) - y compris les projets de quelques dizaines de logements. Il s'agit donc de veiller, comme le souligne le document d'accompagnement de la charte des écoquartiers de Lille Métropole, à ne pas déqualifier l'appellation d'écoquartier par des choix d'une ambition insuffisante pour certains thèmes ou par une localisation incohérente avec les objectifs du Plan Local d'Urbanisme (PLU), et notamment de son Projet d'Aménagement et de Développement Durable (PADD), ou incompatible avec une gestion durable du sol ou encore en limitant le projet d'écoquartier à une vitrine déconnectée de la stratégie de développement pour l'ensemble de la ville. obligations C'est pourquoi, lorsqu'ils s'engagent dans un projet de quartier durable, les décideurs politiques doivent s'attacher à définir une démarche projet d'aménagement d'un morceau de ville. Trois obligations structurent cette démarche projet : - répondre aux enjeux majeurs de la planète: effet de serre, épuisement des ressources naturelles, préservation de la biodiversité. - répondre aux enjeux locaux de la commune ou de l'agglomération: en termes d'emploi et d'activités, de mixités, d'équité sociale; en participant au besoin d'attractivité des villes (mobilité, culture, etc); et en répondant aux attentes des habitants et des usagers et en améliorant leur qualité de vie (réduction des nuisances, qualité globale environnementale mais aussi architecturale, d'usage des bâtiments et des espaces publics, synergie territoriale, synergie thématique, etc). - contribuer à la durabilité de la commune ou de l'agglomération : stratégie d'amélioration continue, reproductibilité ou transférabilité, etc. 1 définition Nous proposons donc la définition suivante pour un projet de quartier durable ou d'écoquartier : Un projet de quartier durable (ou d'écoquartier) se caractérise par la mise en œuvre d'une démarche projet visant à répondre - à son échelle - aux enjeux globaux de la planète et aux enjeux locaux afin d'améliorer la qualité de vie de ses habitants et usagers, et à contribuer à la durabilité de la ville, l'écoquartier étant avant tout un morceau de ville. Réflexions Cette démarche projet doit être l'expression d'une volonté politique et doit se caractériser par une nouvelle façon de penser et d'agir qui se manifeste par : - une approche "systémique" : raisonnant en cycle (cycle de l'eau, cycle de l'énergie et cycle des matériaux); raisonnant en écosystème (gestion des déchets, gestion des flux); et centrée sur la cohérence économique, ce qui a aussi à voir avec la faisabilité économique des projets. - une démarche qui associe le sensible (architecture) et l'ingénierie technique et économique (performance et évaluation). - la prise en compte du long terme : économie de ressources naturelles, investissements évités (réseaux), prévention et lutte contre le changement climatique. - une nouvelle gouvernance : la participation des différents acteurs et particulièrement des habitants citoyens ; des partenariats multiples (public-privé, entreprises-clients, etc.) et de nouvelles règles de marché (Partenariat public-privé, dialogue compétitif, etc.); une nouvelle culture urbaine, pluridisciplinaire et transversale. On remarquera que les piliers du développement durable ne structurent pas cette définition (contrairement aux définitions et référentiels traditionnels). Ceux-ci sont utilisés pour l'analyse de chacun des thèmes. FOCUS Les démarches françaises existantes On distingue différents types de démarche que nous pourrions classer ainsi : + les démarches structurées sur les piliers du développement durable qui cherchent à limiter les impacts du projet de quartier pour chacun de ces piliers (y compris les démarches de type « commissioning » structurées sur un système de management comme la démarche HQE®), comme la démarche de l'Anru et celles du Certu-Meeddem à ce jour ; + Les démarches encore partiellement structurées sur les trois piliers du développement durable mais avec une réflexion opérationnelle et des objectifs de développement durable, comme la démarche des Éco Maires ; + Les démarches « désincarnées » ou à dire d'expert(s) comme la démarche @ménagement durable® de la Dreif ; + Les démarches intégrées structurées sur des grandes orientations et des objectifs qui répondent à des enjeux (faisant intervenir les trois piliers du développement durable dans un deuxième temps) comme la Charte des éco quartiers de Lille Métropole Communauté Urbaine ou la démarche de la Région Ile-de-France (cf. appel à projets Nouveaux Quartiers Urbains). Rappelons que pour la prise en compte des enjeux locaux, certaines de ces démarches s'appuient sur un diagnostic partagé de développement durable du quartier (et du territoire dans lequel est situé le quartier), comme la démarche HQE2R. Enfin rappelons que quelques bureaux d'études privés ont structuré leur méthode sur les 5 finalités et les 5 critères de développement durable définis par le Meeddem (ex MEDDAT) dans la circulaire du 13 juillet 2006. Source LE MONITEUR.FR TERRITOIRE Eco quartiers français, au défi de la ville durable Service Documentation du Moniteur | Dernière mise à jour le 08/02/2010 Paroles d'experts "L'écoquartier ne doit pas être une enclave écologique pour bobos" E.L | 24/03/2009 | 11:53 | Territoire © DR Le quartier historique de BedZed dans la banlieue de Londres joue sur la mixité avec 25% de logements sociaux. La planification de la construction du quartier est lancée en 1999 par les principaux partenaires du projet BedZED : la Fondation Peabody, le cabinet d'architectes Bill Dunster et le cabinet de conseil en environnement Bioregional. Les travaux de BedZED démarrent en 2001. Début 2002, la première tranche de construction est déjà terminée. Entre mars et novembre 2002, les premiers résidents occupent les lieux. Les objectifs étaient d'offrir aux résidents une haute qualité de vie sans sacrifier les avantages que procure le milieu urbain et de proposer à la fois l'accès à la propriété pour des familles aisées et la location pour des foyers disposant de revenus modestes. Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin tentent de définir ce que doit être un écoquartier et nous laissent entrevoir les changements culturels indispensables à leur développement. "L'urbanisme durable" de Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin Vous avez recensé, en parcourant "Le Moniteur", plus de 100 projets d'éco quartiers français. Quel regard critique auriez-vous sur ces projets d'aménagement visant l'appellation d'écoquartier ? Catherine Charlot-Valdieu: Ce n'est pas trois maisons passives et deux pistes cyclables qui font un écoquartier. Aborder un ou deux thèmes ne peut pas suffire à prétendre conduire ou mettre en œuvre une démarche de développement urbain durable. Il ne s'agit pas d'accumuler plusieurs actions sur des thématiques environnementales, ce qui correspond à l'approche classique des services municipaux comme des bailleurs sociaux, mais d'avoir une approche systémique. Les bonnes pratiques, que certaines associations encouragent avec des trophées, permettent à des villes de se donner une image vertueuse de développement durable alors qu'elles conservent de mauvaises pratiques et ne sont pas durables dans certains aspects fondamentaux de la qualité de vie. Philippe Outrequin: Une autre tendance qui ressort, c'est que les élus français qui lancent un projet d'écoquartier le conçoivent trop souvent comme un îlot écologique au sein de leur ville. Dans son élaboration, ils ne prennent pas en compte son rapport avec le reste de la ville .Ils considèrent que des voiries ou liaisons douces suffisent à son intégration. C'est pourquoi un écoquartier doit être le fruit d'une politique d'aménagement de la ville qui établit en amont les stratégies de développement économique et équilibre la mixité sociale. Aussi, le développement durable étant à la mode, les élus font de leurs écoquartiers des vitrines de leurs actions politiques responsables. Or, un éco-quartier doit être reproductible. Il faut le concevoir avec l'idée d'acquérir un savoir-faire que l'on pourra étendre au reste de la ville, afin qu'à terme l'écoquartier devienne un quartier ordinaire. Ainsi, il faut que les projets concernent aussi des projets de rénovation urbaine et pas seulement des constructions neuves. Du côté de la maîtrise d'œuvre, quels sont les freins au développement d'écoquartiers exigeants ? Philippe Outrequin: Les freins sont avant tout culturels. Un écoquartier, ce n'est pas une œuvre d'art. Aujourd'hui, les architectes et les urbanistes se soucient trop du beau et du sensible, au détriment de l'ingénierie. L'urbanisme durable nécessite de passer d'avantage des « sciences molles » vers les sciences dures. En Espagne, par exemple, les architectes sont aussi ingénieurs. Catherine Charlot-Valdieu: On fait d'abord le plan masse, sans se soucier des vents ou de la topographie sur le site, et une fois seulement à l'échelle du bâtiment, on se met à réfléchir à la façon dont on pourrait rendre le projet durable. Le monde de la construction est aussi trop frileux vis à vis de l'évaluation. Pour que la France rattrape son retard, il faudra pourtant qu'elle s'habitue à observer ce qui a fonctionné ou pas. En lisant votre ouvrage « L'urbanisme durable », l'impression qui se dégage est que la participation semble la clef de la réussite des écoquartiers étrangers les plus aboutis. Comment la France pourrait s'en inspirer ? Catherine Charlot-Valdieu: En Grande-Bretagne, dans la stratégie de renouvellement urbain, l'élément fondamental de la réussite d'un projet est l'implication des habitants. Au niveau national, un forum d'habitants et vingt-quatre personnes ayant répondu à une annonce nationale se réunissent cinq à six fois par an avec les responsables des politiques nationales pour faire part de leur vision et de leur expérience d'habitant. A l'échelle du quartier, des représentants sont élus pour siéger aux côtés des représentants des services publics au sein de partenariats stratégiques locaux. L'ANRU, inspirée de la stratégie britannique de renouvellement des quartiers, pourrait développer cette approche participative. Philippe Outrequin: Mais plus encore que le mot participation, c'est le mot partenariat qu'il faut mettre au cœur des projets d'écoquartiers. Il faut arrêter de travailler chacun son tour et dans son coin. Dans les années 90, l'aménagement du quartier Kronsberg à Hanovre, a d'emblée mis autour de la même table, le promoteur et l'entreprise de gaz. Le Grenelle, avec l'importance qu'il donne au contrat de partenariat devrait permettre de pousser dans ce sens. Et aussi au passage, cela nous ferait passer d'une culture de moyens à une culture de résultats. E.L | Source LE MONITEUR.FR Concevoir un écoquartier : l'exemple d'Augustenborg Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin | 10/02/2009 | 16:17 | Territoire Augustenborg, ancien quartier d'habitat collectif en difficulté, situé à l'est de Malmö en Suède, a connu une profonde réhabilitation écologique L'aménagement des espaces publics Augustenborg est un des premiers exemples d'aménagement urbain durable en Suède. L'objectif du projet était de créer un environnement extérieur attractif afin d'améliorer l'image du quartier, à travers différentes actions capables d'avoir des retombées sur la biodiversité, et en même temps de résoudre les problèmes d'écoulement des eaux pluviales et d'inondation. Les espaces publics ont été traités en fonction des demandes des habitants. Ceux-ci ont été associés à la conception et même parfois à la réalisation des espaces extérieurs, en relation avec un architecte paysagiste et avec l'aide d'interprètes pour les minorités ethniques. Les enfants ont été associés à la réflexion sur la création d'un jardin musical et sur la recomposition de la cour de récréation de l'école. Ils ont notamment proposé l'emplacement d'un petit amphithéâtre encaissé ayant, par temps de pluie, le rôle de bassin de rétention. Les élèves ont également la possibilité de planter des fleurs dans les nouveaux jardins situés à proximité de l'école. 0,7 hectare d'asphalte de la cour d'école a été remplacé par des surfaces perméables et semi-perméables. Des habitants ont aussi proposé de se charger de l'entretien des espaces verts, une fois les travaux terminés. Un comité composé par les habitants a ainsi permis de créer des emplois à long terme concernant la gestion de l'environnement local, à savoir le système de gestion des eaux pluviales et le système de management des déchets. L'accessibilité et la sécurité des déplacements Un nombre élevé de personnes âgées habitaient dans le quartier et il était nécessaire de favoriser leur accès aux bâtiments. Par conséquent, l'objectif principal des interventions concernant la mobilité dans le quartier a été la sécurisation des voies de circulation et leur adaptation aux exigences et au confort des différents usagers : cyclistes, piétons et automobilistes. Le projet a visé à donner la priorité aux cyclistes, aux piétons et aux transports en commun, ceux-ci devant être développés afin de satisfaire les besoins de déplacements des personnes à faibles revenus, des personnes âgées ou des personnes ayant des problèmes de santé. En 2003, tout le quartier a été transformé en zone 30 et une rue du quartier, a été modifiée en voie semi-piétonne, le but étant de créer des « rues vertes » où la priorité est donnée aux piétons et où la vitesse de circulation des voitures n'excède pas 30 kilomètres/heure. Par ailleurs, le projet a contribué à la création d'un environnement plus reposant et agréable, avec par exemple la création de petits canaux le long des pistes cyclables. Les matériaux utilisés pour le revêtement des rues, comme l'asphalte et les matériaux de synthèse, ont été choisis dans un souci de recyclage et pour leurs caractéristiques environnementales. La circulation dans le quartier et l'usage des transports ont été facilités par l'introduction d'un nouveau moyen de transport en commun : le train électrique sur route. Ce train relie plusieurs quartiers périphériques à l'est du centre-ville avec le centre de Malmö, ainsi que certains carrefours de bus pour se connecter au réseau de la ville. Deux trains modulables constituent ce nouveau système de transport, qui peut contenir vingt-huit passagers par wagon (soit cinquante-six au total). Ces trains sont montés sur pneus et permettent au conducteur de choisir sa trajectoire, ils sont alimentés par une batterie électrique d'une durée de cinq heures (chargée par de l'électricité ayant le label Énergie verte) qui se remplace en une minute. La mise en place de voitures électriques a été également prévue afin de faciliter la mobilité et de favoriser le développement de transports propres. Ce parc de véhicules électriques en location permet aux habitants du quartier d'avoir accès plus facilement aux autres parties de la ville. Les voitures sont rechargées par de l'électricité ayant le label Énergie verte dans une station implantée sur la place principale du quartier. Les habitants peuvent les louer à l'heure et se garer gratuitement dans toute la ville. Afin de faciliter l'accès aux bâtiments aux personnes âgées, des immeubles ont été équipés d'ascenseurs. La location des appartements dans ces immeubles est proposée en priorité aux personnes âgées ainsi qu'aux personnes à mobilité réduite. Un bâtiment neuf d'un seul étage a été construit dans le centre du quartier pour y accueillir principalement des personnes ayant plus de cinquante-cinq ans. Au total, cette action a concerné cent appartements. La gestion de l'énergie Les actions visant à la réduction de la consommation d'énergie ont d'abord été menées à l'échelle urbaine (actions de sensibilisation des habitants aux économies d'énergie ainsi que quelques actions sur les bâtiments en limite du quartier, sur les bâtiments de l'école, sur les toits des maisons des ressources et sur ceux des immeubles de la zone industrielle) et dans le secteur des transports avec la mise en service d'un parc de véhicules électriques et d'un système de transport public électrique. Dans le cadre d'actions de sensibilisation, les habitants de deux bâtiments ont payé leur facture de chauffage et d'eau chaude à partir de relevés de compteurs individuels et non plus au forfait, ce qui les a conduits à s'intéresser à leur consommation. Une eco-classroom a été construite sur un terrain jouxtant l'école. Ce bâtiment démontable est construit à base de matériaux naturels (bois) ; il est équipé de capteurs solaires, d'une pompe à chaleur et d'une toiture végétalisée. Une maison pour le recyclage des déchets a été construite en paille et en argile par les enfants eux-mêmes. Les élèves peuvent y transformer les déchets et les restes de la cantine en compost. L'école est équipée de toilettes à double flux, de vitrages performants et d'une isolation renforcée. Sur les toits des maisons des ressources et des immeubles de la zone industrielle comme sur celui du jardin botanique d'Augustenborg, des toitures végétalisées (couvrant 10 000 mètres carrés dans le quartier) ont été mises en œuvre. Des interventions plus importantes sur les bâtiments on été prévues dans la deuxième phase du projet avec la prise en compte des performances énergétiques des bâtiments. Un Plan climat a été établi pour le quartier, prévoyant l'utilisation des énergies renouvelables (capteurs solaires et panneaux photovoltaïques, pompes à chaleur), la récupération de la chaleur, un système de facturation et de compteurs individuels conforme aux consommations réelles et un programme de sensibilisation des habitants. On remarquera cependant qu'en 2006 tous les panneaux solaires ont été retirés parce qu'ils ne fonctionnaient plus. La gestion de l'eau Le quartier Augustenborg était régulièrement inondé à cause d'un système sous dimensionné d'évacuation des eaux et d'une forte imperméabilisation des surfaces. Les services municipaux ainsi que les habitants ont dû effectuer des travaux de réparation sur les réseaux. La saturation des réseaux d'eau provoquait également des dégorgements d'eau non traitée. Un nouveau système de collecte et de stockage des eaux de pluie a donc été créé, visant à limiter les surcharges du réseau lors des fortes pluies. Le but était de collecter et de stocker 70 % des eaux de pluie du quartier. Le système a été conçu par un habitant qui, par la même occasion, a créé sa propre entreprise pour la réalisation de ce système de collecte des eaux de pluie, en partenariat avec l'usine de traitement des eaux de Malmö. Le système, appelé « canal des gouttes », a une forme esthétique et lisse s'insérant parfaitement dans le paysage. Il est placé sur l'herbe avec une légère pente, afin de transporter l'eau superficielle dans des canaux ouverts. Des corps ou « boules en béton » situées le long des canalisations favorisent l'auto nettoyage et réduisent ainsi les besoins en maintenance. Ce processus a abouti à la création de canalisations en acier recouvertes d'une couche de béton. La forme des corps insérés dans les canaux a été mise au point lors de plusieurs essais, notamment par rapport à la rétention et au transport des petits dépôts. L'adaptabilité et la résistance aux jeux des enfants ainsi que l'aspect esthétique ont constitué des facteurs déterminants dans le design des canalisations. La majeure partie du quartier est traversée par un réseau de canaux ouverts complété par des bassins de rétention d'eau. Le système est organisé en petits drains de récupération des eaux se jetant successivement dans des canaux plus larges pour finir dans des bassins de rétention. L'eau est donc stockée ou s'évapore, mais des canaux desservent également d'autres quartiers de la ville. La rétention d'eau permet la création de marécages et favorise ainsi une amélioration de la biodiversité sur le site. Il a également été prévu de créer une patinoire l'hiver sur les zones de rétention d'eau. La gestion des déchets ménagers Les trois mille habitants d'Augustenborg et l'école du quartier produisaient chaque année 1 125 tonnes de déchets dirigés vers les usines d'incinération. Les conteneurs qui existaient étaient mal utilisés, dans des conditions sanitaires peu satisfaisantes. Plusieurs actions ont été menées afin de réutiliser ou recycler 90 % des déchets. Des poubelles de collecte sélective ont été distribuées et treize maisons des ressources ont été mises en place de telle sorte qu'elles soient à moins de 130 mètres des logements, munies de différents conteneurs pour réaliser un tri sélectif et d'unités de compostage valorisant les déchets organiques. Les habitants ont été associés à la conception des maisons des ressources : soixante ménages ont aidé à la mise en forme du système de recyclage. Ils ont participé aux démonstrations des schémas de fonctionnement, notamment en suivant les différentes étapes de la vie des déchets et en visitant des systèmes de collecte dans d'autres villes suédoises. Les habitants peuvent trier le papier, les cartons, le plastique, le verre, le métal, les batteries et les déchets organiques, ces derniers étant transformés en compost en quatre semaines. Par la suite, ils ont également eu la possibilité de trier les encombrants, les textiles, les déchets électroniques et les déchets dangereux (peintures, solvants, médicaments...). Par ailleurs, un Swap Shop (ou centre de troc) a été mis en place au dépôt central pour échanger les vieux objets. Le nouveau dépôt de déchets, situé dans la zone industrielle, est géré par une nouvelle société dirigée par des habitants du quartier, qui a créé ainsi de l'emploi local. Celle-ci traite également les déchets de l'école. Source GROUPE MONITEUR Concevoir un écoquartier : l'exemple de Leidsche Rijn Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin | 13/02/2009 | 10:22 | Territoire © DR Nouveaux quartiers de Leidsche Rijn, à l'ouest de la ville d'Utrecht aux Pays-Bas L'enjeu du projet de Leidsche Rijn - nom d'un affluent du Rhin passant dans cette partie des Pays-Bas - est d'accueillir 80 000 habitants et de créer 30 000 emplois d'ici 2015, en cohérence avec le reste de la ville et dans le respect de l'environnement.