NECESSITE DE L’EXISTENCE D’AUTRUI POUR ETRE SOI
peut-elle être trouvée dans la seule affirmation du « je suis » ?
Nous répondons par la négative, non parce que nous n’aurions
pas d’intuition immédiate de notre être, mais parce que cette
délimitation du nécessaire initial est incomplète. Et si nous
disons qu’elle est incomplète, ce n’est pas parce que nous sau-
rions d’expérience qu’il y a autrui et le monde, mais en raison de
la nature même de l’activité du sujet saisie réflexivement et
parce qu’il ne nous est pas possible d’exclure réflexivement
toute relationnalité à « autre-chose-que-le-sujet ».
La question suivante serait donc : l’intentionnalité de la
conscience envers le monde des choses est-elle susceptible de
rendre compte de toutes les caractéristiques de la relationnalité
du sujet ? Nous répondrons encore par la négative. En effet, la
manière dont nous affirmons les « réalités autres » ne s’explique
pas par l’existence des seules « choses du monde », car l’inten-
tionnalité de notre conscience ne leur est pas adéquatement et
uniquement proportionnée. Cette disproportion a sans doute
inconsciemment poussé Platon — et tous ceux qui se retrouvent
en lui — à affirmer l’idée selon un statut d’intelligible séparé, en
la « personnifiant » en quelque sorte, lui prêtant les caractères de
l’Altérité en tant que telle. Les personnifications mythiques ou
allégoriques de certains concepts sont aussi, en tant que
démarche anthropomorphique, significatives de cette dispropor-
tion. Il conviendra de l’analyser réflexivement en sa nature
réelle, pour accéder à une reconnaissance valable de l’Altérité-
en-l’être.
Si la relationnalité à l’altérité en humanité est constitutive du
« je suis », selon sa perfection et non par manque, et qu’en
raison de la finitude de son être et de cette relationnalité, il est
requis d’affirmer une Transcendance infinie d’être et de rela-
tionnalité d’être, il conviendra ensuite de s’interroger sur la
forme accomplie d’une telle relationnalité, sur sa structure de
plénitude. Celle-ci se révélera de nature ternaire. Elle sera aussi
par le fait même le principe synthétique ultime d’intelligibilité
du Réel, tant en sa perfection en Dieu, qu’en son devenir de
perfectionnement selon un double plan : celui de l’Histoire des
hommes et celui des relations que Dieu engage avec eux pour les
accomplir au-delà de l’Histoire, conformément à son pouvoir
divin de faire être, auquel Il les a rendus participants, les
constituant ainsi en êtres libres, tirant de leur être même les lois
de leurs actions.