La philosophie dans le boudoir
ou
Les instituteurs immoraux
de
Donatien, Alphonse, François marquis de Sade
adaptation et mise en scène Christine Letailleur
création lumière Jean-Pascal Pracht
assistante à la mise en scène Stéphanie Cosserat
avec
Stanislas Nordey Dolmancé
Valérie Lang Madame de Saint-Ange
Charline Grand Eugénie
Bruno Pesanti Augustin
Philippe Cherdel le chevalier de Mirvel
Guy Prévost un valet
Stéphanie Cosserat Madame de Mistival
Théâtre National de Bretagne
Salle Guy Ropartz
mardi 23 janvier au samedi 3 février 2007
relâche dimanche 28 et lundi 29 janvier
Comédie de Caen
6 au 10 février 2007
Théâtre de Gennevilliers
30 avril au 20 mai 2007
Production
Théâtre National de Bretagne Comédie de Caen
e sous-titre, Ou les instituteurs immoraux révèle avec exactitude le contenu de
l’œuvre : il s’agit de faire l’éducation érotique d’une jeune fille.
Madame de Saint-Ange, jeune femme libertine se vantant d’avoir été « foutue par
plus de dix ou douze mille individus depuis son mariage » propose à son frère, le
Chevalier de Mirvel, qui aime autant qu’elle les plaisirs de la chair, de participer,
en sa compagnie et celle de Dolmancé, « un libertin des plus corrompus », à
l’éducation d’une jeune ingénue de 15 ans, Eugénie de Mistival. « Nous placerons
dans sa jolie tête, explique madame de Saint-Ange, tous les principes du
libertinage le plus effréné, nous l’embraserons de tous nos feux, nous
l’alimenterons de notre philosophie, nous lui inspirerons nos désirs, et comme je
veux joindre un peu de pratique à la théorie, je t’ai destiné, mon frère, à la maison
des myrtes de Cythère, Dolmancé à celle des roses de Sodome. »
L’adorable vierge arrive donc chez Madame de Saint-Ange pour y faire, dans « un
boudoir délicieux » l’apprentissage des voluptés. Madame de Saint-Ange et
Dolmancé s’appliquent à détruire didactiquement toutes les notions morales que
sa dévote mère lui a inculquées. Puis, ils lui enseignent les principes de
libertinage en s’adonnant à quelques exercices de démonstration. Viennent se
joindre à ces réjouissances, le Chevalier de Mirvel et Augustin, un jardinier
rustaud et « monté d’une manière prodigieuse. » Eugénie se montre une élève
très docile, d’une surprenante curiosité pour les délices de la chair. Une surdouée.
Madame de Mistival, inquiète de l’absence prolongée de sa progéniture, se
présente chez Madame de Saint-Ange. Eugénie, dont l’imagination est encore
toute enflammée, propose, en bonne néophyte, de mettre en pratique les
préceptes qu’elle vient de recevoir ce jour-même. La dévote mère va être
condamnée, par la petite assemblée, à subir quelques délices sadiens et pourra
ainsi constater l’échec de sa propre méthode d’éducation.
Le valet Lapierre, sur les conseils de Dolmancé, va inoculer à cette « vieille
vache » sa semence empoisonnée de la pire vérole… Après cette bonne leçon,
Madame de Mistival sera renvoyée chez elle « à grands coups de pied dans le
cul » et nos libertins, mis en appétit par cette folle journée, passeront à table.
Le cinquième dialogue, avant l’arrivée de Madame de Mistival, contient un
pamphlet-brûlot intitulé Français, encore un effort si vous voulez être républicains.
Véritable réquisitoire contre la religion, Sade y prône l’athéisme : « Ne nous
contentons pas de briser les sceptres, pulvérisons à jamais les idoles. » Il
proclame également la nécessité de voir les mœurs devenir plus libres : liberté
d’agir, liberté sexuelle, liberté de penser, liberté de la presse. Il propose l’abolition
de cette violence intolérable dont la Terreur venait d’ériger l’excès en système
qu’est la peine de mort : « De ces premiers principes, il découle, on le sent, la
nécessité de faire des lois douces, et surtout d’anéantir à jamais l’atrocité de la
peine de mort parce que la loi qui attente à la vie d’un homme est impraticable,
injuste, inadmissible. »
L
a Philosophie dans le boudoir est une fiction, un pur produit de l’imaginaire, je
l’entends comme un divertissement de l’esprit et non comme une œuvre
pornographique. Barthes l’a très bien exprimé : « Nous Deux, le Magazine, est
plus obscène que Sade. » Il y a chez Sade de l’intelligence, de l’invention, du
raffinement, de l’espièglerie, de l’insolence, de l’ironie ; un plaisir enfantin qui tient
du rapport voyeurisme/exhibitionnisme. Le libertinage sadien est une dialectique
du désir ; Sade met en scène dans cette œuvre l’essence même du désir, il le
radiographie, le décortique, en dresse toutes les étapes. L’érotisme passe par la
parole, le plaisir de dire, de nommer les choses avec précision et détail. Une
jouissance par la transgression du langage, un plaisir de montrer et de faire voir
par les mots, d’alterner langage obscène et langage savant.
Pour Sade, l’organe le plus sensible, le véritable organe de la volupté, c’est l’ouïe :
« Il est reçu, parmi les ritables libertins, que les sensations communiquées par
l’organe de l’ouïe sont celles qui flattent davantage et dont les impressions sont
les plus vives » in les Cent Vingt journées de Sodome.
Chez Sade, dire c’est faire, c’est l’acte premier. Après la dissertation, vient la mise
en pratique, c’est-à-dire le corps ; Sade, en bon libertin, ne sépare pas l’esprit et le
corps : il les réconcilie. Se pose alors la question de la représentation.
Je ne montrerai pas les actes de copulation ou de fornication sur le plateau : ce
qui est pour l’oreille ne doit pas faire double emploi avec ce qui est pour l’œil. Je
souhaite par un procédé celui du théâtre dans le théâtre et par un dispositif
scénique estrade / tournette/ cadre/ rideaux travailler à un jeu de cache-
cache, de montré et de non montré, pour donner l’illusion que là-derrière un rideau
il se passe quelque chose.
Christine Letailleur
L
Donatien Alphonse François de Sade est le 2 juin 1740 à Paris. Il est issu
d’une vieille famille prestigieuse de l’aristocratie provençale. Il entre à 10 ans au
collège Louis-le-Grand et, 4 ans plus tard, à l’école militaire de Versailles. Il obtient le
titre de sous-lieutenant, puis celui de capitaine, et participe à la guerre de Sept ans
contre la Prusse. De retour à Paris, il fréquente avec entrain les actrices de théâtre et
les courtisanes. Son père cherche à le marier au plus vite.
En 1763, il épouse Renée Pélagie de Montreuil, de noblesse récente mais bien
fortunée. Donatien ne va pas s’assagir pour autant et, dans la même année, il fait
son premier séjour en prison pour cause de « débauches outrées. » En 1768, il est à
nouveau incarcéré pour une affaire de mœurs. Assigné à résidence en son château
de la Coste, le Marquis donne fêtes, bals et représentations théâtrales, puis prend la
poudre d’escampette via l’Italie avec sa belle sœur, Anne Prospère de Launay.
En 1772, il quitte Marseille et se réfugie en Savoie car il est accu
d’empoisonnement (lors d’une « partie », Donatien a distribué des bonbons à la
cantharide à quelques prostituées.) Sade et son valet, Latour, sont condamnés à
mort par contumace pour empoisonnement et sodomie. Ils sont brûlés en effigie.
Arrestations, incarcérations, évasions, voyages et scandales vont se succéder…En
1777, Sade est arrêté et enfermé à Vincennes. En 1784, il est transféà la Bastille,
il commence à rédiger les Cent vingt journées de Sodome et les Infortunes de la
vertu.
Dix jours avant la prise de la Bastille, en juillet 1789, il est conduit à Charenton dans
un asile de fous ; il doit abandonner sa bibliothèque de six cents volumes et ses
manuscrits.
En 1790, il est libéré en vertu de l’abolition des lettres de cachet. Sa femme
demande et obtient la paration de corps. Ses deux fils émigrent. Ses biens, en
Provence, sont pillés, mis sous séquestre et pour survivre dans le Paris de la
révolution , Sade essaie de faire jouer ses pièces. Il se lie avec une actrice, Marie
Constance Quesnet, qui lui restera fidèle jusqu’à la mort. Justine ou les malheurs de
la vertu est publié anonymement en 1791. Le « citoyen » Sade milite dans la section
révolutionnaire de son quartier et tente de faire oublier ses origines nobles.
En 1793, Sade devient suspect et est accusé de conspiration contre la République.
Arrêté et condamné à mort, il échappe grâce à une erreur administrative, à la
guillotine. En octobre 1794, il est libéré. Sade vit de ses écrits et publie en 1795 la
Philosophie dans le boudoir, Aline et Valcour ou le roman philosophique, et en 1799,
la Nouvelle Justine ainsi que l’Histoire de Juliette. En 1801, accusé d’être l’auteur de
« l’infâme roman » Justine ou les malheurs de la vertu, la police saisit ses ouvrages.
On ne lui pardonne pas ses « lires de vice » et sa pornographie. Sans jugement,
par simple décision administrative, il est enfermé à Charenton jusqu’à sa mort le 1er
décembre 1814. Au total, Sade aura passé sur ses 74 années de vie, 30 ans en
prison.
Il faudra attendre le milieu du XXème siècle pour que son œuvre, qui a ouvert la
porte à la psychologie sexuelle moderne, soit « réhabilitée » et que Sade soit
reconnu comme un écrivain à part entière.
Christine Letailleur suit les cours du Conservatoire d’Art Dramatique d’Amiens
et est titulaire d’une Licence de philosophie, d’une Maîtrise de sociologie et d’un
DEA d’Études Théâtrales sous la direction de Robert Abirached et Jean
Jourdheuil à l’université Paris X Nanterre.
Comme comédienne, elle a travaillé avec le Carquois d’Amiens : le Prix Martin
d’Eugène Labiche (1987), le Désir attrapé par la queue de Picasso (1993),
Monsieur Bonhomme et les incendiaires de Max Frisch, la Folle envie de
Maupassant (1994), dans des mises en scène de J. Labarrière. Elle travaille
également avec le Théâtre du Singe, toujours à Amiens, dans Colloque sur
l’aménagement d’une région du Nord et Performance de J.-F. Charlier (1991 à
1994).
Elle a assuré des permanences artistiques au Théâtre Gérard Philipe de Saint-
Denis de 1999 à 2002 et a été assistante à la mise en scène de Stanislas Nordey
pour la Puce à loreille de Georges Feydeau, créé au T.N.B. en 2003 et repris au
Théâtre National de la Colline en 2004.
Elle a reçu le premier prix du jury professionnel au Festival International de
Théâtre Universitaire de Nanterre Amandiers pour sa mise en scène de Matériau
Müller de Heiner Müller en 1994 et en 1996 pour sa mise en scène de Poème
brûlé d’après Vélibor Colic.
Elle a mis en scène :
Poésies érotiques de Bertolt Brecht, Pétrole roman de Pier Paolo Pasolini,
Poésies et Forces de Stramm, 2000 2001
Médée de Hans Henny Janhnn, Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis, 2001
Le Nouvel ordre Socio-affectif selon Houellebecq, Maison de la Poésie, 2005
Houellebecq ou la douleur du monde, Maison de la Poésie, 2006
Pasteur Ephraïm Magnus de Hans Henny Jahnn, Théâtre National de
Bretagne dans le cadre du festival Mettre en Scène. Première partie de la
pièce en 2004. Intégrale en 2005.
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