e sous-titre, Ou les instituteurs immoraux révèle avec exactitude le contenu de
l’œuvre : il s’agit de faire l’éducation érotique d’une jeune fille.
Madame de Saint-Ange, jeune femme libertine se vantant d’avoir été « foutue par
plus de dix ou douze mille individus depuis son mariage » propose à son frère, le
Chevalier de Mirvel, qui aime autant qu’elle les plaisirs de la chair, de participer,
en sa compagnie et celle de Dolmancé, « un libertin des plus corrompus », à
l’éducation d’une jeune ingénue de 15 ans, Eugénie de Mistival. « Nous placerons
dans sa jolie tête, explique madame de Saint-Ange, tous les principes du
libertinage le plus effréné, nous l’embraserons de tous nos feux, nous
l’alimenterons de notre philosophie, nous lui inspirerons nos désirs, et comme je
veux joindre un peu de pratique à la théorie, je t’ai destiné, mon frère, à la maison
des myrtes de Cythère, Dolmancé à celle des roses de Sodome. »
L’adorable vierge arrive donc chez Madame de Saint-Ange pour y faire, dans « un
boudoir délicieux » l’apprentissage des voluptés. Madame de Saint-Ange et
Dolmancé s’appliquent à détruire didactiquement toutes les notions morales que
sa dévote mère lui a inculquées. Puis, ils lui enseignent les principes de
libertinage en s’adonnant à quelques exercices de démonstration. Viennent se
joindre à ces réjouissances, le Chevalier de Mirvel et Augustin, un jardinier
rustaud et « monté d’une manière prodigieuse. » Eugénie se montre une élève
très docile, d’une surprenante curiosité pour les délices de la chair. Une surdouée.
Madame de Mistival, inquiète de l’absence prolongée de sa progéniture, se
présente chez Madame de Saint-Ange. Eugénie, dont l’imagination est encore
toute enflammée, propose, en bonne néophyte, de mettre en pratique les
préceptes qu’elle vient de recevoir ce jour-même. La dévote mère va être
condamnée, par la petite assemblée, à subir quelques délices sadiens et pourra
ainsi constater l’échec de sa propre méthode d’éducation.
Le valet Lapierre, sur les conseils de Dolmancé, va inoculer à cette « vieille
vache » sa semence empoisonnée de la pire vérole… Après cette bonne leçon,
Madame de Mistival sera renvoyée chez elle « à grands coups de pied dans le
cul » et nos libertins, mis en appétit par cette folle journée, passeront à table.
Le cinquième dialogue, avant l’arrivée de Madame de Mistival, contient un
pamphlet-brûlot intitulé Français, encore un effort si vous voulez être républicains.
Véritable réquisitoire contre la religion, Sade y prône l’athéisme : « Ne nous
contentons pas de briser les sceptres, pulvérisons à jamais les idoles. » Il
proclame également la nécessité de voir les mœurs devenir plus libres : liberté
d’agir, liberté sexuelle, liberté de penser, liberté de la presse. Il propose l’abolition
de cette violence intolérable — dont la Terreur venait d’ériger l’excès en système
— qu’est la peine de mort : « De ces premiers principes, il découle, on le sent, la
nécessité de faire des lois douces, et surtout d’anéantir à jamais l’atrocité de la
peine de mort parce que la loi qui attente à la vie d’un homme est impraticable,
injuste, inadmissible. »