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Revue de presse Akté
George Dandin
Le Dauphiné Libéré – p.9
9 février 2008
MONT-BLANC
SALLANCHES la compagnie « Akté » était en résidence cette semaine, au FJEP
Zucco, Dandin : seuls contre tous
Des gradins circulaires entourant une scène minimaliste et attenante, des jeux de lumières
et de sons fascinants, le décor de la compagnie Akté est planté. À la salle Léon Curral se jouaient
cette semaine les deux pièces phares d’un collectif de théâtre prometteur. Autour du thème de la
perte d’identité la compagnie Akté nous a proposé deux pièces, destin de deux hommes
« George Dandin » de Molière et « Roberto Zucco » de Koltès.
L’écriture de la pièce de Bernard-Marie Koltès intitulé « Roberto Zucco », fut déclenchée
par l’histoire vraie de Roberto Succo. Serial killer des années 1980, ce héros médiatique et
sanglant commence par supprimer ceux qui furent à l’origine de son nom : ses parents. Il commet
alors un nombre effrayant de crimes et de vols en tout genre. Les scènes s’enchaînent avec une
rapidité et un dynamisme constant, comme l’avait sans doute voulu Koltès lors de l’écriture de
cette pièce à l’aube de son décès.
George Dandin, lui, a en théorie tout pour être heureux. Riche paysan, marié à une jeune
fille issue de la bourgeoisie, Angélique de Sottenville, il pense s’élever de sa condition sociale.
Mais George Dandin ne sait plus où donner de la tête. Une belle famille qui ne cesse de lui
montrer le peu d’estime qu’elle a pour lui et une femme disposée à se laisser faire la cour par un
certain Clitandre, le laisse dans une sorte de désarroi pathétique. « George Dandin ! » répète-t-il
tout au long de la pièce comme pour se sortir d’une identité qui n’est plus la sienne, s’extraire de
sa propre perte, ou au contraire pour échapper à l’embourgeoisement de son état civil transformé
en « George de la Dandinière ». Désirant à tout prix rétablir l’ordre en prouvant à ses beaux-
parents l’infidélité de sa femme, il se retrouve humilié, dupé, et même jugé. Le jeu des acteurs
dramatise une pièce à l’origine conçue par Molière dans un registre burlesque et comique.
Le dispositif de « l’arène » resserre l’action et crée la sensation d’enfermement et
d’isolement commune aux deux pièces. Les acteurs tout comme les spectateurs sont en
quelques sortes liées et ne peuvent s’échapper, ils sont comme prisonniers, rapprochés de force
les uns des autres. La perception des scènes est vécue différemment par les spectateurs, qui,
selon leur position dans cette arène, n’assistent pas tous à la même émotion.
Florelle CARRIER