IMAGERIE ENDOSCOPIQUE de la MALADIE de CROHN

publicité
IMAGERIE ENDOSCOPIQUE de la MALADIE de CROHN
J.F. Mougenot(1), N. Boige (2), M. Bellaiche(2), F. Ruemmele(3), Y. Vannerom(1)
1
Fédération Interhospitalière d'Endoscopie Digestive pédiatrique, Hôpital Robert Debré et Hôpital
Necker-Enfants Malades
2
Service de Gastroentérologie -Nutrition Pédiatrique, Hôpital Robert Debré
3
Service de Gastroentérologie -Nutrition Pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants Malades
ILÉOCOLOSCOPIE
La maladie de Crohn (MC) est l'une des principales indications de la coloscopie en pédiatrie. C'est la
seule technique qui autorise la pratique de biopsies multiples et étagées, destinées à un examen
histopathologique mais aussi immunohistochimique, microbiologique et parasitologique si indiqué. [1,
2] Avec les appareils les plus récents un opérateur expérimenté rélise une coloscopie totale dans 96 %
des cas chez l'enfant. L'exploration de l'iléon terminal est possible dans au moins 75 % des coloscopies
totales. [1] Aussi, l'iléo-coloscopie occupe-t-elle une place priviligié et unique tant lors du diagnostic
initial de la MC que tout au long du suivi. [3] Le développement en cours de vidéoendoscopes de
haute résolution (CCD de 450.000 et sous peu de 1.200.000 pixels), pour certains dotés de zoom
optique (grossissement 180), accroît à un niveau inégalé la définition des images endoscopiques. Il
est encore difficile de mesurer l'impact de ces progrès technologiques.
Les seules contre-indications absolues à la coloscopie dans la MC sont la perforation et la colectasie.
Cette complication rare est à craindre dans toutes colites fulminantes quelqu'en puisse être l'étiologie.
Elle est affirmée devant une dilatation du côlon transverse supérieur à 7 cm sur le cliché d'abdomen
sans préparation.
LÉSIONS ÉLÉMENTAIRES de la MC et DISTRIBUTION des LÉSIONS
Endoscopiquement, les lésions de la colite de Crohn apparaissent focales. [4] L'ulcération
aphtoïde, lésion élémentaire et initiale, DIA 1 : ulcération aphtoïde unique isolée au sein d'une
muqueuse colique normale est une ulcération superficielle de petite taille, bien circonscrite, à fond
blanc jaunâtre, unique ou multiple, circonscrite ou non par une aréole érythémateuse. DIA 2 :
ulcération superficielle étendue Entre les ulcérations, la muqueuse est normale ou œdématiée.
À mesure que la maladie progresse, les ulcérations deviennent plus larges (0,5 à 1 cm), DIA 3
: association d'ulcérations aphtoides et d'ulcérations cplus larges et surtout plus creusantes  linéaires à
grand axe longitudinal (de 0,5 à 3 cm de long), DIA 4 : ulcérations longitudinales profondes plus
profondes (1 à 5 mm). DIA 5 L'atteinte de la sous-muqueuse confère souvent à la muqueuse susjacente un aspect bosselé en pavé. DIA 6 : aspect en pavé avec saillies nodulaires et ulcérations
profondes fissuraires Cet aspect en galet est majoré ou, plus rarement, réalisé par l'entrecroisement
des ulcérations fissuraires parfois très longues et recoupées par des ulcérations perpendiculaires. Elles
sont parfois bordées de pseudopolypes de dimension variable. DIA 7 : pseudopolypes. Ils s'observent
en réalité aussi bien dans la MC que dans la RCH
La sévérité des lésions endoscopiques est établie à l'aide d'un score de gravité endoscopique
(CDEIS pour Crohn disease endoscopic index of the severity) reproductible au cours du temps et d'un
endoscopiste à l'autre [5]. Les différents segments étudiés sont répartis en : iléon terminal, côlon droit
(CD), côlon transverse (CT), côlon gauche et sigmoïde (CG), rectum (R). Pour chaque segment, les
lésions élémentaires (érythème franc, saillie nodulaire, ulcération aphtoïde, ulcération superficielle,
ulcération profonde, sténose ulcérée, sténose non ulcérée) sont évaluées. Les pourcentages de surface
lésée et de surface ulcérée sont estimés dans chaque segment grâce à une échelle variant de 0 à 10 (0 =
zone saine, 5 = 50 % de surface segmentaire atteinte, 10 = 100 % de surface segmentaire atteinte). Le
calcul du CDEIS est fait sur le mode suivant :
CDEIS
R
Ulcération
profonde
12 si (+)
Ulcération
superficielle
6 si (+)
Surface
lésée
en cm
Surface ulcérée
en cm
+ CG
+
CT
+
+
+
Total
=1
+
+
+
+
=2
+
+
+
+
=3
+
+
+
+
=4
Total 1 +Total 2 + Total 3 + Total 4
Nombre de segments explorés
Diviser le total A par n
Coter 3 s'il y a une ou plusieurs sténoses ulcérées
Coter 3 s'il y a une ou plusieurs sténoses non ulcérées
CDEIS
=
Total
B
CD
Iléon
= Total A
=n
= total B
=C
=D
+
C
+
D
La distribution de ces lésions est volontiers segmentaire, des zones saines séparant des zones
pathologiques. DIA 8 : Le caractère segmentaire et focal de la colite de Crohn apparaît manifeste sur
ce document où coxesistent ulcérations profondes avec rétrécissement de la lumière colique et
muqueuse macroscopiquement normale Au plan topographique, on distingue : la lésion segmentaire
suspendue, définie par l'existence d'une zone lésionnelle située entre deux zones saines sur un seul
segment d'intestin, et les lésions plurifocales, où existent au moins deux foyers lésionnels que sépare
un territoire sain d'au moins 15 cm. Dans la série de 40 cas infantiles (< de 10 ans) de Gryboski [6] la
distribution des lésions est la suivante : colique dans 12 cas (30 %) ; iléo-colique dans 15 cas (37,5 %)
jéjunale et/ou iléale dans 13 cas (32,5 %) dont 9 iléites terminales isolées (22,5 %).
Il est indispensable de biopsier de façon préférentielle les petites ulcérations aphtoïdes ou les
berges des macro-ulcérations. Dans ces conditions, des granulomes épithélioïdes (GE) sont identifiés
dans 25 % à 61% des colites de Crohn de l'enfant. DIA 9 : granulome épithélïode et gigantocellulaire Il répond à une définition précise : [42] amas bien défini d’au moins 5 cellules épithéloïdes
avec ou sans cellules géantes, sans nécrose caséeuse ou corps étranger. Cette lésion est identifiée dans
15 à 82 % des séries chirurgicales de MC et 21 à 56 % des séries endoscopiques (respectivement
21 %, 38 % et 42 % des séries pédiatriques de Markowitz [n = 56], Chong [n = 80] et SchmitzMoormann [n = 385]). La fréquence maximale de GE est obtenue grâce à la pratique d’au moins 6
biopsies per-endoscopiques. Les GE sont identifiés au niveau de la muqueuse , sous muqueuse et
musculeuse et/ou séreuse dans respectivement 23, 42 et 24 % des cas. [7]
Le GE [7] est à distinguer :
1. du granulome péricryptique ou cryptolytique défini par une rupture de la couche épithéliale
bordant les cryptes et qu’il convient de distinguer de l’infiltrat inflammatoire polymorphe diffus
présent autour des cryptes. Ce granulome péricryptique, est mis en évidence, certes dans la MC, mais
aussi la RCH et même lors de troubles fonctionnels intestinaux.
2. du microgranulome qui siège dans le 1/3 superficiel de la muqueuse. Il est plus petit que le
GE (180 vs 500µm) avec un nombre comparable de lymphocytes mais inférieur de cellules
histiocytaires (7-18 vs 25-90). Il n’a ni cellules épithéloïdes, ni cellules géantes. Dans la MC, le
microgranulome est présent dans 12 à 24 % des biopsies per-endoscopiques et associé au GE dans
20 % des cas.
2volution de la MC
L'évolution de la MC se fait par des phases d'exacerbation que séparent des périodes d'activité réduite
ou d'apparente quiescence. Afin d'apprécier l'efficacité du traitement sur le cours de la MC, divers
indices clinico-biologiques et un indice endoscopique ont été développés. Ils permettent de séparer la
MC en colite ou iléocolites actives ou quiescentes. La surveillance évolutive oblige à distinguer les
rechutes des récidives. Le terme de rechute est utilisé devant la réapparition, après une phase de
quiescence de symptômes liés à des lésions laissées en place ; celui de récidive devant la survenue,
après exérèse complète des lésions initiales, d'une reprise évolutive de la MC. La sévérité des lésions
endoscopiques initiales n'est corrélée ni à la qualité de la réponse au traitement, ni à l'évolution
ultérieure qui semble se dessiner d'elle même dans les premières années d'évolution [8]. Par contre,
après chirurgie d'exérèse, la surveillance endoscopique a montré que la récidive endoscopique est
précoce, et très fréquente (73 % à 1 an ; 85 % à 3 ans) et précède de plusieurs années la récidive
clinique (34 % à 3 ans). Fait essentiel le délai de récidive clinique est corrélé à la sévérité des lésions
endoscopiques précoces [9] qui sont ainsi classées :
Grade i 0
= absence de lésions
Grade i 1
= moins de 5 ulcérations aphtoïdes
Grade i 2
= plus de 5 ulcérations aphtoïdes au sein d'une muqueuse normale ou lésions limitées à
l’anastomose iléo-colique
Grade i 3
= iléite aphtoïde étendue
Grade i 4
= ulcérations profondes et sténose
INDICATIONS DE L’ENDOSCOPIE dans la MC
I. Diagnostic initial
Dans le diagnostic et le choix thérapeutique initial au cours des maladies inflammatoires
chroniques de l'intestin (MICI), l’endoscopie digestive est l’examen complémentaire de référence.
I.1. Diagnostic positif de MICI
Ainsi au terme de la coloscopie chez les patients suspects de MICI, le diagnostic positif de MICI est
porté correctement dans 89 % des cas, s'avère erroné dans 4 % des cas, surtout dans les colites sévères.
Environ 7 % des colites demeurent inclassées. DIA 10 : granité dont la distribution focale tranche
avec la continuité des lésions observées dans la RCH
I.2. Endoscopie dans le diagnostic différentiel des MICI
1. Sept à 30 % des colites infectieuses ont des biopsies évocatrices de MICI. A l’inverse, 5 à 7 % des
malades ayant une MICI ont des signes histologiques évoquant une étiologie infectieuse.
2. Lorsque la MC n’intéresse que le côlon (20 % des cas) et en l’absence de lésions ano-périnéales, la
distinction rectocolite ulcéro-hémorragique (RCH) versus MC peut s’avérer difficile. DIA 11, DIA 12
: pancolite ulcéreuse de grade (Dia 11) et de grade II (Dia 12) Les ulcérations aphtoïdes ne
s’observent pas dans la RCH. Le granulome épithéloïde (GE) est exclusif du diagnostic de RCH. 3.
Reste que dans les séries de RCH opérées de coloproctectomie avec anastomose iléo-anale, 1 à 8 %
des opérés se révèlent après plusieurs années d’évolution souffrir en fait de MC.
I-3 - Colite aiguë grave
Stricto sensu, la colite aiguë grave est une entité anatomique définie sur pièce de colectomie
par des ulcérations creusantes mettant à nu la musculeuse, étendues à tout ou partie du côlon et/ou du
rectum[10]. Depuis TRUELOVE, en cas de colite aiguë grave, la réalisation d’une colectomie précoce
est nécessaire en cas de non-réponse à un traitement médical codifié de 5 jours. Cette attitude a réduit
la mortalité à zéro. En réalité la coloscopie, réalisée à J5 chez des candidats à la colectomie, ne montre
parfois aucune lésion grave et évite une colectomie chez 1/3 des malades (recul médian de 5 ans).
Aussi pour RAMBAUD une coloscopie totale, à condition d'être réalisée par des endoscopistes
expérimentés, est justifiée en urgence. Le diagnostic de colite aiguë grave est affirmé sur la présence
d’au moins l’une des 3 lésions suivantes ;
- ulcérations creusantes avec visualisation de la striation musculaire, DIA 13 : la visualitation
de la striation musculaire est le témoin d'une colite fulminante, et justifie, en l'absence de réponse au
traitement médicamenteux, une colectomie
- décollements muqueux avec ou sans ulcérations en puits, DIA 14 : multiple ulcérations en
puits
- ulcérations creusantes n’atteignant pas la musculeuse mais occupant plus du 1/3 de la
superficie d’un segment colique.
Ces lésions identifient des malades à haut risque de complications (perforation, colectasie,
hémorragie massive). Jointe à l'absence de rémission sous traitement médical, leur présence, plus
fréquente dans la RCH que la MC, justifie la réalisation d’une colectomie en urgence [10], la
sensibilité diagnostique de l’endoscopie étant de 93 % et sa valeur prédictive positive de 98 % dans la
RCH et de 90 % dans la MC.
II. Suivi endoscopique de la maladie de Crohn
Quand faut-il refaire une endoscopie au cours du suivi des MICI ?
La répétition des actes endoscopiques est contraignante pour les enfants ayant une maladie de Crohn et
non dénuée de complications potentielles. Aussi, seules doivent être effectuées les endoscopies qui ont
une influence potentielle sur la stratégie thérapeutique. [11]
II-1. Faut-il refaire une coloscopie lorsque le diagnostic initial n’est pas certain ?
Lorsque le diagnostic de MICI n’est pas certain, un nouvel examen est indispensable, soit au
cours de l’épisode initial si le patient ne répond pas au traitement, soit au décours si l’évolution est
favorable. Dans ce cas, une coloscopie normale contre-indique la mise au traitement d’entretien. En
revanche, la persistance des lésions s’inscrit contre une étiologie infectieuse.
Si le diagnostic de MICI a été posé, mais que son type est incertain, il est souvent utile de
répéter l’examen ultérieurement.
 II-2. Faut-il contrôler endoscopiquement la cicatrisation des lésions après traitement médical au
cours de la MC ?
Non pour Modigliani et coll. [8], puisqu’il n’existe pas de corrélation entre la sévérité de
l’atteinte endoscopique et l’intensité des symptômes, qu’aucun facteur endoscopique prédictif d’une
réponse au traitement n’a pu être identifié, que la majorité des malades en rémission clinique à l’issue
du traitement d’attaque (corticoïdes 1 mg/kg/j) ne sont pas en rémission endoscopique et que la
prolongation du traitement du seul fait de la persistance de lésions endoscopiques ne modifie pas le
taux de sevrage et ne diminue pas la fréquence des récidives. Pour d’autres, la surveillance de
l'évolution anatomique des lésions intestinales est indispensable d'autant que le site des territoires lésés
se modifient au cours de l'évolution. Les atteintes iléo-coliques passent de 37,5 % à 62,5 % après 4 ans
d'évolution dans la série de Gryboski [6].
II-3. Faut-il faire une coloscopie au cours d’une nouvelle poussée de MICI ?
Non en cas de poussée d’intensité modérée, sauf s’il existe doute quant à une cause
infectieuse (notion de voyage récent, de prise d’antibiotiques) ou médicamenteuse (prise d’AINS).
Oui, s’il s’agit d’une colite aiguë grave. Le contrôle endoscopique d'une MC se justifie aussi
dans les éventualités suivantes : 1. syndrome occlusif bas qui justifie la recherche par coloscopie d’une
sténose colique ; 2. signes d’appel compatibles avec une éventuelle localisation gastroduodénale ; 3.
chaque fois que la mise sous traitement immunosuppresseur est envisagé, afin de confirmer l’absence
d’alternative chirurgicale et de pouvoir apprécier la réponse ultérieure au traitement.
II- 4. Lorsqu’un traitement chirurgical est discuté.
L’étendue des lésions, qui ne peut être complètement appréciée en peropératoire, influence la
décision opératoire et le choix du type de résection. La coloscopie est utile dans le bilan préopératoire
d’une maladie de Crohn iléale, DIA 15 : ulcération longitudinale de l'iléon terminal à la recherche
d’une atteinte colique associée.
II- 5. Suivi postopératoire de la Maladie de Crohn.
Après résection de l’iléon terminal et anastomose iléocolique, une récidive endoscopique survient dans
73% des cas à 1 an. La sévérité des lésions endoscopiques un an après chirurgie est le meilleur élément
prédictif de la récidive symptomatique au cours des années suivantes. Le taux de récidive cumulé 7
ans après chirurgie est de 9 % si le nombre d’ulcérations aphtoïdes est inférieur à 5. Si les lésions sont
sévères (ulcérations longitudinales et/ou profondes) il est de 100 % à 4 ans.
II- 6. Traitement endoscopique des sténoses de la MC.
Des dilatations par ballonnets pneumatiques de sténoses iléales ou coliques, en particulier
post-anastomotiques, ont été proposées et faites comme alternative à la chirurgie. Elles sont efficaces
dans 90 % des cas. L’amélioration des symptômes se maintient à distance dans 45 à 66 % des cas, au
prix parfois de plusieurs séances de dilatations.
II- 7. Surveillance endoscopique de la MC et cancers digestifs
Si le risque global de cancer colorectal est moins élevé en cas de MC que de RCH, le sousgroupe de MC qui ont une atteinte colique étendue ancienne a un risque comparable à celui observé
dans la RCH (risque relatif est de 20,9 en cas de MC colique révélée avant l’âge de 30 ans). [12] Ce
risque apparaît après environ 15 ans d’évolution chez des malades d’âge médian 55 ans. Il s’agit de
localisations synchrones dans 10 à 12 % des cas dont 1/3 d’adénocarcinomes à composante
mucineuse.). Aussi la conférence de consensus française sur la prévention, le dépistage et la prise en
charge des cancers du côlon a-t-elle recommandé en 1998 la réalisation tous les 2 ans d’une coloscopie
en cas de pancolite de Crohn évoluant depuis 15 ans. En pratique, les pédiatres sont
exceptionnellement conduit à débuter une telle surveillance.
OESOGASTRODUODÉNOSCOPIE
Au même titre que l'iléocoloscopie, l’oesogastroduodénoscopie fait partie du bilan initial de la
MC, même en l'absence de signes d'appel, bien qu'une localisation macroscopique de la maladie au
niveau du tractus digestif supérieur soit rare. [13] [DIA 16 : ulcération apthoïde observée dans le
deuxième duodénum] Même en l'absence de lésions endoscopiques apparentes, des biopsies doivent
être pratiquées systématiquement, un granulome pouvant être retrouvé dans environ 10 à 20 p. cent
des cas. Les lésions macroscopiques œsophagiennes sont particuliérement rares, les biopser permet
très souvent d'identifier un granulome épithélioïde et giganto-cellulaire.
ENTÉROSCOPIE par VIDÉOCAPSULE
L’entéroscopie poussée par double voie permet l’observation directe et l’analyse histologique
de la muqueuse intestinale au-delà de l’angle de Treitz. Mais c'est un examen invasif, long, requérant
un vidéoendoscope coûteux et l'usage d'un "overtube". [14] Soixante à 160 cm au plus du jéjunum
proximal et 40 à 80 cm au plus de l'iléon terminal sont accessibles. En pratique, l'entéroscopie poussée
n'a pas d'indication dans l'évaluation de l'atteinte de la MC.
Par contre, la capsule vidéo-endoscopique, développée par la Société GivenImaging® (capsule
M2A®), autorise enfin un examen endoscopique non invasif de l’intestin grêle. [15-16] La capsule
mesure 11,26 mm. L’acquisition des images se fait par la technologie "complementary metal oxyde
silicon" (CMOS) qui permet d’obtenir des images de haute qualité avec une consommation d’énergie
moindre que la technologie "charge coupled device" (CCD) utilisée par les vidéoendoscopes. Son
autonomie est de 6 à 8 heures. La lumière est produite par une diode émettrice de lumière blanche
(LED). La transmission des images se fait par des signaux à fréquence radio (environ 410 MHz) qui
sont envoyés à des capteurs situés sur l’abdomen puis dirigés vers un enregistreur situé à la ceinture du
malade. Ce dispositif permet l’enregistrement des images (2 images par seconde) et la localisation de
la capsule dans le tube digestif avec une précision comparable à celle obtenue par image
fluoroscopique. Après ingestion de la capsule, le péristaltisme intestinal assure la propulsion de la
capsule. L’acquisition d’image se fait sans insufflation d’air. L’analyse des images est effectuée sur
une station de travail équipée d’un logiciel spécifique, après transfert des données de l’enregistreur
vers la station de travail. L’interprétation des images par des médecins entraînés nécessite environ une
heure pour l’exploration de l’ensemble du grêle. La capsule est facilement déglutie dès l'age de 7 ans.
Le temps moyen de transit gastrique varie de 60 à 80 minutes, celui de l’intestin grêle de 90 à 194
minutes. Le temps de transit total est de l’ordre de 24 heures. Il n’est pas recommandé d’avoir recours
à des préparations intestinales préalables. L’apprentissage de la technique est facile et rapide. En
revanche, l’interprétation des images et l’évaluation de la responsabilité des lésions détectées dans la
pathologie observée apparaît plus délicate.
Bien que nous disposons déjà d'un large choix d'examens morphologiques (endoscopie haute
et basse, TDM, IRM) performants, la MC constitue un champ d'application potentiel pour la capsule
endoscopique. Chez des malades suspects de maladie de Crohn avec iléocoloscopie et gastroscopie
normales, la capsule endoscopique a montré des ulcérations du grêle dans 37 % à 71 % des cas. Une
étude portant sur 20 malades suspects de maladie de Crohn a montré que la capsule trouvait dans 70 %
des cas des lésions du grêle décrites comme des ulcérations serpigineuses ou aphtoïdes, localisées plus
souvent dans l'iléon, présentes dans un tiers des cas environ au niveau du jéjunum. Le transit baryté du
grêle et l’entéroscanner ne les identifient que dans respectivement 37 % et 32 % de ces cas. La capsule
détecte toutes les lésions grêliques découvertes par transit baryté et par entéroscanner. Elle détecte des
lésions jéjuno-iléales non vues par ces 2 examens dans 47 % des cas. La capsule endoscopique serait
utile pour aider à classer une colite apparemment isolée lorsqu’un doute nosologique persiste. La mise
en évidence de lésions de l’intestin grêle méconnues par l’examen radiologique aurait une grande
valeur nosologique. La mise en évidence par la capsule d’une disparition focale des villosités du grêle
serait un argument diagnostique précoce de maladie de Crohn, un tel aspect n’étant pas retrouvé dans
les autres pathologies du grêle. Mais, en l'absence d'autres localisations ou d'autres examens
concourant au diagnostic de MC, la seule présence d'érosions superficielles isolées permet-elle de
porter le diagnostic de maladie de Crohn, en l'absence de biopsies ?
Soulignons que l'existence d'une sténose digestive est une contre-indication absolue à
l’utilisation de la capsule endoscopique . De ce fait elle ne peut être utilisée qu'en seconde intention
lorsqu'une MICI est suspectée.
REFERENCES
1. Mougenot JF, Vargas J. La coloscopie chez l'enfant. Arch Fr Pediatr 1983; 40: 189-96.
2. Wyllie R, Kay MH. Colonoscopy and therapeutic intervention in infants and children. Gastrointest
Endos Clin N Am, 1994; 4: 143-60.
3. Mougenot JF, Garcette de Aguero L. Endoscopie et entérocolites inflammatoires cryptogénétiques.
Ann. Pédiatr 1984; 31: 631-9.
4. Williams CB, Nicholls S. Endoscopic features of chronic inflammatory bowel disease in childhood.
In : JA Walker-Smith, TT Macdonald. Chronic Inflammatory Bowel Disease in Chilhood, Bailliere’s
Clinical Gastroenterology 1994; 8, number 1: 121-31.
5. Mary JY, Modigliani R and the GETAID. Development and validation of an endoscopic index of
the severity for Crohn's disease : a prospective multicentre study. Gut 1989; 30: 983-9.
6. Gryboski JD. Crohn's in disease in children 10 years old and younger : comparison with ulcerative
colitis. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1994: 18: 174-8.
7. Heresbach D, Heresbach-Le Berre N, Ramee M-P, et al. Fréquence et valeur pronostique du
granulome épithéloïde au cours des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Gastroentérol
Clin Biol 1999; 23: 1376-87.
8. Modigliani R, Mary J, Simon JF, et al. Clinical, biological and endoscopic pictures of attacks of
Crohn’s disease. . Evolution on Prednisolone. Gastroenterology 1990; 89: 811-8.
9. Rutgeerts P, Geboes K, Vantrappen G, et al. Predictability of the post operative course of Crohn's
disease. Gastroenterology 1990; 99 : 956-63.
10. Carbonnel F, Lavergne A, Lemann M, et al. Colonoscopy of acute colitis. A safe and reliable tool
for assement of severity. Dig Dis Sci 1994; 30: 1550-7.
11. Cattan S, Beaugerie L. L’endoscopie dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin :
intérêt pour la surveillance. Gastroenterol Clin Biol 1999; 23 : B152-B158.
12. Greenstein AJ. Cancer in inflammatory bowel disease. Mt Sinai J Med 2000; 67 :227-40.
13. Mashako MN, Cezard JP, Navarro J, et al. Crohn's disease lesions in the upper gastrointestinal
tract . Correlation between clinical, radiological, endoscopic and histological features in adolescents
and children. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1989; 8: 442-6.
14. Wilmer A, Rutgeerts P. Push enteroscopy. Technique, depth, and yield of insertion. Gastrointest
Endosc Clin N Am 1996; 6: 759-76.
15. Gong F, Swain P, Mills T. Wireless endoscopy. Gastrointest Endosc 2000; 51: 725-9.
16. Appleyard M, Glukhovsky A, Swain P. Wireless-capsule diagnostic endoscopy for recurrent
small-bowel bleeding. N Engl J Med 2001; 344: 232-3.
Téléchargement