Je passe au poste de soin infirmier, pour « recharger les batteries », transmettre qu’il existe un risque de fugue…
et connaître la conduite à tenir habituelle dans le service. Une infirmière m’explique:
- suite à une tentative de suicide, comme pour n’importe quel problème psychologique sérieux, ne pas
laisser la patiente signer une décharge. Elle n’a pas les capacités pour refuser ou accepter les soins.
- Avertir dès le lendemain matin le psychiatre de la volonté de partir de la patiente pour décider ou non
d’une hospitalisation sous contrainte
- L’équipe infirmière et aide-soignante surveillera du mieux possible la patiente.
- La patiente devrait, si possible, être hospitalisée dans une chambre en fin de couloir pour faciliter cette
surveillance. On m’informe qu’à présent il n’est plus possible d’enfermer une patiente dans une
chambre même seule… (A mon grand soulagement, mais pourquoi est-il nécessaire de le préciser ?!)
Une aide-soignante interrompt la discussion. « La 216F dit qu’elle va fuguer. Elle veut voir le médecin. »
Ok! J’y retourne. La patiente me réexplique qu’il est indispensable qu’elle rentre chez elle s’occuper de son chien
et de ses deux chats. Je suis très ennuyée mais dans un premier temps, je ne modifie pas mon discours (qui
pourtant a fait preuve de son inefficacité). La patiente est plus agressive, très insistante. Je cherche une solution
qui satisferait tout le monde… Des voisins? Des amis? Mais Mme H se dit très isolée et n’est pas prête à donner
ses clés à quelqu’un qu’elle connaitrait peu. Alors je me demande s’il serait raisonnable qu’un inconnu aille
s’occuper des animaux. « Quelle est la taille du chien? », « C’est un Yorkshire. » Mais la question a
désagréablement surpris Mme H : « Mais je ne vois pas ce que ça change, de toute façon ils ont besoin d’être
nourris, et surtout un chien d’être sorti. »… C’est mal parti... Je me proposerais bien d’aller moi-même au
domicile de Mme H mais il faudrait avant regagner sa confiance… La conversation se prolonge donc. Mais la
patiente n’a plus aucune confiance en cette équipe qui ne l’a pas prise en considération, qui n’a pas pris au
sérieux ses requêtes… Le ton monte. Je ré-explique que je ne peux pas prendre la responsabilité de laisser sortir
une patiente suicidante sans un avis psychiatrique favorable qu’il n’est plus possible d’avoir à cette heure… La
patiente demande alors une sortie contre avis médical, qui lui est refusé d’office au regard du motif
d’hospitalisation. J’essaye de justifier ma position. Ce n’est pas la première tentative de suicide. Le contexte
difficile de Mme H reste d’actualité (on n’évoque qu’à peine le caractère protecteur de cette hospitalisation…
C’est mal venu). Mme H a dit la veille qu’elle regrettait l’inefficacité de son geste, et depuis, refuse de
communiquer. Elle est restée 36 heures particulièrement peu réactive… « sauf à la douleur », je ravale à la
dernière seconde ces derniers mots… Mais manifestement la patiente les a déjà entendus dans le service et
comprends ce que j’allais dire… D’où une question gênante « Et comment savez-vous que je réagissais à la
douleur? J’étais inconsciente mais quand même! ». Le ton monte lentement mais sûrement. La patiente reste
sur ses positions, et moi je ne sais plus quoi faire… Désespérée, je lâche des mots que je regrette
immédiatement: « Mais vous savez, légalement, on est responsable de vous, pas de vos animaux ». Je présente
immédiatement mes excuses … C’était crédible apparemment parce que la patiente semble comprendre que ces
mots reflètent plus mon incapacité que le fond de ma pensée… Malheureusement, c’est moins évident
concernant l’aide-soignante qui a prononcé la même phrase quelques minutes plus tôt. Je quitte la pièce
quelque peu désorientée. En tout, ça fait une heure que je me bats… Je vais au poste de soin. Une infirmière me
dit que je ne dois pas aller au domicile de la patiente, en raison du risque que présentent les animaux… Par
contre, l’assistante sociale peut le faire si elle est d’accord (et pourquoi donc pas un « médecin »? Après
information, il apparait que pour l’assistante sociale, ce serait considéré comme un accident de travail) . Je
m’apprête donc à appeler Mme D, l’assistante sociale du service.