DEPT DE MEDECINE GENERALE / UNIVERSITE PARIS DIDEROT
TRACE D’APPRENTISSAGE
Le présent modèle doit être utilisé pour UNE TRACE D’APPRENTISSAGE AU FORMAT WORD. Les données du
formulaire ci-dessous doivent être remplies, puis la trace sera collée à la suite du formulaire
Nom et prénom de l’étudiant auteur de la présente trace : Leleu Claire
Nom et prénom du tuteur : Marc Frarier
Numéro du semestre du DES au cours duquel cette trace a été produite : 1
Date de réalisation de la trace: 09/03/2011
Le maître de stage du stage concerné par cette trace a-t-il évalué cette trace ? : Oui
COMPETENCES VISEES PAR CETTE TRACE (effacer les compétences sans rapport avec ce document)
Compétence 2 : Communiquer de façon efficiente avec le patient et/ou son entourage
Compétence 5 : Travailler en équipe au sein du système de santé
Compétence 6 : Assurer la continuité des soins pour tous les sujets
Si votre tuteur estime que cette trace mérite d’être publiée sur le site en tant que trace remarquable, acceptez
vous qu’elle le soit ( Ne laissez que la réponse adaptée) :
Oui
Insérez à partir de la page suivante le texte de la trace d’apprentissage
Attention, avant le transfert de la trace, son titre dans votre ordinateur doit être formaté comme suit :
date(AAJJMM)_sujet, par exemple 100512_polytoxicomane_prise_en_charge_reseau . Aucune apostrophe,
aucun guillemet dans le titre!
ATTENTION SI VOTRE TRACE EST UN RECIT, IL DOIT ETRE TOTALEMENT ANONYMISE: RIEN NE DOIT Y
PERMETTRE D’IDENTIFIER UN PATIENT, NI VOTRE MAITRE DE STAGE, NI AUCUN PROFESSIONNEL
RECIT
Lors d’une de mes toutes premières visites, un beau matin de novembre, je vois Mme H.V, 47 ans, qui est entrée
pendant la nuit suite à une tentative de suicide par intoxication éthylique et médicamenteuse (Lexomil et
Noctran). Cette intoxication date de la veille à 17h. Mme H est très somnolente, avec un score de Glasgow à 7
(Y2 V2 M3). Le reste de l’examen clinique est normal. J’apprends (merci au système informatique !), que Mme H
a fait plusieurs tentatives de suicide, suite à des violences conjugales. Elle fume un paquet de cigarettes par
jour, consomme de l’alcool occasionnellement et n’a pas d’antécédents en dehors d’une cholécystectomie.
Le lendemain, le 3 novembre au matin, la patiente est (enfin !) réveillée. Je la trouve toujours somnolente. Cela
mis à part, son examen somatique est strictement normal. Sur le plan psychiatrique, elle présente des idées
suicidaires dont je ne sais pas évaluer la gravité. Ma co-interne, le Dr S, une FFI présente depuis plusieurs mois
dans le service, me rassure… La psychiatre va passer, elle verra.
Effectivement, le Dr G, psychiatre, voit la patiente vers 11h, puis vient m’expliquer son point de vue. La patiente
lui a dit qu’elle regrettait son geste. Mais elle la trouve trop somnolente pour que son examen soit contributif.
Par ailleurs la patiente connait mieux le Dr V-T, un autre psychiatre, qui passera dans 2 jours. Il serait
souhaitable d’attendre son avis pour juger de la gravité des idées suicidaires et de l’état thymique de la patiente
pour ensuite envisager la sortie… A cet instant, nous ne savons pas pourquoi la patiente a nié avoir des idées
suicidaires en présence du Dr G. Est-ce une ambivalence? (Et d’ailleurs, cette ambivalence aggraverait-elle le
risque suicidaire?) Est-ce un mensonge pour sortir au plus vite de l’hôpital? Ou encore une réelle amélioration
psychologique (à laquelle je ne croyais pas, mais le Dr G me dit que c’est parfois possible dans des délais
surprenants)?
Je ne lis pas le mot de la psychiatre, me contentant de la transmission orale. Ma contre-visite ne relève rien
d’anormal.
Le 4 novembre, lors de ma visite du matin, je suis surprise de retrouver une patiente fermée, peu communicante
sur ses affects. Elle refuse toujours d’expliquer son geste auto-lytique et je dois me contenter des données du
dossier. Je m’inquiète de cette évolution mais je me trouve assez impuissante… Le plus sage (le plus simple
aussi) semble d’attendre l’avis du Dr V-T le lendemain…
Je comprends (enfin) la problématique lors de la contre-visite vers 17h… Mme H voulait sortir au plus vite, pour,
dit-elle, s’occuper de ses animaux, un chien et deux chats. Elle l’a d’ailleurs dit à la psychiatre… (qui n’a pas
retransmis l’information oralement et dont personne n’a lu le mot…) Je ne sais pas pourquoi la patiente n’a
verbalisé qu'une seule fois son désir de sortie (les effets résiduels de l’intoxication? Une supposition de bonne
transmission des informations dans l’équipe? Un ressenti intuitif de l’opposition et/ou de l’incompréhension de
ce désir?)… En tout cas, jusqu’à cet instant, dans le service, tous ignoraient le désir de sortie de la patiente et ses
motivations. Je suis très embêtée. Au départ, je me suis contentée d’expliquer que l’avis d’un psychiatre est
indispensable, qu’à cette heure, le Dr G est partie étant donné qu’elle n’est attachée ni au service ni à l’hôpital,
qu’un psychiatre la verra demain et qu'une décision serait alors prise. Devant l’insistance de la patiente et son
argumentation, à bout de raisonnement, je lâche que je vais voir ce que je peux faire… probablement autant par
compassion que parce que je voulais quitter la pièce.
Je passe au poste de soin infirmier, pour « recharger les batteries », transmettre qu’il existe un risque de fugue…
et connaître la conduite à tenir habituelle dans le service. Une infirmière m’explique:
- suite à une tentative de suicide, comme pour n’importe quel problème psychologique sérieux, ne pas
laisser la patiente signer une décharge. Elle n’a pas les capacités pour refuser ou accepter les soins.
- Avertir dès le lendemain matin le psychiatre de la volonté de partir de la patiente pour cider ou non
d’une hospitalisation sous contrainte
- L’équipe infirmière et aide-soignante surveillera du mieux possible la patiente.
- La patiente devrait, si possible, être hospitalisée dans une chambre en fin de couloir pour faciliter cette
surveillance. On m’informe qu’à présent il n’est plus possible d’enfermer une patiente dans une
chambre même seule… (A mon grand soulagement, mais pourquoi est-il nécessaire de le préciser ?!)
Une aide-soignante interrompt la discussion. « La 216F dit qu’elle va fuguer. Elle veut voir le médecin. »
Ok! J’y retourne. La patiente me réexplique qu’il est indispensable qu’elle rentre chez elle s’occuper de son chien
et de ses deux chats. Je suis très ennuyée mais dans un premier temps, je ne modifie pas mon discours (qui
pourtant a fait preuve de son inefficacité). La patiente est plus agressive, très insistante. Je cherche une solution
qui satisferait tout le monde… Des voisins? Des amis? Mais Mme H se dit très isolée et n’est pas prête à donner
ses clés à quelqu’un qu’elle connaitrait peu. Alors je me demande s’il serait raisonnable qu’un inconnu aille
s’occuper des animaux. « Quelle est la taille du chien? », « C’est un Yorkshire. » Mais la question a
désagréablement surpris Mme H : « Mais je ne vois pas ce que ça change, de toute façon ils ont besoin d’être
nourris, et surtout un chien d’être sorti. »… C’est mal parti... Je me proposerais bien d’aller moi-même au
domicile de Mme H mais il faudrait avant regagner sa confiance… La conversation se prolonge donc. Mais la
patiente n’a plus aucune confiance en cette équipe qui ne l’a pas prise en considération, qui n’a pas pris au
sérieux ses requêtes… Le ton monte. Je -explique que je ne peux pas prendre la responsabilité de laisser sortir
une patiente suicidante sans un avis psychiatrique favorable qu’il n’est plus possible d’avoir à cette heure… La
patiente demande alors une sortie contre avis médical, qui lui est refu d’office au regard du motif
d’hospitalisation. J’essaye de justifier ma position. Ce n’est pas la première tentative de suicide. Le contexte
difficile de Mme H reste d’actualité (on n’évoque qu’à peine le caractère protecteur de cette hospitalisation
C’est mal venu). Mme H a dit la veille qu’elle regrettait l’inefficacité de son geste, et depuis, refuse de
communiquer. Elle est restée 36 heures particulièrement peu réactive « sauf à la douleur », je ravale à la
dernière seconde ces derniers mots… Mais manifestement la patiente les a déjà entendus dans le service et
comprends ce que j’allais dire… D’où une question gênante « Et comment savez-vous que je réagissais à la
douleur? J’étais inconsciente mais quand même! ». Le ton monte lentement mais sûrement. La patiente reste
sur ses positions, et moi je ne sais plus quoi faire… Désespérée, je lâche des mots que je regrette
immédiatement: « Mais vous savez, légalement, on est responsable de vous, pas de vos animaux ». Je présente
immédiatement mes excuses … C’était crédible apparemment parce que la patiente semble comprendre que ces
mots reflètent plus mon incapacité que le fond de ma pensée… Malheureusement, c’est moins évident
concernant l’aide-soignante qui a prononcé la même phrase quelques minutes plus tôt. Je quitte la pièce
quelque peu désorientée. En tout, ça fait une heure que je me bats… Je vais au poste de soin. Une infirmière me
dit que je ne dois pas aller au domicile de la patiente, en raison du risque que présentent les animaux… Par
contre, l’assistante sociale peut le faire si elle est d’accord (et pourquoi donc pas un « médecin »? Après
information, il apparait que pour l’assistante sociale, ce serait considéré comme un accident de travail) . Je
m’apprête donc à appeler Mme D, l’assistante sociale du service.
La chef de service, le Dr B arrive… Ca me soulage. Elle est très présente, très impliquée… Et finalement, j’espère
que son expérience va permettre de trouver une solution… Mais voilà, elle manque de temps… Son bip vient de
re-sonner… Elle a juste eu le temps de me confirmer que la patiente ne doit pas partir contre avis médical, quitte
à prendre le risque d’une fugue. Il ne lui semble pas opportun que l’assistante sociale aille voir les animaux… Si
elle a un accident de travail, tous les patients de plusieurs services en tiront… Ce n’est pas faux, mais ça ne
fait pas mon affaire! Je suis vraiment en difficulté, et ça s’entend quand je réponds « 2 minutes! » à une aide-
soignante qui ne sait plus quoi dire et me demande de retourner voir Mme H.
L’arrivée inattendue de l’assistante sociale, Mme D, amènera la solution… L'atmosphère est tendue… mon
regard se détourne (bah oui! j’ai reçu l’ordre de ne pas lui parler de la situation)… Du coup, elle va voir la
patiente… Ca tombe bien, elle connait un peu son quartier… Elle passe quelques appels téléphoniques (on
n’avait aucun numéro de téléphone à joindre, mais Mme D connait le gardien de l’immeuble). Personne n’y
croyait mais elle a réussi. Des amis sont déjà passés s’occuper des animaux… On souffle… Ca peut régler le
problème… Mais en fait, la patiente est peu soulagéeEst-elle inquiète de l’intrusion chez elle? Ou n’était-ce
qu’un prétexte pour échapper à la prise en charge? La suspicion est manifestement des deux côtés (envers la
patiente comme envers les soignants). Cependant, l’assistante sociale affirme que la patiente s’est engagée à
ne pas partir avant le lendemain. Elle semble accepter le fait de revoir une psychiatre avant sa sortie… En fait,
personne ne semble satisfait (pas même la chef de service qui est de retour), mais c’est mieux que rien.
A 18h50, le lit est vide, la patiente introuvable… Avec l’infirmière, je retrouve le sac à main, qu’on fouille
immédiatement (étrangement, je ne me pose plus la question du respect de son intimité). Les clés de maison et
de voiture sont à l’intérieur. L’équipe médicale tente de me rassurer… Sans ses clés, Mme H n’ira pas loin et elle
reviendra à l’hôpital pour les récupérer. Je n’ose pas verbaliser ma crainte: pas besoin de clés pour se suicider…
Je rentre chez moi.
A mon arrivée, le lendemain à 8h40, on m’apprend que la patiente est revenue à 21h. Elle serait sortie avec son
ami, mais elle nous ment concernant l’endroit elle est allée… Par acquis de conscience, je passe dans la
chambre… Désertée! Probablement juste après le tour de l’infirmière du matin. On fait la procédure de fugue
(avertir l’administrateur de garde de la fugue et le commissariat de police d’une disparition inquiétante).
Devenir : Le médecin traitant a été prévenu. Quelques jours plus tard, un ami (inconnu du service) passera
récupérer le portable de la patiente. Nous le lui avons remis, en insistant sur l’importance pour Mme H de
commencer un suivi psychiatrique.
PROBLEMES RENCONTRES
1) Je n’ai pas su évaluer le risque suicidaire de la patiente… Habituellement, je me fiais à l’évolution dans le
service (amélioration ou non de l’humeur, de la mimique et du discours).
2) J’ai été très désorientée face au refus de communication et je n’ai pas su anticiper leurs conséquences ni en
trouver l’origine précocement, en mettant hâtivement ce repli sur le compte de la dépression.
3) J’ai sous-estimé, comme toute l’équipe médicale et paramédicale, l’importance de l’environnement habituel
de la patiente. Il est vrai que je m’appuie fréquemment sur l’entourage humain de mon patient pour faciliter la
prise en charge. Je considérais comme plutôt rare le fait que l’entourage puisse gêner les soins et je négligeais
totalement le contexte non humain… En l’occurrence les chiens, chats et poissons rouges
4) C’était la première fois que je me retrouvais dans une situation bloquée, plus ou moins conflictuelle, avec un
patient. En réalité, toute l’équipe s’est retrouvée dans la me situation, avec la même réaction: passer le
relais… à l’infirmière (pour les aides-soignantes), à l’interne, c'est-à-dire moi… Moi-même je souhaitais passer le
relais à ma chef, ce qui n’a pas été possible ce jour (c’est un problème très ponctuel dans ce service, par
ailleurs avec un très bon encadrement)… Cette attitude présente un avantage : pour le soignant en difficulté, se
débarrasser du problème, pour le patient, la résolution du conflit en général… Mais pas cette fois là.
5) Je me suis également posée deux questions :
- Devait-on imposer les soins via une hospitalisation sous contrainte, à la demande d’un tiers? La
question en fait semble presque rhétorique dans ce cas… La patiente était très isolée à part des amis
(que nous n’avons jamais vu et dont elle niait l’existence)… Et cette décision dépend des psychiatres
- Etait-il envisageable de laisser son généraliste se débrouiller tout seul avec le problème? De toute
évidence dans cette situation, nous n’avions à terme plus le choix… Mais dans un cadre plus général, la
dépression est très majoritairement prise en charge en ambulatoire… Mais après un geste suicidaire,
peut-on se satisfaire d’une prise en charge ambulatoire non organisée de l’hôpital? Le recours au
psychiatre est-il systématique? Et que faire si manifestement ce suivi est abandonné de façon
répétitive?
RESULTATS DES RECHERCHES
Petit rappel épidémiologique
En France, 12 000 personnes meurent par suicide chaque année, soit 21 décès pour 100 000 habitants, un
suicide toutes les 40 minutes. On estime que ces statistiques sont sous-évaluées de 20%.
C’est la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans, la première chez les 25-34 ans.
Globalement, les personnes âgées se suicident plus que la population générale. Les hommes se suicident trois
fois plus que les femmes.
On estime que seules 10% des tentatives de suicides aboutissent réellement à la mort, soit environ 120 000
tentatives de suicide par an (soit une tentative de suicide toutes les 4 minutes). Ces tentatives concernent
surtout les femmes (sex ratio : 2/3), et les jeunes de 15 à 35 ans. Les sujets âgés font peu de tentatives de
suicide (mais réussissent plus).
On estime que 20 à 30% des tentatives de suicide sont traitées en ambulatoire.
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