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Douste-Blazy, créant le « médecin traitant » avait donné le feu vert aux dépassements
d’honoraires pour les consultations spécialisées hors « parcours de soin », c’est-à-dire en
court-circuitant le médecin traitant. L’argument justifiant ces dépassements d’honoraires est
évidemment l’augmentation des coûts de gestion pour les médecins et les chirurgiens
libéraux tandis que les tarifs de la Sécurité sociale sont souvent totalement inadaptés. On
cite volontiers le remboursement d’une opération pour une hernie inguinale à moins de 200
euros pour le chirurgien, qui doit financer l’aide opératoire, la secrétaire et payer en partie
ses assurances. Remarquons cependant que cet argumentaire justifie la revendication d’une
révision des tarifs de la Sécurité sociale, mais ne peut en aucun cas expliquer la différence
des dépassements d’honoraires allant de 1 à 10 d’un médecin à l’autre pour une même
intervention (150 à 1 500 euros pour l’intervention d’une cataracte sur un œil !). Il y a belle
lurette que le principe ancien de la médecine libérale « les soins gratuits pour les pauvres et
chers pour les riches » n’est plus appliqué, le Conseil de l’Ordre demandant seulement que
les dépassements d’honoraires soient appliqués avec « tact et mesure ». Certes les
dépassements d’honoraires ne concernent pas que la ville mais aussi l’hôpital. Cependant le
nombre de médecins hospitaliers qui ont une activité privée est d’environ 10 % contre 85 %
dans les cliniques commerciales. Sur 500 millions d’euros dépensés annuellement pour
payer les dépassements d’honoraires, 400 vont aux médecins et chirurgiens des cliniques
commerciales contre 100 aux médecins et chirurgiens des hôpitaux. L’activité privée à
l’hôpital concerne essentiellement les spécialités sujettes à des grandes disparités de
revenus entre activité publique et activité libérale. Elle ne concerne pas la réanimation, les
urgences, l’hématologie, la néphrologie, les maladies infectieuses, la biologie … Cette
activité privée à l’hôpital est encadrée. Elle ne doit pas dépasser 20 % de l’activité du
médecin et ne doit pas se faire au détriment de la qualité des soins pour les autres patients.
Une enquête de l’IGAS a montré que 10 % de ces 10 %, soit 1 %, ne respectaient pas ces
règles avec des comportements parfois scandaleux, hélas le plus souvent non sanctionnés
et discréditant l’ensemble de la communauté médicale hospitalière. L’hôpital public reste
donc l’endroit où les Français peuvent se faire soigner sans dépassements d’honoraires, ce
qui explique malgré la crise son succès, avec un doublement en dix ans des consultations en
urgence (15 millions au lieu de 7 millions) dont en réalité les deux tiers ne sont pas des
urgences. Pire, ces dépassements d’honoraires dérégulés et généralisés, servent
d’argument à l’offensive des assureurs privés (MAAF, AGF, MMA) qui ont créé une société
spécialisée, Santéclair, pour fournir à leurs adhérents une information sur les dépassements
d’honoraires et une intervention pour faire baisser ces dépassements en faisant jouer la
concurrence (pour le cancer de la prostate cela va de 450 euros à Vendôme, 830 à Grasse
et 1 100 à Bourgoin-Jallieu …). Les excès du vieux libéralisme médical servent ainsi
d’arguments à l’offensive néolibérale.