debat_negationnisme_economique_3

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DEBAT AUTOUR DU « NEGATIONNISME ECONOMIQUE »
3ème partie
Et qui sont les cobayes des économistes ?
«Chercheure au CNRS ? La classe ! En économie ? Tu sers à quoi ? A rien apparemment, vu la crise et le chômage.»
Contrôle du self. Je souris. Si vous saviez… entre nous, on est encore plus féroces. En témoigne le dernier livre de Pierre
Cahuc et André Zylberberg le Négationnisme économique (Flammarion), sorti début septembre, dans lequel les
auteurs fustigent tour à tour les dangereux gauchistes et les suppôts du capitalisme vendus au patronat. Selon eux, ces
deux catégories de traîtres nient les résultats établis de l’analyse économique pour servir des intérêts privés ou
idéologiques.
Alors, certes, les médias sont peuplés d’imposteurs et cela représente un vrai danger pour la démocratie. Mais peut-on
pour autant suivre les auteurs quand ils affirment que les économistes sérieux produisent des vérités scientifiques ?
Que le salut est dans l’expérimentation ? Autrement dit, l’analyse économique devrait, selon eux, s’inspirer de la
recherche en médecine ou en biologie pour mettre au point non pas des traitements mais des politiques publiques qui
marchent.
Franchement, je rêve de tester mes hypothèses comme le font mes copains biologistes. Mais pour avoir passé des
heures autour d’une bonne bouteille à comparer nos disciplines, à discuter méthodes de travail, organisation en labo,
délai de publication, concurrence scientifique… je peux témoigner (à jeun) que nos démarches sont bien différentes. Je
vois trois grandes différences.
Premièrement, les recherches en biologie se font beaucoup plus par processus cumulatif. Un exemple récent est la
découverte du CRISPR (1), cet outil de génie génétique permettant de modifier plus facilement et plus précisément
l’information génétique d’une cellule, ce qui devrait permettre d’éliminer certaines maladies. Ce genre de découverte
révolutionnaire est possible parce qu’une armée de chercheurs s’est mobilisée autour d’une question consensuelle. Ils
ont progressé en reproduisant les expériences des laboratoires concurrents pour montrer que leur propre technique
améliorait tel ou tel paramètre. En comparaison, l’objet de recherche économique, le champ social, est divers et
contextuel ; en ce moment, les macro-économistes italiens sont obnubilés par le chômage et les allemands par les taux
d’intérêts planchers de la BCE. Il est donc difficile de s’accorder sur une grande question à résoudre. Avec une
multitude de questions et autant de données pour les traiter, l’émulation et la concurrence entre laboratoires sont des
moteurs secondaires dans la recherche en économie.
Deuxièmement, mes copains biologistes se heurtent beaucoup moins que moi à des problèmes d’accès aux données.
Le plus souvent, ils les collectent eux-mêmes sur des cobayes. Leur contrainte est donc d’ordre éthique. En économie,
notre contrainte est la disponibilité et la confidentialité ! La plupart des données sont collectées indirectement par des
instituts de statistiques, des banques centrales, des gouvernements, etc. Les questions empiriques sont donc
déterminées par l’existence des données. Par exemple, on vient seulement d’avoir accès à quelques données sur les
activités des banques européennes dans les paradis fiscaux. Il y a donc des questions plus difficiles à traiter que
d’autres… et ce pour des raisons politiques !
Enfin, troisième différence, la principale application de la recherche en biologie est le développement de traitements
médicaux. En économie, c’est la politique publique. Or, la coexistence de groupes sociaux aux intérêts non alignés
entraîne que la mesure publique adoptée dépendra au moins autant de l’équilibre des pouvoirs que de sa capacité
objective (et scientifiquement démontrée) à régler un problème. Là où un seul lobby, le pharmaceutique, interfère
avec le développement thérapeutique, dans un pays, c’est une myriade de groupes sociaux qui défendent leurs
intérêts. En réalité, la grande hypocrisie à prétendre que l’analyse économique peut se faire en laboratoire avec des
pures expérimentations consiste à ignorer que les décisions politiques sont le fruit d’une synthèse d’intérêts
contradictoires.
A ce propos, j’adore la description qu’un ami m’avait faite quand il occupait un poste en cabinet à Bercy. «Le ministre
prend ses décisions en quelques minutes. Pour chaque question, il est bombardé d’avis émanant de l’industrie, de
représentants syndicaux, du patronat, de son parti, etc. Mon job consistait simplement à démonter avec quelques
arguments économiques les doléances les plus fallacieuses» (en vrai il n’a pas utilisé cet adjectif-là…).
(1) Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats ou «courtes répétitions palindromiques groupées et
régulièrement espacées».
Anne-Laure Delatte, Chargée de recherches au CNRS, laboratoire EconomiX, OFCE, professeure invitée à Princeton.
Libération — 19 septembre 2016
“La science économique en crise doit imiter la médecine.” Réflexions sur Romer, Cahuc
et Zylberberg
La semaine dernière, Pierre Cahuc et André Zylberberg ont jeté un pavé dans la mare (certains diraient dans la gueule)
des économistes français en publiant un pamphlet dans lequel ils accusent une bonne partie de leurs collègues de
négationnisme scientifique. Cette semaine, Paul Romer, nouvellement nommé économiste en chef de la Banque
Mondiale, fait de même avec les macroéconomistes américains. Certes, ces deux J’accuse diffèrent substantiellement
en terme d’objectif, d’auditoire, de cible et de fondements épistémologiques. Mais leurs similitudes sont tout aussi
frappantes, en particulier leur volonté de défendre la crédibilité de leur discipline dans un contexte de scepticisme
grandissant, et ce en faisant références aux pratiques de la médicine. Et ces similitudes en disent peut-être aussi long
sur les transformations internes à la discipline que sur ses relations aux politiques et au grand public.
Cahuc, Zylberberg, et l’économie expérimentale face au négationnisme
L’objectif affiché des deux économistes est de corriger la manière dont les médias et le grand public consomment
l’économie. Ils s’émeuvent que des charlatans, dont les travaux ne reposent pas sur des bases épistémologiques
solides, reçoivent une trop grand attention médiatique, et leur pamphlet est d’abord une tentative pour expliquer aux
journalistes quels sont les économistes dont ils devraient relayer les idées. A ces derniers, Cahuc et Zylberberg
proposent donc dès l’introduction un critère de sélection intellectuel :
Depuis 3 décennies […] l’économie est devenue une science expérimentaledans le sens plein du terme. […]
A l’instar de la recherche médicale, l’économie s’attache à bâtir des protocoles
expérimentaux permettant de connaître les causes des phénomènes observés […] Pour savoir si la
dérégulation financière favorise la croissance, si le coût du travail a un effet sur l’emploi, si l’immigration
crée du chômage, si les dépenses publiques relancent l’activité ou si la hausse des impôts la déprime ; et
plus généralement pour toute question où l’on recherche un lien de cause à effet, l’analyse économique
compare des groupes tests au sein desquels ces mesures ont été mises en œuvres, avec des groupes de
contrôle où elles n’ont pas été mises en œuvre.
Cette description de la « bonne science » est complétée, dans l’ultime chapitre, par un critère institutionnel :
En science, c’est le consensus de la communauté des chercheurs, lorsqu’il existe, qui constitue la
meilleure approximation de la « vérité.» Ce consensus repose sur des articles publiés dans des revues
scientifiques [après] une procédure de « critique par les pairs » […] Plus une revue se trouve en haut des
classements, plus la sélection des articles y est sévère, plus crédibilité de ce qui est publié est élevée.
La série de chapitres qui constitue le cœur de l’ouvrage vulgarise donc une série d’article publiés dans les “meilleures
revues,” dont l’objectif est de comprendre les conséquences des
réformes scolaires, de la taxation, de la durée du temps de travail
ou de la régulation financière. Mais l’ouvrage aborde, en pratique,
peu de travaux qui collent le plus à la méthode décrite ci-dessus,
celle des expérimentations par assignation aléatoire. L’un des
exemples développés est le programme américain Moving to
Opportunity dont les résultats montrent que relocaliser des
adolescents de milieux défavorisés dans des environnements plus
aisés ne favorise pas leur réussite scolaire. En fait, Cahuc et
Zylberberg détaillent surtout les résultats d’expériences naturelles,
où l’on utilise des évènements créant accidentellement des
groupes de test et de contrôle. L’exemple canonique est l’étude
dans laquelle Card et Kruegercomparent l’emploi dans les fastfoods de Pennsylvanie et du New Jersey pour savoir si
l’augmentation du salaire minimum (qui a lieu dans l’un des deux
états seulement) affecte le taux d’emploi. Mais ils utilisent
également les résultats de travaux comme ceux deThomas Piketty,
qui cherche à reconstruire des faits stylisés dans une tradition
d’histoire économique, pour discuter d’une augmentation des
taux marginaux d’imposition. A chaque étude citée correspond
une prise de position : les auteurs émettent ainsi des doutes sur
l’efficacité des règlementations financières type taxe Tobin, du
CICE, ou des 35 heures. Se positionnant de manière répétée
comme des économistes “de gauche,” ils affirment que parce que
les résultats de l’économie mainstream ne conduit pas toujours à soutenir des politiques libérales, celle-ci est donc
bien objective.
Cahuc et Zylberberg font le choix de ne jamais aborder les débats autour de certaines expérimentations quand ceux-ci
existent (par exemple sur l’interprétation des résultats d’une expérimentation sur le pre-K schooling, l’équivalent de la
toute petite section, dans le Tennessee). Ils n’abordent aucune des nombreuses critiques faites aux expériences
aléatoires, en particulier les problèmes de validité interne (que mesure-t-on exactement, quels peuvent être les biais ?)
et externe (ces résultats sont-ils généralisables ?). Aucune méthode alternative n’est évoquée, que ce soit les
expériences de laboratoire, en plein boom, l’analyse des faits stylisés, pourtant présente dans le volume, l’économétrie
structurelle, la microéconometrie sur données de panel, ou l’intégration balbutiante destechniques de machine
learning (traitement algorithmique a-théorique d’énormes bases de données) aux pratiques des économètres. Ils
choisissent également d’ignorer que les stratégies de publication des scientifiques et le classement de leurs revues
puissent être eux-mêmes analysés comme des phénomènes sociaux répondant à des contraintes institutionnelles et
des stratégies de pouvoir. Ils ne mentionnent pas l’existence possible de biais dans l’évaluation par les pairs supposée
garante de la scientificité des travaux. Et c’est une stratégie de vulgarisation étrange. Il n’est en effet pas nécessaire
d’avoir lu Angus Deaton pour se demander si les résultats d’une expérimentation menée il y a 15 ans dans un Etat
américain sont transférables au système scolaire ou fiscal français. Et les journalistes français, et le public, ont bien
conscience de l’augmentation considérable du nombre de scandales et de rétractations, en premier lieu dans la
biologie et la médecine.
Le cadre ainsi planté par Cahuc et Zylberberg les amène à considérer que
tous ceux qui ne fondent pas leurs préconisations de politique économique
sur des expérimentations pratiquent, en connaissance de cause, un
négationnisme visant à enfumer le public et les décideurs pour leur profit,
leur prestige ou leur pouvoir. Ces négationnistes qui accaparent la scène
publique comprennent, à leurs yeux, aussi bien des PDG comme Jean-Louis
Beffa que la quasi-totalité des économistes hétérodoxes français, au premier
rang desquels leséconomistes atterrés ou ceux d’Alternative Economique. Les
méthodes d’analyse de ces économistes de l’analyse Keynésienne à celle des
institutions et des modes de régulation économiques, ne sont pas réellement
expliquée dans l’ouvrage. Mais puisqu’elle ne peuvent pas permettre une
identification robuste des causes des phénomènes économiques, elles
mettent, aux yeux des auteurs, leurs défenseurs sur le même plan que ces
intellectuels ayant défendu la charge de Lyssenko contre la génétique ou que
ces scientifiques ayant produit des études brouillant les liens entre tabagisme
et cancer pour le compte de l’industrie du tabac.
Car c’est essentiellement sur les travaux de l’historien Robert Proctor, auteurs
de deux ouvrages décrivant les pratiques du tabac, que les deux économistes
s’appuient. Dans Cancer Wars, puis Golden Holocaust, ce dernier a analysé en
détail le processus par lequel certaines entreprises et lobbies “fabriquent de
l’ignorance” pour leur profit personnel. Le nom qu’il a donné à l’analyse de ce
phénomène “l’agnotologie,” désigne un domaine de recherche désormais très
fécond. Mais contrairement à la majorité des ces études, Cahuc et Zylberberg
n’expliquent pas vraiment quel profit les hétérodoxes tirent de leur
négationnisme. Ils empruntent également à Proctor sa justification de
l’analogie avec l’holocauste. De la même façon que l’historien justifie son choix
par le nombre de décès causés par les agissement de l’industrie du tabac (“a
calamity of epic proportions with too many willing to turn a blind eye, too
many willing to let the horror unfold without intervention”) les économistes
affirment ainsi “qu’à l’échelle de la planète, des politiques fondées sur des
idées fausses se traduisent par des millions de chômeurs, autant de morts et
l’appauvrissement de centaines de millions de personnes. ” Naomi Oreske et
Erik Conway, auteurs d’une célèbre étude des lobbies climatosceptiques parue
en 2010, avaient par comparaison choisi le titre Merchants of Doubt. Le choix
de ce titre, et de l’analogie qu’il porte, autant que les prémisses
épistémologiques des auteurs, a attiré les foudres de nombreux économistes
hétérodoxes parmi lesquels l’un des chefs de l’école régulationiste, André Orléan. Ces mêmes travers ont été soulignés
par un commentaire plus académique de Xavier Ragot, directeur de l’OFCE et macroéconomiste tout ce qu’il y a de
plus “orthodoxe.” Olivier Bouba-Olga explique de son côté que la parfaite neutralité du chercheur, défendue par les
auteurs, est une illusion.
Romer, les modèles DSGE et la pseudoscience
Si Cahuc et Zylberberg ciblent les économistes hétérodoxes, Romer attaque au contraire le cœur de la macroéconomie
orthodoxe, les modèles DSGE. Son auditoire est également différent, puisqu’il s’agit de convaincre les économistes
d’enterrer définitivement ces modèles. L’article est le dernier d’une série d’attaques publiées ces derniers mois, dans
lesquels il expliquait que le problème de la modélisation macroéconomique dominante n’est pas l’utilisation des
mathématiques en soi, mais la mathiness, une complexification factice des modèles visant à en obscurcir la lecture,
afin que le lecteur ne puisse en identifier les présupposés idéologiques ajoutés sous le manteau.
Pour identifier les causes des cycles économiques (les mouvements des prix et les variations de l’emploi), les
économistes comme Lucas, Kydland et Prescott ont construit des modèles post-real aux hypothèses de plus en plus
fantaisistes, explique Romer. Les cycles ne sont pas expliqués par les comportements intrinsèques des agents
économiques mais par des chocs de productivité aux sources ésotériques :
-un type général de phlogiston qui augmente la quantité de biens de consommation produits au moyen
d’inputs donnés.
-un type de phlogiston investment-specific qui augmente la quantité de biens d’équipement produits par
des inputs donnés
-un troll qui change les salaires payés à tous les travailleurs de manière aléatoire
-un gremlin qui change le prix des outputs de manière aléatoire
-l’Ether, qui augmente la tendance des investisseurs à prendre des risques
-une source de chaleur qui pousse les individus à vouloir moins de loisirs
Romer accuse ces macroéconomistes de vouloir rendre plus difficile encore l’identification des causes par l’ajout de ces
variables exotiques. Car plus le nombre de variables d’un système d’équations multiples est important, plus le nombre
de paramètres à estimer est important, et plus l’économiste doit imposer des restrictions a priori sur les
caractéristiques de son modèle (les termes d’erreurs ou les élasticités, par exemple) pour que celui soir identifié.
Ajouter des anticipations rationnelles au modèle augmente encore le nombre de restrictions à apporter. Et, si le
modèle est assez complexe, ces restrictions a priori peuvent être formulées à l’insu de tous de manière à orienter les
résultats en fonction de son idéologie :
With enough math, an author can be confident that most readers will never figure ou here a FWUTV [a
priori belief] is burried. A discussant or referee canot say that an identification assumption is not credible
if they cannot figure out what it is and are too embarassed to ask.
D’après Romer, la calibration, puis l’utilisation de l’approche bayésienne, rendent encore plus aisé l’insertion de
restrictions a priori intraçables dans les modèles macroéconomiques. Une meilleure solution au problème de
l’identification, précise-t-il, serait d’utiliser plus d’expériences naturelles, comme l’ont fait Friedman et Schwartz, puis
Romer et Romer, avec les grandes crises financières et de la déflation Volcker pour comprendre l’impact de la création
monétaire sur l’économie.
Romer considère au total le passage du programme
Friedmanien au programme Lucasien comme une
véritable “régression,” qui a transformé la macroéconomie
en une “pseudoscience,” un terme jusqu’à présent plutôt
utiliser pour discuter de l’astrologie. Là ou Cahuc et
Zylberberg se réfèrent à la littérature sur l’agnotologie,
Romer emprunte au philosophe Mario Bunge. Celui-ci
propose d’étudier un ensemble de caractéristiques clé
pour chaque champ cognitif (sa communauté, son
epistémologie sous-jacente, son mode de formalisation,
ses méthodes etc) afin de séparer les research fields dont
la science fondamentale et appliquée, desbelief fields,
dont les religions, idéologies et pseudosciences. Le titre
choisi par Romer pour son essai, The Trouble with
Macroeconomics est d’ailleurs un clin d’œil à l’ouvrage dans lequel Lee Smolin accuse les théoriciens des cordes de
mettre en danger la science physique par leurs élucubrations pseudoscientifiques.
Sauver la science économique ? Structures sociales et analogie médicales
Les trois auteurs cherchent donc essentiellement à préserver leur discipline de la crise de crédibilité qu’elle connaît
actuellement. Mais si les deux points d’ancrage offerts sont
identiques – assainir les structures sociales internes de la discipline
et ses fondements méthodologiques –, cette convergence cache
en fait des visions très éloignées des problèmes à corriger.
Dans les deux cas, le ton est dur, les accusés explicitement pointés
du doigt. Romer est très explicite sur l’aspect social de la crise que
connaît la macroéconomie aujourd’hui. Il emprunte à Smolin l’idée
que la pseudoscience se développe au sein d’une communauté
scientifique monolithique, et que les croyances non étayées par les
faits se diffusent ensuite par loyauté envers les leaders de ces
approches. Cahuc et Zylberberg n’en disent pas long sur la cuisine
interne de la profession, mais le dernier chapitre fournit néanmoins une des clés pour comprendre l’ouvrage. Fin 2014,
le ministère de la recherche avait failli accéder à la requête des économistes de l’AFEP, qui demandaient la création
d’une nouvelle section CNU pour abriter les économistes hétérodoxes (un précédent avait été la création d’une section
de mathématiques appliquées aux côtés de la section de mathématique historique). La création d’une nouvelle section
fut évitée de justesse parl’intervention de Jean Tirole, et les auteurs reprennent à leur compte son idée que les
pluralistes chercheraient à se soustraire à l’évaluation par les pairs (mais c’est justement pour se soustraire ou
jugement de ces pairs-ci qu’Orléan demande le divorce). Les enjeux de ces débats portent donc autant sur les
méthodes employées que sur les processus de validations des travaux économiques, y compris leur dimension sociale.
La qualité de ces débats bénéficierait de références plus systématiques aux riches analyses des structures sociales de la
discipline publiées par des sociologues comme Marion Fourcade, Daniel Breslau, et, pour le cas français, Fréderic
Lebaron, Olivier Godechot, ou Thomas Angeletti.
Un autre point commun entre les deux textes est la référence aux sciences médicales comme modèle de pratique
scientifique. Les 3 auteurs font référence à l’expérimentation de terrain (naturelle ou contrôlée) comme la méthode la
plus à même de résoudre le problème de l’identification. Mais là ou Cahuc et Zylberberg filent sans réserve la
métaphore médicale, Romer utilise celle-ci pour présenter un tout autre argument. Les premiers se placent dans une
mouvance, en pleine explosion, qui consiste à faire des essais cliniques le nouveau gold standard de la méthode
économique. La validité épistémologique de cette analogie a d’ailleurs été contestée, par exemple parNancy
Cartwright et plus récemment par Judith Favereau (voir aussi ce texte). Mais alors que Cahuc et Zylberberg voient dans
les essais cliniques une méthode pure, ou l’identification de la causalité est débarrassée des scories propres à l’histoire
économique ou aux modèles structurels, Romer utilise au contraire l’analogie médicale comme un appel à mieux
accepter les impuretés de la méthode économique. Il concluait ainsi une version préliminaire de son article par :
Peut-être que cette fois, les macroéconomistes devraient-ils admettre que le naufrage est si grand qu’ils
devraient abandonner leur quête du modèle d’équations simultané ultime. Il serait peut-être plus sage
d’adopter les méthodes désordonnées que les chercheurs en médecine ont utilisés pour faire les
découvertes qui permirent, une fois mises en oeuvre, d’améliorer effectivement la santé.
Ailleurs, Romer explique avoir appris de l’observation des pratiques de son épouse, une chirurgienne ayant travaillé
dans la recherche sur le cancer, que les médecins savent arbitrer entre l’attente d’un traitement dont les effets causaux
seraient nettement identifiés, et les coûts de cette attente en terme de santé. Les économistes feraient bien de s’en
inspirer, et cesser de placer leurs espoirs dans d’hypothétiques (et couteuses) expériences aléatoires, qui tiennent plus
du botox que de la chirurgie. Il faut parfois accepter de mettre en œuvre des politiques économiques aux effets plus
incertains, dont les retombées possibles en terme de bien-être sont très importantes, conclut-il.
L’histoire de l’utilisation de la référence aux sciences médicales par les économistes reste à écrire. Ces dernières
décennies, elle fut popularisée par les promoteurs de l’expérimentation de terrain, comme Josh Angrist qui y voit
l’outil d’une “révolution de la crédibilité” ou Esther Duflo. Mais celle-ci était largement absente des premières
expérimentations sociales. Heather Ross, qui, doctorante au MIT dans les années 1960, a dirigé l’une des premières
expérimentations économiques (sur l’impôt négatif), justifiait celle-ci sans référence à la médecine. Il était simplement
nécessaire de mettre en place despilotes avant de généraliser une politique sociale, expliquait-elle. Il est également
intéressant de noter que les avocats de l’utilisation d’expériences de laboratoire en économie n’ont jamais utilisé cette
comparaison. Mais il semble qu’on entre aujourd’hui dans une nouvelle phrase, qui laisse à penser qu’une medicine
envy se substitue à laphysics envy dont souffraient traditionnellement les économistes. Car la défense de l’analogie
médicale ne se limite plus aux randomistas. Ni Cahuc ni Zylberberg ne pratiquent en effet les méthodes expérimentales
qu’ils prêchent. Les deux économistes du travail ont construit leur réputation sur le développement de modèles de
matching à la Mortensen et Pissarides. Au milieu du bruit et de la fureur générés par ces brulots, il est bien difficile de
séparer la dimension épistémologique de l’analogie médicale de son utilisation rhétorique. Mais si je ne m’épuisais pas
déjà à convaincre mes collègues économistes de lire leur histoire, j’aurais pu leur suggérer d’aller consulter l’histoire
des essais cliniques en médecine, ainsi que les débats qu’ils suscitent encore.
Béatrice Cherrier – The undercover historian – 18 septembre 2016 https://beatricecherrier.wordpress.com/2016/09/18/la-science-economique-en-crise-doit-imiter-la-medecinereflexions-sur-cahuc-zylberberg-et-romer/
Mauvaise foi et courte vue. A propos du livre de Cahuc et Zylberberg
La brutalité, pour ne pas dire l’ignominie, du titre de l’ouvrage de P. Cahuc et A. Zylberberg (Le négationnisme
économique) et du sous-titre (et comment s’en débarrasser)[1], interpelle à raison ceux qui sont visés. La juste
indignation d’économistes comme Michel Husson, André Orléan[2] ou Henri Sterdyniak[3], ou de l’Association
Française d’Economie Politique (AFEP) est à la mesure de l’insulte proférée à l’encontre de ceux qui, comme eux, ne
s’inscrivent pas dans le courant de l’économie dominante. La réponse circonstanciée du premier à Cahuc et Zylberberg
montre l’inanité de la critique qu’ils portent, en soulignant avec malice qu’ils ne semblent pas avoir eux-mêmes
produit de travaux relevant de l’économie expérimentale, qui serait pourtant devenue l’essence même de la science
économique contemporaine[4].
Vous avez dit expérimentation ?
Nous avons essayé, pour notre part, de prendre au sérieux les propos des deux chercheurs, qui placent donc au centre
de la science économique la méthode expérimentale. Par cette dernière, l’économie se situerait désormais du côté de
sciences comme la physique ou la médecine. Elle leur emprunterait l’idée de constituer des groupes afin de tester ce
que l’on appelle en médecine un « traitement » (médicament, protocole…) et qui revient à un programme ou à une
politique en économie. En constituant un groupe test (qui bénéficie de ce que l’on souhaite mesurer) et un groupe
témoin (qui n’en bénéficie pas), si possible par tirage au sort afin qu’ils soient les plus semblables possible, et en
comparant des indicateurs de résultats au bout d’un certain temps, on devrait être en mesure de mettre en avant des
effets de la politique dont on souhaite estimer les effets. Cette démarche est au cœur de l’ouvrage de P. Cahuc et A.
Zylberberg. C’est au MIT de Boston qu’on trouve le porte étendard de l’expérimentation en économie, une célèbre
économiste française, Esther Duflo. Au sein de son laboratoire, elle applique cette méthode à des centaines de projets
dans le monde entier, et plus particulièrement dans les pays pauvres[5].
Quoique l’inflexion expérimentale d’une partie de la recherche en économie semble être avérée, il est permis de
relever ses travers, tels qu’ils transparaissent dans Le négationnisme économique. Tout d’abord, notons que les deux
auteurs ont une définition imprécise de ce qu’est une expérimentation, puisque certains exemples qui figurent dans
leur ouvrage n’en relèvent tout simplement pas. Par exemple, on ne trouve pas, dans la célèbre étude de Card et
Krueger sur le salaire minimum aux États-Unis[6], de cadre expérimental, alors qu’elle présentée dans l’ouvrage
comme symbolique de ce tournant qu’aurait pris l’économie. Card et Krueger profite simplement d’une différence de
salaire minimum entre deux Etats américains pour y appliquer une technique statistique, mais cette différence n’a pas
elle-même été pensée pour prendre part à une expérience.
D’ailleurs, que sont vraiment les expérimentations, et que montrent-elles ? Sans ouvrir un débat épistémologique trop
pointu, accordons-nous simplement sur le fait qu’elles supposent une intervention active d’un-e chercheur-e, qui doit
mettre en place un protocole à des fins de mesures. Louis Pasteur, lorsqu’il teste son vaccin contre la maladie du
charbon sur deux groupes de moutons (un témoin, l’autre test), procède bien à une expérience[7]. Lorsque des
économistes montent un projet afin de savoir si la distribution de manuels scolaires à des écoliers kényans améliore
leur niveau, nous sommes toujours dans le cadre expérimental[8]. Mais nombreux sont les travaux sur lesquels
s’appuient Cahuc et Zylberberg qui n’en relèvent pas. Certes, ils cherchent à mesurer des effets, mais sans
préalablement avoir mis en place un protocole à des fins évaluatives.
Tester ou comprendre ?
Au-delà de ce problème de définition, il nous faut évoquer ce que montre, en toute rigueur, une expérimentation.
Pour le comprendre, il faut revenir à une différence incontournable bien qu’apparemment ignorée de Cahuc et
Zylberberg, alors qu’elle est bien établie en médecine. Il s’agit de la différence entre les preuves d’efficacité et les
preuves de causalité[9]. Les premières renvoient au fait qu’un « traitement » produise des effets, qu’il soit donc «
efficace », bref, qu’il marche. Les deuxièmes renvoient aux causes de ces effets. La nuance paraît ténue, mais elle est
fondamentale, car un « traitement » peut marcher sans que l’on sache exactement pourquoi. C’est le cas par exemple
de l’acupuncture en complément du cancer[10]. Son efficacité est prouvée, mais on peine à en comprendre les raisons.
Cette différence doit être pensée en économie dès lors qu’on expérimente.
Pour reprendre l’exemple évoqué plus haut des manuels scolaires, admettons qu’à la fin de l’année scolaire, le groupe
d’écoliers les ayant reçus obtienne de meilleurs résultats aux examens que le groupe de ceux n’ayant rien reçu. On
peut légitimement en déduire que « les manuels marchent », puisqu’ils élèvent le niveau. Pour autant, l’expérience en
elle-même ne dit rien des causes. Les manuels ont-ils été utilisés par les élèves du groupe test ? Ces derniers ont-ils été
plus encouragés que les autres d’un point de vue pédagogique ? Est-ce que leur distribution a valorisé les élèves, à tel
point qu’ils se sont davantage investis ? Est-ce que les enseignants, au vu des moyens supplémentaires dont
disposaient leurs élèves, en ont été remotivés ? Est-ce que ce sont les parents qui ont davantage poussé leur
progéniture ?
On le voit : efficacité n’est pas causalité. Une expérimentation à elle seule ne peut suffire à dévoiler les mécanismes
causaux, que ce soit en médecine ou en économie, car les méthodes statistiques ne sauraient en elles-mêmes dévoiler
des causalités[11]. Il est ainsi parfaitement inexact de déclarer que « c’est ainsi que la médecine résout le problème de
la causalité[12] ».
En l’état, ce que l’on peut tirer, sur le plan des connaissances, d’une lecture brute d’une expérimentation, est bien
pauvre. Contrairement à ce que laissent entendre Cahuc et Zylberberg, elles ne sont pas suffisantes à elles seules. Elles
doivent nécessairement être complétées par un appareillage théorique adéquat et, en ce qui concerne les
expérimentations dans le monde social, il paraît incontournable de ne pas s’armer uniquement de méthodes
quantitatives pour espérer dévoiler la causalité. L’exemple des manuels scolaires le montre. Un traitement purement
quantitatif ne saurait dévoiler les chaînes causales en jeu.
Pour le moment, nous savons déjà qu’une expérimentation, en économie comme ailleurs, peut éventuellement
montrer si quelque chose marche, mais non pourquoi, comme le relève Angus Deaton[13], dernier « Nobel »
d’économie en date et farouche opposant des expérimentations aléatoires telles que pratiquées par Esther Duflo et
promues par nos deux auteurs.
Le problème de la généralisation
Ajoutons que les enseignements que l’on peut tirer d’une expérimentation sont également limités par ce que l’on
appelle dans la littérature spécialisée la « validité externe », c’est-à-dire la capacité des conclusions tirées à tenir dans
un autre contexte spatial, temporel, social, culturel…
Pour bien comprendre son importance, revenons à l’expérimentation sur les manuels scolaires dans une région du
Kenya. En quoi ses résultats nous informent-ils sur les effets d’une telle politique dans une autre région ? Dans un
autre pays ? Sur un autre continent ? À une autre époque ? Cette limite n’est triviale qu’en apparence, et semble un
peu rapidement laissée de côté par les défenseurs de l’approche expérimentale, comme Cahuc et Zylberberg. Par
définition, une expérimentation est localisée et inscrite dans le temps. Prétendre qu’elle serait à même de produire
des connaissances de portée universelle apparaît très exagéré, si l’on ne se donne pas les moyens de prendre en
compte les particularités du cadre dans lequel elle a été réalisée.
L’étude sur les 35 heures qu’ils citent dans leur ouvrage est symptomatique de la tendance qu’ils ont à tirer de
conclusions générales d’études particulières. La méthode expérimentale ne saurait à elle seule tenir lieu de science
économique, qui aborderait le monde réel, celui qu’elle prétend décrire et comprendre, comme un vaste laboratoire à
ciel ouvert.
Le livre de Cahuc et Zylberberg peut se lire comme un vaste catalogue de travaux d’évaluation d’objets divers, comme
la réduction du temps de travail, la politique industrielle ou encore la finance. De ce point de vue, il fait penser aux
deux ouvrages écrits par Esther Duflo qui résument et vulgarisent nombre d’expérimentations aléatoires produites par
les économistes de son laboratoire, le Poverty Action Lab (J-PAL)[14]. Dans les deux cas, on peine à en dégager des
enseignements clairs, tant la question de la cumulativité des connaissances ainsi produite est absente. Que tirer de ces
centaines d’articles, d’autant qu’il n’est pas rare qu’ils aillent dans des sens opposés ? Dans Le négationnisme
économique, il est écrit que l’intervention publique en matière d’éducation n’est pas une bonne option. Certaines
études expérimentales, dont parle Duflo, tendent à montrer l’inverse[15]. Au final, on peine donc à formuler des
conclusions générales, ce qui est pourtant l’objectif de Cahuc et Zylberberg dans leur ouvrage. La profusion de ces
recherches, expérimentales ou non mais toujours dans une perspective évaluative, en constitue une limite heuristique
majeure.
Le point de vue bien souvent adopté par ce genre d’études, microéconomique et parfois mésoéconomique, en mine la
portée car il laisse de côté des déterminants importants des dynamiques économiques contemporaines. Comme le
disait Michel Armatte dans un séminaire à l’EHESS il y a quelques années, il s’agit bien là de « raconter plein de petites
histoires pour éviter de raconter la grande. » C’est à cette aune que peut se mesurer l’économie défendue par Cahuc et
Zylberberg : un condensé de travaux partiels et partiaux, qui peinent à dessiner et à analyser la structure du
capitalisme contemporain, en refusant une approche qu’on pourrait qualifier d’économie politique, pour se limiter à
singer les procédures qu’ils croient à l’œuvre en médecine. Sans doute est-ce là une trace de ce que Frédéric Lordon
appelait « le désir de “faire science”[16] » qui taraude depuis si longtemps les économistes…
[1] Pierre Cahuc et André Zylberberg, Le Négationnisme économique et comment s’en débarrasser, Flammarion, 2016.
[2] André Orléan, « Quand Messieurs Cahuc et Zylberberg découvrent la science », AlterEco Plus, 2016, 12/09/2016.
[3] Henri Sterdyniak, « “Négationnisme économique” : ce pamphlet est ignoble. C’est un appel direct à l’épuration », Le
Plus, 2016, 11/09/2016.
[4] Comme il est écrit au début de leur ouvrage : « L’économie est devenue une science expérimentale. » Voir P. Cahuc et A.
Zylberberg, Le Négationnisme économique et comment s’en débarrasser, op. cit., p. 4.
[5] Pour une courte de présentation de son travail, voir Esther Duflo, Expérience, science et lutte contre la pauvreté, Paris,
Fayard, 2009. Pour une analyse critique, on peut se référer à Arthur Jatteau, Les expérimentations aléatoires en économie,
Paris, La Découverte, 2013.
[6] David Card et Alan B. Krueger, « Minimum wages and employment: a case study of the fast-food industry in New Jersey
and Pennsylvania », American Economic Review, 1994, vol. 84, no 4, p. 772-793.
[7] Anne Fagot-Largeault, « Les origines de la notion d’essai contrôlé randomisé en médecine », Cahiers d’histoire et de
philosophie des sciences, 1992, no 40, p. 281-300.
[8] Paul Glewwe, Michael Kremer et Sylvie Moulin, « Many children left behind? Textbooks and test scores in Kenya »,
American Economic Journal: Applied Economics, 2009, vol. 1, no 1, p. 112-135.
[9] Ulrich Abel et Armin Koch, « The role of randomization in clinical studies: myths and beliefs », Journal of Clinical
Epidemiology, 1999, vol. 52, no 6, p. 487-497. Pour une perspective historique, voir Grégoire Chamayou, Les corps vils :
expérimenter sur les êtres humains aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, La Découverte, 2013.
[10] Catherine Laurent, Jacques Baudry, Marielle Berriet-Solliec, Marc Kirsch, Daniel Perraud, Bruno Tinel, Aurélie Trouvé,
Nicky Allsopp, Patrick Bonnafous, Françoise Burel, Maria José Carneiro, Christophe Giraud, Pierre Labarthe, Frank Matose
et Agnès Ricroch, « Pourquoi s’intéresser à la notion d’ “evidence-based policy” ? », Tiers Monde, 2009, no 200, p. 853-873.
[11] U. Abel et A. Koch, « The role of randomization in clinical studies », op. cit.
[12] P. Cahuc et A. Zylberberg, Le Négationnisme économique et comment s’en débarrasser, op. cit., p. 17.
[13] Angus Deaton, « Instruments, randomization, and learning about development », Journal of Economic Literature,
2010, vol. 48, no 2, p. 424-455.
[14] Esther Duflo, Le développement humain, Paris, Seuil, 2010 ; Esther Duflo, La politique de l’autonomie, Paris, Seuil,
2010.
[15] Pour ne donner qu’un seul exemple : Edward Miguel et Michael Kremer, « Worms: identifying impacts on education
and health in the presence of treatment externalities », Econometrica, 2004, vol. 72, no 1, p. 159-217.
[16] Frédéric Lordon, « Le désir de “faire science” », Actes de la recherche en sciences sociales, 1997, vol. 119, p. 27-35.
Arthur Jatteau – 20 septembre 2016 - http://www.contretemps.eu/negationnisme-cahuc-zylberberg/
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