Il ne s’agit plus simplement d’acquérir la « maîtrise » d’une, deux, voire même trois
langues, chacune de son côté, avec le « locuteur natif idéal » comme ultime modèle. Le
but est de développer un répertoire langagier dans lequel toutes les capacités linguistiques
trouvent leur place
le font apparaître, a posteriori, comme un concept monolithique qui ne répond plus de
façon adéquate aux exigences de la communication internationale:
a) l’objectif de la maîtrise des langues conditionne fortement l’approche multilingue, en
ce qu’il suppose le développement parallèle et égal des compétences. Il sous-tend donc
une aspiration à la perfection qui frôle l’utopie, si l’on considère les contextes
institutionnels (nombre d’heures réservé aux langues, supports didactiques limités, etc.)
dans lesquels cette maîtrise devrait se concrétiser. D’un autre côté, cette perspective
amène l’apprenant à devoir se rapprocher le plus possible, voire s’identifier avec le
modèle du locuteur natif dont il semble indispensable de s’approprier le répertoire
langagier et la prosodie. Cela suppose, avant tout, l’existence d’un locuteur idéal qui
maîtriserait parfaitement tous les aspects et les dimensions de sa propre langue. Or, cette
hypothèse est démentie, d’une part, parce que toute connaissance d’une langue,
maternelle soit-elle, est toujours partielle et déséquilibrée; de l’autre, parce qu’il existe,
dans la plupart des réalités, une divergence indéniable entre langue-système et langue-
usage qui se manifeste à travers les variétés linguistiques (locales, régionales, sociales,
générationnelles)
. Chaque locuteur utilise sa langue de façon diversifiée selon le
contexte d’énonciation, mais aussi selon son origine, son niveau de culture et sa position
sociale. Il est légitime de se demander alors quel serait le modèle à imiter.
Enfin, la volonté d’identification non seulement représente un enjeu inutile, mais elle
n’est pas souhaitable car elle fait fi de la personnalité, de l’identité et du patrimoine
linguistique et culturel de l’apprenant;
b) le contexte d’apprentissage multilingue, en vertu de ses objectifs rigides, a souvent
créé des compartiments étanches entre les langues étudiées. Suivant les principes de
l’acquisition linguistique naturelle, du temps limité consacré à l’apprentissage et de
l’implication maximale de l’apprenant
, la langue est considérée comme un savoir qui
doit être approprié par exposition intensive et/ou par immersion. Ce qui conduit à
reproduire les conditions naturelles d’acquisition au moyen du « bain de langue ». Pour
synthétiser, l’objectif est de faire de la langue étrangère l’objet et le moyen
d’apprentissage, de la fonctionnaliser en usage et non pas uniquement en simulation. Si
certains de ces principes « immersifs » sont louables, ils ont eu pour effet un double
cloisonnement. Le premier aux dépens de la langue maternelle de l’apprenant (L1),
considérée comme une source d’interférences et de transferts et non pas comme une
ressource où puiser des connaissances, des compétences et des stratégies consolidées
favorables à l’apprentissage d’une autre/d’autres langue(s). Le deuxième, entre les
différentes langues étrangères étudiées, aboutissant souvent à une superposition ou
juxtaposition de compétences distinctes (p. 129). Le mot d’ordre étant d’éviter les
Voir, entre autres, GADET F., La variation sociale en français, Paris, Ophrys, 2003, pp. 7-10.
COSTE, D., Alternances didactiques, « Etudes de linguistique appliquée », 108, 1997, pp. 393-394.