familiaux pour une greffe de moelle troublera les liens et ses alliances dans la famille.
Mais sans aucun doute, les traitements renvoient au cancer, i la mort, de par le but
poursuivi : faire r6gresser la maladie, obtenir une r6mission, voire une gudnson. Les
traitements sont une lutte, comme il est dit "combattre la maladie". Un Combat dont la
n6cessit6 essentielle est de posrposer la mort, dans un temps le plus 6loign6 possible,.
Gagner du temps sur cette mort qui arrive toujours trop t6t. Mais avec les traitements, le
r6el du corps habitd par la mort va s'inscrire. Pour cerlains patients, pour qui ce rdel ne
montrait aucun symptome physique, c'est avec les effets secondaires des traiiements qu'il
va prendre sens. Effets secondaires qui peuvent Ctre transitoires, tels que I'alopdcie, les
naus6es, les vomissements, les modifications du go0t, de I'odorat, ... ou ddfinitifs tels
que la stdrilitd, I'amputation d'un membre, d'un organe... Avec les effets secondaires
des traitements, c'est la p€rte des repBres corporels : la perte du sein, des cheveux,
I'installation d'une mdnopause pr6coce, des variations pond6rales parfois importantes, ...
Nombreux sont les patients qui d6cident ne plus se reconnaitre, ne plus €tre femme,
homme, se vivre vieux avant l'6ge, ... et m6me se percevoir comme un mort en sursis.
Telle cette patiente, 6g6e de 4O ans, ayant un cancer du sein g6n6ralis6 pour lequel elle
avait d6ja regu de nombreuses chimioth6rapies, qui un jour me dit : "Je n'ai que des
artifices, ce n'est pas moi, tout est dessin6. Lorsque je rentre le soir, j'enldve ma
pemtque, je me d6maquille, il n'y a plus de sourcils. Ce que le miroir me montre, c'est
une nudit6 i fleur de peau. Signe d'une condamnation a mort, puis la peau part".
Un corps qui, pour de nombreux malades, devient un objet d'horreur pour eux,
mais aussi pour I'entourage. Plusieurs patients m'ont rapportd les difficultds li6es d ces
modifications corporelles, avec surtout les enfants. Ceux-ci ont peur car ils ne les
reconnaissent plus. Jorge SEMPRUN dans son livre "L'6cnture ou la vie" 6crit : "Je
voyais mon corps, de plus en plus flou, sous la douche hebdomadaire. Amaigri mais
vivant : le sang circulait encore, rien d craindre, ga suffirait, ce corps amenuisd mais
disponible, apte i une survie r€v6e, bien que peu probable. I-a preuve, d'ailleurs, je suis
ta.
k Moi semble accepter de nombreux sacrifices pour 6viter son effondrement par
la menace suprdme de l'an6antissement par la mort. Un but : vivre, m6me si le prix payd
est comme pour cette patiente de 4O ans : une alopdcie ddfinitive, de I'arthrose, la stdrilitd,
la m6nopause, de nombreuses cicatrices, la fatigue, une exacerbation de ses allergies, une
sdcheresse de la peau, des muqueuses ... et au cours des traitements, en plus, la perte des
ongles, de rdflexes, d'hypoesth6sie des membres, des naus6es, de I'an6mie, des
infections diverses li6es i la leucopdnie... Toutes ces modifications font 6cho dans
I'histoire du patient. Ainsi, pour cette patiente que je viens de ddcrire, I'alopdcie la
renvoie d ses premidres ann€es de vie of elle avait, comme elle disait, la boule d z€ro. l-z
seule personne d qui elle se montrait sans p€rruque ou coiffe, 6tait sa mbre, car celle-ci
I'avait connue comme cela. Des yeux dans lesquels elle se reconnaissait. Pour les autres
regards, ce nu-t6te 6tait un signe ext6rieur de maladie etelle y lisait l'horreur. De plus, la
m6nopause, la fatigue, les probldmes de peau lui renvoyaient aussi une perception d'elle-
m6me qui 6tait d'6tre une petite vieille. Mais avec I'alopdcie, la st6rilitd et la cicatrice au
sein, son identitd de femme 6tait aussi touchde. Elle ne savait plus si elle 6tait jeune ou
vieille, femme ou ayant un sexe, disait-elle, ind6termin6. "Je ne parviens pas d retrouver
mon image f6minine, c'est la plaie ouverte du cancer". Pour cette patiente, la lutte contre
la mort primera car la maladie poursuivra son chemin sans rdpit. Pour les autres patients,
c'est parfois par ces modifications corporelles qu'ils prennent conscience que leur corps
existe et qu'ils existent. C'est par l'absence de I'organe qu'ils r6alisent son importance.
Pour ces patients, le corps va devenir un objet d'intdr€t. Ils vont 6tre i son 6coute. Mais
une dcoute parlois perturMe car ils n'en reconnaissent ou ne connaissent pas le sens. Un
corps qui souvent, par son silence, inquibte. Que se passe-t-il ? Une patiente 6tait
heureuse d'entendre les bruits aMominaux, car ils 6taient signes de vie. Mais certains
effets de ces traitements peuvent devenir des repdres auxquels le patient s'accroche,