Fibration de Hitchin et endoscopie
Ngˆo Bao Chˆau
Mermoz, d´ecid´ement, s’´etait retranch´e derri`ere son
ouvrage, pareil au moissonneur qui, ayant bien li´e
sa gerbe, se couche dans son champ.
Terre des hommes. Saint Exup´ery.
R´esum´e
We propose a geometric interpretation of the theory of elliptic
endoscopy, due to Langlands and Kottwitz, in terms of the Hitchin
fibration. As applications, we prove a global analog of a purity conjec-
ture, due to Goresky, Kottwitz and MacPherson, for groups of adjoint
type. For unitary groups, this global purity statement has been used,
in a joint work with G. Laumon, to prove the fundamental lemma over
a local fields of equal characteristics.
Nous proposons dans cet article une interpr´etation g´eom´etrique de la
th´eorie d’endoscopie elliptique, due `a Langlands et Kottwitz, `a l’aide de la
fibration de Hitchin.
L’espace de module Mdes paires de Hitchin (cf. [10]) d´epend de la
donn´ee d’une courbe projective lisse X/ qet d’un fibr´e inversible Lsur
Xet d’un scema en groupes r´eductifs Gau-dessus de X. Il param`etre les
paires (E) o`u Eest un G-torseur sur Xet o`u ϕest une section globale du
fibr´e vectoriel ad(E)⊗ L. Le nombre de q-points de Ms’exprime formel-
lement comme le cˆot´e g´eom´etrique de la formule des traces sur l’alg`ebre de
Lie pour une certaine fonction test tr`es simple. Le d´ecoupage de la formule
des traces en classes de conjugaison stables correspond de fa¸con ´evidente au
morphisme de Hitchin f:M → associant `a une paire (E) le polynˆome
caract´eristique de l’endomorphisme infinit´esimal ϕ. L’espace affine de Hitchin
dont la dimension d´epend du triplet (X,G,L), param`etre ces polynˆomes
caract´eristiques. La somme des inegrales orbitales globales dans une classe
de conjugaison stable donn´ee a(k), compte formellement le nombre de
Universit´e Paris Sud, UMR 8628
1
points rationnels de la fibre de Hitchin f1(a) ; ces nombres pouvant ˆetre
infinis pour les caract´eristiques anon elliptiques.
Pour un groupe Gsemi-simple, il y a un ouvert dense ell de au-
dessus duquel le morphisme fest propre, en particulier de type fini et o`u
les inegrales orbitales consistent en des sommes finies. Cet ouvert contient
les classes de conjugaison stable rationnelles qui sont g´eom´etriquement el-
liptiques c’est-`a-dire les classes qui restent elliptiques apr`es toute extension
du corps des constants. Dans ce travail, nous nous sommes limit´es `a cet ou-
vert elliptique. Notre notion d’ellipticit´e est un peu diff´erente de la notion
standard, elle concerne uniquement le tore et non le centre de G
Du cˆot´e automorphe, Langlands [16] et Kottwitz [13] ont r´e´ecrit la partie
elliptique de la formule des traces en une somme o`u on voit apparaˆıtre une
premi`ere sommation sur l’ensemble des classes de conjugaison stables des
tores maximaux Tde Gd´efinis sur le corps global de X, puis une deuxi`eme
sommation sur les ´el´ements κˆ
TΓo`u ˆ
Test le tore dual complexe de T, muni
d’une action finie du groupe de Galois Γ du corps Fdes fonctions rationnelles
de X. L’objet de cet article est de donner une interpr´etation g´eom´etrique de
cette formule, autrement dit de trouver une d´ecomposition de l’image directe
f`, du moins de sa restriction `a l’ouvert elliptique.
De notre point de vue, il est naturel d’intervertir l’ordre dans la som-
mation ci-dessus. On trouvera d’abord une d´ecomposition canonique de la
cohomologie perverse de la fibration de Hitchin en somme directe
pHi(fell
`) = M
[κ]
pHi(fell
`)[κ].
Cette somme s’´etend sur l’ensemble des classes de W-conjugaison [κ] des
caract`eres d’ordre fini κ:×o`u on a not´e le groupe des coca-
ract`ere du tore maximal abstrait de G. La relation pr´ecise entre Tet κ, en
l’occurrence κˆ
TΓ, inh´erente `a la formule de Langlands et Kottwitz, se
traduira, dans notre approche, en une estimation du support de la partie [κ]-
isotypique pHi(f`)[κ]. On d´emontre que la partie κ-isotypique est support´ee
par l’image dans de l’espace affine de Hitchin Hdu groupe endoscopique
Hassoci´e `a κ.
Dans la d´emonstration r´ecente du lemme fondamental pour les groupes
unitaires [18], cette description du support a jou´e le rˆole d’un ´enonc´e de
puret´e analogue `a une conjecture de Goresky, Kottwitz et MacPherson [8].
On pourrait s’attendre `a ce qu’il en est de mˆeme en g´en´eral.
L’ingr´edient de base pour construire la [κ]-d´ecomposition est l’existence
d’une action d’un champ de Picard relatif P/ sur la fibration de Hitchin
M/. Par exemple, si G= GL(n), on peut associer `a toute caract´eristique
2
a, un revˆetement spectral YaXfini de degr´e nqui est r´eduite
pour des caract´eristiques aassez g´en´eriques. D’apr`es Hitchin [10] et
Beauville, Narasimhan et Ramanan [2], la fibre f1(a) = Mas’identifie `a
la jacobienne compactifi´ee de Ya. Dans ce cas, le champ de Picard Pan’est
autre que la jacobienne de Yaet l’action de Pasur Maest l’action ´evidente
de la jacobienne sur la jacobienne compactifi´ee par produit tensoriel. Dans
le cas des groupes classiques, on peut ´egalement deviner Pet son action sur
M. La d´efinition uniforme du champ de Picard P/ est fond´ee sur le scema
en groupes Jdes centralisateurs r´eguliers de G.
Le champ de Picard relatif P/ agit sur la fibration de Hitchin et par
cons´equent, sur les faisceaux de cohomologie pHi(f`). Le lemme d’homo-
topie (cf. [18] 3.2) nous dit que cette action se factorise `a travers une action
du faisceau π0(P/ ) dont la fibre en un point g´eom´etrique aest le
groupe des composantes connexes π0(Pa). Dans un voisinage de a,pHi(f`)
se d´ecompose selon les caract`eres de π0(Pa) et en d´ecomposant, on peut faire
apparaˆıtre les caract`eres endoscopiques κ.
L’action du champ de Picard Psur la fibration de Hitchin peut ˆetre
consid´er´ee comme l’interpr´etation g´eom´etrique de l’op´eration d’extraction de
l’inegrale orbitale globale un volume ou un nombre de Tamagawa. L’int´egrale
orbitale globale divis´ee par ce volume, se d´ecompose alors en un produit
d’inegrales orbitales locales. Cette formule de produit s’interpr`ete g´eom´e-
triquement : le quotient d’une fibre de Hitchin Mapar le champ de Picard
fibre Pase d´ecompose en un produit. A partir de cette formule produit, on
retrouve l’obstruction cohomologique, construite par Langlands et Kottwitz,
pour qu’une collection des classes de conjugaison locales, toutes dans une
classe de conjugaison stable donn´ee, se recollent en une classe de conjugaison
rationnelle : l’obstruction se trouve tautologiquement dans H1(k,Pa).
Remerciements. Cet article est profond´ement influenc´e par ceux de Kott-
witz sur l’endoscopie. De plus, dans le calcul crucial de π0(Pa), on utilise
deux lemmes dus `a Kottwitz.
J’ai profit´e de nombreuses conversations avec G. Laumon sur la fibration
de Hitchin et sur le lemme fondamental. Quand je commen¸cais `a ´etudier la
fibration de Hitchin et le lien avec l’endoscopie, il m’a sugg´er´e de compter le
nombre de points de l’espace de module de Hitchin : ce comptage s’est relev´e
particuli`erement inspirant pour la suite. Sa vigilance m’a ´egalement permis
de rectifier et d’am´eliorer l’´enonc´e de la [κ]-d´ecomposition.
Je remercie L. Breen et M. Raynaud pour leur aide pr´ecieuse dans la
r´ealisation de ce travail et tout particuli`erement A. Abbes qui m’a indiqu´e
une r´ef´erence utile `a EGA IV.3. Par ailleurs, la tenue d’un groupe de travail
sur l’endoscopie et le lemme fondamental au printemps 2003, `a l’IHES et
3
`a l’Universit´e Paris 13, m’a ´et´e une grande aide. Je saisis l’occasion pour
remercier ses participants, en particulier P.-H. Chaudouard, J.-F. Dat, L.
Fargues, A. Genestier et L. Lafforgue. Je remercie enfin J.-F. Dat et D.
Gaitsgory pour leurs lectures attentives du manuscript qui m’ont permis de
corriger quelques erreurs.
1 Comptage des paires de Hitchin
Soit k=qun corps fini et ksa clˆoture alg´ebrique. Dans tout l’article,
on va supposer que la caract´eristique de kest suffisamment grande. On en
donnera une borne pr´ecise dans §2.
Soit Xune courbe projective lisse g´eom´etriquement connexe sur k. Notons
η= Spec(F) son point g´en´erique, F´etant le corps des fonctions de Xet
notons |X|l’ensemble des points ferm´es de X. Pour toute v∈ |X|, notons
Fvla compl´etion de Fpour la topologie v-adique. On va fixer un diviseur
effectif D=Pv∈|X|dv[v] de degr´e d=Pv∈|X|dvdeg(v). Soit OX(D) le fibr´e
en droites associ´e `a ce diviseur et LDle m-torseur sur Xassoci´e `a ce fibr´e
en droites.
Soit un groupe r´eductif connexe d´eploy´ee 1sur ket Gun sch´ema en
groupes sur Xqui localement pour la topologie ´etale de X, est isomorphe `a
X×. Le groupe des automorphismes de est un groupe alg´ebrique sur k
qui s’ins`ere dans la suite exacte
1ad Aut( ) Out( ) 1
o`u ad est le quotient de par son centre et o`u Out( ) est un groupe fini,
cf. [21]. Le groupe a des ´epinglages d´efinis sur k, fixons-en un. Le sous-
groupe de Aut( ) fixant ce scindage s’envoie bijectivement sur Out( ) et
induit donc un scindage Out( ) Aut( ) de la suite exacte ci-dessus.
Soit xun point g´eom´etrique de X. La donn´ee de Ginduit un Aut( )-
torseur τGsur Xdont la classe d’isomorphisme est un ´el´ement
[τG]H1(π1(X,x),Aut( )(k)).
En utilisant la projection Aut( ) Out( ) on obtient un Out(G)-torseur
τOut
G. La classe s’isomorphisme
[τOut
G]H1(π1(X,x),Out( ))
1. Tout groupe r´eductif connexe sur un corps fini est quasi-d´eploe et cela suffit pour
nous. N´eanmoins, comme sert seulement comme mod`ele auquel Gest localement iso-
morphe `a pour la topologie ´etale, il n’y a pas de raison de pas supposer eploy´e.
4
consiste en un homomorphisme [τOut
G] : π1(X,x)Out( ) puisque ´etant
d´eploe, l’action de π1(X,x) sur Out( ) via Gal(k/k) est triviale. Nous allons
noter Θ l’image de π1(X,x) dans Out( ) et XΘle revˆetement fini ´etale
irr´eductible de Xde groupe de Galois associ´e.
Le rel`evement Out( ) Aut( ) construit `a partir du scindage, nous
donne `a nouveau un Aut( )-torseur τext
G. Ce torseur correspond `a un scema
en groupes quasi-d´eploe Gext sur Xdont Gest une forme int´erieure. Le
scema en groupes Gest quasi-d´eploy´e si les Aut( )-torseurs τGet τext
Gsont
isomorphes.
On appelle paires de Hitchin, par rapport `a X,G et OX(D), les paires
(E) o`u Eest un G-torseur sur Xet o`u ϕH0(X,ad(E)⊗ OX(D)), ad(E)
´etant est le fibr´e vectoriel sur Xobtenu en tordant le fibr´e vectoriel Lie(G)
muni de l’action adjointe de Gpar le G-torseur E. On consid`ere le champ M
classifiant ces paires. Il associe `a tout q-scema Sla cat´egorie en groupo¨ıdes
des paires (E) o`u Eest un G-torseur sur X×Set o`u ϕH0(ad(E)
pr
XOX(D)), prX:X×SX´etant la projection ´evidente sur X. C’est un
champ alg´ebrique.
On va d´ecrire de fa¸con ad´elique la cat´egorie M(k) des paires de Hitchin
d´efinies sur k. Soit (E) un objet de M(k). La classe d’isomorphisme de la
fibre g´en´erique de Ed´efinit un ´el´ement clη(E) de H1(F,G).
Lemme 1.1 Soit Eun G-torseur sur X. Soit clη(E)l’´el´ement de H1(F,G)
qui correspond `a la classe d’isomorphisme du G-torseur Eη, a l’image triviale
dans H1(Fv,G)pour toutes les places vde X. Inversement soit cun ´el´ement
de
ker1(F,G) = ker[H1(F,G)Y
v
H1(Fv,G)].
Alors, il existe un G-torseur Esur Xdont la classe d’isomorphisme de la
fibre g´en´erique clη(E)est l’´el´ement c.
D´emonstration. Soit clv(E) l’image de clη(E) dans H1(Fv,G). Cet ´el´ement est
aussi l’image de l’´el´ement de βvH1(Spec(Ov),G), la classe s’isomorphisme
du G-torseur EOvsur Spec(Ov). Ce H1´etant trivial par un th´eor`eme de Lang,
on d´eduit que l’´el´ement clv(E)H1(Fv,G) est trivial.
Inversement, soit Eηun G-torseur sur le point g´en´erique ηde Xayant la
classe d’isomorphisme cker1(F,G). On peut prolonger Eηen un G-torseur
EUsur un ouvert Ude X. Sur un point vdu compl´ementaire de U, on peut
recoller EUavec le G-torseur triviale sur Spec(Ov), parce sur la restriction `a
Fvde EUest un G-torseur trivial. On obtient ainsi un G-torseur sur Xdont
la classe d’isomorphisme de la fibre g´en´erique est l’´el´ement c.¤
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