CM Histoire Médiévale
28/09/2011
Introduction au cours (suite et fin)
I. LES 3 PRINCIPALES AIRES GEOGRAPHIQUES DE LA CHRETIENTE
Au niveau de la chrétienté, le seul moyen d’envisager l’Eglise, c’est seulement en tant
qu’appareil d’état pontifical. Son pouvoir s’exerce sur un territoire large, qui couvre de la
Baltique à la méditerranée, depuis l’Irlande, la Galice jusqu’aux territoires slaves. Ce
territoire est pensé par les papes comme homogène, bien que les églises y cohabitent les
unes à côté des autres, formant une mosaïque dépendant de Rome. L’homogénéité
fondamentale du territoire de la papauté se traduit par une commune obéissance à l’église
romaine. L’espace de la chrétienté est en expansion sous l’impulsion de la papauté. On
distingue 3 espaces d’expansion :
Au Nord-est, en marge du monde slave, l’évangélisation sur ce territoire païen est
continue jusqu’au XIVe siècle. Ce territoire couvre les anciennes Pologne et Prusse,
zones d’évangélisation les plus actives. Dès XIIIe siècle, un ordre religieux militaire se
fixe pour mission l’évangélisation : c’est l’ordre des chevaliers teutoniques qui, sous
l’ordre des papes, fondent un état théocratique sur l’actuelle Pologne. Ils sont mis en
procès par la papauté au 14e pour désobéissance et prise d’indépendance de leur
ordre
Péninsule ibérique : pendant 3 siècles se développe la reconquista (guerre de
reconquête) al andalus (entité politique arabo berbère qui se substitue dès la
conquête des sarrasins du 8e au pouvoir passé. Les chrétiens progressent lentement
vers le Sud sous l’égide de la papauté, qui lui donne valeur de guerre sainte.
Terre sainte : l’histoire de la conquête, sa naissance et sa perte par les croisés, se
confond avec notre période et correspond à sa problématique.
- La croisade est inventée par la papauté réformée du 11e. Les papes se pensent
comme souverains du monde dans son ensemble, pour eux le monde a vocation à
passer sous leur autorité. Ça correspond à un épisode de la Pentecôte dans les
Evangiles. La papauté conçoit cette idée comme littérale. En attendant de
conquérir les terres les plus lointaines, la papauté maintient ses ambitions vers
les terres saintes historiques, à savoir l’ancienne Palestine, vers les actuels Liban,
Syrie et Est de l’Egypte. Les papes réformateurs prêchent la croisade,
particulièrement Urbain II, successeur de Grégoire VII. Il la prêche pour la 1e fois
au concile de Clermont.
- Cette entreprise est menée à bien par des guerriers laïcs et reste sous l’autorité
suprême des papes. Dès 1099, elle est couronnée de succès par la prise de
Jérusalem : ça marque le début des Etats latins de Terre Sainte. L’expansion
chrétienne est permise par le développement économique, démographique et la
puissance des sarrasins.
- Après cette phase des expansions, le temps des revers vient vite dès 12e. La fin de
notre période est marquée par la perte de la Terre Sainte après fin 13e : elle reste
désormais dans l’imaginaire des chrétiens du monde latin avec des projets de
croisade et de reconquête de Terre Sainte portés par la papauté, pour qui tout
cela est le plus important. Aucune expédition nouvelle ne sera cependant menée.
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II. LITALIE ET LA FRANCE : DEUX ESPACES CLES POUR LA PAPAUTE
Au niveau pontifical, deux espaces sont étudiés : l’ Italie et le Royaume de France ,
dont les situations et institutions politiques sont contrastées.
L’Italie n’est pas unifiée jusqu’au 19e. A l’époque, il y a 3 entités politiques fort
différentes les unes des autres.
- Au Nord (actuels Piémont, Lombardie, Vénétie) il y a deux royaumes d’origine
carolingienne : le Royaume de Pavie, du nom de la vieille capitale du royaume
lombard. Ce royaume appartient à l’Empire. Les empereurs ont sous leur
domination 3 royaumes (les royaumes d’Arles (Provence), de Vienne et de Pavie)
A priori cet espace est sous pouvoir monocratique. En pratique, les empereurs
ont du mal à assurer leur pouvoir sur les bases et se font rares en Italie : ils
passent rarement les Alpes pour recevoir leur couronne de fer. En Italie du Nord
se développent des pouvoirs urbains : le pouvoir des cités est souverain. C’est
une forme originale de pouvoir que l’on ne trouve guère ailleurs: c’est le pouvoir
des cités-Etats. Les régimes politiques portent le nom de communes. Ces cités
sont gouvernées par une bonne partie de leurs habitants, c’est-à-dire les strates
sociales urbaines les plus aisées : l’aristocratie et les bourgeoisies urbaines. Cela
fonctionne par système de gouvernements collégiaux, avec des conseils et des
magistratures. Les dirigeants élus sont les consuls (en parallèle avec les romains)
Dès 13e les dirigeants sont les potesta qui restent 6 mois maximum au pouvoir, il
y a système de rotation. Ça prévaut en Italie du Nord mais la papauté
désapprouve
- L'Italie du Sud est un royaume aux origines non impériales. Le royaume de Sicile,
c’est la Sicile + l’Italie continentale, de la Campanie aux Abruzzes. Son histoire
diffère du Nord. Elle est en train d’être reconquise par les chrétiens sur les
sarrasins qui en avaient pris possession. Les conquérants chrétiens viennent
reprendre possession de ces terres : ce sont des normands. Ce royaume « des
deux Sicile » est dominé par une monarchie très centralisée sans pouvoir
autonomisé et souverain des communes, comme en Italie du Nord. Ce royaume
voit se succéder plusieurs dynasties toutes d’origines étrangère. D’abord les
normands, puis à l’extinction biologique de cette dynastie, par le jeu des alliances
à la fin 12e, la Normandie se retrouve entre les mains de la dynastie impériale : la
famille des Hohenstaufen. Cette situation est très inconfortable pour la papauté
- Entre les deux premières entités, il y a les Etats pontificaux, en Italie centrale.
Depuis l’époque carolingienne, les papes en sont aussi les souverains temporels.
Ils ont perdu beaucoup de terres après chute carolingienne car ils n’étaient pas
en mesure de les défendre. Mais ils revendiquent la possession de tous les
territoires d’Italie centrale : Latium, actuelle Toscane, Ombrie, Abruzzes. Dans
ces régions, il y a des cités qui ont pris leur autonomie à la période précédant la
nôtre et prétendent s’autogouverner sans rendre de comptes à un souverain. Les
papes s’efforcent de reprendre le pouvoir politique sur ces villes et y exercer
simultanément les pouvoirs spirituel et temporel.
L’espace italien tripartite se développe aux 12e et aux 13e , notamment avec la
querelle du sacerdoce et de l’empire entre les héritiers de Grégoire VII qui
prétendent dominer les empereurs et les empereurs prétendant le contraire. Les
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papes veulent évincer les empereurs d’Italie du Nord pour y affirmer leur autorité, ils
essaient de construire un état pontifical qui l’inclue au 14 e. ceci marque l’ambition
géopolitique de la papauté qui se comporte en puissance comme une autre. C’est un
jeu triangulaire entre les villes qui veulent rester indépendantes, les empereurs qui
veulent se réimplanter en Italie et soumettre les villes, les papes qui veulent prendre
possession des terrains et anéantir l’empereur. Les papes veulent faire de l’Italie le
laboratoire de la théocratie.
Au regard des complications que pose le territoire italien, la France dresse un tableau
plus simple. C’est une monarchie modèle, centralisée et classique.
- Vers 1050, c’est un territoire divisé entre plusieurs dominations effectives. La
royauté est devenue capétienne. La réalité du pouvoir est exercée à l’échelle
régionale par les ducs et les comtes, qui dominent l’Aquitaine, la Normandie, la
Bretagne, le Toulousain, la Provence : ils sont en pratique indépendants, ils
reconnaissent au roi une supériorité seulement honorifique.
- 3 siècles seront nécessaires pour construire de manière effective le pouvoir de la
royauté capétienne au-delà du duché d’Ile-de-France, dans les limites de toute la
vieille Francie Occidentale. L’histoire de cette construction va de pair avec
l’histoire de sa sacralisation. Entre 11e (Philippe Ier) et 14e (Philippe le Bel), où le
roi est empereur en son royaume, il y a un grand écart, 3 siècles d’histoire qui
sont ceux de la monarchie capétienne.
- Ce développement du sacré se fait avec le soutien de l’église dans une certaine
mesure, par le biais du sacre. A la fin 13e, il se fait surtout en concurrence avec
l’Eglise.
III. LES XIIe-XIVe SIECLES : TROIS MOUVEMENTS, TROIS PHASES
Le choc grégorien : c’est la période des débuts de la réforme, dès 1049 sous Léon IX
(1er pape réformateur) à 1123. Cette année est marquée par le 1er concile de Latran
dont le but est d’entériner le concordat de Worms. C’est un 1er règlement du conflit
avec l’empereur sur la querelle des investitures, avec un compromis à l’avantage de
la papauté.
- L’investiture des prélats est réservée au siège apostolique : l’empereur renonce à
nommer évêques et abbés. Sa résolution marque la fin de la période grégorienne.
Quelques dates clés :
- La pénitence de Canossa : quand l’empereur Henri IV est contraint de s’humilier
devant Grégoire VII.
- L’excommunication de Philippe Ier (4e roi capétien) par un concile tenu au nom
du pape Urbain II. Il avait des problèmes avec la papauté, il ne respecte pas
nouveaux impératifs religieux en matière matrimoniale. Il a répudié sa femme et
s’est remarié, ce qui est désormais intolérable pour les papes.
- 1099 : la prise de Jérusalem marque le triomphe de la papauté dans l’entreprise
d’expansion de la papauté. C’est aussi l’apparition d’ordres d’une nouvelle
nature, étrange, difficilement conciliable avec les principes chrétiens, avec des
moines qui sont aussi des guerriers. De tels ordres naissent aussi en Espagne
avec la reconquista. C’est la conciliation de l’inconciliable (être au service de Dieu
tout en faisant la guerre) et c’ est représentatif de la période
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Entre 1123 et 1274 (2e concile de Lyon), se situe l’apogée de la théocratie et
domination pontificale. Cette période d’affirmation du gouvernement pontifical et
du rêve théocratique inclue un temps de construction de la monarchie pontificale,
avec les pontificats clés d’Alexandre III et Innocent III. On est dans la phase classique
de la théocratie.
- Mais la papauté est limitée dans ses ambitions par la renaissance du pouvoir
impérial en Italie par le biais de Frédéric II, qui réunit les royaumes de Sicile et de
Pavie dans son empire et prend les états pontificaux en tenaille. Ça marque la
reprise de la guerre entre la papauté et l’empire.
- A de nombreuses reprises, la papauté se trouve en mauvaise posture, avant de
triompher grâce à l’aide d’un allié venu en Italie : Charles d’Anjou On lui offre le
titre de roi Sicile s’il parvient à conquérir Italie du Sud.
- En 1266, il bat Manfred, le fils bâtard de Frédéric II à Bénévent (Campanie).
Manfred avait repris le royaume de Sicile. En 1268, il bat son petit-fils, Conradin,
à Tagliacozzo (Abruzzes)
- Dès lors, c’est le début de la royauté angevine en Sicile, après les Normands et
Hohenstaufen. Les Angevins sont censés être les serviteurs de la papauté. Mais à
la conquête du royaume, ça ne se passe pas comme ça.
- Le royaume d’Italie du Nord est à nouveau séparé du royaume de Sicile et la
papauté n’a plus de menace aussi oppressante que les empereurs. C’est
l’euphorie dans la papauté qui pense pouvoir mettre au pas tous les empereurs.
Or les Etats séculiers se mettent à concurrencer l’église
Le triomphe des états séculiers impose des limites à l’universalité pontificale.
Jusqu’alors les papes considèrent que, concernant les clercs et en matière spirituelle,
ils peuvent intervenir partout indépendamment des frontières et de la politique.
- Cette revendication est remise en cause dès 1270 par les Etats séculiers. Il y a des
conflits entre institutions ecclésiastiques et temporelles partout dans la
chrétienté occidentale.
- Par le biais des donations de familles nobles pour le salut du Seigneur, le
patrimoine ecclésiastique est énorme (1/3 à ½ des Etats d’occident). Jusque-là les
seigneurs ecclésiastiques de ces terres ne reconnaissent de supérieur que le
pape. Les papes prétendent avoir le pouvoir temporel par le biais des évêques.
Ces juridictions temporelles sont exercées par papes via les prélats. Mais le
pouvoir politique ne les tolère plus dès 1270 (Philippe III) et surtout 1285. Sous
Philippe le Bel, l’administration royale mène des campagnes systématiques pour
contester les droits ecclésiastiques à rendre la haute justice et à juger les crimes
sur les terres appartenant à leur patrimoine. Les souverains exigent des prélats
qu’ils leur prêtent serment d’allégeance pour toutes les terres qu’ils détiennent
et que cette allégeance soit prioritaire sur celle accordée au pape.
- Les conflits sont très durs car la papauté refuse dans un 1e temps. Ça débouche
sur un conflit entre Philippe le Bel et Boniface VIII 1301-1303. Il se conclut par
l’attentat d’Amagni où Boniface VIII est séquestré par des envoyés de Philippe le
Bel au moment où il s’apprête à l’excommunier
- C’est la fin de l’aventure des croisades. 1291 : perte de st Jean d’ Acre, dernière
place forte chrétienne en Terre Sainte. Depuis plusieurs décennies, les chrétiens
connaissent de nombreux revers. La papauté pousse les rois et les empereurs à
intervenir. Les papes essaient d’organiser la défense de la Terre Sainte, mais ne
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peuvent enrayer la perte des territoires et la destruction des Etats latins d’Orient
par les sarrasins. La fin de la croisade symbolise la fin de la domination
pontificale.
- 1309 : Clément V installe le siège apostolique en Avignon. Il répond à l’exigence
de Philippe le Bel qui voulait qu’elle s’installe en France pour qu’il mette la main
sur les papes. Clément V résiste en se postant en terre d’Empire, un des 3
royaumes de Germanie près de la France. Le temporaire devient durable et la
papauté y reste jusqu’en 1378. La papauté reste en Avignon tout en continuant à
mener la politique italienne en Italie centrale : elle contrôle les Etats pontificaux
et cherche à s’étendre en Lombardie. L’ambition politique subsiste mais elle est
désormais plus restreinte. A partir de cette période, plus jamais des papes
prétendront déposer des souverains.
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