Traitements douleur personnes âgées

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Dernière mise à jour le 14 octobre 2014
Expérience personnelle et recherches
bibliographiques sur les douleurs chez la personne
âgée en pratique gériatrique institutionnelle.
La bibliographie relative à cette page est incluse
dans l'ordre alphabétique des auteurs à l'adresse
suivante : bibliographie.
Traitements
A. Médicamenteux
1. palier 1 de l'OMS = analgésiques périphériques ou
antalgiques
1.1) L'acide acétylsalicylique (AAS), plus connu sous le nom d'aspirine.
Ses effets secondaires les plus fréquents sont des troubles digestifs,
gastrites et ulcères gastroduodénaux et une déperdition sanguine
gastrique même à faibles doses. Cette substance doit être rapprochée
des antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS). Nous ne l'utilisons pas
dans un but antalgique dans notre pratique quotidienne.
1.2) Le paracétamol : sa puissance antalgique est comparable à celle de
l'aspirine.
1.2.1 - Son action semble actuellement essentiellement centrale et non
périphérique.
Malgré son utilisation très répandue, le mécanisme d'action du paracétamol
demeure encore difficile à appréhender. Pour Pickering (Pickering, 2008),
l'hypothèse centrale doit être privilégiée. A partir d'une étude chez des
volontaires sains, cet auteur conclut que le paracétamol renforce l'action des
voies inhibitrices descendantes de la douleur. Cette hypothèse sous-tend qu'un
mécanisme supraspinal serait impliqué dans l'action de cet antalgique de
prescription quotidienne.
Remarque de l’auteur de ce site : les voies monoaminergiques descendantes sont connues
pour leur rôle dans la limitation des douleurs neuropathiques. Cette considération est à la base
de l’utilisation des antidépresseurs tricycliques dans ce type de douleurs. Il est intéressant de
constater qu’un médicament ayant une réputation antinociceptive puisse trouver ici une cible.
Sa posologie est en théorie de 500 mg per os toutes les 4 à 6 heures. Son action
débute 30 minutes après la prise. Selon la BIAM (DOLIPRANE* 500 mg
gélule), les concentrations plasmatiques maximales sont atteintes 30 à 60
minutes après ingestion.
Il possède aussi une action antipyrétique.
Contrairement à l'aspirine, il est dénué d'action antiagrégante plaquettaire. En
pratique courante, le plus souvent, un gramme per os est prescrit à chaque repas,
distant au moins de 4 heures, le matin, le midi et le soir. C'est un médicament
intéressant en cas de douleur mécanique. Critique toutefois : il y a un "trou" en
fin de nuit. Il est moins efficace en monothérapie si la douleur est permanente et
intense comme dans les métastases osseuses ou les douleurs de dérouillage
matinal telles que celles des rhumatismes inflammatoires. En pratique, il est
indiqué en cas de douleur qualifiée de "légère" ou encore lorsque l'EVA (échelle
visuelle analogique) est inférieure à 30. Par ailleurs, il est couramment associé
avec d'autres antalgiques, coantalgiques ou analgésiques de palier 2 ou de palier
3.
Selon la revue Prescrire en février 2013 (Prescrire, 2013), "de nombreux
antalgiques et anti-inflammatoires sont à retirer du marché. Des options avec
une balance bénéfices-risques plus favorable sont disponibles. Le paracétamol
est l'antalgique de premier choix : il est efficace et présente peu de dangers
quand sa posologie est respectée."
1.2.2 - Effets secondaires du paracétamol :
Ils sont rares. Les effets indésirables suivants ont été rapportés :
a) allergies cutanées : érythème, urticaire, prurit. Une toxidermie est
possible, en particulier avec le paracétamol IV (Roujeau et al, 1995),
(Escaousse et al, 2002). Une incidence féminine accrue est
possible (Tamir et al, 2006).
b) action sur les éléments figurés du sang : thrombocytopénies avec
purpura, risque très faible d'agranulocytose.
c) conséquences sur l'appareil respiratoire :
- un bronchospasme sévère a été rapporté chez un sujet allergique à
l'aspirine : syndrome de Fernand Vidal.
- le stress oxydatif est susceptible d’altérer la fonction respiratoire,
d’augmenter le risque d’apparition et la gravité de la maladie
asthmatique.
McKeever et al. (McKeever et al. 2005) ont étudié la prévalence de l’asthme, de
la BPCO et de la diminution de la fonction respiratoire chez des adultes suivant
leur consommation de paracétamol, d’aspirine ou d’ibuprofène ou encore chez
ceux ne consommant pas un de ces antalgiques.
Les résultats semblent indiquer une toxicité respiratoire du paracétamol.
L’hypothèse physiopathogénique se fonde sur le métabolisme du paracétamol
par le glutathion, un antioxydant présent dans les poumons. Détourné de sa
fonction protectrice sur l’appareil respiratoire dans l’éventualité d’une
consommation quotidienne de paracétamol, le glutathion ne serait plus aussi
disponible pour celle-ci (McBride, 2011).
Commentaires de l’auteur de ce site : intéressante publication de McKeever se
fondant sur une méthodologie apparemment sérieuse. Toutefois, le risque relatif
(RR) demeure modéré, autour de 1,2 dans les pathologies étudiées. Un risque de
biais signalé par les auteurs semble fondé : s’il existe bien une relation de
causalité, une « causalité inverse » n’est pas exclue. La consommation plus
régulière de paracétamol par les patients souffrant de pathologie respiratoire
n’étant pas à écarter. En effet, la pratique quotidienne nous indique que la
douleur semble d’autant plus pénible qu’elle s’associe à d’autres symptômes
inconfortables tels que la dyspnée. Devrons-nous toutefois être plus prudents
dans l’administration régulière et facile de paracétamol du fait que ce
médicament recèle peu d’effets secondaires, en particulier cognitifs ? Comme le
suggèrent les auteurs, le risque de moindre antalgie est à mettre en balance avec
la suspicion qui pèse désormais sur le paracétamol dans un contexte de réserves
importantes relatives aux coxibs et à la disparition du dextropropoxyphène.
d) des complications hépatiques : elles sont rares, même au long cours.
Cependant, des hépatites ont été observées à doses thérapeutiques chez des
sujets normaux. Ces complications incitent à pratiquer des contrôles réguliers
des transaminases, bien que la fréquence n'en soit pas précisée lors d'une
administration au long cours. Il s'agit ici de la toxicité de métabolites N
hydroxylés à élimination rénale qui forment des lésions irréversibles avec des
métabolites hépatiques. L'hépatotoxicité serait augmentée par le phénobarbital
(inducteur enzymatique). L'alcool majore le risque d'hépatotoxicité (McClain C
J et al, 1980, Dietz A J et al, 1982).
La dose maximale théorique de paracétamol est de 4 000 mg, aux USA
et en France. Toutefois, chez une personne âgée fragile de petit poids, il
semble plus prudent de se limiter à 2 600 mg, surtout si le traitement est
administré pendant plus de 10 jours (USPDI, 1999).
En mai 2003, le MDH (département de la Santé du Minnesota - USA)
rapporte le risque de surdosage quotidien en paracétamol :
http://www.health.state.mn.us/divs/fpc/cww/cww2_04.html
Des patients recevaient 7 à 8 grammes quotidiens de paracétamol du
fait de médications prescrites contenant une combinaison
de substances. Ces médicaments étaient administrés « à la demande ».
D'après Ostapowicz (Ostapowicz, G et al. 2002), cette étiologie
iatrogène est devenue la principale cause d'insuffisance hépatique aiguë
aux USA dans les trente dernières années, plus fréquente que les
hépatites virales. Pour Larson, l’hépatotoxicité liée au paracétamol est
de loin la cause la plus fréquente d’insuffisance hépatique aiguë aux
Etats-Unis (Larson et al, 2005). Les patients susceptibles de présenter
ce redoutable tableau souffraient plus souvent d’une dépression
concomitante, d’une douleur chronique, d’abus d’alcool ou d’opioïdes
et/ou prenaient simultanément plusieurs présentations contenant cette
substance. L’éducation des patients, des médecins et des pharmaciens
est recommandée par les auteurs de cette publication qui se fonde sur
une étude de 662 patients consécutifs qui présentaient des critères
standardisés (coagulopathie et encéphalopathie).
Il n’existe pas en France à notre connaissance de combinaison
comprenant 750 mg de paracétamol. Les présentations usuelles
contiennent 500 mg de paracétamol.
A noter le risque quotidien de l'administration simultanée de
paracétamol oral et de paracétamol intraveineux à la faveur d'un épisode
aigu fébrile.
Attention aussi à l'adjonction inopinée de paracétamol à une
prescription en contenant déjà.
Enfin et surtout, la formation des personnels soignants amenés à
honorer des prescriptions "à la demande" semble une nécessité urgente.
En cas de surdosage en paracétamol, Brok (Brok et al, 2006)
recommande d'utiliser la N-acétylcystéine et le charbon activé qui
seraient les mesures les plus efficaces. La transplantation hépatique
représente bien sûr l'ultime recours.
e) complications rénales : elles sont exceptionnelles.
f) effets secondaires gastro-intestinaux du paracétamol : pour notre part,
nous n'avons jamais identifié de lésion digestive en relation avec
l'utilisation de paracétamol. Toutefois, pour Garcia Rodriguez faisant état
d’une étude menée au Royaume-Uni de 1993 à 1998, le risque
d’hémorragies digestives hautes et de perforations serait accru pour des
doses quotidiennes de paracétamol supérieures à 2000 mg (Garcia
Rodriguez et al. 2001). Cet auteur recommande de recourir à une
monothérapie à la moindre dose possible lors de l'utilisation du
paracétamol et des antiinflammatoires, qu'ils soient stéroïdiens ou
non. Bien que les critères d’exclusion puissent dédouaner une
pathologie courante à l’origine d’une telle complication, il convient de
rester prudent sur l’interprétation de ces données. En effet, il ne s’agit
pas ici d’une étude prospective randomisée en double aveugle chez des
sujets sains, mais de données issues d’une étude cas - témoins.
Autrement dit, l’association ainsi mise en évidence peut aussi être liée à
un facteur confondant tel que la douleur. Par ailleurs, cette étude a le
mérite de confirmer le risque plus élevé de lésion digestive des
antalgiques de palier 1 autres que le paracétamol. Ainsi, les
conséquences sur la pratique quotidienne pourraient être les suivantes :
association facile d’un IPP quand des fortes doses de paracétamol sont
indiquées chez un patient présentant des facteurs de risque ou en cas
de bithérapie (association à un corticostéroïde, à l'aspirine ou à un
AINS). Sinon, on pourra se limiter à une simple surveillance en réduisant
la durée du traitement au strict nécessaire. La posologie sera ramenée si
possible à 1500 mg quotidiens en cas de traitement prolongé. Ces
dernières recommandations sont empiriques, strictement personnelles,
et n’engagent que l’auteur de ces lignes.
González-Pérez (González-Pérez et al, 2006) retrouve une corrélation
positive nulle ou faible qui empêche de conclure quant à la
responsabilité du paracétamol aux doses habituelles.
g) apport en sodium :
Tremblay Nguyen (Tremblay Nguyen et al, 2012) fait remarquer que les formes
effervescentes de paracétamol constituent un apport non négligeable de sodium.
En effet, si l’on consulte la monographie suivante : PARACETAMOL ARROW
1 G, COMPRIME EFFERVESCENT SECABLE, on constate qu’un comprimé
contient 394 mg de sodium (source : Thériaque le 14 avril 2012).
h) hémostase : on ne note pas de perturbation, sauf dans le cas de
l'augmentation de l'INR chez le patient sous warfarine (voir ci-dessous).
1.2.3 - Les interactions médicamenteuses :
a) interactions médicamenteuses du paracétamol avec la warfarine
(commercialisée en France sous le terme de COUMADINE*).
La prise de paracétamol est responsable d'une augmentation de l'INR
(Larkin M. 1998).
Cette notion est retrouvée par Wittkowsky (Wittkowsky et al. 2004). Dans
une étude portant sur 134,833 patients sous warfarine, les médicaments
contenant du paracétamol arrivaient en tête par leur fréquence de
prescription dans l'accroissement de l'INR lié à une interaction
médicamenteuse. Venaient en deuxième lieu les hormones
thyroïdiennes.
Selon Lévesque (Montpellier, 2004), cette interaction pourrait être
préoccupante si le malade reçoit du paracétamol au long cours. La
surveillance de l'INR doit donc être renforcée en cas d'initiation d'un
traitement par la warfarine chez des patients recevant du paracétamol,
surtout si ce dernier a été prescrit au long cours.
Cette action serait significative dès l'administration de 4 grammes de
paracétamol pendant 4 jours. Il semble que cette situation soit
dépendante de l'action du paracétamol sur les facteurs de coagulation
vitamine K dépendants : II, VII, IX and X (Mahé et al, 2006).
Il convient aussi de s'interroger sur l'automédication dans ce domaine,
cette substance étant trop souvent considérée comme anodine.
b) les agents anticholinergiques ralentiraient l'absorption intestinale du
paracétamol.
c) interaction médicamenteuse avec l'AZT (majoration du taux circulant).
Cette affirmation est contredite par Steffe (Steffe et al, 1990).
d) les anticonvulsivants augmenteraient le métabolisme et la clairance
du paracétamol.
e) la cholestyramine diminue l'absorption du paracétamol.
f) le paracétamol pourrait réduire l'efficacité diurétique du furosémide.
1.2.4 - Contrindications et précautions d'emploi :
Insuffisance hépatocellulaire et rénale.
Selon la BIAM, "en cas d'insuffisance rénale sévère (clairance de la
créatinine inférieure à 10 ml/min), l'élimination du paracétamol et de ses
métabolites est retardée".
1.2.5 - Présentations :
a) Nous utilisons surtout le DOLIPRANE* en sachets de 500
milligrammes. Ce médicament existe aussi en comprimés effervescents
et en comprimés sécables blancs dosés à 500 milligrammes. Chaque
sachet contient 2 grammes de saccharose. Si la durée d'action théorique
est de 4 à 6 heures elle en fait est dépendante de l'intensité de la
douleur, parfois réduite à 1 heure ou 2. Il ne doit pas être pris avec de
l'alcool ou un jus de fruit (logiciel Pharmafiches 1996 diffusé par le
SNGC, et Analgesic Drugs. Interaction Alert. Laboratoires Boeringer
Ingelheim), mais avec de l'eau ou du lait. Deux présentations orales
effervescentes à 1000 mg sont disponibles en France. Il peut être
administré à jeun ou pendant un repas, et peut être écrasé sauf sous la
forme de lyophilisat, présentation qui peut rendre service chez des
personnes âgées présentant des troubles de la déglutition ou encore des
réticences pour absorber les autres présentations. Deux dosages de
lyophilisats sont disponibles en France pour l’adulte : 250 mg et 500 mg
(PARALYOC*). Si la tolérance digestive est bonne, il sera pris à jeun
pour un maximum d'efficacité. Il est souhaitable d'éviter les repas riches
en hydrates de carbone pour un maximum d'efficacité (Analgesic Drugs.
Interaction Alert. Laboratoires Boeringer Ingelheim). Pour Trivalle
(Trivalle et al. 2003), les concentrations de paracétamol obtenues sont
plus importantes avec les formes effervescentes qu'avec les formes
simples. Cette considération pourrait entrer en jeu dans le choix de la
présentation de la prémédication par le paracétamol avant les soins
douloureux lorsque la voie veineuse ne semble pas souhaitable. Comme
pour la plupart des médicaments per os, les pansements gastriques sont
très limitants pour l'absorption intestinale.
b) Le PERFALGAN* est la présentation administrable par voie injectable.
Son administration est exclusivement intraveineuse. Il peut être
administré en 15 minutes chez un patient en décubitus. Notre posologie
quotidienne maximale chez la personne âgée est de 1 gramme toutes
les 6 heures.
1.3) Les antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les corticostéroïdes
1.3.1 - Une efficacité à mettre en balance avec les fréquents effets
secondaires
L'association est possible entre AINS traditionnels et paracétamol : elle
permettrait peut-être de diminuer les doses d'AINS. Nous lui préférions,
quand cela était possible, l'association corticoïdes-paracétamol en cure
courte (par exemple SOLUPRED* 1 mg / kg). Nous entendons par "cure
courte" une durée inférieure ou égale à 10 jours, avec un maximum de
15 jours. Dans le cas de l'utilisation des AINS comme antalgiques
(situation peu fréquente), notre choix se portait sur le kétoprofène
(PROFENID*) par voie IM : 1 à 3 ampoules à 100 mg par jour pour la
durée la plus courte possible, en l'absence de contrindication, de
préférence à la dose de 100 mg par jour.
Selon la revue Prescrire en février 2013 (Prescrire, 2013), "certains antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS), tels l’ibuprofène et le naproxène,
à la plus petite dose efficace et pour une durée la plus courte possible,
sont une alternative au paracétamol." Pour cette revue, le paracétamol
est l'antalgique de premier choix.
1.3.2. Des effets secondaires préoccupants, en particulier chez
les personnes âgées.
a) des effets secondaires cutanés
Les AINS en topique local seront employés avec parcimonie du fait de
leurs effets cutanés, et même généraux à fortes doses. Nous utilisions
cette présentation dans les atteintes inflammatoires peu profondes. Par
exemple, ils semblent plus efficaces contre les atteintes inflammatoires
des doigts. Pour Kiffel (Kiffel et al, 2004), les effets généraux des AINS
sont "d'autant plus fréquents que la quantité de gel appliquée est
importante, que la surface à traiter est grande, qu'il y a une atteinte de
l'intégrité cutanée, que le traitement est long. L'utilisation d'un
pansement occlusif favorise les effets systémiques." Pour notre part,
nous excluons les zones cutanées qui nous semblent trop fragiles, en
particulier au niveau des jambes.
Pour la revue Prescrire en février 2013 (Prescrire, 2013), il convient de
privilégier l’ibuprofène topique (ADVIL* gel ou autre) pour soulager la
douleur en cas d’entorse ou de tendinite, en complément de mesures
non médicamenteuses (repos, glace, attelles, etc.). Ceci au détriment de
l’association dexaméthasone + salicylamide + salicylate d’hydroxyéthyle
(PERCUTALGINE*) et de l’association prednisolone + salicylate de
dipropylène glycol (CORTISAL*) qui exposent aux effets indésirables
des corticoïdes et aux réactions d’hypersensibilité des salicylés. Quant à
lui, "le piroxicam expose à un surcroît de troubles digestifs et cutanés
(dont des syndromes de Lyell) (n° 321 p. 498 de la revue)". Enfin, "la
floctafénine, un AINS proposé comme antalgique, expose à des
hypersensibilités dont des bronchospasmes et des œdèmes de Quincke
(n° 321 p. 498 de la revue)". Toujours selon la même source, "le
kétoprofène en gel expose à un surcroît de troubles cutanés par rapport
à d’autres AINS topiques (n° 319 p. 338-339 ; n° 321 p. 501 et III de
couv. ; n° 324 p. 735 de la revue)". Voir la liste des substances que la
revue "Prescrire" conseille d'exclure de l'ordonnance en 2014
b) des lésions digestives hémorragiques parfois mortelles
Selon Wolfe (Wolfe, 1991), les AINS posent un problème particulier chez
la personne âgée du fait de l'augmentation nette de la mortalité dans
cette tranche d'âge. Pour cet auteur, les facteurs de risque
d'hospitalisation liée à des complications gastro-intestinales sont
représentés par l'âge, des antécédents de pathologies gastrointestinales, l'utilisation concomitante de corticostéroïdes et les
incapacités. Le genre féminin serait davantage concerné. Pour son
compte, le kétorolac a fait l'objet d'un retrait de l'AMM (autorisation de
mise sur le marché) en 1993 en France du fait de la survenue de
syndromes hémorragiques graves.
Selon une méta-analyse parue dans le Lancet et rapportée par le
Journal International de Médecine (JIM), l'association d'un traitement par
AINS et d'une infection par Helicobacter Pylori (HP) multiplierait le risque
d'ulcère par 61,1 (intervalle de confiance à 95 % : 9,98 à 373) tandis que
le risque d'une hémorragie ulcéreuse serait multiplié par 6,13. La
recherche et l'éradication de HP serait donc une voie de recherche
intéressante dans la prévention des accidents digestifs les plus fréquents
liés aux AINS. Les sources citées par le JIM sont celles de l'article de
Huang et al, 2002, ainsi que celle de Chan et al, 2002.
L'intestin grêle peut aussi être concerné par la toxicité digestive des
AINS. Le tractus digestif haut, le colon et le rectum ne sont donc pas les
seuls concernés. Des lésions ulcérées, plus ou moins hémorragiques
peuvent apparaître, ainsi que des cicatrices scléreuses aboutissant à
une obstruction (Thiefin et al, 2005).
Rahme (Rahme al, 2008) compare l’incidence des hospitalisations pour
complications gastro-intestinales : ulcération, perforation, ou saignement
du tractus digestif -haut ou bas- chez 644 183 patients de plus de 65 ans
sous AINS « traditionnel », associé ou non au paracétamol, ou encore
sous paracétamol, avec ou sans IPP. Les sujets entraient dans l’étude
dès la première prescription de paracétamol ou d’AINS. La
consommation d’aspirine, de clopidogrel et d’anticoagulants était prise
en compte. De manière surprenante, les hospitalisations pour ces effets
secondaires étaient aussi fréquentes pour les personnes sous
paracétamol + inhibiteur de la pompe à protons (IPP) que pour celles
sous AINS + IPP. Par ailleurs, le risque était deux fois plus élevé chez
les personnes prenant à la fois un AINS et du paracétamol en
combinaison avec un IPP. Ce risque était 2,55 fois plus élevé sans IPP.
Ceci par rapport au groupe de référence ne prenant que du paracétamol
sans IPP.
Pour la revue Prescrire en février 2013 (Prescrire, 2013), "le nimésulide,
un AINS, expose à des atteintes hépatiques graves, voire mortelles (n°
327 p. 22-23 ; n° 335 p. 659)". Pourtant très prescrit, "le
piroxicam expose à un surcroît de troubles digestifs et cutanés (dont des
syndromes de Lyell) (n° 321 p. 498 de la revue)".
c) l'éventualité d'un bronchospasme
Toujours selon cette revue, la floctafénine, un AINS proposé comme
antalgique, expose à des hypersensibilités dont des bronchospasmes et
des œdèmes de Quincke (n° 321 p. 498 de la revue)". Toujours selon la
même source, "le kétoprofène en gel expose à un surcroît de troubles
cutanés par rapport à d’autres AINS topiques (n° 319 p. 338-339 ; n° 321
p. 501 et III de couv. ; n° 324 p. 735 de la revue)".
d) des complications cardiovasculaires
Les études VIGOR (concernant le rofécoxib) et CLASS (concernant le
célécoxib) ont amené à s'interroger sur l'innocuité cardiovasculaire des
coxibs. L'incidence accrue des infarctus du myocarde pourrait être liée à
l'absence d'effet antiagrégant plaquettaire de ces substances.
Selon l'AFSSAPS le 29 juin 2005 :
"Le rapport bénéfice/risque de cette famille d'anti-inflammatoires (les coxibs)
demeure positif, mais leur utilisation est contre-indiquée non seulement chez les
patients présentant une maladie cardiaque ou cérébro-vasculaire mais aussi
dorénavant chez les patients atteints d'une maladie artérielle périphérique."
L’ibuprofène et le diclofénac sont aussi concernés. Hippisley-Cox (HippisleyCox et al. 2005) étudie 9218 patients après un premier infarctus du myocarde
entre 2000 et 2004 au Royaume-Uni. La comparaison est effectuée avec 86349
cas témoins. Les auteurs ont étudié le risque relatif représenté par la
consommation d’AINS dans les 90 jours précédant la pathologie.
Les risques relatifs avec un intervalle de confiance de 95 % ont été étudiés pour
la consommation récente de :
- rofécoxib (RR : 1,32, IC : 1,09 à 1,61).
- ibuprofène (RR : 1.24, IC : 1.11 à 1.39).
- diclofénac (RR : 1.55, IC : 1.39 à 1.72)
Ces risques relatifs suggèrent un risque accru d’infarctus du myocarde associé à
l’usage du rofécoxib, du diclofénac et de l’ibuprofène après ajustement pour de
nombreux facteurs de confusion. Une réduction du risque n’a pas été observée
avec l’utilisation de naproxène. Les auteurs prennent la précaution de signaler
qu’il s’agit d’une étude observationnelle. Ainsi, des facteurs résiduels de
confusion ne peuvent pas être complètement écartés. Toutefois, l’innocuité
cardiovasculaire des AINS est de plus en plus problématique sous l’angle du
risque de pathologie coronarienne.
Dans une revue de la littérature, Caldwell (Caldwell et al. 2006) met en
exergue l'accroissement significatif du risque d'infarctus du myocarde
lors de l'utilisation de célécoxib. L'auteur souligne que le risque
d'accident vasculaire cérébral ne serait pas augmenté. Il en serait
ainsi lors de l'utilisation du rofécoxib. Il propose une hypothèse
cohérente avec ces résultats.
Le rofécoxib, quant à lui, a été retiré du marché mondial le 30 septembre
2004 du fait d'une fréquence trop élevée d'accidents cardio-vasculaires.
Selon la revue Prescrire en février 2013 (Prescrire, 2013), "les coxibs : le
célécoxib, l’étoricoxib et le parécoxib exposent à plus de risques
cardiovasculaires et cutanés que d’autres AINS (n° 344 p. 419 de la
revue)".
Le naproxène, commercialisé aux USA sous le nom d’ALEVE* est lui aussi
suspect d’augmenter le risque d’accident cardiaque et d’accident vasculaire
cérébral.
e) insuffisance rénale
Le risque de développer une insuffisance rénale aiguë est bien connu
chez les utilisateurs d'AINS. Huerta (Huerta et al. 2005) de Madrid
précise ce risque à la faveur d'une étude portant sur 103 patients ayant
présenté une insuffisance rénale aiguë "idiopathique" comparés à une
série témoin de 5 000 personnes. L'incidence d'insuffisance rénale aiguë
non fatale était de 1 pour 10 000 personnes par an chez des sujets
n'ayant aucun antécédent d'atteinte rénale. Par contre, ce risque était
multiplié par trois chez les utilisateurs d'AINS. Un antécédent
d'insuffisance cardiaque, d'hypertension, de diabète et d'hospitalisation
dans l'année précédant l'étude étaient associés à un risque accru. Accru
aussi par l'association à des médicaments à visée cardiovasculaire, tels
que les diurétiques (RR : 11,6) mais aussi les inhibiteurs calciques (RR :
7,8). L'utilisation concomitante d'un IEC ou d'un ARA2 doit rendre
prudent et amène à une surveillance serrée de la fonction rénale.
f) autres effets secondaires
Selon Kirk (Kirk JK. 2001), les anti-inflammatoires non stéroïdiens,
incluant les inhibiteurs de la cyclooxygénase-2 peuvent antagoniser les
bloqueurs des récepteurs de l'angiotensine.
1.3.3 - Les coxibs (voir la liste des substances que la revue "Prescrire"
conseille d'exclure de l'ordonnance en 2014):
Une nouvelle famille d'AINS est apparue : les inhibiteurs de la cyclooxygénase 2 (COX-2) représentés en 2013 en France par le
célécoxib (CELEBREX*) et le parécoxib (DYNASTAT*).
La cyclo-oxygénase 1 (COX-1) et la cyclo-oxygénase 2 (COX-2) sont
des enzymes impliquées dans le métabolisme des prostaglandines. Ces
dernières jouent un rôle de sensibilisation aux substances algogènes. La
COX-1 est une enzyme qui favorise à la fois l'intégrité de la protection de
la muqueuse gastrique et l'agrégation plaquettaire. La COX-2 est
impliquée dans la genèse de la douleur et de l'inflammation. Aux doses
thérapeutiques, les coxibs inhiberaient la COX-2 sans inhiber la COX-1.
Ainsi, nous disposerions enfin de médicaments antiinflammatoires dont
la toxicité gastrique serait moindre, et qui ne possèdent pas d'action sur
l'agrégation plaquettaire. En effet, les AINS non sélectifs tels que le
naproxène inhibent à la fois la COX-1 et la COX-2. Pour l'HAS (HAS avis
de la Commission de la transparence du 15 décembre 2010 (CT-8337)),
le CELEBREX* est indiqué dans le traitement de l'arthrose, de la
polyarthrite rhumatoïde et de la spondylarthrite ankylosante.
Pourtant, cette nouvelle famille, bien que prometteuse, n'aurait pas
totalement éliminé le risque de complications digestives graves liées aux
AINS. Une gastrite hémorragique ne peut pas être exclue à la faveur de
l'utilisation du célécoxib, ainsi qu'une possible interférence
médicamenteuse sévère entre le célécoxib et la warfarine (Jeffrey D.
Linder et al, 2000).
Selon l'HAS, "une étude a comparé le célécoxib (200 mg x 2 par jour) à
l'association diclofénac LP (75 mg x 2 par jour) + oméprazole (20 mg par
jour) chez 4 460 patients atteints d'arthrose et/ou de polyarthrite
rhumatoïde. Ces patients étaient soit âgés de 60 ans ou plus (avec ou
sans antécédent d'ulcère gastroduodénal), soit âgés de plus de 18 ans
avec une preuve clinique d'ulcère gastroduodénal dans les 90 jours ou
plus précédant l'inclusion.
Le critère principal de jugement était un critère composite : l'incidence
des événements gastro-intestinaux hauts et bas (hémorragie,
perforation, diminution de l'hémoglobine, etc.). Cette incidence diffère
entre les 2 groupes de façon statistiquement significative en faveur du
célécoxib (0,9 % dans le groupe célécoxib versus 3,6 % dans le groupe
diclofénac + oméprazole, p < 0,0001).
Cependant, ces résultats sont difficiles à interpréter. En effet, d'une part
le critère principal choisi est un critère composite dont la validité est
discutable. D'autre part la différence observée est essentiellement
attribuable à un des items du critère composite, la diminution de
l'hémoglobine ; de plus, celui-ci est un critère intermédiaire pour évaluer
la tolérance gastroduodénale".
Un espoir fut un temps placé dans les AINS pour la prévention de la
maladie d'Alzheimer. Toutefois, aucune preuve ne vient appuyer
l'hypothèse que le célécoxib préviendrait le déclin cognitif lié à la maladie
d'Alzheimer. Il en est de même pour les AINS traditionnels, les
corticoïdes et l'aspirine (Jaturapatporn et al, 2012.)
Pour Blain (Blain, 2002), les inhibiteurs sélectifs de COX-2, au même
titre que le paracétamol, doivent maintenant être considérés comme des
molécules de première intention dans le traitement de l'arthrose
symptomatique chez les patients ne présentant pas de contrindication à
leur utilisation, c'est-à-dire ne présentant pas d'insuffisance rénale,
d'insuffisance cardiaque, d'hypertension difficilement contrôlée et
d'ulcère gastroduodénale récent ou évolutif.
Un coxib injectable est autorisé pour sa mise sur le marché par la
Commission Européenne depuis le 10 avril 2002 : le parécoxib sodique
commercialisé en Europe sous le nom de DYNASTAT*. Cette substance
pourrait permettre la réduction des doses de morphiniques en période
postopératoire, mais non leur suppression. Le parécoxib injectable est
indiqué dans le traitement à court terme des douleurs postopératoires.
Suite à la commercialisation aux États-Unis d'un autre coxib, le
valdécoxib, des cas de réactions anaphylactiques, d'angio-oedème,
d'érythème multiforme, de dermite exfoliatrice, de syndrome de StevensJohnson et de nécrolyse épidermique toxique ont été rapportés. Ces
effets indésirables ne peuvent pas être exclus pour le parécoxib,
prodrogue du valdécoxib. (Source : VIDALnews n° 63 - 26 mai 2003).
Voici les contre-indications nouvelles du parécoxib dans le dictionnaire
VIDAL (Source : VIDALnews n° 140 - 14 mars 2005). Pour consulter la
classification NYHA en anglais :
http://www.abouthf.org/questions_stages.htm) :
• Ajout de contre-indications : contre-indication nouvelle chez les patients
présentant une cardiopathie ischémique avérée et/ou un antécédent
d'accident vasculaire cérébral (y compris l'accident ischémique
transitoire).
Élargissement des contre-indications au stade II de l'insuffisance
cardiaque congestive, soit NYHA II à IV (au lieu de III à IV auparavant).
DYNASTAT* est également contre-indiqué dans le traitement des
douleurs post-opératoires après pontage coronaire.
• Utilisation avec prudence chez les patients présentant des facteurs de
risque cardiovasculaire, tels qu'une hypertension, un taux de cholestérol
élevé, un diabète ou un tabagisme, ainsi que chez les patients atteints
d'artériopathie périphérique. Une évaluation approfondie est nécessaire
avant la prescription de parécoxib.
• En raison de leur absence d'effets antiplaquettaires, les inhibiteurs de
la COX-2 ne peuvent se substituer à l'acide acétylsalicylique dans la
prévention des maladies cardiovasculaires thromboemboliques. Par
conséquent, les traitements antiplaquettaires ne devront pas être
arrêtés. Toutefois, le parécoxib sera utilisé avec prudence en cas de
coprescription d'aspirine, sachant que le traitement par aspirine ne doit
pas être interrompu.
Il existe en effet une majoration du risque d'effets indésirables gastrointestinaux (ulcération gastro-intestinale ou autres complications gastrointestinales) lorsque le parécoxib est utilisé en association avec l'acide
acétylsalicylique (même à de faibles posologies).
Communiqué de la Direction Générale de la Santé française le 23
décembre 2004 :
"Deux essais cliniques aux Etats Unis concernant le célécoxib
(CELEBREX*) dans une nouvelle indication ont été arrêtés par leur
comité de surveillance indépendant, en raison de la survenue d'un
nombre anormalement élevé d'événements cardio-vasculaires (infarctus
du myocarde, accident vasculaire cérébral, décès) chez les patients
traités.
Cette décision a fait l'objet de deux communiqués de presse de l'Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Ce médicament peut continuer d'être prescrit dans les indications pour
lesquelles il a été autorisé.
L'agence a souhaité compléter ces informations par des
recommandations destinées au corps médical. Elle rappelle la nécessité
d'évaluer le risque cardio-vasculaire non seulement avant toute
prescription de CELEBREX*, mais également en cours de traitement, de
ne pas prescrire ce médicament au long cours et de limiter la
prescription à la dose minimale efficace.
Ces recommandations et les communiqués sont consultables sur le site
de l'agence où figurent également des informations concernant d'autres
médicaments de la classe des coxibs (parécoxib et valdécoxib) :
http://ansm.sante.fr/. Le 22 décembre 2004, l'AFSSAPS (devenue ANSM
depuis le 29 décembre 2011) émettait une mise en garde relative à ces
deux substances : contre le parécoxib (DYNASTAT*) après pontage
coronaire pour son risque vasculaire ainsi que contre le valdécoxib (non
commercialisé en France, BEXTRA*) pour des effets secondaires à type
de dermatoses graves.
Appréciation sévère de Wright en novembre 2002 (Wright, 2002) à
propos des premières études relatives aux AINS COX-2
sélectifs (commercialisés en France sous les noms de CELEBREX*
pour le célécoxib, actuellement maintenu et VIOXX* pour le rofécoxib
retiré du marché en 2004).
"Tous les AINS, à la fois les COX-2 sélectifs et non sélectifs ne
produisent qu'un bénéfice modeste par rapport au placebo et ce bénéfice
n'a été démontré que lors des essais sur de courtes périodes.
Avec un traitement à long terme, on ne sait pas si les bénéfices de cette
classe de médicaments sont supérieurs à leurs risques."
A noter toutefois que cette appréciation a porté en partie sur une étude
(CLASS) ayant utilisé 400 mg quotidiens de célécoxib, et non 200 mg
comme cela est désormais recommandé. Le contexte est celui de la
polémique autour de l'innocuité des AINS COX-2 sélectifs après
publication partielle d'un bénéfice risque / efficacité sur 6 mois, alors que
ce rapport s'était annulé à 12 mois sans que ce dernier résultat soit
publié.
La méta-analyse de la FDA (Food and Drug Administration) provenant
des études CLASS (célécoxib) et VIGOR (rofécoxib) montre d'abord que
les AINS COX-2 sélectifs ne réduisent pas forcément l'incidence des
ulcères compliqués.
En second lieu, la méta-analyse montre que, plutôt que d'offrir
davantage de sécurité, les AINS COX-2 sélectifs causent une morbidité
plus élevée que les AINS non sélectifs (total des "événements adverses
sérieux").
L'augmentation de cette incidence est partiellement expliquée par
l'augmentation des effets secondaires cardiaques et thrombotiques, mais
une analyse exhaustive de toutes les données demeure nécessaire pour
identifier les autres mécanismes en cause.
L'accès à cette information est nécessaire pour établir si les AINS COX-2
sélectifs pourraient avoir une place dans le traitement des patients
souffrant de pathologies articulaires et pour faciliter la conception des
études futures.
Mise au point de l'AFSSAPS du 1er juillet 2004 concernant la sécurité
d'emploi des « coxibs ».
Les points essentiels de cette publication sont les suivants :
- l'utilisation des « coxibs » expose aux mêmes effets indésirables
gastro-intestinaux que les AINS conventionnels. Comme les AINS
traditionnels, le risque de complications digestives des « coxibs » est
plus élevé chez les patients âgés et les patients présentant des
antécédents de lésions gastro-intestinales.
- comme pour les AINS traditionnels, les « coxibs » peuvent être
responsables d'une augmentation de la pression artérielle,
particulièrement chez les patients dont la fonction rénale est altérée ou
traités par antihypertenseurs.
- les « coxibs » peuvent être à l'origine des mêmes effets indésirables
cutanés que les AINS traditionnels, le célécoxib (CELEBREX*) exposant
à un risque plus élevé d'éruptions cutanées que les autres AINS.
- les « coxibs » exposent à un risque d'insuffisance rénale par inhibition
de la synthèse des prostaglandines, nécessitant une surveillance étroite
de la fonction rénale en cas d'âge élevé, d'hypovolémie, de traitement
concomitant par diurétiques ou IEC.
En conclusion, les recommandations de bon usage des AINS
s'appliquent également aux « coxibs », dans le respect des indications
validées par l'AMM : « soulagement des symptômes de l'arthrose et de la
polyarthrite rhumatoïde ».
L'utilisation des AINS serait-elle corrélée avec une augmentation du risque des
chutes chez la personne âgée ? C'est ce que laisse entendre une métaanalyse
entreprise par Hegeman (Hegeman et al, 2009) citée par Perrot (Perrot S, 2009).
L'auteur constate toutefois qu'il conviendrait de mener des études
complémentaires dont la méthodologie serait moins discutable.
Commentaires de l'auteur de ce site : cette publication amène à une nouvelle
réflexion dans le domaine de la prescription des AINS. Il convient de
s'interroger aussi sur un biais éventuel lié aux circonstances orthopédiques et
douloureuses dans lesquelles s'effectue la prescription des AINS.
1.3.3) Indications respectives des AINS et des corticoïdes d'après la
communication de Bannwarth (Bannwarth B, 2007)
indications
des AINS
dysménorrhées
primitives
remarques indications des remarques
corticoïdes
supériorité
pseudopolyarthrite les
par rapport au rhizomélique (PPR) corticoïdes à
paracétamol
faible dose
et aux
surclassent
opioïdes
les AINS.
faibles
supériorité
polyarthrite
par rapport au rhumatoïde (PR)
paracétamol
et aux
opioïdes
faibles
- supériorité
arthrose
symptomatique par rapport au
du genou ou de paracétamol
et aux
la hanche
opioïdes
faibles
- après échec
du
paracétamol
- supériorité
lombalgie
par rapport au
commune
paracétamol
et aux
opioïdes
faibles
- après échec
du
paracétamol
douleurs
postopératoires
migraine
colique
néphrétique
spondylarthrites
les
corticoïdes à
faible dose
surclassent
les AINS.
accès
les
AINS
microcristallins ont
supplanté la
colchicine
1.4) Le néfopam
Le néfopam est un analgésique central non morphinique de la
classe des benzoxazocines. Il inhibe la recapture des
monoamines telles que la sérotonine, la dopamine et la
noradrénaline. Il possède des effets anticholinergiques qui
doivent rendre son usage prudent chez la personne âgée. Pour
Aubrun (Aubrun, 2007), les contre-indications plus spécifiques
au sujet âgé sont représentées par les troubles urétroprostatiques, le glaucome à angle fermé, l'insuffisance
hépatique ou rénale sévère (notamment si la clairance de la
créatinine est inférieure à 30 ml / min), l'angor ou les troubles
du rythme. Le risque de tachycardie serait retrouvé à hauteur de
10 % des patients. Pour Vincent (Vincent H. et al, 2007), le
néfopam est contre-indiqué chez le patient coronarien du fait de
ses effets à la fois chronotrope et inotrope positifs. Remarque de
l'auteur de ce site : les cardiopathies ischémiques, pas toujours
symptomatiques, sont fréquentes chez la personne âgée.
Une étude française de 2011 effectuée par le Service de
Pharmacologie clinique et Vigilances de Poitiers (France)
(Chavant et al, 2011) met en évidence une association positive
entre des troubles mnésiques transitoires et l'administration de
trois analgésiques : morphine, tramadol et néfopam. Prudence
donc, bien que l'interrogation subsiste d'un lien de causalité, en
particulier de causalité inverse ou de facteurs de confusion.
Selon la revue Prescrire en février 2013 (Prescrire, 2013), "le
néfopam expose à des effets atropiniques, des convulsions, des
troubles hépatiques et des dépendances (n° 324 p. 738-739 de la
revue)".
Djerada et al (Djerada et al, 2013) étudient les effets secondaires
du néfopam (en France : ACUPAN*) administré en phase postopératoire chez 48 personnes âgées de 65 à 99 ans présentant
ou non une altération de la fonction rénale. La dose, classique,
est de 20 mg par voie intraveineuse administrée en perfusion
sur une durée de 30 minutes. L'AMM française précise
(ampliation du 8 mars 2010) : "ce médicament doit être
administré en perfusion IV lente sur plus de 15 minutes, le
patient étant en décubitus, afin d'éviter la survenue d'effets
indésirables (nausées, vertiges, sueurs)".
Les auteurs relèvent que la tachycardie et les effets digestifs
(nausées et vomissements post-opératoires) sont en relation
positive avec la rapidité d’augmentation des taux sériques de
néfopam. Aussi, dans le but de limiter les effets secondaires et
de permettre une épargne opioïde, les auteurs recommandent
une administration sur une durée minimale de 45 minutes chez
la personne âgée, quelle que soit la condition rénale du patient.
Le néfopam peut-il être administré par voie orale ?
Christophe Mallet et Alain Eschalier écrivent dans l'ouvrage
paru chez Arnette en 2009 sous la direction de Louis Brasseur,
Didier Bouhassira et Marcel Chauvin (Douleurs : physiologie,
physiopathologie et pharmacologie).
"Produit présenté en solution injectable et préconisé pour une
administration intramusculaire ou intraveineuse, le néfopam
est quelquefois administré par voie orale (Tmax = 2-3 heures).
Il a alors une faible biodisponibilité, d'environ 36 % limitée par
un effet de premier passage hépatique. La liaison aux protéines
plasmatiques est voisine de 75 %."
Reste à savoir si cette pratique doit être déconseillée du fait
qu'elle n'est pas "préconisée" ou pour d'autres raisons.
2. Comparaison de puissance des antalgiques de palier 1 :
La puissance théorique moyenne per os (équianalgésie) des antalgiques
dits périphériques est approximativement la suivante :
acide acétylsalicylique = 650
paracétamol = 650
noramidopyrine = 600
3. médicaments plus puissants indiqués principalement
contre les douleurs par excès de nociception : palier 2 de
l'OMS.
3.1) la codéine :
3.1.1 - les associations paracétamol-codéine :
a) l'EFFERALGAN CODEINE*
Chaque comprimé contient 500 mg de paracétamol et 30 mg de codéine.
Les doses quotidiennes de 3 grammes de paracétamol et de 180 mg de
codéine ne doivent pas en principe être dépassées. Cette notion est
discutable en soins palliatifs. Selon Inturussi (Inturussi et al, 1993), des
doses maximales de 4 g de paracétamol et de 240 mg de codéine sont
possibles. La codéine connaîtrait toutefois un effet plafond.
L'administration ne devrait pas être concomitante avec un jus de fruit.
L'alcool majore le risque d'hépatotoxicité du paracétamol. Ce
médicament devrait être absorbé à jeun pour obtenir un effet rapide. Il ne
doit pas être écrasé. Il peut être pris avec du lait ou pendant le repas,
bien que son effet soit alors moindre.
Nous débutons le traitement par des doses qui peuvent être faibles, de
l'ordre de 30 milligrammes quotidiens - ou même de 8 mg (1/4 de
comprimé) - chez des sujets fragiles ou relativement peu algiques.
D'après le dictionnaire Vidal, le pic plasmatique du paracétamol est
atteint en 20 à 30 minutes. La concentration maximale en codéine est
atteinte en 60 minutes. Il n'est toutefois pas précisé si ces données
pharmacocinétiques concernent aussi la personne âgée. Ainsi, la prise
pourrait être effectuée une heure avant un geste douloureux pour avoir
un effet maximum. D'autre part, chaque comprimé contient 380 mg de
sodium.
b) le DAFALGAN CODEINE* en comprimés pelliculés : sa composition
est identique à celle de l'EFFERALGAN CODEINE*. Certains patients
n'apprécient pas cette dernière présentation effervescente. En cas
d'insuffisance cardiaque décompensée, le recours au DAFALGAN
CODEINE* est souhaitable du fait de sa moindre teneur en sodium.
c) le CODOLIPRANE* en comprimés sécables dont la composition est :
paracétamol 400 mg et codéine phosphate 20 mg.
d) le sirop de codéine.
3.1.2 - L'équivalence de la codéine avec la morphine :
Une équivalence simple et donc facile peut être proposée (conférence
du Dr Poumayou, 2 mars 2005, Albi, France) :
60 mg de codéine équivalent à 10 mg de morphine orale
NB. Des équivalences comparables mais un peu différentes ont été
proposées par ailleurs. Par exemple : milligrammes de codéine x 0,2 =
milligrammes de morphine (per os).
3.1.3 - Une tendance se fait jour dans la littérature : passer au palier 3 de
l’OMS sans passer par le palier 2. Cette attitude se justifierait d’une part
par les effets secondaires rencontrés au palier 2 avec des substances
telles que la codéine ou le tramadol. D’autre part, l’action de la codéine
est nulle ou insuffisante chez 10 à 15 % des sujets : un déficit
enzymatique en CYP2D6, qu’il soit génétique ou acquis, est susceptible
d’inhiber la transformation attendue de codéine en morphine. Rappelons
que la codéine subit une déméthylation catalysée par le cytochrome
P450 2D6 (CYP2D6) conduisant à la production de métabolites actifs
(Kathiramalainathan et al. 2005). Cette situation laisse redouter non
seulement une inefficacité du traitement antalgique par la codéine, mais
aussi une inadéquation des posologies lors du passage éventuel au
palier 3 dans l’éventualité où le déficit en CYP2D6 n’est pas reconnu.
Ainsi, une prédisposition génétique peut entraîner une mauvaise
analgésie chez certains patients (environ 7 % des « caucasiens »
d'après Becker) en raison de 2 allèles non fonctionnels pour le
cytochrome CYP2D6. Chez ces personnes, l’analgésie sous codéine,
oxycodone, tramadol ou hydrocodone (non commercialisée en France)
peut être réduite ou annulée par rapport au résultat attendu. Becker
(Becker et al, 2005) propose de recourir dans ces cas à la morphine ou
bien à l’hydromorphone. Encore faut-il reconnaître ces situations
minoritaires mais non rares.
De plus, certains médicaments sont de puissants inhibiteurs de cette
enzyme. Parmi ces substances, les plus utilisées sont l’amiodarone, la
paroxétine et la rispéridone ; voir une liste plus complète dans la
publication ci-jointe (Source : Bulletin de Pharmacovigilance de Basse
Normandie n°11, septembre 2009.)
Dès 1998, Eckhardt (Eckhardt et al, 1998) attire l'attention sur les
variations génétiques impliquant le CYP2D6 à l'origine d'un possible
défaut d'analgésie. Pire, cet auteur souligne que les effets secondaires
de la codéine sont présents sans que l'efficacité analgésique soit au
rendez-vous. Cette dernière considération est corroborée par la clinique
(EVA) et par la biologie : après codéine, seules des traces de morphine
étaient retrouvées chez les métaboliseurs lents. Pour cet auteur, les
métaboliseurs lents représenteraient 7 à 10 % de la population
caucasienne. Cette situation ne va pas sans poser des problèmes pour
reconnaître les métaboliseurs lents. Par ailleurs, une logique rotation des
opioïdes sujets à variations métaboliques au profit de la morphine, en
cas d'inefficacité, exposera le patient à un surdosage brutal par absence
de titration. C'est pourquoi, devant cette inconnue génétique en pratique
quotidienne, l'utilisation des substances (codéine, tramadol et
oxycodone) doit tenir compte de cet aspect.
Un mécanisme empruntant les mêmes voies métaboliques serait en
cause avec certains antidépresseurs par blocage de la déméthylation de
la codéine en morphine. Ceci semble être le cas pour la fluoxétine et
pour la paroxétine mais serait moindre pour les autres ISRS.
Selon Ereshefsky L (Ereshefsky L et al. 1995), les antidépresseurs de la
famille des ISRS possèdent une action inhibitrice sur le système du
cytochrome P450. Cette propriété est susceptible d'interagir avec le
métabolisme de la codéine. Toutefois, les ISRS n'auraient pas tous les
mêmes propriétés d'inhibition. Ainsi, la paroxétine serait puissamment
inhibitrice alors que le citalopram aurait peu d'effet (Hemeryck A et al.
2002). En pratique, l'association de la codéine à la paroxétine ou à la
fluoxétine doit être surveillée. Le citalopram, du fait de ses propriétés,
serait l'ISRS de choix en association avec la codéine.
Commentaire de l’auteur de ce site : la reconnaissance de l’inefficacité
de l’analgésie est parfois difficile chez les patients âgés, surtout s’ils
présentent des troubles sensoriels et cognitifs. La prudence devrait
s’imposer surtout lors du passage en équianalgésie théorique d’une
substance susceptible d’être inefficace à une substance dont l’action est
réputée plus constante.
En pratique, attention à :
– codéine vers morphine,
– codéine vers hydromorphone,
– oxycodone vers morphine
– ou encore oxycodone vers hydromorphone.
Ainsi, Mercadante (Mercadante et al. 2006) propose-t-il de « sauter » le
palier 2 au cours des douleurs cancéreuses en utilisant un analgésique
de palier 3 dès que la douleur est modérée. Une étude multicentrique a
été conduite en Italie pour valider cette conduite thérapeutique. De
petites doses de morphine ont été proposées à 110 patients souffrant de
douleurs cancéreuses modérées à sévères ne répondant plus aux
antalgiques de palier 1. La dose quotidienne de départ était de 15 mg
(10 mg chez les personnes âgées de plus de 70 ans). Au total, les
auteurs s’estiment satisfaits des résultats obtenus.
Commentaires de l’auteur de ce site : cette attitude est appelée à se
développer après les mises en garde concernant le palier 2.
L’association palier 1- palier 3 est rationnelle, pourvu que les doses de
départ des antalgiques de palier 3 soient équivalentes à celles qui
étaient utilisées au palier 2. Dans ce contexte, des améliorations
attendues des présentations permettant l’administration de doses encore
plus faibles (surtout pour les formes orales à libération immédiate
ou modifiée) seraient les bienvenues chez les personnes âgées.
Toutefois les restrictions administratives appliquées aux médicaments de
palier 3 constituent un obstacle à la diffusion de cette stratégie
thérapeutique pourtant plus rationnelle.
3.2) le dextropropoxyphène : le retrait du marché est effectif en France.
3.2.1 - Critères de Beers
Les critères de Beers constituent une base de réflexion sur la
prescription des médicaments chez la personne âgée. Nous listons cidessous la liste des analgésiques issue de la publication de Fick (Fick
et al, 2003
). Selon Fick (Fick et al. 2003), le dextropropoxyphène n'offrirait que peu
d'avantages analgésiques sur le paracétamol chez la personne âgée,
tout en possédant les mêmes effets secondaires que les autres opioïdes
:
effets adverses
substance
niveau de risque
possibles
propoxyphène
possède peu d'avantages
bas
sur le paracétamol en
termes d'efficacité mais
possède les effets
secondaires des autres
opioïdes.
pentazocine (en France,
anciennement
commercialisée sous le
nom de FORTAL*)
possède beaucoup d'effets
secondaires sur le SNC, en
particulier confusion
et hallucinations. De plus, élevé
possède des propriétés
mixtes, agonistes et
antagonistes.
mépéridine (en France,
PETHIDINE RENAUDIN*,
anciennement
commercialisée sous le
nom de DOLOSAL*)
peu efficace par voie orale
aux doses usuelles. Peut
provoquer un état
confusionnel et possède de élevé
nombreux inconvénients
par rapport aux autres
opioïdes.
3.2.2 - Après le retrait du dextropropoxyphène, la Société Française de
Rhumatologie, l'AFSSAPS et la SFETD ont émis les recommandations
suivantes dont la dernière mise à jour a été effectuée en mai 2011.
3.3) Le tramadol (dont le TOPALGIC* ou l'IXPRIM*).
Le tramadol est un analgésique central de synthèse. Selon Vincent (Vincent et
al, 2007), il présente un mécanisme d'action original : une activité morphinique
notamment liée à son dérivé 0-déméthylé, qui a une affinité 200 fois supérieure
pour les récepteurs µ par rapport à la molécule mère ainsi qu'une activité
monoaminergique, qui consiste en une inhibition de la recapture de la
noradrénaline et de la sérotonine. Inconvénient à connaitre : 8 % des caucasiens
ont un déficit en système enzymatique permettant d'obtenir le dérivé 0déméthylé. Ce système enzymatique est le même que celui qui est impliqué dans
la possible insuffisance d'analgésie sous codéine et sous oxycodone (voir la
publication de Enggaard et al, 2006, celles de Zwisler (Zwisler et al, 2009 et
2010) qui donnent des résultats discordants pour l'oxycodone). Ces patients dit
PM (poor metabolizers) sont, de ce fait, potentiellement résistants à l'effet
antalgique. Par ailleurs, la présentation LP de tramadol serait mieux supportée
que la présentation à libération immédiate. Il existe une forme monoprise
(MONOALGIC*) qui serait intéressante en cas de mauvaise observance ou de
polymédication (Deleens, 2007).
Selon les recommandations de l'ANAES (devenue HAS) d'octobre 2000
relatives à la douleur chez la personne âgée ayant des troubles de la
communication verbale, le tramadol est un "antalgique non anti-inflammatoire et
non narcotique, sa double action agoniste opioïde des récepteurs µ et antirecapture de la sérotonine peut avoir un intérêt dans les douleurs mixtes
(nociceptive et neuropathique), par exemple dans les sciatalgies. Une titration
par forme à libération immédiate (gélule dosée à 50 mg) est préconisée avant
passage aux formes à libération modifiée (gélule dosée à 100 – 150 et 200 mg).
Parfois mal toléré par la personne âgée sur le plan digestif (nausées,
vomissements, constipation), le tramadol se caractérise également par la
fréquence des troubles neuropsychiques".
Pour Jean (Jean, 2007) l'équivalence analgésique (équianalgésie) se situerait à
50 mg de tramadol oral pour 10 mg de morphine orale. Commentaire de l'auteur
de ce site : l'équivalence analgésique du tramadol par rapport à la substance de
référence est demeurée longtemps incertaine. De plus, le tramadol et la
morphine ne s'adressent pas forcément aux mêmes douleurs car le tramadol
possède, outre ses propriétés communes aux opioïdes, une action
monoaminergique à visée neuropathique. Comme toujours dans le domaine des
équivalences, il ne s'agit donc que d'un simple ordre d'idée.
Deux observations de syndromes sérotoninergiques chez des patients
âgés de plus de 80 ans lors de l'association du tramadol à deux
Inhibiteurs Sélectifs de la Recapture de la Sérotonine (ISRS), la
paroxétine (DEROXAT*) et la fluvoxamine (FLOXYFRAL*) ont été
rapportées par le centre de pharmacovigilance de Poitiers (Beuzit et al,
2000). Le fascicule "interférences médicamenteuses" du dictionnaire
Vidal 2000 ne signale pas ce risque, mais d'autres observations
troublantes incitent à éviter d'associer le tramadol à un ISRS en
particulier chez les sujets âgés.
Le syndrome sérotoninergique (SS) : un ennemi sournois qui doit être reconnu
du fait de sa gravité et de son potentiel déclenchement par des médicaments
utilisés fréquemment en gériatrie, seuls ou en association, à visée antalgique ou
antidépressive.
Médicaments les plus suspects en gériatrie :






tramadol
IRSS
IRSNA
ADT
IMAO
mirtazapine
Le SS (Bulletin de Pharmacovigilance de Basse Normandie, n°15, octobre 2010)
se manifeste par la triade :
- modification de l’état mental : anxiété, agitation.
- hyperactivité végétative : tachycardie, frissons, hypersudation, mydriase,
dysrégulation de la pression artérielle, borborygmes, diarrhée.
- anomalies neuromusculaires : myoclonies, tremblements.
Les critères de Hunter précisent la symptomatologie en présence d’un
médicament sérotoninergique :
1. Si (clonies spontanées), alors SS
2. Ou bien si (clonies induites) et (agitation) ou (hypersudation), alors SS
3. Ou bien si (clonies oculaires) et (agitation) ou (hypersudation), alors SS
4. Ou bien si (tremblements) et (hyperréflexie), alors SS
5. Ou bien si (hypertonie) et (fièvre > 38°C) et (clonies oculaires) ou (clonies
induites), alors SS
6. Sinon pas de SS.
Selon la revue française Prescrire (Prescrire, janv 2005 ; 25(257) : 2750), le tramadol serait à même, comme le dextropropoxyphène, de
provoquer des hypoglycémies.
Pour Blandine De la Gastine, gériatre qui s’inspire de l’expérience du
centre anti-douleur du CHU de Caen, la mauvaise impression clinique
produite par le tramadol est en lien avec de mauvaises habitudes de
prescriptions, à savoir l'utilisation de posologies trop fortes d'emblée pour
les patients âgés.
Son expérience est plutôt positive car elle effectue une titration au
moyen de tramadol en gouttes (forme pédiatrique, 2,5 mg par goutte) qui
permet de commencer à des posologies plus raisonnables comme 6
gouttes toutes les 6 heures, soit 15 mg x 4 fois / 24h.
On peut ainsi augmenter progressivement les doses si le patient n'est
pas suffisamment soulagé.
Elle a rencontré très peu (voire pas) d'effet indésirable à ces posologies.
Autre explication de la difficulté de manier le tramadol : sa dépendance
au CYP2D6 comme envisagé plus haut, puisque les métaboliseurs lents
(5 à 10% des caucasiens) ne transforment pas le tramadol en Odéméthyl tramadol qui est 2 à 4 fois plus puissant pour l'effet opiacé. Il
est aussi prouvé que les médicaments inhibiteurs puissants du CYP2D6
comme le DEROXAT* (paroxétine), le PROZAC* (fluoxétine), certains
neuroleptiques (halopéridol, rispéridone, lévomépromazine,
chlorpromazine), bétabloquants, amiodarone, ... entravent l'effet
antalgique du tramadol (article relatif à la paroxétine : Laugesen et al,
2005).
Pour cette collègue, l'utilisation du tramadol à une posologie d'emblée
trop importante est une erreur et prive les patients de ce médicament
intéressant par son effet mixte sur les douleurs nociceptives et
neuropathiques.
Selon le guide de des 4 000 médicaments publié en septembre 2012
par Even et Debré (Even et Debré, 2012), seules les présentations de
tramadol commercialisées sous les noms de TOPALGIC*,
MONOALGIC* et IXPRIM* mériteraient d’être maintenues sur le marché,
les autres n’étant que des « quai-copies ou copies inutiles ». De
manière assez surprenante pour un ouvrage aussi critique, le risque ce
cette substance est jugé « mineur » (R1) pour une bonne efficacité (E3)
pour les deux premières présentations. A noter : E2 (grande efficacité) et
R2 (risque modéré) pour IXPRIM*.
3.4) Effets indésirables : tramadol et codéine en association au
paracétamol.
Lien vers la publication considérée.
Deux opioïdes “faibles” du palier 2 de l’OMS sont associés avec du
paracétamol en France : le tramadol et la codéine (TRM+P et COD+P ). Ces
combinaisons sont impliquées dans des effets indésirables mais aucune donnée
n’était disponible jusqu'à présent concernant leur incidence relative suivant
chaque analgésique.
Tous les cas rapportés spontanément à la Pharmacovigilance française du 1er
janvier 1987 au 31 décembre 2006 ont été étudiés. La consommation pour la
même période a été obtenue de l’Agence Française du Médicament. Le nombre
d’effets indésirables (EI), d’EI graves et d'EI selon les diverses catégories
d’organes ont été comparés à leur consommation.
Le taux rapporté d’EI était de 44.5/100 000 personnes-années pour TRM+P et
12.5/100 000 personnes-années pour COD+P.
En somme, parmi les deux combinaisons associant du paracétamol à un opioïde
de palier 2, les taux rapportés d’EI et d’EI graves sont plus élevés avec le
tramadol qu'avec la codéine.
4. les analgésiques centraux : palier 3 de l'OMS (per os)
Selon Klepstad (Klepstad et al, 2005), les variabilités interindividuelles
dans la pharmacologie des opioïdes suggèrent que des prédispositions
génétiques influencent la réponse aux opioïdes. Des gènes
interviendraient à plusieurs niveaux : métabolisation de la morphine
(gène UGT2B7), récepteurs µ (gène OPRM1) et transport de la
morphine (gène MDR1). De plus une variabilité dans la dégradation des
catécholamines (gène COMT) peut modifier l’efficacité de la morphine
par un mécanisme indirect empruntant un système non-opioïde.
Ces considérations expliqueraient la part innée des variations
interindividuelles de l’efficacité des morphiniques. Après les différences
interindividuelles relatives à la douleur elle-même, après les
considérations pharmacocinétiques et les interférences
médicamenteuses, encore de bonnes raisons d’écouter nos patients
âgés sans préjuger de la validité de leur plainte, en particulier sur un
argument de dose de morphinique. De bonnes raisons aussi de manier
les morphiniques avec précaution.
Ce sont les effets secondaires qui empêchent le plus souvent
d'administrer d'emblée des doses efficaces de morphiniques. Les
facteurs de risque sont représentés par l’âge, une insuffisance hépatique
ou rénale, une polymédication (en particulier celles incluant un ou des
psychotropes) et l'existence de pathologies associées modifiant la
pharmacocinétique. C'est pourquoi il convient (Vassal et al, 2010) :
- d'utiliser des médicaments à demi-vie d'élimination courte,
- de diminuer les posologies initiales au minimum de moitié, voire
davantage chez le sujet âgé par rapport à l'adulte jeune,
- d'adapter lentement les posologies.
- en somme : "start low and go slow" = débuter par des doses basses et
monter doucement.
Les morphiniques sont désormais autorisés, voire recommandés dans
certaines situations de douleurs chroniques non cancéreuses. Les
recommandations de Limoges (1999) permettent d'adopter une attitude
rationnelle en rhumatologie.
4.1) la morphine
Selon Vassal (Vassal et al, 2010), l'altération de la fonction rénale chez
la personne âgée ne contrindique pas l'utilisation de la morphine mais
doit rendre prudent du fait de l'élimination urinaire de métabolites actifs.
La formule de Cockroft et Gault représente une aide à l'initiation du
traitement. Toutefois, il serait illusoire d'établir un protocole précis à partir
de cette dernière du fait des nombreux autres facteurs interférents.
4.1.1 - per os
Le sulfate de morphine à libération modifiée : le MOSCONTIN* que nous
n'utilisons pas car il ne peut pas être écrasé et le SKENAN LP* dosé à
10 mg, 30 mg, 60 mg et 100 mg. Il existe une présentation hospitalière
de SKENAN LP* contenant 200 mg de principe actif. La gélule doit être
avalée sans être croquée. Si cela n'est pas possible, le contenu de la
gélule peut être répandu dans la nourriture ou introduit dans une sonde.
La présentation minimale (10 mg) est inadaptée à la personne âgée
dans les situations de démarrage chez les sujets vierges en morphine.
Un dosage à 5 mg serait un progrès, peut-être une prochaine réalité. Il
existe une présentation de morphine orale à libération modifiée sur 24
heures : le KAPANOL LP*. La Revue Prescrire de Septembre 1998
(Tome 18, n°187, page 566) estime que cette présentation n'offre pas
d'avantage pratique par rapport à SKENAN LP*. Toutefois, les auteurs
admettent que le KAPANOL LP* peut néanmoins s'avérer utile pour
quelques malades.
La voie orale est employée de façon préférentielle dans les douleurs par
excès de nociception. A ce propos, on lira les recommandations de
l'Association Européenne de Soins Palliatifs en 2001 concernant la
morphine et les autres opioïdes dans le traitement de la douleur due au
cancer. Le démarrage est progressif, généralement en relais de la
codéine (selon les paliers de l'OMS). Concrètement, quand le patient
reçoit 180 mg de codéine, l'équivalence théorique est de 30 mg de
SKENAN LP* avec une fréquente répartition de 20 mg le matin et 10 mg
le soir si la douleur est préférentiellement diurne.
L'augmentation est classiquement de 50 % d'un jour sur l'autre en cas
d'insuffisance d'analgésie. Souvent, l'association de la morphine avec le
paracétamol est conservée pour des raisons de tolérance, et même
d'efficacité car les mécanismes d'action de ces deux substances sont
différents.
Il existe un sulfate de morphine à libération immédiate : SEVREDOL*
(Laboratoires Asta Medica). Les comprimés (forme à libération
immédiate) sont dosés à 10 mg ou 20 mg de sulfate de morphine. Nous
employons l'ACTISKENAN*, sulfate de morphine dosé à 5, 10, 20 et 30
mg (laboratoires UPSA). Il s'agit de gélules à libération immédiate
pouvant être ouvertes et mélangées à la nourriture. L'utilisation de cette
présentation nous semble intéressante dans trois circonstances :
- lors de l'initiation du traitement morphinique,
- lors des soins en prévision d'une douleur incidente iatrogène. On
pourra utilement se reporter à la page suivante : http://geriatriealbi.com/Douleuriatro.htm . Resnick et Morrison (Resnick et al. 2004)
répertorient seize situations potentiellement douloureuses ou
inconfortables lors de gestes hospitaliers habituels. Pour ces auteurs, la
douleur lors de la pose d'une sonde nasogastrique est sous-évaluée par
les médecins.
- lors des douleurs incidentes spontanées à titre d'entredose. La dose
administrée est, en théorie, de l'ordre de 10 à 15 % de la dose
journalière en équivalent morphine. La tendance actuelle est à
l'administration de doses supérieures à ce ratio.
Mazoit (Mazoit et al, 2007) étudie les deux métabolites de la morphine.
Le M-6-G apparaît comme un puissant agoniste morphinique alors que
le M-3-G est un antagoniste faible. Tous deux sont faiblement excrétés
en cas d’insuffisance rénale. Du fait de la possibilité d’une analgésie
insuffisante générée par les effets du M-3-G, les auteurs suggèrent que
l’on devrait envisager une rotation des opioïdes à partir de la morphine
après un ou deux jours en cas d’analgésie insuffisante.
Selon Perrot (Perrot S, 2009), l'utilisation de la morphine dans les
douleurs rhumatismales chroniques devrait obéir à des règles strictes de
prudence chez la personne âgée. Pour cet auteur, une progression de
10 mg de morphine per os tous les 14 jours est une attitude à
recommander. Par ailleurs, cet auteur préconise de fonder
éventuellement la surveillance sur le périmètre de marche effectué
(amélioration fonctionnelle) plutôt que sur l'évaluation de la douleur
stricto sensu.
4.1.2 - la voie sous-cutanée
a) la voie sous-cutanée par injections discontinues :
Il existe une équivalence entre la dose orale de sulfate de morphine et la
dose sous-cutanée de chlorhydrate de morphine. La dose orale est
divisée par deux pour calculer la dose sous-cutanée souhaitable.
L'injection sous-cutanée isolée peut être douloureuse mais permet un pic
sérique plus précoce. Elle est donc réservée aux gestes douloureux, aux
mobilisations pénibles ou lorsque la voie orale est impossible. L'injection
en bolus sera au maximum de 5 mg sur un patient "vierge", 60 minutes
avant la mobilisation ou l'acte douloureux du fait du délai nécessaire à
l'obtention du pic plasmatique par voie sous-cutanée. La durée d'action
est de 4 à 6 heures. Pour un soin douloureux, il vaut mieux situer le
geste agressif dans la période comprise entre une à deux heures après
l'injection. (http://geriatrie-albi.com/Douleuriatro.htm )
b) la voie sous-cutanée continue à la seringue électrique (pousseseringue ou seringue autopropulsée) :
La voie sous-cutanée en continu à la seringue électrique est d'utilisation
fréquente.
Il ne faut pas oublier la dose de charge en injection directe starter pour
atteindre et dépasser le seuil analgésique. Les indications les plus
fréquentes de la voie sous-cutanée sont :
- le malade qui ne peut pas avaler les gélules ouvertes de SKENAN LP*,
en particulier en fin de vie.
- le patient qui tolère mal la morphine per os : nausées, vomissements.
Le chlorhydrate de morphine par voie sous-cutanée continue semble
mieux supporté dans ce domaine que la voie orale à doses équivalentes.
4.1.3 - la voie intraveineuse.
Dans l'indication d'un soin ou d'une manipulation douloureuse, nous
n'utilisons pas la morphine par voie intraveineuse. L'équivalence en
serait la dose orale divisée par trois.
Dans une étude française publiée en 2002, Aubrun (Aubrun et al, 2002)
fait état des besoins en morphine intraveineuse en période
postopératoire. Cet auteur a comparé la titration nécessaire pour
ramener l'EVA en dessous de 30 mm chez des patients âgés par rapport
à des adultes. La définition du patient âgé était celle des personnes dont
l'âge était supérieur à 70 ans, soit 175 malades. Les autres patients
étaient au nombre de 875. Le bolus injecté par voie intraveineuse était
de 2 mg si le poids était inférieur à 60 kilogrammes et de 3 mg au-
dessus de cette valeur. Aucune différence significative n'a été notée en
termes d'effets secondaires (13% vs 14%), de nombre de patients
sédatés (60% vs 60%) et pour le nombre de ceux dont la titration a dû
être interrompue (2% vs 2%). Cette étude suggère que la morphine
intraveineuse peut être administrée avec le même protocole chez le
patient âgé et chez l'adulte en période postopératoire. Un biais pourrait
toutefois consister dans une hétérogénéité des échantillons, les
personnes âgées subissant des interventions statistiquement différentes.
4.1.4 - la voie locale
Bien que nous n'utilisions pas cette voie, deux publications retiennent
notre attention. Tout d'abord celle de Zeppetella (Zeppetella et al. 2003)
qui fait état de l'efficacité du sulfate de morphine à la dose de 10 mg
administré localement pour lutter contre la douleur liée à des escarres
sacrées. Bien que le nombre de patients soit faible (cinq seulement),
l'étude semble bien conduite : randomisée, contre placebo, en double
aveugle et en cross-over. Enfin celle de Flock (Flock P, 2003) qui utilise,
avec une méthodologie comparable, du gel de diamorphine chez 13
patients souffrant d'escarres aux stades II ou III de la NPUAP.
4.2) Le fentanyl
Selon Vassal (Vassal et al, 2010), l'altération de la fonction rénale chez
la personne âgée ne contrindique pas l'utilisation de la morphine mais
doit rendre prudent du fait de l'élimination urinaire de métabolites actifs.
La formule de Cockroft et Gault représente une aide à l'initiation du
traitement. Toutefois, il serait illusoire d'établir un protocole précis à partir
de cette dernière du fait des nombreux autres facteurs interférents.
Le fentanyl est principalement métabolisé par le foie et ne possède pas
de métabolite actif. Ceci rend son utilisation plus aisée lorsque la
fonction rénale est anormalement altérée car seulement moins de 10 %
du fentanyl sont éliminés par cette voie sous forme inchangée.
Remarque de l’auteur de ce site : malgré ses avantages, le fentanyl
possède des inconvénients : équivalence de 30 mg de morphine
quotidienne pour la plus faible présentation (12 µg/hr), rigidité thoracique
plus fréquente, nouveauté des présentations d’action immédiate,
sécurité apparente éventuellement trompeuse par moindre effet sédatif
immédiat.
4.2.1 - Le fentanyl transdermique
4.2.1.1 Le fentanyl transdermique " passif " (DUROGESIC*,
MATRIFEN*)
Séduisant du fait de sa facilité d'administration, le fentanyl transdermique
doit être employé avec précaution chez la personne âgée, a priori quand
elle est fragile.
Tout d'abord, comme indiqué ci-dessus, l'équivalence approximative est
de 30 mg de morphine orale quotidienne équivalente à 12 µg par heure
de DUROGESIC* toutes les 72 heures. Or, la présentation la moins
dosée de DUROGESIC* en France est de 12 µg par heure. Ainsi, le
dosage de la présentation française la plus faiblement dosée de fentanyl
transdermique demeure relativement élevé. Ceci doit inciter à la
prudence, en particulier en renonçant à son introduction en première
intention. Une titration préalable par morphine est donc grandement
souhaitable. Et ce d'autant que, selon Deleens (Deleens, 2007), la durée
d'action est longue et variable, la biodisponibilité et l'équianalgésie sont
également variables.
La dose optimale n'est pas clairement prévisible sur la base des
traitements morphiniques de fond. Une nouvelle titration est nécessaire.
Cette recommandation correspond à l'équivalence théorique suivante :
nombre de µg/hr du patch x 2,4 = posologie de la morphine quotidienne
per os en milligrammes (JM Lassaunière, 2000).
La latence est longue et nécessite donc l'observation attentive lors de la
première administration avec recours à une substance analgésique
d'action courte telle que l'ACTISKENAN* en cas de douleur incidente
spontanée ou provoquée.
Désormais, le DUROGESIC* possède l'AMM pour des douleurs
cancéreuses et aussi en dehors des douleurs cancéreuses. Le
dictionnaire Vidal précise : "Durogesic est indiqué dans le traitement des
douleurs chroniques sévères qui ne peuvent être correctement traitées
que par des analgésiques opioïdes".
Une comparaison entre le coût mentionné dans le dictionnaire
thérapeutique français VIDAL pour une même dose équivalente et
courante de morphine orale à libération modifiée et de fentanyl
transdermique montre un facteur multiplicatif de 1,74.
2,71 Euros pour 120 mg de SKENAN LP sur la base de 60 mg chaque
12 heures.
vs
14,18 Euros pour un DUROGESIC 50 µg par heure (soit l'équivalent de
120 mg de morphine orale quotidienne). Toutefois le DUROGESIC*
étant appliqué chaque 72 heures, il convient de diviser ce prix par 3, ce
qui équivaut à 4,72 Euros. Le DUROGESIC* à cette posologie
équivalente est donc 1,74 fois plus cher que le SKENAN LP. Source :
Vidal pro électronique le 30 janvier 2003.
Le pharmacien américain Berry (Hospice of Wake County, USA) évoque
en août 2004 dans le forum "bulletin board" la pharmacocinétique du
fentanyl transcutané. Du fait du caractère lipophile de cette molécule,
l'absorption transcutanée serait modifiée chez la personne âgée
dénutrie. Cette dernière connaît en effet une baisse de la composition
lipidique de l'épiderme, du derme et du tissu sous-cutané. Dans ces
conditions, le patch contiendrait encore du fentanyl lors de son ablation à
la 72 ème heure. Cette situation amène l'auteur à remettre en cause,
dans le cas de ces malades dénutris, les équivalences classiques entre
le fentanyl transcutané et la morphine orale.
Chez la personne âgée, Berry utilise une équivalence plus prudente,
égale à 90 mg de morphine orale pour 25 µg/hr. Toutefois, chez une
personne âgée pesant 40 kgs, il conviendrait de diviser cette
équivalence approximativement par deux (soit 45 mg de morphine orale)
quand les doses de fentanyl sont élevées. Ceci pour tenir compte du
défaut d'absorption cutanée : encore une publication qui nous place
devant la difficulté des équivalences entre opioïdes, en particulier pour le
patch de fentanyl. La prudence, la titration et parfois l'empirisme restent
d'actualité.
Regnard (Regnard et al, 2003) publie quatre cas de sédation et de
dépression respiratoire brutale sous patch de fentanyl. Deux patients
avaient présenté préalablement une infection respiratoire. Tous le
malades ont répondu à l’administration intraveineuse de naloxone. Un
d’entre eux a dû recevoir cette substance pendant 30 heures après
l’ablation du patch de fentanyl.
Les hypothèses émises par ces auteurs retiennent l’attention :
1) La vasodilatation cutanée : elle peut être causée par la fièvre, mais
aussi par la rétention de CO2 lorsque la dépression respiratoire apparaît.
Non seulement l’extraction du fentanyl peut être augmentée à partir du
patch, mais encore le relargage de cette substance liposoluble dans tout
l’organisme, à partir du tissu cellulaire sous-cutané, serait accru. Ce
dernier mécanisme serait bien plus important que le relargage à partir du
patch.
2) La réduction de la liaison aux protéines sériques : le fentanyl est
fortement lié aux protéines sériques. Cette situation est modifiée par
l’acidose qui va diminuer cette liaison. Or, l’acidose est la conséquence
de la dépression respiratoire. La quantité de fentanyl en circulation va
être accrue par ce mécanisme.
3) La saturation des graisses de l’organisme : en théorie, il ne devrait
pas être possible de saturer les graisses du corps entier avec une
substance liposoluble. Toutefois, chez des patients souffrant de cachexie
sévère, pouvant perdre jusqu’à 80 % de leur masse grasse, ce problème
pourrait se poser avec acuité.
Les deux premiers mécanismes pourraient expliquer le caractère inopiné
de la toxicité du fentanyl, en particulier chez des patients âgés fragiles
présentant une infection fébrile.
Selon Vincent (Vincent H, 2007), la température cutanée est un facteur
influençant la vitesse de résorption du fentanyl transdermique. Si la
température passe de 37 à 40°, la concentration de fentanyl
augmenterait de 25 %. La maigreur augmenterait également la vitesse
de résorption (absorption).
Selon le même auteur, depuis 2006, les patchs sont plus petits et
transparents, donc moins visibles. Il faut penser à rechercher s'ils ont
bien été enlevés en cas de surdosage.
Selon Heiskanen (Heiskanen et al, 2009), l’absorption de fentanyl
transdermique est diminuée chez dix patients cancéreux cachectiques
(BMI moyen : 16) par rapport à dix patients cancéreux non cachectiques
(BMI moyen : 23). Pour cet auteur, le mécanisme n’est pas élucidé.
Selon Perrot (Perrot S, 2009) les douleurs ostéo-articulaires des patients
souffrant de maladie de Parkinson bénéficieraient d'un traitement de
fond par fentanyl transcutané et d'interdoses de paracétamol, par
exemple avant une activité physique. Ici aussi, le fentanyl transcutané ne
doit pas être administré en première intention chez un patient naïf en
morphinique car le plus petit dosage disponible équivaut au moins à 30
mg de morphine per os. L'attitude de Perrot rejoint la publication de
Priano (Priano et al, 2006).
Dahan (Dahan et al, 2013) décrivent 42 cas de dépression respiratoire
liée aux opioïdes publiés dans la littérature chez des patients âgés de
plus de 12 ans. Avant l’an 2000, les cas publiés concernaient surtout des
patients cancéreux sous morphine. Après 2000, il s’agissait plutôt de
patients non-cancéreux sous méthadone ou fentanyl transdermique. Les
facteurs contributifs spécifiques concernaient plutôt des situations
d’insuffisance rénale et de déafférentation sensorielle avant 2000 alors
que les cas post-2000 traduisant une interaction médicamenteuse
impliquent le cytochrome P 450. Cette interaction a pu se produire par
exemple :
pour le fentanyl : du fait de l’introduction d’un inhibiteur du système CYP
tels que le fluconazole ou la clarithromycine.
pour la méthadone du fait de l’arrêt d’un inducteur tel que la sertraline.
4.2.1.2. Le fentanyl transdermique "actif" : IONSYS*
Mise sur le marché en Europe (pas encore en France) d’un système de
délivrance de fentanyl consistant à introduire la substance par voie
transdermique à l'aide d'un courant électrique continu : IONSYS*. Ce
dispositif est davantage adapté à l’administration aiguë du médicament
qu’à son utilisation chronique telle que nous la connaissons
actuellement (délivrance dite « passive »).
Ce dispositif comporte la possibilité d’administrer une dose maximale
préréglée. IONSYS* pourrait représenter une alternative à la PCA
(analgésie contrôlée par le patient). Cette présentation, désormais
disponible en Allemagne, Grande-Bretagne et Irlande, devrait être
proposée dans les autres pays européens dans les prochains mois.
Selon Mayes (Mayes et al, 2006), il serait ainsi possible d’éviter les
dysfonctionnements liés aux pompes de PCA ainsi que les incidents lies
aux cathéters intraveineux.
Selon Sinatra (Sinatra, 2005), il s’agit d’un dispositif de la taille d’une
carte de crédit permettant, au moyen d’un courant électrique
imperceptible de faible intensité, d’administrer la substance à la
demande du patient.
Commentaire de l’auteur de ce site : modalité intéressante mais
soumise aux incertitudes de la voie transdermique. A ma connaissance,
il n’existe pas encore d’étude concernant ce procédé chez la personne
âgée.
4.2.2 - Le fentanyl par voie orale transmuqueuse
Accès douloureux paroxystiques et cancers : quatre formes galéniques de
fentanyl sont désormais disponibles. Pour Tremblay Nguyen (Tremblay Nguyen
et al, 2012) aucun médicament n’aurait démontré d’avantage clinique par
rapport aux autres.
Il a été montré que les patients âgés étaient deux fois plus sensibles aux effets du
fentanyl administré par voie intraveineuse que les sujets plus jeunes. Par
conséquent, l'adaptation posologique doit s'effectuer avec précaution chez ces
patients. D'après le laboratoire LAFON, aucune étude spécifique clinique n'a été
menée avec cette présentation du fentanyl dans une population âgée. Cependant,
au cours des études cliniques, les doses démontrées efficaces chez les patients de
plus de 65 ans étaient inférieures à celles utilisées chez les patients plus jeunes.
Il n'a pas été observé de différence entre les patients âgés et les patients de
moins de 65 ans sur le plan du profil de tolérance. Pour Kharasch (Kharasch et
al. 2004), la pharmacocinétique du fentanyl transmuqueux n'est pas modifiée
chez 12 volontaires âgés (60 à 75 ans) par rapport à 12 volontaires jeunes (18 à
40 ans).
Dans une étude conduite auprès de 62 patients cancéreux utilisant le
fentanyl par voie transcutanée, Christie (Christie et al, 1998) constate
que le fentanyl par voie orale transmuqueuse aurait un effet plus rapide
et serait plus efficace que les autres médications antalgiques lors de
douleurs incidentes. Ces douleurs sont celles qui apparaissent malgré
un traitement de fond, en particulier à la faveur des soins et des
mobilisations. Les effets secondaires les plus fréquents du fentanyl par
voie orale transmuqueuse étaient : somnolence, nausée et vertige.
L'indication en est la douleur incidente chez des patients recevant un
traitement morphinique de fond pour des douleurs chroniques. En juillet
2001, Payne (Payne et al, 2001) publie les résultats d'une étude
multicentrique portant sur 32 universités américaines chez 155 patients
cancéreux, vivant à domicile, éprouvant au moins un épisode quotidien
de douleur incidente. L'OTFC (Oral transmucosal fentanyl citrate : citrate
de fentanyl par vois transmuqueuse) était utilisé à des doses de départ
déterminées lors d'un essai individuel de courte durée, variant de 200 à
1600 µg. L'évaluation portait sur la satisfaction (0 : faible à 4 : excellente)
et sur les effets secondaires. Au total, 41766 unités d'OTFC ont été
utilisées pour traiter 38595 épisodes de douleurs incidentes. Le nombre
de jours de traitement variait de 1 à 423, avec une moyenne de 91 jours.
Les patients ont présenté en moyenne 2,9 épisodes de douleurs
incidentes par jour. Environ 92 % des épisodes ont été traités avec
succès par l'OTFC. Cette efficacité n'avait pas tendance à diminuer avec
le temps. Le plus souvent, dans 61 % des cas, les patients n'ont pas
nécessité d'augmentation de la dose au cours du traitement. La
satisfaction globale se situait au-dessus de 3 sur l'échelle numérique
citée ci-dessus. Les effets secondaires habituels étaient les suivants :
somnolence : 9 %
vertiges : 8 %
constipation : 8 %
nausées : 8 %
vomissements : 5 %
Six malades ont interrompu le traitement du fait des effets secondaires.
Nous n'avons pas eu l'occasion d'utiliser le fentanyl par voie
transmuqueuse bien que ce traitement puisse trouver sa place dans le
soulagement des douleurs incidentes, y compris chez la personne âgée.
Un obstacle fréquemment avancé à son utilisation est la nécessité d'un
contact prolongé avec la muqueuse buccale pendant 15 minutes avec un
mouvement rotatif. Un geste qui peut s'avérer complexe, voire
impossible chez de nombreuses personnes âgées en soins de longue
durée.
Selon Vincent (Vincent H, 2007), les conditions d'application d'ACTIQ*
rendent cette forme quasiment inutilisable chez la personne âgée et de
nombreuses équipes utilisent le fentanyl sous forme d'ampoule
injectable : 50 µg par voie sublinguale 10 à 15 minutes avant les soins
douloureux : le patient garde le liquide sous la langue sans l'avaler
pendant 10 minutes, si possible. Cette administration est hors AMM.
Pour de la Gastrine, gériatre et pharmacologue :
"L'utilisation de fentanyl sublingual me parait très dangereuse pour
plusieurs raisons :
- le fentanyl est 100 à 150 fois plus puissant que la morphine, et chez
les sujets âgés, la sensibilité est encore plus importante.
- les essais cliniques avec le dispositif transmuqueux (ACTIQ*) n'ont
pas inclus de personnes âgées.
L'utilisation hors AMM (douleur pendant les soins) me parait assez
dangereuse car pas du tout évaluée. Pourquoi utiliser un médicament
hors AMM et non prévu pour cette voie d'administration chez des
patients très fragiles pour lesquels le médicament prévu n'a même pas
été évalué ? Nous avons des alternatives qui me semblent moins
dangereuses. Pourvu que cette mise à jour n'incite pas trop de médecin
à prescrire de façon irréfléchie le fentanyl en sublingual. Il faut être très
prudent avec le fentanyl chez les personnes âgées. Il me
parait souhaitable de rajouter plus de réserve à ce sujet, bien que vous
ayez déjà évoqué le caractère hors AMM de ce type de prescription."
En 2009, l'ABSTRAL* a obtenu l'AMM en France.
Voir l'avis de l'HAS.
Commentaires de l'auteur de ce site :
- forme galénique plus intéressante que l'ACTIQ*,
- indication limitée aux douleurs cancéreuses, comme à l'ordinaire avec
ce type de substance à l'exclusion de la morphine,
- à notre connaissance, pas d'étude spécifique chez la personne âgée,
en dehors des cancers ou encore lors de l'utilisation en prémédication
avant un geste douloureux.
Une autre forme galénique de fentanyl est désormais disponible depuis
le 1er février 2010 : les comprimés gingivaux d'EFFENTORA*. Voir la
lettre diffusée par le fabricant en accord avec l'AFSSAPS.
4.2.3 - le fentanyl effervescent
Une nouvelle forme galénique de fentanyl est désormais commercialisée
aux Etats-Unis depuis octobre 2006 : il s’agit de comprimés
effervescents dont l’absorption serait plus rapide et la biodisponibilité
meilleure que le fentanyl transmuqueux (en France : l’ACTIQ*).
Selon Blick (Blick et al, 2006), l’action thérapeutique serait significative
avec une dose unique de 100 à 800 µg administrée chez des patients
cancéreux devenus tolérants aux opioïdes. Les effets bénéfiques
seraient constatés entre 15 et 60 minutes après l’administration.
Portenoy (Portenoy et al, 2007) utilise cette présentation versus placebo
en double aveugle chez des patients lombalgiques évalués au moyen
d'une échelle numérique classique. Il s'agissait de 77 malades
nécessitant l'administration de morphiniques au long cours. L'action du
fentanyl était significative en moyenne dès la quinzième minute pour se
prolonger au moins pendant deux heures au cours de la plupart des
épisodes douloureux. Les effets secondaires étaient classiquement ceux
des morphiniques, en particulier lors de la phase de titration.
Précisons que l'utilisation du fentanyl dans les douleurs non cancéreuses
est toujours hors AMM en France. Cela incite à des prescriptions très
prudentes et avec une justification précise de l'intérêt pour le patient.
4.2.4 - Le fentanyl par voie pernasale
La douleur incidente, spontanée ou provoquée, représente certainement
le principal défi des années à venir. Face à cette difficulté, une nouvelle
présentation du fentanyl utilise la voie pernasale. Les effets du fentanyl
pernasal ont été évalués par une équipe londonienne exerçant dans un
"hospice" (Zeppetella G, 2000) chez 12 patients souffrant de douleurs
incidentes dans un contexte de cancer. Les patients recevaient 20 µg de
citrate de fentanyl et étaient évalués à l'aide d'une EVA après 3, 5, 10,
15, 30, 45 et 60 minutes. Huit patients, soit 66 %, ont bénéficié d'une
réduction de leur score douloureux, dont quatre dans les cinq minutes et
sept dans les dix minutes suivant l'administration. Les résultats étaient
jugés très bons pour 5 patients, bons pour 3, modéré pour un et mauvais
pour 3. Neuf patients ont souhaité continuer à bénéficier du produit. Sur
les trois patients qui n'ont pas eu un résultat positif, deux prenaient des
doses relativement élevées d'opioïdes en continu et un souffrait d'une
fracture. Aucun effet secondaire systémique n'a été noté. Deux patients
ont rapporté un prurit nasal ou bien un inconfort local qui ont disparu
après les premières prises. En France, le fentanyl pernasal bénéficie
désormais de l'AMM (Autorisation de mise sur le marché) depuis le 20
juillet 2009 sous le nom d'INSTANYL*. On trouvera en fichier lié l'avis du
13 janvier 2010 de la commission de transparence de l'HAS sur cette
présentation.
Au terme d'une méta-analyse de 6 revues de la littérature, Vissers (Vissers et al,
mai 2010) conclut que le fentanyl intranasal représente le moyen le plus efficace
dans la lutte contre les douleurs incidentes en cancérologie. Ceci en comparant
cette substance administrée par cette voie à la morphine orale, au fentanyl
buccal et au fentanyl transmuqueux. Toutefois, cette méta-analyse ne concerne
pas exclusivement des personnes âgées.
4.2.5 - Le fentanyl par voie intraveineuse :
Nous utilisons occasionnellement du FENTANYL injectable* pour des
situations très douloureuses nécessitant le plus souvent une
diazanalgésie associant fentanyl et midazolam pour pratiquer les
pansements et la toilette. Les conseils d'un médecin anesthésiste sont à
notre avis un minimum indispensable pour cette pratique par un médecin
non spécialisé.
4.3) L'hydromorphone
Son avantage, selon le laboratoire qui la commercialise (UPSA) sous le
nom de gélules de SOPHIDONE LP* dosées à 4 mg, 8 mg, 16 mg et 24
mg, est de permettre un relais de la morphine en cas d'intolérance ou de
résistance à celle-ci. Il n'existe pas encore de forme injectable ou même
à libération immédiate. De plus, cette substance ne comporte pas,
comme la codéine et l'oxycodone, le risque de moindre efficacité car elle
ne subit pas comme elles une déméthylation catalysée par le
cytochrome P450 2D6 (CYP2D6). L'hydromorphone est surtout
employée lors de la "rotation des opioïdes". Cette rotation peut être
justifiée pour des raisons théoriques diverses : l'activité des récepteurs,
l'asymétrie dans la tolérance croisée entre les différents opioïdes, les
différences d'efficacité entre les opioïdes et l'accumulation des
métabolites toxiques (Mercadante S, 1999). C'est la notion de tolérance
croisée incomplète des récepteurs µ, delta et kappa qui est le principe
pharmacologique sur lequel repose la rotation des opioïdes. En fait, une
telle rotation peut devenir nécessaire pour des raisons d'effets
indésirables inadmissibles, par exemple quand s'installe un état
confusionnel. Cette dernière situation serait plus fréquente lors des
stades avancés des cancers que lors des phases de début. Elle serait
favorisée par l'altération de la fonction rénale qui entraîne une rétention
de métabolites actifs (Lawlor et al, 2002). Les équivalences avec la
morphine ne sont pas clairement définies. D'après le laboratoire
commercialisant cette substance en France, l'hydromorphone est
considérée comme 7,5 fois plus puissante que la morphine. Cette notion
est discutée. Selon Lawlor (Lawlor et al, 1997), l'hydromorphone serait 5
fois plus puissante que la morphine chez des patients cancéreux quand
l'hydromorphone est administrée en relais de la morphine. Par contre,
elle serait seulement 3,7 fois plus puissante que la morphine quand elle
est administrée avant elle. Dans le cadre de la rotation des opioïdes,
Lhuillery (Lhuillery et al, 2000) recommande les posologies initiales
équivalentes suivantes : 60 mg de morphine per os = 8 mg
d'hydromorphone = 25 µg de fentanyl transdermique. Il s'agit de
renouveler la thérapeutique dès l'apparition d'effets indésirables mal
tolérés et mal contrôlés, ou encore dans le cadre d'une douleur mal
soulagée qui requiert des doses entraînant des effets secondaires. Nous
présentons en page liée les équivalences utilisées dans notre service :
équianalgésie.
4.4) L'oxycodone
4.4.1) L'oxycodone per os
Cette substance se présente sous la forme d'OXYCONTIN LP*,
comprimés à libération modifiée dosés à 5 mg, 10 mg, 20 mg, 40 mg, 80
mg et 120 mg. Elle existe aussi sous la forme d'OXYNORM* (gélules de
5, 10 et 20 mg) et d'OXYNORMORO* (comprimés orodispersibles de 5,
10 et 20 mg) qui est l'oxycodone à libération immédiate dont le plus
faible dosage est de 5 mg. Pour le laboratoire Mundipharma,
l'équivalence avec la morphine orale à libération modifiée serait de 1 / 2,
soit 10 mg d'oxycodone orale équivalant à 20 mg de morphine orale. Son
principal intérêt serait d'accroître les possibilités de "rotation des
opioïdes".
Cent quatre-vingt-six patients cancéreux en soins palliatifs ont été
étudiés dans deux établissements hospitaliers britanniques (Riley et al,
2005). Parmi eux, 138 ont bénéficié d'une bonne réponse à la morphine.
Un patient a été perdu de vue. Quarante-sept n’ont pas répondu
convenablement à la morphine ou bien ont présenté des effets
secondaires intolérables. Pour 37 d’entre eux, il a été possible de les
soulager avec de l’oxycodone. Quatre autres ont été soulagés par un
autre opioïde.
Pour Heiskanen (Heiskanen et al, 1997), le ratio d'équivalence serait de
2 / 3 lorsque l'oxycodone est administrée en premier lieu mais de 3 / 4
quand la morphine est administrée en premier lieu lors d'une étude
randomisée en double aveugle, en cross-over sur deux périodes de trois
à six jours. Cet auteur a comparé la morphine et l'oxycodone chez 45
patients souffrant de douleurs cancéreuses chroniques. Pour Heiskanen,
l'incidence totale des effets adverses était comparable, mais la morphine
était davantage émétisante alors que l'oxycodone entraînait plus souvent
une constipation. Pour un ratio de départ oxycodone/morphine de 2 / 3,
cet auteur a constaté davantage de doses incidentes en solution orale
du même opioïde et une intensité douloureuse moyenne plus importante
lors de l'administration d'oxycodone que lors de l'utilisation de morphine.
Hagen (Hagen et al, 1997) compare l'hydromorphone à libération
modifiée à l'oxycodone à libération modifiée chez 44 patients cancéreux
dont la douleur chronique était stabilisée. Les résultats ne montrent pas
de différence en termes d'efficacité ou d'effets secondaires en dehors de
deux épisodes d'hallucinations sous hydromorphone. La dose finale
moyenne était de 124 +/- 22 mg par jour pour l'oxycodone et de 30 +/- 6
mg pour l'hydromorphone, soit un ratio oxycodone/hydromorphone
proche de 4.
Pour Bruera (Bruera et al, 1998), il n'existe pas de différence en termes
d'efficacité ou d'effets secondaires chez 23 patients cancéreux sur une
période de 7 jours avec ces deux opioïdes. Le ratio de départ morphine /
oxycodone était identique à celui de l'étude de Heiskanen.
D'après le feuillet additif au Vidal concernant l'OXYCONTIN LP*, chez
les personnes âgées, la sensibilité particulière aux effets antalgiques des
morphiniques, mais aussi aux effets indésirables centraux (confusion) ou
d'ordre digestif, associée à une baisse physiologique de la fonction
rénale, doit inciter à la prudence, en instaurant notamment le traitement
à la dose la plus faible, et en augmentant très progressivement la
posologie. Les coprescriptions, lorsqu'elles comportent des
antidépresseurs tricycliques notamment, augmentent a fortiori la
survenue d'effets indésirables comme la confusion ou la constipation.
Une pathologie urétroprostatique, fréquente dans cette population,
expose au risque de rétention urinaire. L'usage de l'oxycodone ne doit
pas pour autant être restreint chez la personne âgée dès lors qu'il
s'accompagne de ces précautions.
Comme pour la codéine (voir le paragraphe relatif à cette substance),
une mauvaise analgésie est possible pour l'oxycodone chez certains
patients (environ 7% des « caucasiens » d'après Becker) en raison de 2
allèles non fonctionnels sur le cytochrome P 450 CYP2D6. Les
interférences possibles avec la fluoxétine et la paroxétine doivent aussi
être envisagées à la lumière des propriétés métaboliques de
l'oxycodone.
L'oxymorphone, un des deux métabolites de l'oxycodone, est un
métabolite actif.
Pour Ordonez Gallego (Ordonez Gallego et al, 2007), l'oxymorphone est
un analgésique puissant se liant spécifiquement aux récepteurs µ
(Chamberlin et al, 2007) alors que la noroxycodone est un analgésique
faible.
Pour Ordonez Gallego, les effets secondaires habituels des opioïdes
sont à redouter sous oxycodone : nausées, constipation et somnolence.
Toutefois, les nausées, les hallucinations et le prurit seraient moins
habituels sous oxycodone que sous morphine.
Tremblay Nguyen (Tremblay Nguyen et al, 2012) souligne qu’il n’existe pas de
faible dosage de l’oxycodone LI : 5 mg équivalent en effet à 10 mg de
morphine. Ainsi, la titration initiale ne doit pas être réalisée à l’aide
d’oxycodone.
4.4.2) L'oxycodone IV et SC
L'oxycodone injectable par voie IV et SC a été mise sur le marché en
France en 2007.
Avantages :
permettre de conserver la même molécule lors d'un
passage à la voie injectable.

équivalence fixe entre les doses requises pour la voie
orale d'une part et celles des voies IV et SC d'autre part (les
deux dernières étant équivalentes à la moitié de la voie orale).

Inconvénients par rapport au chlorhydrate de morphine :
la dilution dans le pousse-seringue doit être précise : 1
mg par ml, ni plus ni moins. Pas de possibilité, comme avec la
morphine, de procéder à une dilution variable qui permettrait,
par exemple, de maintenir un débit constant quelle que soit la
concentration (par exemple 2 ml / heure soit une seringue de
50 ml contenant 48 ml, changée toutes les 24 heures),

impossibilité de mélanger la substance avec une autre
substance utilisée en particulier en soins palliatifs comme
c'est le cas avec la morphine (scopolamine, halopéridol,
midazolam).

L’oxycodone est présentée sous la forme
d’OXYNORM* (gélules per os ou ampoules
injectables). L’analogie des noms de cette présentation à
libération immédiate et de celle de la présentation injectable,
toutes deux dénommées OXYNORM* peut être une source
de confusion. Le risque est d’abord celui d’un doublement
involontaire des doses si la prescription de la voie orale est
interprétée par erreur comme une injection si le prescripteur
ne précise pas la voie d’administration souhaitée. Il est donc
prudent de ne prescrire que l'OXYNORMORO* (comprimés
orodispersibles) ou encore l'OXYCONTIN LP* à libération
modifiée pour l'administration d'une présentation orale. Cet
inconvénient n’existe pas avec la morphine ou le fentanyl.

4.4.3) Oxycodone et abus
Selon une étude de Nordmann (Nordmann et al, 2013), les abus
d’opioïdes varieraient selon trois régions françaises étudiées en
2008. La méthodologie consistait à comparer les prescriptions liées
au nomadisme médical à partir des données de l’Assurance
Maladie.
Les trois régions étaient : Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse
(PACA), Rhône-Alpes (RA) et Midi-Pyrénées (MP).
La quantité d’opioïdes obtenue par nomadisme était double en
PACA par rapport à RA et MP. Des éléments indiquent une
préférence pour l’oxycodone (en France : OXYCONTIN LP*,
OXYNORM* et OXYNORMORO*) en MP et pour la dihydrocodéine
(en France : DICODIN LP* comprimés dosés à 60 mg) en MP et
RA.
5. Le manque d'opioïdes : un problème international.
Dans un article paru dans Medscape* relatant une session du
congrès de 2012 de la société médicale européenne d’oncologie,
Ripamonti rapporte que 64 % des patients cancéreux métastatiques
ou en phase terminale présentent des douleurs. Il en est ainsi de
59 % des patients sous traitement anticancéreux et de 33 % après
traitement curatif. Toutefois, la lutte contre les stupéfiants et leur
trafic créent des barrières qui privent les patients de nombreux pays
émergeants du recours aux opioïdes. Ainsi, Cleary relève une
consommation moyenne de 6 mg de morphine par personne et par
an aux USA et au Canada. Par contre, elle est de 0,095 mg en Inde
alors que ce pays est le plus grand producteur d'opioïdes dans le
monde. Cleary cite l’exemple d’un ancien général ukrainien
souffrant d’un cancer prostatique au stade IV. Le patient s'était
éloigné de sa famille pour lui épargner son agonie douloureuse.
Pour lutter contre la douleur, le patient buvait une bouteille d’alcool
par jour et dormait avec un revolver chargé sous son oreiller dans la
perspective d’une trop forte douleur.
Commentaire de l’auteur de ce site : je fus confronté à cette
difficulté en Algérie en 1977, au Liban en 1981 et au Mali en 1991.
Source : 2012 European Society for Medical Oncology (ESMO)
Congress : Abstract 1707_PR. presented September 29, in
Medscape : 2012. http://www.medscape.com/viewarticle/772393
6. Quels sont les effets secondaires des morphiniques ?
De janvier 1995 à 2003, 276 erreurs d'administration médicamenteuse
ont été rapportées à l'organisme américain JAHCO (Joint Commission
on Accreditation of Healthcare Organizations ). Parmi elles, 21%
impliquaient des opioïdes. Cette catégorie était la plus importante parmi
celles qui avaient été signalées. La quasi-totalité des accidents rapportés
avec cette classe thérapeutique (98 %) a entraîné la mort du patient
(Debra et al. 2004).Ce sont les effets secondaires qui empêchent le plus
souvent d'administrer d'emblée des doses efficaces de morphiniques.
Les facteurs de risque sont représentés par l’âge, une insuffisance
hépatique ou rénale, une polymédication (en particulier celles incluant un
ou des psychotropes) et l'existence de pathologies associées modifiant
la pharmacocinétique. C'est pourquoi il convient (Vassal et al, 2010) :
- d'utiliser des médicaments à demi-vie d'élimination courte,
- de diminuer les posologies initiales au minimum de moitié, voire
davantage chez le sujet âgé par rapport à l'adulte jeune,
- d'adapter lentement les posologies.
6.1) Les effets secondaires apparaissant au début du traitement (premiers
jours) :
6.1.1 - les effets neuro-psychiques :
a) la somnolence, souvent souhaitée, est difficile à différencier du repos
réparateur. Si elle est excessive, on soupçonnera un surdosage. La
présence de psychotropes renforce la probabilité de somnolence
(Lefebvre-Chapiro S. 1998). Or l'administration de ces coprescriptions
est très fréquente. Pour Oudjhani (Oudjhani et al, 2012), 35 patients
parmi 51 recevant des antalgiques de palier 3 en Soins de Suite et de
Réadaptation (SSR-anciennement Moyen Séjour) et Soins de Longue
Durée (SLD-anciennement Long Séjour) présentaient au moins une
interaction médicamenteuse. Le plus souvent, le risque encouru était
celui d'une dépression du système nerveux central par association avec
un psychotrope. Chez la personne âgée, un intérêt particulier se portera
donc sur l'association des morphiniques à des substances psychotropes
: ces dernières devront souvent être modifiées ou interrompues lors de la
titration de l'opioïde.
Le calcul de la clairance de la créatinine est indispensable car il
renseigne sur les capacités d'élimination de deux métabolites actifs de la
morphine : le morphine 6 glycuronide et le morphine 3 glycuronide. En
phase terminale, ce facteur d'élimination pourrait conditionner
l'aggravation des effets secondaires tels que les nausées, vomissements
et délire. L'alcool, lui aussi, majore l'effet sédatif.
L'appréciation de la sédation, effet secondaire fréquent des opioïdes,
peut être effectuée au moyen d'une échelle de sédation.
Par exemple :
0 : éveillé.
1 : somnolent par intermittence, spontanément éveillable.
2 : somnolent la plupart du temps, facilement éveillable.
3 : très somnolent, éveillable par stimulations tactiles.
Dans une étude chez 20 patients cancéreux souffrant de sédations sous
opioïdes, Bruera (Bruera et al, 2003) trouve que le donépézil (en France
: (ARICEPT*), à la dose quotidienne de 5 mg le matin pendant 7 jours,
semble donner de bons résultats en diminuant la somnolence et la
fatigue. A noter toutefois que cette utilisation pose d'autres problèmes de
tolérance. Elle ne peut pas être recommandée.
b) les troubles cognitifs
Selon Chapman (Chapman et al, 2002), les opioïdes administrés chez
des patients cancéreux ou non cancéreux altèrent le fonctionnement
cognitif durant les premiers jours de leur utilisation, particulièrement dans
le domaine des performances psychomotrices chronométrées. Toutefois,
après trois jours d'utilisation, il n'existerait que peu de différences avec
les performances des volontaires sains.
De même, il y aurait peu de différences entre les performances
enregistrées avant et après la prise d'opioïdes chez les malades euxmêmes. Kamboj (Kamboj et al, 2005) étudie au Royaume-Uni la
mémoire antérograde et la mémoire rétrograde au décours de
l’administration de morphine à libération immédiate (LI) chez des
patients de soins palliatifs recevant déjà de la morphine à libération
prolongée. Etait aussi pratiqué un tracking test complexe. Il s'agit d'un
exercice qui permet de mesurer la capacité d’un sujet à suivre
visuellement le mouvement d’une cible. L’étude était menée chez 14
patients, en double aveugle, contre placebo et en cross-over. Ceux qui
recevaient de la morphine LI voyaient leur douleur réduite. La sédation
n’était pas accrue. Par contre, la mémoire antérograde et même
rétrograde ainsi que le tracking test étaient significativement perturbés
chez les patients ayant reçu de la morphine LI par rapport aux autres
sujets. Friswell (Friswell et al, 2008) ne retrouve que des altérations
mineures sans conséquences, il est vrai chez des volontaires sains.
c) la confusion (dans le DSM IV : http://geriatriealbi.com/DSMIVdelirium.html)
Elle est associée à un surdosage, une "montée" trop rapide de la
posologie, une cause associée génératrice de confusion, une cognition
déficiente, ou encore à des antécédents confusionnels. Cet effet délétère
peut être accru par la co-prescription d'antidépresseurs tricycliques. La
présence d'une confusion doit faire éliminer une autre cause que la
morphine. Par exemple, les cancers peuvent induire des altérations
neuro-psychiques variées (Tuma, 2000).
Clegg (Clegg et al, 2010) recherchent la responsabilité des médicaments
dans la genèse des états confusionnels. Pour cela, ils ont répertorié les
études prospectives parmi 18 767 études publiées. Quatorze études ont
été incluses dans cette revue qui concernait seulement des patients à
risque d’état confusionnel : âge, altération cognitive ou démence,
sévérité de la pathologie. Le risque d’état confusionnel semble
augmenter surtout avec les opioïdes (RR 2.5, 95% IC 1.2-5.2) et les
benzodiazépines (3.0, 1.3-6.8), et de manière plus inattendue avec une
dihydropyridine (la nifédipine dans une seule étude en chirurgie
cardiaque : 2.4, 1.0-5.8). Les antihistaminiques H1 semblent aussi en
cause (1.8, 0.7-4.5). Aucune relation n’a été trouvée avec les
neuroleptiques (0.9, 0.6-1.3) ou la digoxine (0.5, 0.3-0.9). L’incertitude
porte sur les antagonistes H2, les ADT, les antiparkinsoniens, les
corticostéroïdes, les AINS et les antimuscariniques. Mais ces
incertitudes sont liées surtout à des difficultés méthodologiques. D'autres
études seront nécessaires pour conclure.
Bien que ces données ne concernent pas exclusivement des personnes
âgées de plus de 75 ans (qui sont toutefois les plus nombreuses), elles
attirent l’attention sur les responsabilités de substances d’administration
quotidienne, en particulier dans la clientèle gériatrique. Concernant la
douleur, les auteurs évoquent la possibilité, preuves à l’appui, de
déclencher un état confusionnel si une douleur sévère n’est pas traitée,
considération à mettre en balance avec l'incidence de ce même effet
adverse sous opioïde.
d) les vertiges sont signalés par de nombreux auteurs. Par exemple,
Papaleontiou (Papaleontiou et al, 2011
) trouve 22 % de patients souffrant de vertiges.
e) les chutes
Chez 15 354 patients arthrosiques âgés de 65 à 89 ans (Rolita et al,
2013), l’incidence des chutes et fractures était nettement plus élevée
chez ceux qui prenaient des opioïdes par rapport aux inhibiteurs de la
COX-2 (OR = 3.3, IC à 95% = 2.5-4.3) ou aux AINS classiques
(OR = 4.1, IC à 95% = 3.7-4.5). Probants mais moins spectaculaires
sont les résultats de l'étude de French chez des personnes âgées
(French et al, 2006).
f) les hallucinations seraient rares.
6.1.2 - Les effets digestifs immédiats :
a) les nausées et vomissements.
Les nausées sont plus fréquentes en début de traitement. Eles sont peu
fréquentes chez la personne âgée en soins de longue durée. Elles
seraient moins importantes lors de l'administration de morphine en cas
de traitement préalable par la codéine. Nausées et vomissements sont
classiquement antagonisés par l'halopéridol (buvable, sous-cutané). Des
doses de l'ordre de 0,4 mg par jour sont le plus souvent efficaces.
b) la xérostomie : sensation de bouche sèche.
Pour Moore (Moore et al, 2005), la xérostomie est l'effet indésirable le
plus fréquent chez des patients de tous âges traités par des opioïdes
pour des douleurs non-cancéreuses dans une méta-analyse publiée en
2005. A noter que la xérostomie est retrouvée aussi chez des sujets
jeunes par Murray Tomson (Murray Tomson et al, 2006). Pour Smidt
(Smidt et al, 2011), les opioïdes font partie des substances incriminées
dans la sécheresse oculaire et buccale chez les personnes âgées. Pour
Dietrich (Dietrich et al, 2012) cet effet indésirable pourrait être évité lors
de l'usage de spray intranasal de fentanyl.
6.1.3 - Les effets musculaires
Des myoclonies généralisées sont signalées par Mercadante
(Mercadante, 1999). Elles représentent pour cet auteur un des
arguments en faveur de la rotation des opioïdes.
6.1.4 - La dépression respiratoire.
Elle traduit toujours un surdosage. Il convient de conserver une
fréquence respiratoire de 12 à 20 cycles par minute au repos. En
pratique, il n'est pas possible de tolérer une fréquence respiratoire
inférieure à huit cycles par minute ou une saturation artérielle en
oxygène inférieure à 90 pour cent, sauf bien sûr en phase terminale
d'une affection incurable. Un antagoniste pur, la naloxone (NARCAN*)
doit être à disposition. La naloxone possédant en effet une demi-vie plus
courte que celle de la morphine, elle doit donc être maintenue en
perfusion pendant la durée d'action résiduelle de la morphine.
6.1.5 - Les effets cardiovasculaires : surtout une bradycardie liée à une
stimulation du X au niveau du plancher du IVème ventricule et
l'hypotension orthostatique par vasodilatation artériolaire. Cette dernière
action est surtout sensible avec la morphine. Les autres morphiniques ne
modifieraient ni la précharge ni la postcharge si le système sympathique
n'est pas hyperstimulé. Dans le cas inverse, comme dans le cas d'une
hypovolémie, d'une HTA mal contrôlée ou d'une insuffisance cardiaque
décompensée, l'hypotension artérielle peut devenir sévère (Chauvin,
2009).
6.1.6 - Les effets urinaires : la rétention urinaire, aiguë ou chronique. La
rétention aiguë doit être suspectée en période postopératoire. A part le
rôle joué par les opioïdes, elle dépend du type de chirurgie et
d'anesthésie qui ont été pratiqués (Choi et al, 2013). Cette complication
a été retrouvée par Kim (Kim et al, 2013) dans plus du tiers des patients
ayant bénéficié d'une administration intrathécale de morphine pour
douleurs liées à un cancer.
Il conviendra de mettre en place une sonde urinaire si elle survient. Cette
éventualité sera particulièrement suspectée en fin de vie et avec des
doses élevées. Cette précaution est valable aussi pour la scopolamine et
lorsque ces deux substances sont associées. Elle pourrait apparaître
surtout pour des doses quotidiennes supérieures à 100 milligrammes.
Une pathologie urétro-prostatique, fréquente dans cette population,
expose au risque de rétention urinaire.
6.1.7 - les sueurs par vasodilatation, surtout en cas d'hyperthermie. Il
convient toutefois d'être attentif à des sueurs qui témoigneraient d'une
hypercapnie.
6.1.8 - un prurit a surtout été décrit lors de l'administration des
morphiniques par voie périmédullaire (Slappendel et al, 2000). Mais il est
possible de l'observer dans d'autres conditions, par exemple lors de
l'administration intraveineuse de morphine (Kumar et al, 2000) ou encore
en période postopératoire (Oderda, 2012), (Frost et al, 2012). Son
mécanisme reste encore opaque bien que des hypothèses aient été
émises (Reich et al, 2012).
6.1.9 - La période postopératoire expose plus particulièrement aux effets
indésirables immédiats des opioïdes.
Selon Oderda (Oderda, 2012), la douleur postopératoire doit être
combattue pour de nombreuses raisons incluant la prévention des
douleurs chroniques. Les opioïdes sont largement utilisés car ils sont
efficaces. Toutefois, ils sont associés à des effets secondaires fréquents.
D’après une analyse nationale aux USA, près de 20 % des patients
présentent un effet indésirable (EI) aux opioïdes en période
postopératoire. Les EI les plus fréquents sont les effets gastrointestinaux, sur le système nerveux central, le prurit et la rétention
d’urine. Le risque de développer un EI serait plus grand chez les patients
qui reçoivent des fortes doses, chez ceux qui subissent une chirurgie
orthopédique ou gynécologique ainsi que chez les personnes âgées et
chez les patients qui souffrent d’une comorbidité telle qu’une obésité, un
SAS ou encore une pathologie respiratoire ou urinaire.
6.2) les effets secondaires à plus long terme :
6.2.1) la constipation
La constipation surviendrait dans la quasi-totalité des cas d'administration
de morphiniques. Ainsi, une politique préventive systématique doit être
entreprise.
Dansueétdmric ne201,Max(tl207)consaequlmt6%desréinSodeLguDréçoiventlaxfrsqudemophinlurstadmié.Leursconltqeagérisondlbepratiqu sconmultaéedcsxfmilthérapeuqsn’ coreahvé.
Dans les grandes lignes, nous nous inspirons de la publication déjà
ancienne de Twycross (Twycross G. 1988). Au palier 3 de l'OMS, nous
préconisons d'emblée l'association de macrogol (TRANSIPEG FORT*) à
la dose d'un sachet matin, midi et soir) en association avec le docusate
de sodium (JAMYLENE* 1 à 2 comprimés le matin, le midi et le soir, soit
50 à 100 mg matin, midi et soir). Le docusate de sodium (JAMYLENE*)
est un agent tensio-actif anionique apparenté aux laxatifs stimulants dont
l'action se manifeste principalement :
* au niveau des matières fécales : il favorise la pénétration par l'eau et les
graisses de la masse fécale dont il augmente ainsi le volume, l'hydratation
et l'homogénéité.
* au niveau de la muqueuse intestinale : il entraîne un accroissement de la
sécrétion intestinale d'eau et d'électrolytes. II intervient par l'intermédiaire
d'une augmentation de l'AMP cyclique en inhibant de façon compétitive
l'AMP cyclique phosphodiestérase. Il augmente la perméabilité muqueuse.
Dans tous les cas, il est impératif d'obtenir des selles molles, puis de
pratiquer une éventuelle baisse secondaire de la posologie des laxatifs.
La pratique inverse, qui consisterait à attendre la constipation pour la
traiter, expose trop au risque de fécalome.
Dans le cas de l'utilisation de la codéine (palier 2 de l'OMS), le
TRANSIPEG FORT* est utile à la dose d'un sachet matin, midi et soir,
seul en première intention sans recourir systématiquement au docusate
de sodium. Le météorisme pourrait être moindre avec le macrogol
qu'avec le lactulose.
Un lavement évacuateur sera employé au moindre doute : nous
administrons un lavement de dihydrogénophosphate et
hydrogénophosphate de sodium (NORMACOL*) si le patient n'a pas de
selle pendant 72 heures.
Le PRUNOGIL* est un complément alimentaire intéressant, peut-être
encore sous-employé.
La paraffine liquide telle que le LANSOYL* n'est pas à conseiller du fait
du risque de déficit en vitamines liposolubles (A, D, E, K), ainsi que
surtout de l'éventualité de la survenue ou de l'aggravation d'une
pneumopathie d'inhalation (Gondouin et al. 1996) (Hervy et al, 2010).
La constipation liée aux opioïdes serait immédiatement soulagée par une
ou deux perfusions intraveineuses de naltrexone. La naltrexone est un
antagoniste des morphiniques dont les propriétés sont comparables à
celles de la naloxone. Par méthylation de cette substance, devenue ainsi
méthylnaltrexone, le passage vers le système nerveux central semble
impossible. Ainsi, les effets analgésiques centraux des morphiniques ne
seraient pas renversés. L'auteur d'une communication sur ce sujet, Foss,
explique que "par réponse immédiate, nous voulons dire que vous ne
devriez pas vous placer entre le sujet et sa salle de bains". Attendons
encore un peu pour voir si cet enthousiasme est justifié. La
commercialisation en France de la méthylnaltrexone est désormais
effective. Cette substance est destinée à corriger les effets constipants
des opioïdes lorsqu'ils sont résistants à l'association d'un laxatif
osmotique et d'un stimulant :



Avis de la commission de transparence de l'HAS
Publication de Thomas et al (2008)
e-lettre de la Revue de Gériatrie en partie consacrée à
ce sujet.
Pour Hervy (Hervy et al, 2010), la constipation concerne 80 % des
résidents en institution gériatrique et 60 à 80 % des patients, tous âges
confondus, recevant des analgésiques de palier III. L'auteur rappelle que
le fécalome peut être responsable d'une rétention aiguë d'urines. Il
convient de pratiquer un toucher rectal au quatrième jour sans selle à la
recherche d'un fécalome, même s'il existe une "fausse diarrhée".
Lorsque les patients sont sous morphine, la rotation avec le fentanyl peut
être discutée, plusieurs études ayant montré une moindre constipation.
La méthylnaltrexone (en France : RELISTOR*) trouverait sa place
lorsque les autres mesures ont été inefficaces. L'administration de doses
allant de 0,15 mg/kg à 0,30 mg/kg vs placebo a montré une reprise du
transit dès la quatrième heure chez 48 à 52 % des patients ayant reçu
une injection SC de méthylnaltrexone. A noter toutefois une mise en
garde de Santé Canada du 28 juillet 2010 relative au RELISTOR* dans
des situations qui sont plus fréquentes chez les personnes âgées que
chez l'adulte.
En résumé, Hervy préconise :
- au troisième jour sans selle et après avoir éliminé un syndrome
occlusif : le renforcement du traitement laxatif en cours et un laxatif rectal
par suppositoire (qui stimule la défécation de façon mécanique en
activant le réflexe ano rectal),
- au quatrième jour, si le toucher rectal retrouve des selles impactées ou
un fécalome, un lavement évacuateur sera effectué tout en instaurant
soit une bithérapie laxative, soit un antagoniste morphinique
périphérique, la méthylnaltrexone ( Relistor*) à la dose de 0,15 mg/kg en
sous cutanée.
En cas d'inefficacité constatée au bout de 48h, peuvent être utilisés soit
les préparations pour investigation colique, soit les péristaltogènes
intestinaux, associés ou non à un grand lavement à l'eau tiède avec ou
non de l'huile de paraffine ou de glycérine.....
On pourra utilement consulter l'algorithme proposé dans la lettre d'octobre 2009
de la SFETD pour lutter contre la constipation chez la personne âgée.
Pour Bader (Bader et al, 2011) la méthylnaltrexone est la substance de
choix dans la lutte contre la constipation car il s'agit d'un antagoniste
des opioïdes ne traversant pas la barrière hémato-encéphalique, à
l'inverse de la naloxone et de la naltrexone. Ainsi, l'effet analgésique des
opioïdes est préservé alors que leurs effets périphériques sont
antagonisés. Selon cet auteur, son utilisation concernerait 50 pays.
6.2.2) les effets immunodépresseurs éventuels
Pour Rittner (Rittner et al, 2009), plusieurs études in vitro et chez l'animal
ont démontré un effet immunosuppresseur des opioïdes et un risque
accru d'infection. Toutefois, d'après cet auteur, les études chez l'animal
et chez l'homme sont trop peu robustes, surtout car elles incluent un trop
petit nombre de sujets. Ainsi, une relation causale entre traitement
opioïde et infection ne peut pas être ni démontrée, ni exclue. Ainsi, les
patients nécessitant des opioïdes ne doivent pas être exclus de leur
bénéfice au titre du risque d'immunodépression. Cet effet secondaire
potentiel, encore mal étudié, devra pourtant être pris en compte lors des
décisions d'initiation et de maintien du traitement quand il est discutable.
D'autant plus que Sacerdote (Sacerdote, 2008) avance l'idée que
l'impact des effets immunitaires pourrait être plus important chez la
personne âgée ou chez le patient immunodéprimé. Cette dernière
hypothèse rencontre l'incertitude de Rittner quant au rôle respectif des
conduites à risque et de l'utilisation illégale des opioïdes dans
l'immunodépression liée aux conduites addictives.
6.2.3) la dépendance physique et psychique
6.2.3.1 - Il convient de distinguer la dépendance de l'accoutumance. De
plus, l'augmentation des doses serait le plus souvent le fait de la
progression de la pathologie douloureuse.
6.2.3.2 - Il n'y aurait pas de dépendance psychologique chez le patient
douloureux. Par contre, la dépendance physique est fonction de la
douleur. Si la douleur diminue, la morphine pourrait être diminuée, puis
arrêtée sans difficulté.
Pour nous, en dehors du surdosage, la diminution des doses est toujours
très progressive du fait du risque de syndrome de sevrage.
6.2.3.3 - le risque de syndrome de sevrage serait présent surtout après
20 à 30 jours de traitement. Il est lié à une interruption brutale de la
thérapeutique. Il est caractérisé par les symptômes suivants : anxiété,
irritabilité, frissons, mydriase, bouffées de chaleur, sudation,
larmoiement, rhinorrhée, nausées, vomissements, crampes
abdominales, diarrhées, arthralgies (Dictionnaire Vidal 2002, fiche de
l'OXYCONTIN LP*). Ce syndrome peut aussi se manifester par des
crises convulsives. Pour Wijdicks (Wijdicks et al, 1993), l'étude de 55
patients se présentant pour une crise tonico-clonique inaugurale a révélé
qu'un sevrage morphinique brutal était à l'origine de ce trouble dans un
tiers des cas.
6.3) les symptômes préalables à l'administration des morphiniques
Dans un article paru dans la Revue de Gériatrie, Pétrognani (Pétrognani
et al, 2000) suggère d'évaluer les symptômes qui pourraient être
rapportés à l'administration de morphiniques chez la personne âgée,
avant même de débuter le traitement. Cette précaution permettrait, selon
les auteurs, d'éviter l'attribution trop rapide de ces signes à des effets
secondaires des opioïdes tels que la somnolence, les hallucinations, la
dépression respiratoire, les nausées, les vomissements et la
constipation. Par ailleurs, les mêmes auteurs dénoncent l'attitude qui
consiste à demander l'accord de la famille du malade âgé pour l'initiation
d'une thérapeutique opioïde. Ils considèrent que l'entourage ne peut pas
juger de la pertinence de ce traitement. Dans un article paru dans le
Lancet, Weiss (Weiss et al, 2001) publie les résultats d'une étude chez
988 patients en phase terminale, évalués dans six sites aux États-Unis.
Les patients ne recherchaient pas systématiquement l'analgésie car ils
redoutaient les effets secondaires des opioïdes, en particulier la
constipation et la confusion. "Ainsi, les patients en phase terminale
semblent mettre en balance leur expérience de la douleur avec le désir
d'éviter les effets secondaires gênants, et dans bien des cas,
souhaitaient tolérer la douleur pour les éviter".
6.4) l'hyperalgésie induite par les opioïdes
Devant une douleur s'aggravant sous morphiniques, en particulier lors de
l'augmentation des doses, il est souhaitable d'évoquer un phénomène
paradoxal peu fréquent, encore mal expliqué, connu sous les termes
suivants : "hyperalgésie induite par les opioïdes".
Pour Koppert (Koppert, 2004), il convient, outre de reconnaître cette
condition, d'utiliser les stratégies thérapeutiques suivantes :
administration concomitante d'antagonistes des récepteurs NMDA,
d'alpha 2 antagonistes, d'AINS, rotation des opioïdes en choisissant une
substance dont la sélectivité pour les récepteurs est différente.
A propos de l'hyperalgésie paradoxale sous opioïdes, Richebé (Richebé
et al, 2006), citant Simonnet (Simonnet et al, 2003) propose une
représentation schématique de l'hypothèse selon laquelle les substances
opioïdes seraient capables d'activer non seulement des systèmes
inhibiteurs de la nociception (analgésie), mais aussi des systèmes
facilitateurs de la nociception (hyperalgésie, allodynie) par la mise en jeu
des récepteurs NMDA. L'effet analgésique d'une première administration
d'une substance opioïde serait la résultante du fonctionnement de ces
deux systèmes opposés.
Commentaires : ce schéma a le mérite d'expliquer le mécanisme d'action
de la kétamine dans les situations d'hyperalgésie. Le protoxyde d'azote
verrait ainsi expliquée son action analgésique double, à la fois par
l'activation des systèmes inhibiteurs et par le blocage des récepteurs
NMDA.
6.5) Les erreurs thérapeutiques
Parmi les erreurs signalées par la publication suivante, j'ai relevé celles
qui m'ont semblé les plus pertinentes à connaître d'après mon
expérience.
http://www.ismp.org/Newsletters/acutecare/articles/20070222.asp
Erreurs de prescription
 Prescription trop généreuse chez des patients naïfs en
morphiniques, en particulier avec l’hydromorphone (en France :
SOPHIDONE*) et le fentanyl transdermique (en France le
DUROGESIC*)
Prévention : connaître les équivalences (doses théoriques
équianalgésiques) sans leur accorder aveuglément une complète
fiabilité.
 Prescription d’une forme à libération immédiate sans avoir
connaissance de la prescription préalable d’un morphinique à longue
durée d’action ou encore d’un morphinique administré par voie
périmédullaire.
Prévention : vérification de la prescription.
 Mauvaise lecture d’une prescription, en particulier lors des
rotations de personnels infirmiers.
Prévention : prescription à rédiger de manière pondérale (par
exemple en milligrammes) mais aussi simultanément en volume
(par exemple ml) ainsi qu’en précisant le type de présentation (par
exemple ampoule de morphine de 20 mg).
Erreurs d’administration :
 Programmation défectueuse de la seringue électrique : par
exemple en ml/min au lieu de ml/hr.
Prévention : vérification par une deuxième personne.
 Délivrance d’un bolus au moyen d’un pousse-seringue puis
oubli de ramener le débit à la valeur d’entretien.
Prévention : vérification par une deuxième personne. Ne pas utiliser
le pousse-seringue pour effectuer des bolus. Préférer une
administration séparée avec une seringue différente en flash.
 Oubli d’ablation du patch de fentanyl lors de son
renouvellement.
Prévention : Noter la localisation du patch. Vérification avant
nouvelle pose d’un patch. Contrôle des retours de patchs usagés au
niveau de la pharmacie.

Oubli d’étiquetage de la seringue sur le pousse-seringue.
Erreur de stockage :
 Stockage non sécurisé des patchs de fentanyl aboutissant à des
détournements ou encore à l’application indue par des jeunes
enfants.
6.6) La rotation des opioïdes
L’utilisation des opioïdes forts (palier 3 de l’OMS) ne se cantonne plus au
soulagement des douleurs cancéreuses en phase terminale. Désormais,
ces substances sont utilisées contre les douleurs chroniques nonmalignes. Pour Vissers (Vissers et al, mars 2010), il n’existe pas encore
d’argument suffisant pour le choix d’un opioïde ou d’une dose d’initiation
pour un syndrome douloureux donné.
La forte variabilité inter-individuelle dans la réponse liée à la sensibilité
des récepteurs ainsi qu’aux paramètres pharmacologiques et
pharmacodynamiques justifie une approche au cas par cas du choix de
l’opioïde et une titration pas à pas. L’expérience clinique montre que le
remplacement d’un opioïde par un autre peut optimiser le contrôle de la
douleur en diminuant les effets secondaires. Cette stratégie –la rotation
des opioïdes – nécessite le calcul de l’équivalence de dose pour initier le
nouvel opioïde. Or, les tables actuelles de conversion sont souvent
issues d’études en situation de douleur aiguë, parfois sur la base d’une
dose unique.
Vissers en déduit la nécessité d’une grande prudence, à savoir une
moindre dose initiale que celle indiquée par les tables d’équivalences.
Seule la réponse clinique servira ensuite de guide pour la titration du
nouvel opioïde.
Chez la personne âgée, une initiation de la rotation avec une dose
initiale inférieure de moitié à la dose précédente est à conseiller.
6.7) Autres effets décrits
6.7.1 - Des cas d'hypogonadisme ont été décrits chez des patients et
chez des toxicomanes. Les symptômes se manifestent par des flush,
des sueurs, une aménorrhée, une impuissance et une baisse de la
libido. (Manchikanti et al, 2010), (Prescrire Int, 2012)
6.7.2- La prise de poids figure parmi les six effets indésirables les plus
fréquents chez 62 patients souffrant de douleurs chroniques noncancéreuses traitées par des opioïdes (Jonson et al, 2011).
7. les infiltrations et les topiques locaux
7.1) infiltrations du genou par voie supra-rotulienne externe après
éventuel prélèvement d'un épanchement synovial et certitude sur
l'absence d'arthrite infectieuse. En pratique une chondrocalcinose
articulaire aiguë (CCA), une arthrite inflammatoire ou une arthrose en
poussée peut être infiltrée avec des corticoïdes locaux, par exemple
avec de la bétaméthasone.
7.2) les blocs intercostaux trouvent leur pleine justification au cours des
fractures costales. Quand nous ne sommes pas limités par la quantité
maximale d'anesthésique local, ici la bupivacaïne, nous pratiquons aussi
une injection loco dolenti sur le site fracturaire. Les névralgies
intercostales sont une indication plus rare.
7.3) infiltration de tout lieu douloureux : loco dolenti à l'aide de bupivacaïne
0,25 % éventuellement accompagnée de corticoïdes locaux, en
administration périarticulaire de l'épaule dans les algodystrophies et les
douleurs scapulaires unilatérales de l'hémiplégique. Nous consacrons
une page au traitement de l'algodystrophie (ou algoneurodystrophie)
dont le terme moderne est syndrome douloureux régional complexe
(SDRC) de type 1.
7.4) infiltration du canal carpien dans les syndromes du canal carpien :
c'est le modèle d'infiltration du nerf médian.
7.5) infiltration dans la névralgie d'Arnold
7.6) nous avons pratiqué un seul bloc à la guanéthidine dans une
algodystrophie du membre supérieur au décours d'une hémiplégie avec
un résultat satisfaisant.
7.7) les anesthésiques locaux et les anti-inflammatoires non stéroïdiens
peuvent être appliqués avec succès dans nombre de cas de douleurs
dont le siège est superficiel. Selon Krishnan (Krishnan et al, 2000), la
ropivacaïne serait moins douloureuse que la bupivacaïne, au moins lors
d'injections intramusculaires. L'EVA lors de l'injection se situait en
moyenne chez 15 volontaires à 3,1 +/- 2.4 pour l'aiguille seule, 4,4 +/2,8 pour la bupivacaïne, et 2,5 +/- 2.0 pour la ropivacaïne.
La lidocaïne peut être administrée sous la forme d'emplâtres de de
VERSATIS 5 %* sur la zone douloureuse une fois par jour, pendant une
période maximale de 12 heures par 24 heures (banque Claude Bernard).
Au total, on ne doit pas dépasser l'application de trois emplâtres au
maximum en même temps. L'emplâtre doit être appliqué tel quel, sur une
peau sèche et non irritée (après cicatrisation des vésicules de zona).
L'emplâtre ne doit pas être appliqué plus de 12 heures. Il est nécessaire
de respecter un intervalle de 12 heures avant l'application de l'emplâtre
suivant. Nous utilisons le gel urétral de lidocaïne dans certains
pansements pour plaie douloureuse. Pour notre part, nous n'hésitons
pas à utiliser de manière empirique la crème EMLA* à l'aide
d'un pansement occlusif renouvelé toutes les 12 heures. Ceci dans des
indications variées : douleurs rhumatismales des doigts et des mains,
de l'épaule, du genou ou de la cheville, voire au cours des poussées
aigues de lombalgies. Bien que cette technique ne soit pas correctement
évaluée, elle nous semble utile dans les situations -nombreuses- où le
siège douloureux est superficiel ou encore si des projections cutanées
ou sous-cutanées douloureuses peuvent être soupçonnées. Surtout elle
nous semble dénuée de risque autre que des réactions cutanées
bénignes.
Les AINS topiques sont généralement de maniement plus difficile. Il
convient le plus souvent, chez la personne âgée, d'exclure les zones
cutanées fragiles telles que celles des membres inférieurs en dessous
du genou. De plus, les effets systémiques sont possibles si la zone
enduite est importante.
8. médicaments destinés aux douleurs neuropathiques,
neurogènes :
En 2007, Finnerup (Finnerupp et al, 2007), publie un algorithme utile
dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques (ci-jointe
une traduction personnelle). Ceci à l'exclusion de la névralgie faciale
pour laquelle la carbamazépine demeure la molécule de première
intention.
Remarques de l'auteur de ce site : l'algorithme est fondé sur une
métaanalyse de méthodologie soigneuse et prudente, sur le NNT
(nombre de sujets nécessaires à traiter) et le NNH (nombre de sujets
nécessaires pour observer un effet délétère). Il s'agit de la revue la plus
complète à ma connaissance sur le thème.
Les anticonvulsivants viennent au même niveau que les antidépresseurs
tricycliques (ADT), en particulier du fait des effets délétères de ces
derniers. Ces études n'ayant pas été menées seulement chez des
personnes âgées souffrant de troubles cognitifs et susceptibles d'autres
effets (troubles rythmiques, rétention urinaire, glaucome, xérostomie,
constipation), cette considération relative aux ADT est renforcée en
pratique gériatrique quotidienne. Si l'efficacité des opioïdes est à
nouveau mise en évidence, ce sont leurs effets adverses qui les placent
en dernière intention.
Les IRS seront choisis de préférence parmi ceux qui possèdent aussi un
effet noradrénergique (duloxétine ou venlafaxine). A ce propos, voir la
liste des substances que la revue "Prescrire" conseille d'exclure de
l'ordonnance en 2014. Dernière considération : l'association du tramadol
avec un IRS expose au risque de syndrome sérotoninergique.
Le texte complet de la publication citée ci-dessus se trouve à la page
suivante : http://tinyurl.com/yz4mo8u
Ci-dessous, deux chapitres : celui des douleurs continues et celui des douleurs
paroxystiques.
Cette subdivision est discutable, les médicaments cités dans les deux
chapitres suivants pouvant agir sur les deux types de douleurs
neuropathiques.
8.1) douleurs continues :
8.1.1 - Les antidépresseurs tricycliques (ADT)
L'amitriptyline (LAROXYL*) et la clomipramine (ANAFRANIL*) avec
démarrage à doses très basses : cinq gouttes le soir (5 mg) de
LAROXYL* ou 1 comprimé d'ANAFRANIL* à 10 mg le matin. La forme
injectable de la clomipramine n'est pas utilisable par voie orale (logiciel
Pharmafiches). Du fait de leurs propriétés anticholinergiques, ces
médicaments exigent une consultation ophtalmologique et une
surveillance cardiaque et urinaire. Il existe en particulier un risque de
glaucome et de rétention d'urine, risque plus important chez la personne
âgée. Leur effet anticholinergique expose aussi le malade à des troubles
cognitifs, voire confusionnels. La prise la plus importante d'amitriptyline
doit être effectuée le soir pour faciliter le sommeil. L'alcool augmente sa
toxicité. Quelle dose doit-on atteindre ? Ces substances seraient
efficaces à partir de 0,2 mg/kg/j. La posologie stable sera fonction de
l'association à une dépression et surtout de la tolérance. En pratique, 30
à 75 mg par jour sont atteints avec des paliers dont la durée est de 3
jours à une semaine. Le délai d'action pour l'effet antalgique est de 10
jours. La solution buvable de LAROXYL* sera répartie en trois prises
dans la journée. Cette classe thérapeutique pourra être indiquée aussi
contre les douleurs des métastases osseuses, les douleurs diffuses, les
lombalgies, certaines céphalées, certaines douleurs digestives.
L'amitriptyline sera préférée si une sédation est recherchée, la
clomipramine dans les autres cas. La désipramine (PERTOFRAN*)
posséderait moins d'effets anticholinergiques. Pour Max (Max et al,
1992), la désipramine soulage les douleurs causées par la neuropathie
diabétique avec une efficacité semblable à celle de l'amitriptyline,
permettant d'offrir une alternative aux patients ne tolérant pas cette
dernière substance. Le blocage de la recapture de la noradrénaline est
probablement impliqué dans l'effet analgésique.
8.1.2 - Quelle est la place des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine (ISRS) dans le traitement des douleurs neuropathiques ?
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS)
n'auraient pas leur place dans cette indication, sauf en cas de
contrindication des ADT. Pour Max (Max et al, 1992), la fluoxétine ne
serait pas plus efficace que le placebo dans le soulagement de la
douleur. Cette dernière notion est discutée dans plusieurs publications.
Certaines publications font état de bons résultats dans le traitement des
douleurs des neuropathies diabétiques avec les ISRS. Les agents
pharmacologiques déjà utilisés sont la fluoxétine, la sertraline, le
citalopram, la paroxétine, la venlafaxine. Cette dernière substance
pourrait présenter un intérêt particulier du fait de son double tropisme, à
la fois sérotoninergique et noradrénergique (Goodnick, 2001). Bien
qu'elle ne présente pas tous les inconvénients des antidépresseurs
tricycliques, les effets secondaires attendus sont les nausées, la
somnolence et les vertiges.
Les gériatres sont souvent amenés à prescrire des inhibiteurs sélectifs
de la recapture de la sérotonine (ISRS) au lieu des ADT car leur
patientèle supporte mal les effets anticholinergiques de ces dernières
substances.
Pour Doubrère (Doubrère, 2008), le traitement des douleurs
neuropathiques peut nécessiter l'utilisation de molécules telles que la
venlafaxine (EFFEXOR*) à la dose de 100 à 300 mg quotidiens. La
duloxétine (CYMBALTA*) possède l'AMM pour les douleurs
neuropathiques au cours du diabète sucré. Pour Goldstein (Goldstein et
al, 2005), la duloxétine (CYMBALTA*) possèderait une action efficace
sur les douleurs neuropathiques d'origine diabétique, probablement par
action inhibitrice descendante. Ceci dès la dose quotidienne de 60 mg.
Pour Tesfaye (Tesfaye et al, 2013), la duloxétine à cette dose s'est
avérée d'efficacité supérieure à 300 mg quotidiens de prégabaline lors
des 8 premières semaines de traitement.
8.1.3 - Longtemps réservés aux douleurs par excès de nociception, les
morphiniques sont à présent licites dans le traitement des douleurs
neuropathiques en complément des thérapeutiques plus spécifiques.
Intéressante métaanalyse réalisée par une équipe israélienne
(Eisenberg et al, 2005) à propos de l’utilité des opioïdes dans les
douleurs neuropathiques d’origine non maligne. Cette métaanalyse de la
littérature s’est focalisée sur les études contrôlées et randomisées.
L’administration par voie rachidienne a été exclue. Vingt-deux articles
correspondant aux critères d’inclusion ont été classés comme des essais
à court terme (moins de 24 heures, n = 8) ou à moyen terme (de 8 à 56
jours, n = 8). En conclusion, l’efficacité à court terme des morphiniques
n’est pas démontrée. Il n’en est pas ainsi à moyen terme où l’efficacité
des opioïdes versus placebo semble acquise. Par contre, il reste à
étudier les effets à long terme en termes d’efficacité, de sécurité et de
conséquences sur la qualité de la vie.
Attention toutefois aux interférences entre les opioïdes et les
antidépresseurs tricycliques.
Pour Doubrère (Doubrère, 2008), la prescription de morphiniques est
légitime au cours des douleurs neuropathiques si les autres mesures
thérapeutiques se sont avérées insuffisantes. Toutefois, cet auteur
souligne la nécessité d’une augmentation progressive des doses car le
seuil d’analgésie requiert une posologie souvent double des celle d’une
douleur comparable par excès de nociception.
8.1.4 Hackworth (Hackworth et al, 2008) fait état de la nette amélioration
sous mémantine de douleurs fantômes de membre chez deux patients
de 27 et 21 ans. Ces patients avaient bénéficié sans efficacité notable
des traitements habituels : opioïdes, ADT, AINS et antiépileptiques.
L'action de la mémantine repose sur sa capacité à bloquer l'activité des
récepteurs NMDA sans empêcher leur fonctionnement normal. Cette
action bénéfique serait d'autant plus efficace que la mémantine aurait été
administrée précocement. La mémantine pourrait aussi être efficace
dans les syndromes régionaux complexes de type II. Commentaires de
l'auteur de ce site : les doses de mémantine utilisées chez les deux
patients jeunes de Hackworth (10 mg matin et soir) correspondent aux
posologies utilisées chez les patients âgés normorénaux dans le
traitement symptomatique des démences. Dans l'éventualité d'une
douleur neuropathique associée à un état démentiel pouvant tous deux
relever d'un traitement par mémantine, l'éventualité de cette prescription
pourrait être envisagée en complément du traitement habituel. Toutefois,
cet enthousiasme n'est pas partagé par Collins (Collins et al, 2010) qui
indique qu’aucune conclusion ne peut être tirée de sa métaanalyse
concernant l'efficacité des antagonistes des récepteurs NMDA sur la
douleur neuropathique.
8.1.5 - La NSTC (neurostimulation électrique transcutanée). D'après
Verret (Verret, 1999), les indications de cette technique sont les douleurs
aigues des atteintes neuropathiques, les douleurs chroniques des
lombosciatiques post chirurgicales, les lombalgies (en association avec
les antalgiques), les douleurs du moignon, les algies post-zostériennes,
les douleurs des cicatrices post chirurgicales. La seule contrindication
chez la personne âgée est la présence d'un stimulateur cardiaque.
Toujours pour Verret, la caféine exercerait un effet inhibiteur sur
l'efficacité de la stimulation. Par ailleurs, des allergies cutanées ont été
décrites à la pâte conductrice.
Les douleurs du moignon d'amputation ne sont pas toutes liées à une
physiopathologie neuropathique : elles peuvent aussi résulter de
l'inadaptation de la prothèse ou de la constitution d'une exostose. Cette
dernière éventualité est rappelée par Madjlessi (Madjlessi A et al, 2003).
Il convient donc de pratiquer un ou des clichés radiologiques au moindre
doute.
8.1.6 - La capsaïcine topique dont nous n'avons pas l'expérience.
Absente de l'algorithme de Finnerup, la capsaïcine serait indiquée en
deuxième intention selon Nalamachu (Nalamachu et al, 2012).
8.1.7 - La xylocaïne topique à libération prolongée en patch a été utilisée
avec succès par Galer (Galer et al, 2002) pour traiter des douleurs postzostériennes. Voir plus haut dans ce texte le VERSATIS*.
8.1.8 - L'EMLA* qui est un mélange de prilocaïne et de xylocaïne en
application locale, mériterait d'être employé en cas de résistance aux
autres thérapeutiques. C'est du moins ce que suggère la publication d'un
cas de douleur postzostérienne soulagée par EMLA par Litman (Litman
et al, 1996). Pour Attal (Attal et al, 1999) aussi, l'application de topiques
anesthésiques locaux pourrait être efficace contre les douleurs postzostériennes.
8.2) douleurs en éclair :
8.2.1 - La carbamazépine (TEGRETOL*) doit être introduite très
doucement. La carbamazépine est surtout utilisée pour le traitement de
la névralgie trigéminale. Par contre, les données concernant son
efficacité dans la neuropathie diabétique sont moins convaincantes
(Backonja, 2002). La dose de début serait de 100 mg = 1/2 cp, puis 100
mg matin et soir si le médicament est bien toléré. L'augmentation de la
posologie sera poursuivie pour atteindre l'effet attendu. Ce médicament
existe aussi en solution buvable à 100 milligrammes /5 millilitres. Le
logiciel Pharmafiches indique :
- une augmentation de la toxicité de l'alcool,
- un risque de glaucome et de rétention urinaire.
Il faudra compter aussi avec des autres effets secondaires et de
nombreuses interférences médicamenteuses dont celle, bien connue,
avec le dextropropoxyphène (dont l'extinction en France a eu lieu en
2011).
Les comprimés ne doivent pas être écrasés. Ils doivent être pris pendant
le repas, et peuvent être absorbés avec un jus de fruits.
8.2.2 - L'acide valproïque (DEPAKINE*) est plus maniable, peut-être
moins efficace, et comporte des risques hépatiques et hématologiques.
La dose de départ est de 1 millilitre de solution = 200 milligrammes
proposée matin, midi et soir, soit en tout 600 milligrammes. Le taux de
prothrombine et la formule numération sanguine sont pratiqués au départ
puis surveillés régulièrement. L'acide valproïque en solution buvable ne
doit pas être absorbé avec l'alcool, et doit être pris à jeun. Il est possible
de diluer la solution dans l'eau ou un jus de fruits. Cette dernière option
est souvent souhaitable du fait du mauvais goût du médicament
administré sous cette forme.
8.2.3 - Le clonazépam (RIVOTRIL*) est une benzodiazépine rapidement
efficace, mais dont les effets secondaires chez la personne âgée
peuvent limiter l'intérêt. Wary (Wary, 2007, 8èmes Rencontres de
gérontologie Pratique, Paris, 18 janvier 2007) estime que cette
substance est inefficace sur les douleurs neuropathiques. C'est
aussi l'avis de l'AFSSAPS (devenue ANSM le 1er mai 2012) qui stipule
en novembre 2011 que "le rapport bénéfice/risque du clonazépam n’est
établi ni dans le traitement de la douleur, ni dans les indications
habituelles des autres benzodiazépines, notamment l’anxiété et les
troubles du sommeil".
Dans une étude en double aveugle conduite par une équipe française
(Gremeau-Richard et al. 2004), l'utilisation topique du clonazépam a été
proposée contre la stomatodynie, douleur spontanée à type de brûlure
de cause inconnue et qui ne reconnaît aucun traitement efficace.
Quarante-quatre patients (4 hommes et 40 femmes) ont été inclus.
Parmi eux, 41 ont participé à l'étude jusqu'à son terme. Les patients
devaient sucer un comprimé contenant 1 mg de clonazépam ou bien un
placebo. Ils devaient retenir leur salive près de la région douloureuse
sans avaler pendant 3 minutes puis rejeter la salive. Ce protocole était
répété trois fois par jour pendant 14 jours. L'intensité de la douleur a été
évaluée sur une échelle numérique allant de 0 à 10. L'évaluation avait
lieu avant le protocole puis après celui-ci. Deux semaines après le début
de l'essai, le score de douleur diminuait de 2,4 (+ ou - 0,6) dans le
groupe clonazépam et de 0,6 (+ ou - 0,4) dans le groupe placebo (p =
0,027).
8.2.4 - La gabapentine (NEURONTIN*) est fréquemment utilisée contre
les douleurs neuropathiques périphériques et lors des
algoneurodystrophies. Il convient de tenir compte de la clairance de la
créatinine pour déterminer la dose convenable (voir ci-dessous les
données issues de la BIAM). Une dose cible minimale de 600 mg
quotidiens est recommandée par les uns, une dose de 1200 mg
semblant nécessaire pour les autres pour obtenir un effet clinique
significatif. Pour notre part, nous utilisons la gabapentine en première
intention du fait de sa bonne tolérance. La gabapentine per os a obtenu
l'AMM (autorisation de mise sur le marché) en France en octobre 2000
dans l'indication des douleurs post-zostériennes. Pour Rowbotham
(Rowbotham et al, 1998), ce traitement semble efficace. La gabapentine
a démontré son efficacité dans la neuropathie diabétique douloureuse et
les douleurs post-zostériennes (Backonja, 2002).
Toutefois, des effets secondaires ont été observés dans le groupe de
patients sous gabapentine : somnolence, vertiges, ataxie, œdèmes
périphériques et infection étaient plus fréquents que dans le groupe traité
par un placebo.
La posologie sera adaptée à la clairance de la créatinine (source BIAM :
NEURONTIN*). Remarque : chez la personne âgée, la posologie de
gabapentine devra souvent tenir compte de la fonction glomérulaire
évaluée par le calcul de la clairance de la créatinine.
. clairance de la créatinine > 80 ml/mn : la fourchette de dose se situe
entre 900 et 3600 mg/jour.
. clairance de la créatinine comprise entre 50 et 79 ml/mn : la fourchette
de dose se situe entre 600 et 1800 mg/jour.
. clairance de la créatinine comprise entre 30 et 49 ml/mn : la fourchette
de dose se situe entre 300 et 900 mg/jour.
. clairance de la créatinine comprise entre 15 et 29 ml/mn : la fourchette
de dose se situe entre 150* et 600 mg/jour.
. clairance de la créatinine < 15 ml/mn : la fourchette de dose se situe
entre 150* et 300 mg/jour.
* à administrer à la dose de 300 mg un jour sur deux.
Dans l'insuffisance rénale, la surveillance des taux sanguins de la
gabapentine peut être justifiée.
Stamati (Stamati et al, 2003) étudie pendant un mois 65 résidents sous
gabapentine souffrant d'insuffisance rénale dans une institution d'une
grande ville. La clairance de la créatinine a été calculée. La plupart des
patients, soit 58 d'entre eux, recevaient cette substance pour combattre
une douleur neuropathique, 4 pour des troubles du comportement et 3
pour des convulsions. Les doses allaient de 200 mg à 2400 mg par jour,
les doses les plus élevées se trouvant chez les patients souffrant de
douleurs neuropathiques. Les effets secondaires relevés étaient les
suivants :
- somnolence pour six,
- nausées pour deux,
- ataxie pour deux.
Vingt-cinq patients, soit 38,4 %, recevaient des doses plus élevées que
celles recommandées par le laboratoire sur la base de leur clairance de
la créatinine.
D'après une étude parue en mars 2005 dans le New England Journal of
Medicine (Gilron et al. 2005), la combinaison de gabapentine (en France
NEURONTIN*) et de morphine donnerait de meilleurs résultats que
chacune de ces substances administrées isolément. Ces médications
ont été proposées pendant cinq semaines chez des patients âgés de 18
à 89 ans. Cette étude a été conduite chez 57 patients souffrant de
douleurs neuropathiques. 35 souffraient de neuropathies diabétiques et
22 d’algies post-zostériennes. Parmi eux, 41 ont suivi un protocole
permettant de comparer l’efficacité du placebo, de la morphine, de la
gabapentine ou bien de l’association de ces deux dernières substances.
Si l’on en croit les auteurs de l’étude, l’association de gabapentine et de
morphine permettrait d’obtenir un meilleur effet antalgique avec des
posologies plus faibles que lors de l’administration séparée de ces
substances. Les principaux effets secondaires, quelque soit le
traitement, consistaient en constipation, sécheresse de bouche et
sédation. La dose moyenne utilisée pour l’association était de 34 mg
quotidiens pour la morphine et de 1700 mg pour la gabapentine. A noter
que les patients étudiés étaient relativement jeunes par rapport à nos
clientèles en institution : 68 ans en moyenne pour les névralgies postzostériennes et 60 ans pour les diabétiques.
Pour Wary (Wary, 2007), les effets secondaires fréquents, communs à la
prégabaline et à la gabapentine sont représentés par la somnolence et les
vertiges. Deleens (Deleens, 2007) cite aussi les troubles de l'équilibre.
Pour Doubrère (Doubrère, 2008), la gabapentine devrait être utilisée à
une dose minimale de 1200 mg quotidiens. A noter qu’une telle
posologie devra être atteinte progressivement. Dans notre clientèle, il
n’est pas toujours possible d’y parvenir du fait des effets secondaires.
8.2.5 - La mémantine, molécule antagoniste des récepteurs NMDA,
posséderait une action favorable dans les troubles cognitifs liés aux
démences vasculaires. A noter que cette substance est commercialisée
en France sous le nom d'EBIXA* avec l'indication des formes modérées
à sévères de la maladie d'Alzheimer.
La mémantine ne semble pas avoir d’action sur l’agitation des patients
atteints de maladie d’Alzheimer aux stades modéré à sévère (Fox et al,
2012).
Ceci rejoint les recommandations de l’HAS de mai 2009 : « Les données
actuelles de la littérature ne permettent pas de recommander les
traitements spécifiques de la maladie d’Alzheimer (inhibiteurs de la
cholinestérase, mémantine) dans la prévention et le traitement des
symptômes psychotiques et des comportements perturbateurs. »
De plus elle semble aussi dépourvue d’action sur la douleur
neuropathique malgré son action de blocage des récepteurs NMDA.
Collins (Collins et al, 2010) indique qu’aucune conclusion ne peut être
tirée de sa métaanalyse concernant l'efficacité des antagonistes des
récepteurs NMDA sur la douleur neuropathique. Ceci infirmerait
l’enthousiasme de Hackworth (Hackworth et al, 2008) dont j’ai déjà fait
état ci-dessus.
8.2.6 - La lamotrigine serait efficace dans les névralgies trigéminales
résistantes aux autres traitements, la neuropathie du SIDA et la douleur
centrale après accident vasculaire cérébral (Backonja et al, 2002).
Une équipe allemande (Frese et al. 2006) a procédé à une revue de la
littérature quant au traitement pharmacologique de la douleur centrale
post-AVC. Hormis les substances injectables qui sont encore utilisées
essentiellement de manière expérimentale (lidocaïne, propofol et
kétamine), les substances administrables per os qui ont fait leur preuve
sont : l'amitriptyline, la lamotrigine et la gabapentine. Leur profil
d’efficacité et de tolérance est meilleur que celui de la carbamazépine et
de la phénytoïne, substances pour lesquelles aucune preuve d’efficacité
contre placebo n’a été retrouvée. Les auteurs plaident pour la réalisation
d’essais cliniques afin de codifier le traitement de cette douleur peu
fréquente mais redoutable.
8.2.7 - Le LYRICA* est le nom commercial de la prégabaline. Cette
substance aurait surtout l'avantage de prendre le relais de la
gabapentine (NEURONTIN*) devenue générique. Les études sur la
prégabaline se sont cantonnées (à ce jour 20 mars 2006) à deux types
de douleurs neuropathiques (neuropathie diabétique douloureuse et
douleur post-zostérienne) : elles ont montré un effet modéré et surtout
n’ont comparé la prégabaline qu'au placebo et non aux produits
reconnus actifs, en particulier à la gabapentine.
Une étude néerlandaise parue dans Pain (Vranken et al, 2007) laisse
envisager l’efficacité de la prégabaline dans les douleurs neuropathiques
d’origine centrale. L’étude a été menée chez 40 patients contre placebo.
L’amélioration de la condition des malades a été jugée sur des critères
d’évaluation de la douleur et de la qualité de vie. Les doses quotidiennes
de départ étaient de 150 mg éventuellement portées jusqu’à 600 mg.
Wary (Wary, 2007) pense que la prégabaline doit souvent être
administrée à la dose de 600 mg quotidiens pour être efficace. Pour cet
auteur, les effets secondaires fréquents, communs à la prégabaline et à
la gapapentine sont représentés par la somnolence et les vertiges. Cette
considération rejoint les observations de Singh (Singh et al, 2013) pour
qui la fatigue et les vertiges représentent les complications les plus
fréquentes.
Pour Johnson, les échecs thérapeutiques de la gabapentine et de la
prégabaline seraient en partie liés à l'utilisation de doses suboptimales
de ces substances dans les douleurs post-zostériennes. (Johnson et al,
2013).
Pour Athanasakis (Athanasakis et al, 2013), le rapport cout / efficacité
serait meilleur pour la prégabaline que pour la gabapentine au cours de
la névralgie post-zostérienne et des neuropathies diabétiques.
9. Autres thérapeutiques médicamenteuses antalgiques
9.1) Anesthésiques locaux
9.1.1 - L'utilisation large d'EMLA*, mélange de lidocaïne et prilocaïne,
(crème et patch) est recommandée pour les ponctions douloureuses et /
ou difficiles. Outre le cas des douleurs neuropathiques, son application
nous semble intéressante lors des situations douloureuses dans des
zones peu profondes ou encore si l’on constate une hyperesthésie
cutanée témoignant d’une sensibilisation ou d’une convergence.
Il convient de respecter les posologies recommandées par le dictionnaire
Vidal (ci-dessous un extrait du Vidal 2009)
Age
Adulte
et enfant
> 12 ans
Dose recommandée
- pour des actes
portant sur de petites
surfaces : 2 à 3 g
- pour des surfaces
plus étendues :
1 à 1,5 g pour 10 cm2
Durée minimale
Dose
Durée maximale
d'application maximale d'application
1 heure
50 g
4 heures**
9.1.2 - La lidocaïne (ou xylocaïne) en dispositif transdermique (patch). La
xylocaïne topique à libération prolongée en patch a été utilisée avec
succès par Galer (Galer et al, 2002) pour traiter des douleurs postzostériennes. Les patchs permettent d’administrer des faibles doses de
lidocaïne (xylocaïne) dont la diffusion systémique serait faible : moins de
dix pour cent de la dose utilisée pour traiter les arythmies. De plus, le
dispositif procure en lui-même une barrière de protection contre les
frottements de la peau qui sont pénibles en cas d’allodynie (Fine et al.
2006).
La FDA approuve son utilisation dans l’indication des douleurs postzostériennes.
Des essais cliniques tendent à démontrer son intérêt contre d’autres douleurs
neuropathiques comme la neuropathie diabétique ainsi que lors de douleurs
neuropathiques réfractaires d’origines diverses. Une efficacité a été évoquée
dans les lombalgies et l’arthrose comme thérapeutiques adjuvantes. Les effets
secondaires se résument à des réactions cutanées qui sont généralement légères
et transitoires. Pour Gammaitoni (Gammaitoni et al. 2003), l’application de ce
patch n'aggraverait pas l’hypoesthésie inhérente à certaines pathologies.
9.1.3 - La XYLOCAINE* à 2 % en gel urétral : cette présentation, prévue
initialement pour l'anesthésie de l'urèthre, nous rend des services
intéressants dans l'analgésie locale des plaies de pression. Afin d'éviter
tout surdosage, nous nous limitons à une seule unité par séance. Le gel
est mis en place trente minutes avant le geste douloureux.
9.1.4 - le gel urétral de lidocaïne cité ci-dessus a détrôné l'administration
de lidocaïne en spray à 5% dans notre service.
9.2) Les antispasmodiques :
9.2.1 - Devant des douleurs viscérales, nous utilisons le SPASFON*
injectable.
9.2.3 - En soins palliatifs, il convient de ne pas oublier la noramidopyrine
(VISCERALGINE FORTE* injectable), surtout en présence de douleurs
viscérales. Ce médicament existe aussi en comprimés et en
suppositoires. Dans cette situation, le risque d'agranulocytose peut être
envisagé avec davantage de sérénité.
9.3) Les antispastiques et décontracturants agissant sur la fibre
musculaire striée :
Ils possèdent une efficacité limitée et de nombreux effets secondaires
chez le patient âgé. Ils doivent être employés après utilisation des
mesures non médicamenteuses de la spasticité et correction des
différents facteurs irritatifs.
9.3.1 - le diazépam (VALIUM*) pourrait trouver son intérêt dans le
traitement des crampes nocturnes, lorsque l'anxiété est un facteur
important de spasticité et lorsque la sédation est peu préjudiciable
(Walton K. 2003).
9.3.2 - le baclofène (LIORESAL*) per os agit au niveau de la moelle
épinière. Il serait plus efficace sur la spasticité d'origine médullaire. Le
baclofène peut être administré par voie intrathécale, le plus souvent
pour combattre les douleurs spastiques au cours de la sclérose en
plaques (Fanciullo et al).
9.3.3 - Le dantrolène (DANTRIUM*) agit au niveau périphérique.
Il pourrait posséder des effets cognitifs et hépatiques délétères (Walton
K. 2003).
9.3.4 - Nous avons une expérience limitée et peu concluante du
thiocolchicoside (COLTRAMYL*). A ce propos, voir la liste des
substances que la revue "Prescrire" conseille d'exclure de l'ordonnance
en 2014.
9.3.5 - A notre connaissance, la tizanidine n'est pas commercialisée en
France. Par ailleurs, la gabapentine et la clonidine pourraient être utiles
mais il n'existe pas encore d'arguments convaincants (Walton K. 2003).
9.3.6 - L'injection locale de toxine botulique (BOTOX*) semble une voie
prometteuse pour lutter contre les spasticités focales chez les personnes
âgées. Nous n'en avons pas d'expérience.
9.3.7 - De même, nous ne pouvons pas faire état d'une expérience
relative à l'utilisation périphérique ou centrale de phénol.
9.3.8. L'ANSM émet en janvier 2013 une mise en garde concernant le
tétrazépam (MYOLASTAN* et génériques) du fait d'effets indésirables
cutanés parfois graves : http://tinyurl.com/cdf53ep et
http://tinyurl.com/adsav2l
9.4) la COLCHICINE* : elle a utilisée à faibles doses dans le traitement
de fond de la chondrocalcinose articulaire (CCA). Cette indication est
remise en question car il n'existerait pas de traitement préventif efficace
de la CCA. Elle doit être prise pendant le repas. Sa tolérance digestive
en limite l'intérêt.
9.5) Les vasodilatateurs
9.5.1 - le naftidrofuryl (PRAXILENE*) pour les artériopathies des
membres inférieurs. Seule est disponible la présentation orale. Bien que
discutée, son indication a été maintenue en France en 2103
dans l'artériopathie des membres inférieurs mais supprimée dans les
déficits cognitifs des personnes âgées.
9.5.2 - le buflomédil (FONZYLANE*). En 2011,l’AFSSAPS a suspendu
les AMM des spécialités à base de buflomédil du fait de leur efficacité
faible et de la persistance des risques d’intoxication médicamenteuse
volontaire et accidentelle et de mésusages à l’origine d’effets
indésirables neurologiques et cardiaques graves, malgré les mesures de
minimisation du risque prises en 2006 incluant le retrait des produits les
plus fortement dosés (300mg). Le rapport bénéfice-risque n’est donc
plus considéré comme favorable.
9.6) Les corticoïdes ou l'ACTH dans l'hypertension intracrânienne,
9.7) Le mélange équimolaire d'oxygène et de protoxyde d'azote (MEOPA)
Voir aussi la présentation relative à l'utilisation du mélange
équimoléculaire de protoxyde d'azote et d'oxygène mise en ligne le lundi
11 décembre 2006 : http://geriatrie-albi.com/N2O-O214-12-06.pdf ainsi que
le résumé et le diaporama de la communication relative au MEOPA
présentée le 8 juin 2012 à Toulouse.
Début 2010 en France, le mélange équimoléculaire de protoxyde
d'azote et d'oxygène est sorti progressivement d'une utilisation
hospitalière exclusive. Voir le plan de risque de l'AFSSAPS daté de
janvier 2010 et plus particulièrement destiné aux chirurgiensdentistes. Voir aussi le remarquable DVD sur ce thème, incluant
l'utilisation chez la personne âgée, édité par le CNRD et que l'on peut
visionner sur Internet en streaming à partir du lien suivant :
http://www.cnrd.fr/-FILMS-MEOPA-.html
9.7.1- Mécanisme d'action
A l’instar de la kétamine, le protoxyde d’azote agirait par l’intermédiaire
du blocage des récepteurs au glutamate NMDA (Grasshoff et al. 2006). Il
ne s'agit pas de la seule modalité d'action du protoxyde d'azote. C'est
ainsi que Emmanouil (Emmanouil, 2007) retrouve chez l'animal une
action sur les récepteurs opioïdes surtout de type kappa, une action
stimulante sur les neurones noradrénergiques descendants inhibiteurs
ainsi qu'une activation des neurones gabaergiques (GABA A).
9.7.2. En 2012, quatre spécialités sont disponibles sur le marché français
: Kalinox®, Entonox®, Antasol® et Oxynox® (Source : Bulletin de
Pharmacovigilance de Basse Normandie n°11, septembre 2009). Ce
mélange est intéressant pour la pratique des actes douloureux, en
particulier pour les soins des plaies de pression. Pourtant,
l'enthousiasme sera tempéré par deux réserves importantes. D'une
part, il convient de maîtriser cette technique avant de l'appliquer. Des
formations spécifiques ainsi que les anesthésistes-réanimateurs ou
encore les équipes mobiles douleur ou soins palliatifs serviront de
référence. D'autre part, il serait illusoire de compter sur ce mélange
équimoléculaire pour apporter une analgésie importante. Ainsi, Capriz
(Capriz et al. 2012) écrit que, dans une étude effectuée en 2010 près de
Nice (France), deux tiers des actes douloureux pratiqués sous MEOPA
associent un traitement antalgique de fond ou d’appoint. Le principal
risque est de considérer cette technique comme une anesthésie alors
qu'elle apporte essentiellement une anxiolyse.
En général, du fait de leur absence d'effet sur la cognition et la vigilance,
le paracétamol et un anesthésique local, en sus des mesures non
médicamenteuses, viendront compléter le dispositif destiné
aux différents mécanismes de la nociception. Le MEOPA est donc un
appoint, par exemple en complément de morphine et/ou de midazolam
injectés préalablement par voie sous cutanée. Dans cette dernière
hypothèse, il convient qu'un médecin initie la première administration.
L'utilisation du MEOPA est soumise à conditions : voir les précautions
techniques pour l'utilisation du protoxyde d'azote-oxygène. Il convient
notamment d'en sécuriser le stockage pour éviter l'utilisation détournée
au profit des "rave parties".
9.7.3. Indications et efficacité
Les gestes douloureux sont en général sous-évalués. De plus,
l'antalgie en est difficile. Le MEOPA est un complément anxiolytique
rapidement réversible.
Deux grandes familles d'indications sont retrouvées :
 techniques : pansements de plaies de pression ou d'ulcères
cutanés, mises en place ou retrait d'une sonde, ponctions,
mobilisations réadaptatives, soins dentaires, transports,
 pour le nursing : toilettes, transferts.
Par rapport à l'analgésie idéale, le MEOPA présente des qualités
indéniables : délai d'action court de l'ordre de 3 à 5 minutes, réversibilité
rapide dans le même temps, anxiolyse, effets indésirables acceptables.
Par contre, son action antalgique est peu puissante. La mise en œuvre
de cette technique dans un service ou à domicile n'est pas aussi aisée
que l'administration d'un médicament habituel.
Trente-quatre patients entre janvier et juin 2001 à Chambéry, âgés de 53
à 96 ans, d'âge moyen 84 ans, recevaient du chlorhydrate de morphine
(M) ou bien un mélange équimoléculaire de N2O-O2 (E) ou encore de la
morphine additionnée d'un mélange de N2O-O2 (M + E) pendant des
soins douloureux d'escarres ou d'ulcères cutanés au cours d’un
protocole en cross-over. La morphine était administrée par voie souscutanée 30 minutes avant le début de la procédure à la dose d’un
milligramme pour 10 kg de poids ou bien à 10 % de la dose quotidienne
si le patient recevait habituellement de la morphine. Le débit du mélange
équimoléculaire était réglé en fonction du débit respiratoire du patient, en
moyenne à 10 litres / minute. Les protocoles étaient changés tous les
deux jours (cross over) et l’étude a duré six jours afin d’utiliser les trois
procédures. L’analgésie a été jugée avant et après chaque soin en
utilisant l’échelle ECPA, une EVA (abandonnée car inadéquate), une
échelle « maison » globale d’évaluation de la douleur (GHES) ainsi que
le DOLOPLUS-2. La GHES (global hetero-evaluation scale) est une
échelle d’hétéro-évaluation à quatre items simples conçue au centre
hospitalier de Chambéry (France) : « confortable, relativement
confortable, inconfortable, horrible ». Une différence significative était
retrouvée entre les trois traitements au profit du mélange équimolaire.
Commentaires de l’auteur de ce site : intéressante étude qui se présente
comme la première du genre. Elle affirme l’efficacité du mélange
équimoléculaire de N20-O2 dans l’analgésie des soins techniques
douloureux le plus fréquents chez les personnes âgées : les soins
d’escarres. Par ailleurs, ce travail a le mérite de mettre en lumière une
forte corrélation entre l’ECPA et une échelle « rudimentaire » comportant
des items simples, la GHES. Observation intéressante aussi quant au
délai de 5 minutes minimum nécessaires pour obtenir une analgésie
suffisante sous MEOPA.
A noter que les doses de chlorhydrate de morphine du bras M et du bras
M + E sont relativement faibles. Ainsi, 1 mg pour 10 kg de poids ou 10 %
de la dose quotidienne semblent bien représenter une dose trop faible
pour obtenir une analgésie satisfaisante. Les valeurs des doses
incidentes habituelles de morphine sont davantage de l’ordre de 1/6 ème
à 1/3 de la dose quotidienne. L’objection en est bien sûr la tolérance de
telles doses susceptibles d’occasionner somnolence et anorexie. Je
chicanerai aussi l’administration de morphine probablement trop proche
du soin : 30 minutes de délai sont insuffisantes au regard de la
pharmacocinétique de cette substance. Dans la littérature, quarante-cinq
minutes sont un délai minimum. En pratique, soixante minutes sont
généralement observées entre l’administration de l’analgésique et le
début du soin douloureux.
9.7.4 Effets secondaires du MEOPA et contrindications en gériatrie
9.7.4.1. Atteintes neurologiques
Plusieurs publications font état de l’éventualité de troubles
neurologiques, sous la forme d’une myélopathie ou de neuropathies
périphériques, pouvant survenir après l’administration de protoxyde
d’azote dans des circonstances où les patients cumulaient deux facteurs
de risque :
- d’une part l’inhalation répétitive de protoxyde d’azote à des fins
thérapeutiques (Beltramello et al. 1998, Qaiyum et al. 2000, Doran et al.
2004) ou illicites (Wu et al. 2007, Lin et al. 2011).
- d’autre part un déficit, même discret, en vitamine B12. Ainsi, le taux
sérique pouvait se situer à la limite inférieure de la normale.
Pema (Pema et al. 1998) publie une observation où le protoxyde d'azote
avait été consommé massivement, de manière répétitive dans un usage
illicite chez un homme de 31 ans sans dosage préalable de la
cobalamine. Le mécanisme de cette action est une oxydation de la
vitamine B12, cette dernière étant impliquée dans la synthèse de la
myéline par le biais du métabolisme de la méthionine.
Chez la personne âgée, un déficit en cobalamine n’est pas rare. De
plus, le mélange équimoléculaire de N2O-O2 est le plus souvent
administré de manière répétitive, en particulier lors des soins d’escarres
(Douillard et al, 2002).
Ces observations nous amènent aux recommandations personnelles
suivantes :
Il convient de doser la vitamine B12 sérique avant de débuter une série
de séances analgésiques incluant le protoxyde d’azote. Une surveillance
neurologique s’impose dans tous les cas. Bien que les lésions
neurologiques publiées aient été lentement réversibles, l’intérêt du
protoxyde d’azote utilisé à des fins thérapeutiques doit être mis en
balance avec ses inconvénients et avec la possibilité de son
remplacement par une autre technique, médicamenteuse ou non.
Du fait de l'action vasodilatatrice cérébrale du protoxyde d'azote, le
MEOPA est contrindiqué en cas d'hypertension intracrânienne (Schmidt
et al. 2004, Hancock et al. 2005).
Par ailleurs, du fait de la propriété précédente, des capacités du N2O
à diffuser vers les cavités gazeuses dont le risque de pneumocéphalie
(Sadamitsu et al. 1984), enfin des difficultés de surveillance de la
vigilance chez ces traumatisés, le MEOPA est contrindiqué en cas de
traumatisme crânien récent.
9.7.4.2. Atteintes ophtalmologiques
Parmi les effets secondaires à connaitre en gériatrie, la possibilité
d'altération définitive de la vision doit être évoquée chez tout patient
ayant reçu un gaz pour chirurgie ophtalmologique depuis moins de 3
mois. Le risque est grand, en effet, de voir les bulles censées stabiliser
la rétine devenir compressives sur la rétine et le nerf optique du fait de la
diffusion du protoxyde d'azote dans ces cavités déjà formées (Fu et al.
2002, Kodjikian et al. 2003, Lee 2004, Silvanus et al. 2008, Lockwood et
al. 2008).
9.7.4.3 Effets secondaires fréquents et bénins
Des auteurs français (Bauer et al, 2007) étudient les effets secondaires
immédiatement observés lors de l'administration d'un mélange
équimoléculaire de protoxyde d'azote et d'oxygène en gériatrie chez des
patients âgés d'au moins 80 ans. Soixante-deux patients étaient
concernés pour 68 actes douloureux. Quatorze patients ont rapporté au
moins un effet secondaire : diminution de l'audition (n = 1), altération de
la perception de l'environnement (n = 8), anxiété (n = 1), céphalée (n =
3) et somnolence en fin d'administration (n = 2). Ces désordres ont tous
été réversibles à la fin du traitement.
En juin 2012, Catala (Catala, 2012) publie dans Medscape une étude
randomisée en cross-over chez 60 patients de tous âges souffrant de
traumatismes orthopédiques. Les résultats tendent à démontrer
une efficacité du MEOPA en situation d'urgence pré-hospitalière. Les
effets secondaires relevés étaient des nausées et une tachycardie ayant
conduit à l'interruption du MEOPA pour mauvaise tolérance chez un
patient.
9.8) Le Quadramet semble prometteur dans le domaine des métastases
osseuses douloureuses des cancers à tropisme osseux tels que les
cancers du sein et du poumon. Il est encore trop tôt pour conclure, les
effets secondaires (toxicité médullaire) n'étant pas négligeables.
9.9) l'hormonothérapie : par exemple lors des métastases osseuses des
néoplasies mammaires et prostatiques.
9.10) Médicaments ou techniques ayant fait l'objet de publications :
Ce paragraphe s'intéresse à des publications concernant des
nouveaux médicaments dont l'efficacité et/ou la tolérance n'ont pas
encore été suffisamment démontrées dans le domaine des douleurs
chez la personne âgée.
9.10.1 - la clonidine percutanée dans les douleurs des neuropathies
diabétiques, post-zostériennes et des syndromes douloureux complexes
régionaux.
9.10.2 - la timébutine (DEBRIDAT*). Son utilisation chez le rat
démontrerait un effet analgésique dans des douleurs neurogènes et
nociceptives.
9.10.3 - la kétamine est un antagoniste non compétitif des récepteurs
NMDA (N-méthyl-aspartate). Cette substance est utilisée en
anesthésiologie. Ses effets secondaires, essentiellement
neuropsychiques à type d'hallucinations, en ont fait limiter l'emploi.
Lauretti (Lauretti et al, 1999) l'a administrée par voie orale en
combinaison avec la nitroglycérine transdermique comme adjuvants aux
morphiniques oraux dans les douleurs cancéreuses. La kétamine seule
par voie orale a aussi été utilisée contre des douleurs chroniques
(Enarson et al, 1999). On se reportera utilement à la page 34
du document suivant : recommandations de l'AFSSAPS en juin 2010.
9.10.4 - la calcitonine de saumon semble réduire l'incidence des
fractures liées à l'ostéoporose (Lyles et al, 1999). Son indication
principale, dans les douleurs chez la personne âgée, est la maladie de
Paget. L'emploi de cette substance ne doit toutefois pas être abusif et
toute lombalgie n'en relève pas (Kanterewicz E et al, 1998). La
calcitonine de saumon aurait un effet antalgique. La présentation nasale
en spray aurait l'intérêt de la facilité d'administration (Lyritis et al, 1997).
L'équivalence entre les deux présentations pourrait être la suivante : 50
UI par voie nasale = 200 UI par voie sous cutanée (Combe et al,1997).
Pour ces derniers auteurs, le soulagement était obtenu au bout de 10
jours chez 50 % des patients souffrant d'un tassement vertébral
ostéoporotique, quelle que soit la présentation. Pour Siminoski
(Siminoski et al,1996), la calcitonine réduit la douleur aiguë associée aux
fractures ostéoporotiques. Elle est utile aussi dans le traitement des
douleurs rachidiennes chroniques liées aux fractures vertébrales de
l'ostéoporose. Les effets secondaires seraient moins fréquents avec la
présentation nasale. Pour Kapuscinski (Kapuscinski et al, 1996), la
calcitonine humaine utilisée à la dose de 0,5 mg par jour par voie
intramusculaire aurait une efficacité antalgique chez les patients
souffrant d'un tassement vertébral.
9.10.5 - la nimodipine (NIMOTOP*) pourrait être efficace chez des
patients cancéreux ayant développé une tolérance aux morphiniques
(Santillan et al, 2 références : 1994, 1998). #
9.10.6 - les biphosphonates.
Le pamidronate (AREDIA*), selon Small (Small et al. 2003), n'aurait pas
démontré de supériorité sur le placebo au cours de deux études relatives
au cancer de la prostate. Le protocole consistait dans l'administration de
90 mg de pamidronate toutes les 3 semaines pendant 27 semaines. Il n'y
avait pas de différence significative à 3 et 27 semaines, que ce soit dans
l'auto-évaluation de la douleur, l'utilisation d'analgésiques, la mobilité ou
encore dans la proportion de patients ayant présenté un événement au
niveau du squelette : fracture pathologique, irradiation ou chirurgie
osseuse, compression médullaire ou hypercalcémie.
Selon Gralow (Gralow et al. 2007), dans le traitement des douleurs liées
aux métastases osseuses, le clodronate oral (en France : CLASTOBAN*
et LYTOS*), le pamidronate intraveineux (entre autres : AREDIA*) et le
zolédronate (ZOMETA*) ont montré des effets analgésiques dans
quelques études. Selon cet auteur, l'ibandronate oral et intraveineux (en
France : BONDRONAT* uniquement intraveineux) est à même de
réduire les douleurs métastatiques osseuses chez des patientes atteinte
d'un cancer du sein.
Cette dernière hypothèse semble corroborée par Lopez-Olivo (LopezOlivo et al, 2012) qui retrouve une amélioration significative de la
douleur liée aux métastases des cancers du poumon lors de l'ajout d'un
biphosphonate à la thérapie classique (RR 1.18, IC à 95 % : 1.0-1.4).
9.10.7 - Le ziconotide (Miljanich, 2004) :
Commercialisation en janvier 2005 aux USA du ziconotide, inhibiteur des
canaux calciques de type N (N-type calcium channel blockers : NCCB)
utilisable par voie périmédullaire dans le traitement des douleurs
réfractaires à la morphine et aux autres antalgiques. C’est le premier
médicament nouveau utilisable à l'aide d'une pompe à diffusion
intrathécale depuis 20 ans dans ce pays. Il est destiné à des patients qui
utilisent déjà une pompe de ce type et qui ne peuvent plus tolérer les
autres traitements. En pratique, ce médicament pourrait être efficace
chez des patients qui ne sont pas calmés par les opioïdes par voie
intrathécale ou bien qui présentent des effets secondaires
insupportables lors de l’administration d’opioïdes par cette voie.
Plus de 1200 patients ont participé à trois essais cliniques.
Des effets secondaires sérieux ont été observés tels que vertiges,
somnolence et troubles cognitifs avec parfois des états confusionnels.
Malgré les effets secondaires, la substance a été acceptée par la FDA
car il n’y aurait pas d’autre option pour certains patients. Seuls les
patients présentant des états de psychose devraient être exclus, selon
cet organisme.
9.10.8 - Vitamine D : des auteurs américains (Huang et al, 2012) ont
évalué l’efficacité de la supplémentation en vitamine D chez 28 vétérans
(anciens militaires) souffrant de douleurs chroniques. La prescription a
tenu compte des valeurs sériques constatées. Une évaluation de la
douleur, de la qualité du sommeil et de la qualité de vie a permis de
constater une amélioration de ces items entre mai 2009 (avant
supplémentation) et novembre 2010 (après supplémentation).
N.B : une série trop limitée et un biais lié à une prise en charge
aspécifique peuvent être opposés à l’enthousiasme consécutif à cette
étude de cas. Toutefois, la probable amélioration de l’état général sous
vitamine D pourrait expliquer, au moins en partie, ce résultat favorable
10. Notions générales sur le maniement des médicaments
antalgiques chez la personne âgée
10.1) Fréquence des effets secondaires des médicaments
Dans une étude prospective relative aux effets secondaires des
médicaments, Field (Field et al, 2001) estime que les opioïdes
représentent le risque relatif le plus élevé parmi les effets prévisibles
chez 226 résidents. L’odd ratio (OR) des opioïdes était de 6,6, loin
devant les antipsychotiques (OR : 4), les agents antiinfectieux (OR : 3),
les antiépileptiques (OR : 2,2) ou les antidépresseurs (OR : 2).
D’après cette étude, l’attention doit se porter en particulier sur le
nouveau résident qui semble particulièrement à risque (OR : 2,8).
10.2) la fonction rénale
L'introduction d'un médicament antalgique ou analgésique n'est jamais
un geste anodin chez la personne âgée. Si le palier 1 ne pose
généralement pas de problème particulier, il en va autrement dès le
palier 2. L'introduction devra être certes rapide mais aussi progressive
pour limiter les effets secondaires. L'interférence avec les psychotropes
et la mesure de la fonction rénale seront systématiquement envisagées.
Ce dernier point mérite d'être systématiquement évalué du fait de
l'élimination rénale de métabolites actifs des opioïdes. Malgré les
réserves à son endroit, nous utilisons systématiquement la formule de
Cockroft et Gault à l'aide d'un dispositif informatique portable ou bien sur
un ordinateur de bureau. La programmation sur une feuille électronique
de calcul se fonde sur la formule suivante :
- pour la femme : clairance de la créatinine = ((140-âge) x (poids en kg) )
/ créatinine sanguine en µmoles/L
- pour l'homme : clairance de la créatinine = C (femme) x 1,25
D'après Launer-Vacher (Launer-Vacher et al, 2002), il convient
d'envisager une adaptation posologique éventuelle des médicaments
dès que le débit de filtration glomérulaire évalué par la formule ci-dessus
est inférieur à 60 ml/min. Abadie (Abadie et al, 2002) propose un
schéma thérapeutique tenant compte de cette donnée :
Pour les associations paracétamol-codéine, posologie maximale :
1 comprimé toutes les 8 heures au lieu de toutes les 4 heures si la
clairance de la créatinine est < 10 ml/min.
Pour le DICODIN* (dihydrocodéine), posologie maximale : 1
comprimé LP toutes les 24 heures au lieu de toutes les 12 heures
si la clairance de la créatinine est < 15 ml/min.
Pour le TOPALGIC*, posologie maximale : 1 comprimé à 50 mg
toutes les 12 heures à l'initiation du traitement au lieu de toutes les
4 heures si la clairance de la créatinine est < 30 ml/min.
Médicament contre-indiqué si la clairance de la créatinine est < 10
ml/min.
Pour le chlorhydrate de morphine oral et le sulfate de morphine à
libération immédiate, posologie maximale : 1 prise toutes les 8
heures au lieu de toutes les 4 heures si la clairance de la créatinine
est < 15 ml/min.
Pour le sulfate de morphine à libération modifiée sous la forme de
MOSCONTIN* et de SKENAN*, posologie maximale : 1 prise
toutes les 24 heures au lieu de toutes les 12 heures si la clairance
de la créatinine est < 15 ml/min.
Pour le sulfate de morphine à libération modifiée sous la forme de
KAPANOL* : 1 prise toutes les 48 heures au lieu de toutes les 24
heures si la clairance de la créatinine est < 15 ml/min.
Pour le chlorhydrate de morphine injectable, réduction des doses
de moitié en injection directe ou à la seringue électrique si la
clairance de la créatinine est < 15 ml/min.
10.2) Start low and go slow
L'escalade thérapeutique nécessite une bonne connaissance des
médicaments employés. Ainsi, l'effet antalgique des antidépresseurs
tricycliques demandera une dizaine de jours avant de s'installer. Par
contre, l'effet des morphiniques est déjà sensible dans les heures qui
suivent l'administration de la substance. Les effets secondaires de ces
substances apparaissent rapidement. Dans le puzzle de la douleur chez
la personne âgée, imbriquant de manière complexe les
diverses dimensions, l'introduction et la décroissance des thérapeutiques
médicamenteuses seront envisagées en tâtonnant, souvent sur de
longues périodes. En dehors des soins palliatifs, il n'est pas rare
d'attendre plusieurs jours, voire des semaines avant la maîtrise optimale
des douleurs. Cet ajustement est d'autant plus nécessaire que les
traitements seront le plus souvent de longue durée. La présentation
médicamenteuse proposée, en particulier par voie orale, n'est pas
toujours acceptée. Nous n'utilisons pas la voie rectale.
10.3) Le placebo
A notre avis, le test par un placebo doit être définitivement abandonné,
car il aboutit trop souvent à un diagnostic sommaire et erroné de douleur
psychogène.
Si l’on en croit Moore (Moore, 2004), la douleur qui est soulagée par un
placebo n’est pas pour autant irréelle. Au contraire, citant le Pr Villey,
l’auteur déclare : « Attention aux douleurs qui cèdent sous placebo :
elles sont certainement organiques ». Dans son expérience, l’auteur
affirme qu’il a pu vérifier cette assertion. S’interrogeant sur une
explication à ce phénomène, Moore émet l’hypothèse suivante : le
patient souffrant d'une douleur « réelle » désire tellement la sédation de
sa douleur qu’il se raccroche à tout, y compris au placebo. Par contre,
celui qui aurait une douleur « psychologique » aurait intérêt au maintien
de sa douleur. Aussi discutables soient les termes utilisés par Moore
(douleurs « réelles » vs « psychologiques »), cet auteur a le mérite de
prendre le contre-pied des idées toutes faites et persistantes sur l’utilité
et la signification du placebo. Rappelons que l’utilisation du placebo est
considérée comme non éthique en dehors des essais thérapeutiques par
l'American Geriatrics Society (AGS, 2002).
L'effet placebo est dépendant des attentes du malade quant au
soulagement de sa douleur. Les troubles cognitifs et la diminution du
conditionnement seraient susceptibles de diminuer ou de supprimer cet
effet.
Commentaire personnel : il conviendrait toutefois de préciser le stade de
la démence car il semble difficile de faire des analogies entre démence
modérément sévère et très sévère dans ce domaine (voir la classification
française des démences). Par ailleurs, il convient d'attendre les résultats
des études évoquées avant de conclure sur ce point.
La source est pour l'instant l'Associated Press. Les auteurs sont mieux
connus dans Medline pour l'étude de l'effet placebo de manière plus
générale : http://www.jneurosci.org/cgi/content/full/23/10/4315
Source : http://www.msnbc.msn.com/id/10242034/
Selon Benedetti, l’effet placebo est d’abord un produit du contexte
environnemental tel que les mots utilisés et les rituels lors de l’acte
thérapeutique. Cet effet aboutirait à des modifications des circuits et de
la biochimie neuronale. En second lieu, les mécanismes activés par les
placebos seraient identiques à ceux qui le sont par les médicaments, ce
qui suggère une interférence cognitive / affective avec l’action de ces
substances. Enfin, si le fonctionnement préfrontal est compromis, la
réponse placebo serait diminuée ou même annulée comme ceci se
produirait au cours de la maladie d’Alzheimer (Benedetti et al, 2010).
Benedetti (Benedetti et al, 2012) publient une intéressante étude laissant
entrevoir le rôle des systèmes opioïdes et cannabinoïdes dans la
tolérance à la douleur. Deux groupes de volontaires ont été soumis à un
test d’ischémie du membre supérieur et devaient tolérer la douleur aussi
longtemps que possible. Le premier groupe n’a pas reçu d’information
particulière. Le deuxième fut « informé » que l’ischémie est favorable
pour les muscles en soulignant ainsi le caractère bénéfique du test.
Les auteurs ont mis en évidence une tolérance significativement plus
élevée dans le deuxième groupe que dans le premier. Cette différence
était abolie par l’administration d’antagonistes des opioïdes et des
cannabinoïdes.
Le renforcement du caractère positif de certaines situations (guérison
postopératoire par exemple) pourrait ainsi contribuer au soulagement de
la douleur.
Historiquement, les médecins ont utilisé le placebo en pratique clinique
sans l’information préalable du patient. Une telle attitude, encore
présente selon l'Association Médicale Américaine, fait courir en clinique
des risques bien identifiés :
- elle risque de saper la confiance envers le médecin ou l’infirmière car
elle est fondée sur un mensonge qui peut être éventé,
- elle peut conduire à des fausses interprétations : si le placebo est
efficace, il est loisible d’en déduire que la douleur est « psychogène »
voire inventée,
- elle risque de retarder le diagnostic et le traitement adéquats,
- certains patients peuvent présenter des effets secondaires : c’est l’effet
nocebo. Selon article R.4127-40 du code de la santé publique, « il n'y a
pas d'intervention absolument sans danger, en médecine comme ailleurs
: même une substance inactive responsable d'un effet placebo peut
aussi entraîner, chez le même patient ou chez un autre, un effet nocebo
nuisible. »
- l’éthique est ici prise en défaut : le médecin doit promouvoir le bien –
être du malade et respecter son autonomie, donc sa liberté de choix.
Dans le domaine de la recherche, les volontaires doivent être avertis de
la possibilité de l’administration d’un placebo. Ce n’est pas souvent
(jamais ?) le cas en pratique clinique, en particulier chez la personne
âgée démente. Cette situation est encore fréquente pour soulager une
douleur ou en réponse à des plaintes sans explication médicale
objective. Une tendance qui pourrait être renforcée par la suspicion
croissante envers les médicaments, en particulier les psychotropes et les
opioïdes. Si l’administration d’un placebo sans le consentement du
malade doit être rejetée, il n’en est pas de même de l’effet placebo qui
devrait être utilisé lors de chaque prescription, voire de chaque prise
médicamenteuse. L’explication de l’action du médicament et le
consentement à son utilisation par le patient sont éthiques et bénéfiques.
Trop souvent, les antalgiques sont donnés sans cette démarche nonmédicamenteuse indispensable.
Les études concernant les médicaments antalgiques sont effectuées en
comparant leurs effets à un placebo réputé neutre. Or, il est admis que le
placebo peut posséder lui-même un effet antalgique par le biais de
l’effet placebo.
Sinon, écrit le médecin urgentiste David Newman dans son livre
« Hippocrate’Shadow », comment expliquer les faits suivants dans le
domaine de la douleur :
 Le fait de prendre deux comprimés de placebo (par exemple de
sucre) soulage davantage la douleur, produit un effet stimulant ou
sédatif ou guérit des ulcères gastriques plus rapidement (variable
selon les études) que d’en prendre un seul.
 Les comprimés de placebo comportant un nom commercial sont
plus efficaces contre la douleur que la même présentation sans
nom commercial.
 Bien qu’une acupuncture simulée réduise les migraines autant que
la vraie acupuncture, les deux réduisent davantage les douleurs
migraineuses que l’absence de traitement.
 Les variations des dosages d’endorphines sont sensibles à l’effet
placebo.
En résumé, l’effet placebo vient troubler la validité des comparaisons
nécessaires pour affirmer l’efficacité d’un traitement antalgique.
Rappel éthique personnel : à mon avis, il convient d’utiliser toujours
l’effet placebo, jamais un placebo en pratique clinique sans information
et accord du patient.
Source : http://www.nytimes.com/2014/10/14/upshot/placebos-help-just-ask-thishealtheconomist.html?emc=edit_tnt_20141013&nlid=1675735&tntemail0=y&_r=0&abt=0
002&abg=1
10.4) Le test thérapeutique utilisant des antalgiques
Ce test est parfois utilisé pour mettre en évidence une douleur quand
toutes les autres possibilités d'évaluation sont demeurées vaines chez
un patient incapable de s'exprimer. Ce test est d'autant plus tentant que
le patient présente un comportement évocateur d'une douleur. La
difficulté tient à la faible spécificité des comportements traduisant un
inconfort, quelle que soit son origine : confusion, douleur, asthénie,
anxiété, hallucinations, délires, besoin d'être changé, faim, soif, dyspnée,
etc...
Chibnall (Chibnall et al. 2005) étudie le comportement de 25 résidents
souffrant de démence modérée à sévère. Il s'agissait d'une étude
randomisée, en double aveugle, contre placebo, en crossover. Les
patients recevaient du paracétamol oral à la dose de 3 grammes par jour
pendant un mois. Puis un placebo était administré pendant 4 semaines
chez les mêmes malades. Plusieurs aspects du comportement étaient
étudiés à l’aide de deux outils standardisés. Les auteurs relèvent une
amélioration des patients sous paracétamol. Ces changements
pourraient être résumés comme une ouverture aux autres et un
accroissement des activités adaptées. Toutefois, aucun effet n'a été noté
sur l’agitation, le bien–être affectif ou encore l’utilisation de psychotropes
à la demande. Commentaires de l’auteur de ce site : cette étude
modeste nous rappelle l’importance potentielle des douleurs inexprimées
chez la personne âgée démente. Penser à la douleur demeure un défi
permanent. Pourtant, un test antalgique devrait demeurer le résultat
d’une réflexion individuelle, au cas par cas.
Les deux principaux reproches qui peuvent être adressés au test
thérapeutique sont les suivantes : en cas d'échec, si le paracétamol est
utilisé seul, il est toujours possible d'invoquer une insuffisance d'efficacité
du traitement. Dans le cas de l'utilisation d'un opioïde, l'effet sédatif de
ce dernier peut en imposer pour un soulagement de la douleur.
10.5) Analgésiques : une discrimination par l'âge aux Urgences ?
Les personnes âgées reçoivent-elles les analgésiques avec retard aux
Urgences ?
C'est la question que s’est posée une équipe canadienne (Daoust et al,
2013) qui s'est intéressée aux patients présentant des douleurs
modérées à sévères cotées au-dessus de 4 sur une échelle numérique
allant de 0 à 10. L'étude a été menée de mars 2008 à décembre 2012.
Des patients adultes de plus de 18 ans et ceux qui avaient plus de 65
ans ont été comparés. Au total, les données concernant 34 213 patients
avec une douleur d'intensité 7,6 (± 1,8) ont été envisagées. Résultats :
des analgésiques ont été administrés à 20 486 patients dans un temps
médian de 2,3 heures. Pour les plus âgés, le temps médian était de 3,2
heures à mettre en perspective avec celui des moins de 65 ans : 2,1
heures.
Les plus de 65 ans attendaient 12 minutes de plus pour être évalués par
un médecin, 20 minutes de plus pour la prescription analgésique et 35
minutes de plus pour l'administration du médicament.
Cette étude fait écho à celle de Cinar (Cinar et al, 2012) aux USA qui
concluait à une temps d'attente supérieur de 10 minutes pour l'obtention
de la dose initiale d'analgésique chez les patients âgés.
Remarque de l'auteur de ce site : un délai supérieur à 2 heures entre
l'admission et l'administration d’analgésique semble déjà long. Car il faut
compter aussi avec le délai d'action de ces substances. Que penser
alors de 3,2 heures ? Certes, la méthodologie peut toujours être
critiquée. Mais à propos d'un échantillon de 34 213 patients, comment ne
pas s'interroger ?
Par ces temps d'évaluation tous azimuts quant à la gestion
parcimonieuse de la santé de nos anciens, quand lirons-nous les
résultats d'une étude comparable en France ?
11) La vaccination contre le zona
La vaccination contre le zona est recommandée aux USA chez les
personnes de plus de 60 ans car elle est censée réduire le risque de
zona et de douleur post-zostérienne de 50 % (GRS slides de l’AGS,
version 7,Infectious diseases, slide 40).
Cette attitude semble renforcée par la publication de Johnson (Jonhson
et al, 2010) qui fait état de l’étude de prévention du zona (Shingles
Prevention Study) conduite chez plus de 38 000 personnes âgées de
plus de 60 ans : la vaccination réduirait le retentissement du zona et de
la douleur post-zostérienne sur les activités de la vie quotidienne des
deux–tiers lors d’une évaluation par un questionnaire spécifique au zona.
Aucune mesure préventive ou curative n’étant totalement efficace à elle
seule, il semble qu’une association de moyens soit la voie d’avenir dans
la prise en charge d’une pathologie qui concerne un patient âgé sur
deux.
La prévention des douleurs post-zostériennes (DPZ) demeure une
préoccupation constante. Le Haut Conseil français de la Santé Publique
a rendu un avis fin octobre 2013 en faveur de la vaccination des
personnes âgées à partir de 65 ans. Pour en savoir plus, cliquer sur le
lien suivant : avis du HCSP.
12) Modes d'administration des médicaments antalgiques
Les comprimés non écrasables à visée potentiellement antalgique
éventuellement utilisés en gériatrie (Fodil et al, 2013) :




ACTONEL*
ARAVA*
CARBAMAZEPINE LP *
CONTRAMAL LP *






MOSCONTIN *
OXYCONTIN LP *
TEGRETOL LP *
ROWASA *
SALAZOPYRINE *
VOLTARENE *
N.B. Se reporter à la publication de Fodil et al. pour une vision
exhaustive incluant par exemple des antiépileptiques.
B. Les traitements non médicamenteux ne seront pas
oubliés.
1) Douleurs incidentes
1.1) Difficulté de la prise en charge
Il existe une réelle difficulté pour traiter les douleurs à la mobilisation, en
particulier en soins palliatifs. L'approche soignante pluriquotidienne peut
être vécue comme agressive si la douleur l'accompagne depuis de longs
jours, semaines ou années. La réaction du patient dément sera à la
mesure de son incompréhension et de sa souffrance. Si le patient a
peur, il anticipera négativement la douleur : il aura peur d'avoir mal, mal
d'avoir peur. Les douleurs continues, surtout par excès de nociception
sont moins difficiles à maîtriser.
1.2) L'apprentissage de la manutention des personnes âgées est
déterminant dans ce contexte.
Par exemple :
- l'immobilisation de la zone douloureuse avant tout mouvement,
- il convient d'ôter la manche du vêtement du côté sain avant d'enlever
celle du côté douloureux. A l'habillage, on procédera d'abord par la mise
en place de la manche ou du pantalon du côté douloureux.
- il ne faut pas soulever les patients au niveau de l'aisselle, ou pis, en
tirant sur les membres supérieurs.
- apprendre la manutention pour être soi-même en sécurité, ce qui
rassure le patient et limite sa peur et sa crispation douloureuse
réactionnelle qui sont facteurs de douleur accrue. Vérifions que le
malade n'est pas endormi juste avant les soins, ce qui augmenterait son
agressivité. Réveillons-le suffisamment tôt avant les soins, y compris
pour les soins de base ou le petit déjeuner.
Au mieux, il conviendra d'effectuer avant tout des mobilisations douces
afin d'éviter, lors des soins, les douleurs liées à l'immobilité prolongée,
en particulier chez le malade grabataire.
Manipuler correctement est bien. Laisser la personne âgée exécuter ellemême les mouvements est mieux. La douleur sera moindre lors d'un
geste actif que lors d'une manipulation passive souvent accompagnée
de crainte et d'attitudes motrices d'opposition.
2) La dimension cognitive
Informer le patient sur notre connaissance de sa douleur est un point
capital. Cette information agit sur la composante cognitive de la douleur.
Ce point ne doit jamais être oublié car une auto-appréciation erronée
peut être terrifiante. Un exemple récent m'a été fourni par une malade en
phase postopératoire en soins de suite et de réadaptation. Cette patiente
était convaincue que sa douleur consécutive à une fracture du col
fémoral était anormale car elle la comparait au soulagement éprouvé par
une patiente ayant bénéficié d'une prothèse totale de hanche dans le
contexte bien différent d'une coxarthrose.
3) La physiothérapie
3.1) le positionnement et les postures,
3.2) l'utilisation du chaud et du froid,
Une méta analyse australienne met en évidence un intérêt modéré de
l'application de chaleur au cours des lombalgies. Par contre, il n'existe pas
encore d'argument suffisant pour recommander l'utilisation externe du froid
(French et al. 2006).
3.3) la parafangothérapie fréquemment pratiquée par les kinésithérapeutes
dans notre service,
3.4) les massages,
3.5) la photothérapie : les infrarouges que nous n'utilisons pas.
4) Le divertissement
Il ne doit plus être considéré comme superflu, mais bien comme une
thérapeutique efficace. Un résident qui présente une douleur, surtout
lorsqu'elle est chronique, devrait bénéficier en priorité d'une occupation
adaptée individuellement. Les résultats de cette attitude, bien que
difficilement quantifiables, sont parfois surprenants dans notre service où
l'animatrice prend en compte cet aspect. La douleur chronique nous
apparaît comme une indication médicale de l'animation.
C. Radiothérapie
surtout contre les douleurs des métastases
osseuses.
Selon Jeremic (Jeremic, 2001), les métastases osseuses occasionnent
fréquemment des douleurs. Les indications de la radiothérapie sont la
douleur, le risque de fracture pathologique et les complications
neurologiques liées à une compression médullaire, ou encore celle d'une
racine nerveuse ou d'un nerf crânien. Pour cet auteur, les essais
prospectifs randomisés montrent l'équivalence d'efficacité entre des
régimes fractionnés et une dose unique, le plus souvent de 8 Gy. Bien
que cette dernière solution soit séduisante pour nos personnes âgées
fragiles, l'auteur reconnaît que de nombreuses questions demeurent
sans réponse claire : quelle dose optimale doit-elle être utilisée ? Existet-il une possibilité de renouveler le traitement ? Des facteurs
pronostiques aideront-ils à définir quels patients seraient susceptibles de
bénéficier préférentiellement de cette technique ?
D. La vertébroplastie
Les fractures-tassements vertébraux sont diagnostiquées de plus en
plus souvent chez la personne âgée. Elles occasionnent souvent des
douleurs dorsales prolongées ainsi qu'un déclin physique. Le repos au
lit, l’analgésie utilisant éventuellement des morphiniques ainsi que la
contention externe étaient les seules thérapeutiques disponibles dans le
passé avec un succès limité. L'étude présentée par les auteurs (Lililang
et al. 2005) a pour but d'évaluer l'efficacité de la vertébroplastie
percutanée (qualifiée aussi par ailleurs de cimentoplastie). Vingt-deux
vertébroplasties ont été pratiquées chez 16 personnes âgées. Le
soulagement de la douleur, les besoins médicamenteux et les capacités
fonctionnelles physiques ont été évaluées avant vertébroplastie, 24
heures et six mois après celle-ci. Il y avait 81 % d'amélioration de
l'intensité de la douleur à la 24 ème heure et 94 % à 6 mois. Les
capacités fonctionnelles physiques se sont améliorées dans 69 % des
cas à la 24 ème heure et 63 % à 6 mois. Le besoin de médicaments a
décru chez 75 % des patients.
E. Ce que je n'ai jamais (ou presque jamais) fait mais
qui doit rester en réserve pour des cas particuliers :
Il convient de ne pas oublier ce que l'on ne pratique jamais (adage de
l'auteur de ce site). L'équation suivante ne devrait plus exister : "je ne
sais pas pratiquer cette technique" = "cette technique est inutile ou
dangereuse".
1. per os
1.1) le sirop de morphine toutes les 4 heures,
1.2) les morphiniques à libération modifiée toutes les 8 heures au lieu de
toutes les 12 heures. Cette possibilité est prévue dans le protocole pour
analgésie terminale dans notre service.
1.3) les morphiniques par voie sublinguale évitent l'effet de premier
passage hépatique.
1.4) je n'utilise pas la buprénorphine (TEMGESIC*) qui est un agoniste
partiel. La buprénorphine (TEMGESIC*) ne doit pas être administrée
avec une substance morphinique agoniste.
2. par voie parentérale
2.3) la PCA (PCA : patient controlled analgesia, analgésie contrôlée par
le patient) utilisée en anesthésie, est difficilement extrapolable aux
situations rencontrées en gériatrie institutionnelle.
2.4) Je n'utilise pas :
2.4.1 - la nalbuphine (NUBAIN*), qui est un agoniste-antagoniste.
2.4.2 - la pentazocine (FORTAL*), qui est aussi un agoniste-antagoniste.
La nalbuphine (NUBAIN*) et la pentazocine (FORTAL*) ne doivent pas
être administrées avec une substance morphinique agoniste.
2.4.3 - la péthidine (DOLOSAL*).
3. les techniques rachidiennes
3.1) la rhizolyse de la branche postérieure des nerfs rachidiens au
niveau des articulaires postérieures : un de nos patients a ainsi été traité
par une infiltration des articulaires postérieures avec un résultat
satisfaisant,
3.2) la radicotomie percutanée rachidienne : la DREZ,
3.3) la cordotomie percutanée,
3.4) la péridurale continue : elle pourrait être utile en phase terminale sur
une douleur rebelle située dans une zone accessible à un bloc péridural,
3.5) l'infiltration par voie péridurale qui connaît des partisans dans la
prévention de la douleur consécutive au zona. Pasqualucci (Pasqualucci
et al, 2000), étudie 600 malades de plus de 55 ans suivis au décours
d'un épisode de zona dont la douleur était jugée sévère à la phase
initiale. L'administration péridurale de bupivacaïne et de
méthylprednisolone serait significativement plus efficace pour prévenir la
douleur de la neuropathie post-zostérienne à 12 mois par rapport à
l'aciclovir et la prednisolone par voie intraveineuse.
L’injection péridurale unique d’anesthésique local et de corticoïde
représente, au moins en théorie, une option de prévention de la douleur
post-zostérienne. Toutefois, Van Wijcjk (Van Wijcjk et al, 2006) en
conteste l’usage à la lumière d’une étude portant sur 598 patients de
plus de 50 ans qui présentaient un zona en phase aiguë siégeant en
dessous du dermatome de C6. Les patients étaient répartis au hasard en
deux groupes : l’un recevait une thérapeutique habituelle (antiviral oral et
analgésiques), l’autre groupe recevait la thérapeutique habituelle avec
adjonction d’une injection péridurale unique de 80 mg de
méthylprednisolone et de 10 mg de bupicavaïne. Après un mois, 137
patients (48% du groupe avec péridurale) faisaient état d’une douleur
alors qu’ils étaient 164 (58%) dans le groupe contrôle (risque relatif [RR]
0.83, 95% IC 0.71-0.97, p = 0.02). Après 3 mois, ces valeurs étaient
respectivement de 58 (21%) et 63 (24%) (0.89, 0.65-1.21, p = 0.47).
Après 6 mois, 39 (15%) et 44 (17%; 0.85, 0.57-1.13, p = 0.43). En
conclusion, les auteurs estiment que l’injection péridurale n’a qu’un effet
modeste sur la douleur au cours du premier mois. Par ailleurs, ce
traitement n’aurait pas d’efficacité sur la prévention de la neuropathie
post-zostérienne à long terme.
Ainsi, cette thérapeutique devrait être réservée aux patients qui ne
répondent pas aux traitements habituels. Dans cette dernière
éventualité, l’administration d’anesthésique local et de corticoïde par voie
péridurale pendant trois semaines en milieu hospitalier est
recommandée par les auteurs.
3.6) l'injection intrathécale de morphine (réservoirs, pompes) ou de
baclofène,
3.7) les blocs caudaux : alcoolisation sacro-coccygienne (risque
sphinctérien),
3.8) la stimulation électrique périmédullaire : artériopathies des membres
inférieurs (Galley et al, 1992 ), arachnoïdites.
3.9) l'injection intrathécale antalgique de cellules surrénaliennes (Bes et al,
1998).
4. les techniques intracrâniennes
Elles sont réservées en pratique à des centres de lutte contre la douleur.
4.1) la coagulation du ganglion de Gasser dans la névralgie du trijumeau
comporte un risque d'insensibilité de la cornée, de déafférentation,
4.2) la coagulation du ganglion d'Andersh dans la névralgie du IX dans le
traitement de certains cancers de la sphère ORL,
4.3) la stimulation électrique intracérébrale implantée par stéréotaxie,
4.4) l'injection intracérébroventriculaire de morphine,
4.5) l'hypophysiolyse par coagulation par radiofréquence.
5. autres localisations du geste thérapeutique
5.1) les blocs plexiques et tronculaires,
5.2) le bloc du ganglion stellaire dans les algodystrophies,
5.3) la sympathectomie chimique ou thermique dans les artériopathies des
membres inférieurs,
5.4) les blocs de la face,
5.5) la chirurgie palliative : exemple des métastases osseuses,
5.6) l'alcoolisation du plexus cœliaque pour les cancers du pancréas avec
douleur solaire,
5.7) les médicaments antimigraineux ne trouvent pas d'indication en
pratique,
5.8) les béta bloquants (pas de pratique, y compris dans les
algodystrophies),
5.9) l'acupuncture, l'électroacupuncture
6. les physiothérapies
Ne sont pas utilisées ou disponibles les techniques suivantes :
6.1) les massages décontracturants et relaxants, le "toucher-massage"
6.2) l'hydrothérapie
6.3) la vibrothérapie : les infrasons, les sons, les ultrasons
6.4) l'électrothérapie : les courants continus et discontinus
6.5) les ultraviolets
6.6) la roentgenthérapie et la bétathérapie externe
7. les psychothérapies spécialisées, encore très peu
utilisées en institution gériatrique
7.1) la relaxation : le training autogène de Schultz, la relaxation de
Jacobson.
7.2) la sophrologie
7.3) le biofeedback
7.4) l'hypnose
7.5) les thérapies comportementales et cognitives (TCC), définies comme
l'ensemble des psychothérapies se référant aux théories de
l'apprentissage, selon une méthodologie déductive et expérimentale
(Serra E, EFE 2005). Selon Serra, elles s'adresseraient aux situations
d'anxiété et de dépression.
7.6) les psychothérapies d'inspiration psychanalytique (PIP) définies
comme l'ensemble des psychothérapies dont la psychanalyse est le
modèle et qui se réfèrent aux théories freudiennes d'un inconscient
pathogène, selon une méthodologie intuitive et herméneutique (Serra E,
EFE 2005). Selon Serra, elles s'adresseraient aux troubles névrotiques
en sus de l'anxiété et de la dépression.
7.7) les psychothérapies individuelles : il est possible d'en rapprocher
l'animation individuelle du patient douloureux.
8. Un protocole pour un cas particulièrement fréquent : les
soins d'escarre (vous quittez cette page en cliquant sur ce lien)
La bibliographie relative à cette page est incluse
dans l'ordre alphabétique des auteurs à l'adresse
suivante : bibliographie.
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personne âgée
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