ED INTEGRE « CANCER ET CHIMIOTHERAPIES

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ED INTEGRE « CANCER ET CHIMIOTHERAPIES
ANTICANCEREUSES
Question 8 : Quelles sont les règles à respecter dans a prise en charge de la
douleur liée au cancer ?
Définition de la douleur :
« La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à des
lésions tissulaires réelles ou potentielles ou décrites en termes de telles lésions. »
Définition adoptée par l’association internationale pour l’étude de la douleur (IASP).
La prise en charge thérapeutique de la douleur cancéreuse doit être discutée au sein de
l’équipe cancérologique et avec les différents intervenants : soignants, famille et doit être
présentée de façon claire au patient. Il n’y a pas de règles spécifiques, ce sont les règles
générales de prise en charge de la douleur.
La prise en charge de la douleur est devenue une priorité et est maintenant subordonnée dans
tous les hôpitaux par un CLUD : Comité de Lutte Contre la Douleur.
Le CLUD comporte des praticiens hospitaliers, le pharmacien, des représentants des
personnels
soignants.
La
présence
d’un
psychologue
est
souhaitable.
Lorsque l’établissement compte des structures de prise en charge de la douleur (consultation,
unité, centre) et des structures de soins palliatifs, leur responsable sera membre du comité.
Les responsabilités du CLUD sont :
→ de proposer, pour améliorer la prise en charge de la douleur, les orientations les
mieux adaptées à la situation locale ; elles doivent figurer dans le projet d’établissement
→ de coordonner au niveau de l’ensemble des services toute action visant à mieux
organiser la prise en charge de la douleur quels qu’en soient le type, l’origine, et le contexte ;
→ d’aider au développement de la formation continue des personnels médicaux et
paramédicaux de l’établissement ;
→de susciter le développement de plans d’amélioration de la qualité pour l’évaluation
et le traitement de la douleur.
Principes généraux :
La stratégie de prise en charge dépend de la nature cancéreuse ou non de la douleur (Cf. arbre
ci-dessous) et de son mécanisme d’action. Elle s’appuie sur une phase d’évaluation qui
permet l’instauration de différents types de traitement : médicamenteux spécifique ou non et
non médicamenteux.
Etape No.1 : Bilan et évaluation de la douleur
1) Bilan initial
Le but de cette étape initiale est d’identifier l’intensité, la localisation et l’étiologie de la
douleur afin d’instituer au plus vite un traitement adapté. L’évaluation comprend :

Interrogatoire :
→ Historique, caractère, intensité, localisation, traitements de la douleur et autres
traitements en cours. On s’attachera à préciser avec la plus grande précision possible
l’intensité de la douleur en laissant le patient s’exprimer avec ses mots et en s’aidant
d’échelles d’auto-évaluation validées :
→ Auto-évaluation de la douleur par échelles (EVA, EVS, QDSA, ...)
→ Hétéro-évaluation (enfant : DEGR ; personne âgée, Doloplus 2, ECPA)

Examen clinique :
→ Examen neurologique à la recherche d’un déficit sensitif ou moteur, de paresthésies,
de zones d’allodynie (douleur secondaire à un stimulus non douloureux) ou
d’hyperalgésie (douleur réponse exagérée à un stimulus normalement douloureux).
→ Bilan carcinologique dans le but d’apprécier le stade évolutif de la maladie, son
pronostic et pour proposer un traitement spécifique antalgique : il doit être adapté à
l’état général du malade et à l’évolutivité de sa maladie.

± Examens biologiques, explorations et imagerie à visée diagnostique

Evaluation de l’état psycho-socio-familial (= évaluation de la composante affective,
cognitive et comportementale de la douleur cancéreuse avec ses conséquences
psychosociales → utilisation des échelles comportementales d’évaluation)
Cette première évaluation permet d’instaurer un traitement antalgique rapidement
efficace, d’établir avec le patient et l’équipe soignante un projet réaliste de retour à domicile
en se fixant des objectifs précis comme l’amélioration du sommeil ou la reprise d’une activité
physique.
Le but de l’évaluation de la douleur est une prise en charge globale du symptôme
douloureux et de ses conséquences. La thérapeutique analgésique est donc un pilier de cette
prise en charge mais ne doit pas être exclusive !
2) L’évaluation continue
Le suivi en continu du patient est nécessaire pour évaluer l’efficacité du traitement antalgique,
ses effets secondaires particulièrement à la phase d’initiation du traitement. La douleur peut
régresser à la suite d’un traitement chirurgical ou radiothérapique par exemple et il faut savoir
adapter le traitement antalgique en fonction des nouvelles évaluations. Inversement, la
réapparition de la douleur impose sa réévaluation et l’ajustement du traitement.
Les échelles d’évaluation de la douleur :
2 impératifs :


on utilisera la même échelle lors de l’évaluation initiale et du suivi
la présentation d’une échelle au patient doit être faite de manière relativement
standardisée, avec suffisamment d’explications et après s’être assuré de la bonne
compréhension du patient.
Echelle visuelle analogique (EVA) : « thermomètre » de la douleur
Echelle la plus fiable et la plus sensible.
L’intensité de la douleur peut être définie par un trait tracé sur une échelle : Demander au
patient d’indiquer par une croix ou un trait sur la ligne, le niveau de sa douleur actuelle.
Autres présentations :
 Avec un curseur :
(Au dos de l’échelle est inscrite une échelle numérique qui permet à l’évaluateur de
« chiffrer » l’intensité de la douleur. Le seuil d’intervention est de 3/10. Cette échelle
numérique n’est pas visible pour le patient afin d’éviter tout biais d’évaluation)

Pour les enfants à partir de 5 ans :
Pour les autres échelles cf annexe
Etape No.2 : Evaluer les mécanismes de la douleur
1) Douleur aigue / douleur chronique
Au cours de l’évolution du cancer, la douleur peut revêtir deux aspects :
→ douleur aiguë en rapport avec l’affection cancéreuse
→ douleur chronique, définie classiquement comme évoluant depuis plus de trois mois
et dont l’origine peut être comme pour la précédente liée à la progression tumorale ou en
rapport avec la thérapeutique.
On a souvent des épisodes de douleur paroxystiques sur fond de douleur chronique qui sont
les plus difficiles à prendre en charge.
2) mécanismes de la douleur
 Douleurs par excès de nociception
Ces douleurs correspondent à une activation des voies de la douleur à partir des nocicepteurs
par une stimulation nociceptive (lésion tissulaire). Le fonctionnement du système nerveux
reste intact.
Elles correspondent à un excès de stimulation des terminaisons libres ou des récepteurs.
Ces douleurs répondent habituellement aux antalgiques.
 Douleurs neuropathiques par désafférentation
Ces douleurs liée à une défaillance des systèmes de contrôle physiologiques des influx
nociceptifs. La lésion neurologique se trouve en amont des nocicepteurs périphériques, soit au
niveau du système nerveux périphérique soit au niveau central : médullaire et
supramédullaires. Elle est souvent décrite comme brûlante, lancinante avec des phénomènes
d’hypo ou d’hyperesthésie, d’allodynie et des paroxysmes douloureux.
Type de douleur
Douleur par excès de nociception
Douleur neurogène
Site lésionnel
Sollicitation périphérique des
récepteurs.
Lésion nerveuse périphérique ou
centrale
Caractères de la douleur
Douleur aiguë ou chronique avec
hyperalgésie locale.
- Douleur spontanée continue à type
de brûlure.
- Douleurs fulgurantes surajoutées à
type de décharge électrique.
- Dysesthésies associées
(fourmillements, picotements) parfois
améliorées par le contact et le
mouvement.
Rque : Les douleurs du cancereux sont souvent mixtes associant une composante nociceptive
et neuropathique.
 Douleurs psychogènes
Ces douleurs sont en rapport avec une problématique psychologique (suite de deuil…) ou
psychopathologique (angoisse…) caractérisée qui s’exprime au travers du corps et dont le
diagnostic repose avant tout sur les signes suivants : éléments du discours, personnalités
pathologiques entrant dans le cadre d’une névrose hystérique, d’une hypocondrie…
En aucun cas, il ne s’agit d’un diagnostic lié à l’absence de cause organique décelable.
Etape No.3 : traitement symptomatologique de la douleur
Une fois qu’on a cerné :
-le type de douleur
-son intensité
-le contexte
On peut passer au traitement proprement dit de cette douleur.
Bien sûr si la douleur est d’origine purement cancéreuse on s’attachera à traiter la cause par
les traitements antitumoraux. Mais ces traitements suffisent rarement à éliminer la douleur, de
plus ils sont très souvent à l’origine de nouvelles douleurs.
On va donc étudier les moyens thérapeutiques de traitement symptomatique de la douleur :
1) Douleurs par excès de nociception : arbres décisionnels
En plus des 5 principes de l’OMS énoncés ci-dessous il faut bien noter que :
→ Selon l’intensité de la douleur, on pourra d’emblée attaquer par un antalgique du
palier 2 ou même du palier 3.
→ Ne pas s’attarder plus de 24 heures sur un palier qui s’avère inefficace
→ Il ne faut jamais associer 2 antalgiques du même palier sauf pour le palier 3 où il
est conseillé d’associer un forme à libération immédiate et une forme à libération prolongée.
→ Il faut rechercher et prévenir systématiquement les effets secondaires du traitement
antalgique qui peuvent être un facteur de non observance du traitement.
Rque : A intervalles réguliers pour
ne pas laisser réapparaître la douleur
2) Douleurs neuropathiques : arbre décisionnel
Rque : Les antidépresseurs marchent bien dans les dysesthésies (Alternance de douleurs
très intenses et d’absence de douleur)
Les antiépileptiques marchent bien dans l’allodynie qui est un problème majeur
en cancérologie.
Autres medicaments des douleurs neurogènes :
*Les corticoïdes
• Action anti-inflammatoire
• Compression médullaire +++ (Compression due à une métastase osseuse vertébrale)
• Céphalées par HTIC
• Hépatomégalies douloureuses
• Carcinoses péritonéales
*La clonidine
• Potentialise l’action des morphiniques
• Agoniste alpha 2 adrénergique
• Mécanisme d’action non élucidé
*Les antiNMDA : Gabapentine
3) Le point sur les traitements « opioïdes » de la douleur : palier 3 de l’OMS
La morphine reste l’opioïde fort de référence pour le traitement de la douleur cancéreuse.
C'est grâce à leur action sur les récepteurs opioïdes que les antalgiques de niveau III, ou
opioïdes forts, permettent le soulagement des douleurs intenses. Cette action sur les récepteurs
est aussi responsable des effets indésirables des opioïdes forts.
Classiquement les opioïdes forts sont classés en agonistes purs (morphine, hydromorphone,
fentanyl et dérivés), agonistes partiels (buprenorphine), et agonistes antagonistes
(nalbuphine).
Il faut distinguer les formes injectables, transdermiques et orales, et parmi ces dernières, les
formes à libération prolongée et à libération immédiate. Très schématiquement, les opioïdes
forts ont tous un potentiel d'efficacité comparable, si l’on tient compte de la table de
conversion équianalgésique des opiacés. Il y a aussi une conversion à faire suivant la voie
utilisée.
Pour simplifier, ils ont tous le même potentiel d'effets indésirables, les mêmes précautions
d'emploi et nécessitent la même surveillance. Il existe néanmoins des spécificités pour
chacune des spécialités.
Morphine per os =1
Morphine IM ou IV
Morphine SC
Hydromorphone per os =8
Fentanyl transdermique
Oxycodone per os =2
Nalbuphine IM
60 mg
20 mg
40 mg
8 mg
25 µg/24 h
30 mg
20 mg
Opioïdes forts
Forme galénique
Règles et durées de
prescription
Comprimés LP : Moscontin
Morphine orale à
libération prolongée
Ordonnance sécurisée :
Gélules LP :Skenan LP
28 jours
Gélules LP : Kapanol LP
Morphine
Morphine orale à
libération
« immédiate »
Comprimés : Actiskenan,
Sevredol
Différentes concentrations sont
Morphine injectable disponibles allant de 1 mg/mL à
400 mg/10 mL.
Ordonnance sécurisée :
14 jours
Ordonnance sécurisée :
7 jours (ou 28 jours dans
systèmes actifs pour
perfusions)
Ordonnance sécurisée :
28 jours
Dispositif transdermique :
Fentanyl
Durogésic
Autres
opioïdes
forts
Délivrance pour 14 jours
Possibilité d'inscrire sur
l'ordonnance : « Délivrance
en une seule fois »
Ordonnance sécurisée :
Hydromorphone
Gélules LP : Sophidone LP
– 14 jours
Oxycodone
Comprimé LP : OxycontinLP
– 28 jours
ATTENTION !!!
- « Règles et durées de prescription » relative à l’ancienne réglementation → tenir
compte de la nouvelle réglementation en vigueur !
- les comprimés LP doivent être avalés entier
- les gélules renfermant des microgranules peuvent être ouvertes
- Il n’y a pas de doses maximales de morphine, tout est un problème de tolérance.
 Instauration du traitement : prise en charge d’une douleur chronique
SOIT : La dose de départ de la morphine est de 5 mg à libération immédiate LI
(gélule ou ampoule buvable) toutes les 4 h
• La dose est augmentée de 20% à chaque prise jusqu’à contrôle de la
douleur (interdose=ID)
• La dose totale sur 24h est calculée et convertie en morphine LP en 1 ou
2 prises / 24 h.
SOIT : on commence à 10mg LPX2 ou 20 mg voire 30 mg X 1 et ID de 10 % LI
Un fois la douleur stabilisée, on convertit la dose totale quotidienne (DTQ) en morphine LP et
on prévoit des interdoses de morphine LI qui cette fois ne seront plus prisent qu’en cas de
nécessité (survenue d’une douleur paroxystique sur fond de douleur chronique).
Pour plus de confort, lorsque la douleur est bien stabilisée, on pourra prescrire un patch de
Fentanyl (Durogésic*). La liberation est prolongée sur 72h.
Le patch de fentanyl a un effet comparable à celui obtenu avec de la morphine retard. Les
principales limites sont liées à sa longue demi-vie d’élimination avec cette galénique.
-adaptation des doses doit être très progressive (1fois/semaine)
-morphine à effet rapide en réserve.
-effet après 12 heures
-Mais son effet analgésique maximal n’est atteint que 36 à 48 heures après la pose du premier
patch.
-L’équilibre après application répétée est atteint la semaine suivant le début du traitement.
 Prévention : le traitement des effets indésirables des opiacés forts
• La constipation : Elle est pratiquement constante et son meilleur traitement est préventif,
c’est-à-dire règles hygiénodiététiques et laxatifs osmotiques systématiques dès le premier jour
de prise du traitement opioide.
• Les nausées : Assez fréquents en début de traitement, ils disparaissent habituellement en 5 à
10 jours. (motilium® haldol)
• Les vomissements : primpéran®
• La somnolence : Elle peut survenir en début de traitement et cède généralement en quelques
jours.
• Les rétentions urinaires : sondage
•La dépendance, qui se définit comme la nécessité de poursuivre la prise d’opiacés pour
éviter un syndrome de sevrage ne se voit pas en cancérologie, si on prend la précaution de
diminuer les doses progressivement et de ne pas administrer d’antagonistes.
•La tolérance qui se caractérise par une baisse de l’efficacité antalgique de l’opioide et
l’obligation d’augmenter les doses pour obtenir le même effet, peut se voir au long cours dans
le traitement de la douleur cancéreuse.
Cas du patient
 Durogesic* 50μg/h : un patch tous les trois jours
 Fentanyl : opioide fort par voie transdermique => libération prolongée pour le
traitement de fond de la douleur chronique.
 Acktiskenan* 5mg : 6/j = toutes les 4 heures
 Sulfate de morphine : morphine per os à liberation immédiate => interdoses
 Duphalac* : 2 sachets par jour (un matin, un soir)
 Lactulose (génériqué) : laxatif osmotique pour prévenir la constipation.
Conseils au patient : (au cas où il y aurait une question)
Si l’effet attendu n’est pas au rendez vous ?
La voie IV :
- Pousse seringue => effet prolongé, uniquement à l’hopital
- Infuseur => effet prolongé, à la maison, pas de possibilité d’interdoses
- Pompes PCA (¨Patient Controled Analgesia)
o Délivrent un débit continu horaire
o Permettent des interdoses : bolus prédéfinis avec un intervalle
d’administration (période d’interdiction)
o Dose limite de 1 ou 4 heures (sécurité pour éviter le surdosage)
Un mot sur les techniques non médicamenteuses
1. Méthodes physiques
-
Kinésithérapie
Acupuncture
Neurostimulation transcutanée
2. Méthodes psychologiques
-
Méthodes comportementales
 Conditionnement
 Biofeedback
 « Modelling »
 désensibilisation
-
Méthodes cognitives
 Distraction et attention
 Imagerie visuelle
 Hypnose
Points clés



L’évaluation globale de la douleur est le pré-requis indispensable à la prise en charge
de la douleur
L’objectif thérapeutique est d’adapter le niveau et la dose de l’antalgique à la douleur
pour offrir une antalgie rapidement optimale
Il faut réévaluer régulièrement la douleur pour adapter l’antalgique ou arrêter le
traitement lorsque la symptomatologie le permet.
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