C. Decroisette
Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2006 - vol.30 - n°3 165
cas rapportés d’ostéonécrose mandi-
bulaire sous biphosphonates impo-
sent une vigilance particulière pour
l’ensemble de l’équipe médicale qui
prend en charge ces malades [14-18].
Après un bref rappel sur leur méca-
nisme d’action, nous évoquerons
successivement les données récen-
tes sur les biphosphonates : les indi-
cations et les recommandations, les
molécules couramment utilisées, leur
tolérance et l’impact pratique en
médecine nucléaire.
PHARMACOLOGIE ET
MÉCANISME D’ACTION DES
BIPHOSPHONATES
!Les biphosphonates sont des ana-
logues structuraux synthétiques du
pyrophosphate dans lesquels l’atome
de carbone remplace l’atome central
d’oxygène. Ce pont P-C-P les rend
résistants à l’hydrolyse. Les biphos-
phonates se différencient par la na-
ture des chaînes latérales R1 et R2 qui
sont responsables de leur affinité
pour l’hydroxyapatite de la matrice
osseuse et leurs effets biologiques. Ils
interfèrent dans le cercle vicieux des
métastases osseuses en modifiant
leur micro-environnement. En effet,
leur action anti-ostéoclastique s’effec-
tue par l’inhibition du recrutement
et l’induction de l’apoptose des
ostéoclastes. Ils agissent parallèle-
ment sur les ostéoblastes en inhibant
leur sécrétion de prostaglandines et
d’interleukines bloquant ainsi la sti-
mulation des ostéoclastes [3]. Ils ont
une très forte affinité pour la matrice
minéralisée osseuse et s’accumulent
dans les sites de renouvellement os-
seux intense. En diminuant la résorp-
tion osseuse, ils diminuent le remo-
delage osseux et la profondeur des
lacunes de résorption.
On distingue trois générations de
biphosphonates. La première, les non-
amino-biphosphonates (étidronate,
clodronate) sont des analogues cyto-
toxiques de l’ATP rendant non
hydrolysables les cellules qui les in-
corporent. La seconde génération
correspond aux amino-biphospho-
nates (pamidronate, alendronate) qui
sont 100 à 500 fois plus puissants
grâce au groupement amine. Les
biphosphonates de 3ème génération
(ibandronate, zolédronate) ont une
action 10 à 20 fois plus puissante que
la génération précédente par la
méthylation du groupe amine.
Des études in vitro et in vivo
précliniques ont suggéré une action
anti-tumorale directe des
biphosphonates. Ils induiraient
l’apoptose des cellules tumorales
mammaires et inhiberaient leur atta-
chement à la matrice osseuse miné-
ralisée [19-21]. Par ailleurs, ils exer-
ceraient également un effet anti-
angiogénique [22], immuno-régula-
teur [23], et augmenteraient l’effica-
cité des chimiothérapies à base de
taxanes [24]. Ces résultats de modè-
les expérimentaux sont cependant
controversés puisque d’autres études
ont rapporté des résultats contradic-
toires [25].
L’absorption des biphosphonates est
très faible : la biodisponibilité des
formes orales est inférieure à 5% avec
des variations individuelles importan-
tes. Elle est entravée par le bol alimen-
taire et surtout les composés calci-
ques avec qui les biphosphonates
forment des complexes inabsorba-
bles. Les troubles digestifs rapportés
peuvent entraîner une mauvaise
compliance. Ainsi, la voie parentérale
est souvent privilégiée [26,27].
L’élimination des biphosphonates se
fait exclusivement par voie urinaire
sans métabolite. Par conséquent, une
précaution d’emploi est nécessaire en
cas d’insuffisance rénale : une
néphrotoxicité a été décrite pour le
pamidronate et le zolédronate (8 à
9%) [28].
LES INDICATIONS ET
RECOMMANDATIONS
Les molécules et
la voie d’administration
!Les biphosphonates les plus utili-
sés sont le clodronate (Clastoban®,
Lytos®), le pamidronate (Aredia®), le
zolédronate (Zometa®), l’ibandronate
(Bondronat®).
Le clodronate et l’ibandronate sont
disponibles sous forme orale. L’iban-
dronate est également disponible en
perfusion. Le pamidronate et le zolé-
dronate n’existent qu’en perfusion et
sont les molécules les plus utilisées
en pratique. Les recommandations de
l’American Society of Clinical Oncolo-
gy (ASCO) pour le cancer du sein ne
concernent d’ailleurs que ces deux
molécules, les formes orales n’étant
pas commercialisées aux Etats-Unis
[26]. En Europe les formes orales sont
prescrites essentiellement pour les
patients ayant un traitement au long
court ne nécessitant pas d’hospitali-
sations (telle que l’hormonothérapie
dans le cancer du sein et de la pros-
tate). Le confort de vie est privilégié
mais il faut cependant surveiller la
tolérance digestive. L’efficacité du
clodronate semble moins bonne que
celles des biphosphonates sous
forme intra-veineuse [29].
Les indications actuelles
!Les biphosphonates ont deux indi-
cations dans la maladie métastatique
osseuse :
· le traitement de l’hypercalcémie
maligne,
· le traitement palliatif de l’ostéolyse
maligne, avec ou sans hypercalcémie,
en complément du traitement spéci-
fique de la tumeur primitive.
Ils ont permis de contrôler 80% des
hypercalcémies paranéoplasiques. Le
clodronate a rapidement été sup-
planté par le pamidronate [30] puis
le zolédronate [31] qui est actuelle-
ment le traitement de référence des
hypercalcémies. Par ailleurs, l’effet
antalgique des biphosphonates est
constaté dans 50% des cas [32] dès la
deuxième perfusion [33].
De nombreuses études prospectives
contrôlées contre placebo ont dé-
montré l’efficacité des biphospho-
nates à réduire les évènements os-
seux (TT
TT
Taa
aa
abb
bb
bleau Ileau I
leau Ileau I
leau I). Ces derniers se dé-
finissent par la survenue d’une frac-
ture, un tassement vertébral, une
hypercalcémie, une compression
médullaire, et pour certains auteurs
une accentuation de la douleur. Leur
incidence peut atteindre 30% des pa-
tients porteurs de métastases osseu-
ses [34].