L’instant du Soignant Lettre d’information de la CNI de Poitiers / Décembre 2012 NON à la mutualisation OUI à l’éducation thérapeutique H5 : la mutualisation de tous les dangers Comme pressentie, l’organisation commune s’avère très difficile, le travail entre chirurgie et médecine étant très différent tant dans l’organisation que dans la prise en charge des patients. Quel est le point commun entre une éducation diabétique et un retour de bloc de chirurgie viscérale ? Dans les faits, la polyvalence demandée par cette restructuration s’apparente davantage à un grand écart. Que devient le soignant ? On se rend compte qu’à travers cette mutualisation, le personnel se retrouve « mutualisé » dans une grande souffrance. De nouvelles disciplines sont imposées aux soignants. Quant à la charge de travail, elle se révèle insupportable. On se retrouve avec une aile d’hospitalisation de semaine (avec les 3 spécialités) où sont regroupés géographiquement tous les patients les moins « lourds » (en termes de soins et de pathologies). Quant aux patients les plus « lourds », ils se retrouvent concentrés dans l’aile d’hospitalisation traditionnelle « J’ai toujours fait de la chirurgie, et c’est ce que j’aime faire, comment vais-je m’adapter à la médecine ? En plus, j’ai pas demandé à rester, on m’impose ce changement ! » laissant une charge de travail importante. Antérieurement, chacun des services assurait indifféremment l’hospitalisation traditionnelle et de semaine équilibrant ainsi la charge de travail. A la demande des médecins et chirurgiens et pour une meilleure organisation des soins, une sectorisation par spécialité a été créée. Mais, au final, elle n’est pas respectée car elle dépend de l’activité de chacune d’elles. On assiste donc à un « mélange » des 3 disciplines au sein d’un même secteur imposant une polyvalence permanente. « J’ai beaucoup de mal à me concentrer car on est dans un bruit permanant avec tous ces va-et-vient. On est sollicité fréquemment par les différents médecins et chirurgiens. » Chaque équipe médicale organisant sa propre visite, la planification des soins est constamment perturbée. Ce dysfonctionnement demande une adaptabilité à toute épreuve, majore le stress et génère un sentiment d’insécurité au travail au regard des responsabilités. « J’ai la sensation de venir travailler à l’usine et de m’occuper des patients à la chaîne sans une réelle bonne prise en charge. Il faut toujours se dépêcher et effectuer les soins à la hâte.» Un travail parasité qui nuit à la concentration Le bruit environnant est quasi-permanent au sein des unités de soin (surtout l’hospitalisation traditionnelle) avec des va-et-vient du personnel médical, des soignants et des différents intervenants. Comment peuton, dans ces conditions, garder toute la concentration nécessaire à la prise en charge du patient ? La pression et la fatigue sont ainsi permanentes pour les soignants avec les répercussions qu’on imagine pour les patients. Enfin, sur le plan de la « circulation », les chariots et autres matériels encombrent les couloirs, nuisent faute de place, à la sécurité des lieux, des personnels et des patients. En effet, lorsque l’on regroupe 3 disciplines, le matériel inhérent à chacune d’elles s’en retrouve multiplié. « L’instant du Soignant » Lettre d’information de la CNI de Poitiers / Décembre 2012 H5 : la mutualisation de tous les dangers Qu’en est-il de la qualité de prise en charge des patients ? La non-maîtrise des soins et des connaissances concernant les 3 spécialités expose le personnel à des difficultés d’exercice et le patient à une prise en charge « Je vis mal cette situation, je suis dans un stress. Je viens travailler à reculons. » défectueuse. Comment peut-on éduquer un diabétique lorsqu’on ne connaît pas soi- même spécifiquement les tenants et les aboutissants de cette pathologie ? Les défauts de prise en charge, les erreurs ou les oublis sont réels et inévitables compte tenu des circonstances. L’éducation thérapeutique en subit clairement les conséquences. Le suivi du diabétique au CHU de Poitiers n’est plus assuré avec sécurité. Conditions de vie au travail ou bien conditions de survie ? Indépendamment de la prise en charge désastreuse du patient, l’insécurité se reporte sur le personnel qui n’a plus les moyens d’assumer sa responsabilité. Les soignants travaillent avec la peur au ventre, peur de com- mettre l’erreur de trop et de devoir faire face à l’irréparable. Comment garder sa motivation dans de telles conditions ? Le patient et la patience ont leurs limites... « Lors de ma notation annuelle, ma cadre m’annonce ¼ de point supplémentaire en récompense. Une maigre reconnaissance quand on pense que ce quart de point représente seulement 30 euros pour cette galère ! » L’encadrement a bien constaté de réelles difficultés de fonctionnement ainsi qu’une importante charge de travail. Le manque d’expérience légitime dans certaines disciplines, le défaut d’organisation transitoire ou encore le temps d’adaptation ne sont plus des arguments recevables car cette expérimentation est en place depuis déjà 6 mois. Où est passée la reconnaissance ? Du fait d’un turn-over important, l’équipe, fraîchement en place est obligée de former les nouvelles recrues sans avoir, elle-même, l’expérience adéquate. Cette équipe est donc devenue une simple association de soignants anonymes. Les groupes de parole n’y feront rien. A ce stade, parler de la souffrance ne résout pas la souffrance. La prévention n’a plus sa place car le mal est installé. Le seul traitement est à présent curatif et le remède, tout le monde le connaît. H5 : la mutualisation de tous les dangers La fuite des compétences… Une issue inéluctable « Je ne maîtrise pas l’endocrinologie, j’ai toujours peur de faire des erreurs, des oublis, je suis dans le stress permanent, en plus j’ai le sentiment de ne pas faire du bon travail, d’être dans l’insécurité et de perdre confiance en moi. » Le résultat est sans appel. L’association médecinechirurgie ne fonctionne pas. L’endocrinologie, la bête noire, est pointée du doigt. La difficulté pour éduquer les patients diabétiques se fait ressentir par manque « Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir assisté aux cours médicaux et infirmiers, mais ce n’est que théorique, je me rends compte que sur le terrain c’est bien différent. Les patients diabétiques en connaissent plus que moi, comment je peux être crédible ?» d’expérience de la part de l’équipe en place ainsi que pour effectuer les tests sanguins qui s’avèrent très complexes. Les professionnels rodés à l’exercice ont quitté pour la plupart le navire. Comment retrouver le niveau d’expertise antérieure après cette fuite de compétence ? La polyvalence n’a-t-elle tout simplement pas atteint ses limites ? « L’instant du Soignant » Lettre d’information de la CNI de Poitiers / Décembre 2012 NON à la mutualisation En 2013, à qui laisserez-vous le soin de défendre vos intérêts ? Le 13 décembre 2012, Votez CNI ! Qui mieux qu’un soignant peut comprendre et défendre un autre soignant ?