Spécialisation de la R-équivalence pour les groupes réductifs

Sp´ecialisation de la R-´equivalence
pour les groupes r´eductifs
Philippe Gille
R´esum´e : Soit G/k un groupe r´eductif d´efini sur un corps kde caract´eristique
distincte de 2. On montre que le groupes des classes de R´equivalence de
G(k) ne change pas lorsque l’on passe de kau corps des s´eries de Lau-
rent k((t)), c’est-`a-dire que l’on a un isomorphisme naturel G(k)/R
G(k((t)))/R.
Abstract : Let G/k be a reductive group defined over a field of characteristic
6= 2. We show that the group of R–equivalence for G(k) is invariant by
the change of fields k((t))/k given by Laurent series. In other words, one a
natural isomorphism G(k)/R
G(k((t)))/R.1
La R-´equivalence est une relation d’´equivalence sur les points rationnels
d’une vari´et´e alg´ebrique introduite par Manin [M] et ´etudi´ee par Colliot-
Th´el`ene et Sansuc pour les tores alg´ebriques et leurs compactifications [CTS1],
par l’auteur pour les vari´et´es de groupes [G] et par Koll´ar pour les vari´et´es
g´eom´etriquement rationnellement connexes [K1, K2]. Soit X/k une vari´et´e
alg´ebrique d´efinie sur un corps k. La R-´equivalence est la relation d’´equivalence
sur l’ensemble des points rationnels X(k) de Xengendr´ee par la relation
´el´ementaire suivante : deux points xet yde X(k) sont dits directement R
´equivalents s’il existe une k-application rationnelle φde la droite projective
P1
kdans X, d´efinie en 0 et 1, telle que φ(0) = xet φ(1) = y.
Soient maintenant Aun anneau de valuation discr`ete, de corps r´esiduel
ket de corps des fractions F. On a le r´esultat suivant de sp´ecialisation pour
la R-´equivalence.
Proposition 0.1 (Madore, non publi´e) Soit X/Spec(A)un sch´ema projectif
de fibre sp´eciale X/k. Alors la sp´ecialisation X(A) = X(F)X(k)induit
une application
sp :X(F)/R X(k)/R. ¤
1AMS Classification : 20G15, 14L40
1
Le but de cet article est d’utiliser cette proposition pour d´efinir une ap-
plication analogue pour les scemas en groupes r´eductifs.
Th´eor`eme 0.2 On suppose car(k)6= 2. Soit G/A un A–groupe r´eductif de
fibre sp´eciale G/k (connexe). On note g7→ gl’application de sp´ecialisation
G(A)G(k).
a)Il existe un unique morphisme de sp´ecialisation
sp :G(F)/R G(k)/R.
tel que [sp(g)] = [g]pour tout gG(A).
b)Si Aest hens´elien (par exemple complet), il existe un morphisme
ϕ:G(k)G(F)/R tel que sp ϕest la surjection canonique G(k)
G(k)/R.
c) Si Aest hens´elien et a un corps de coefficients (e.g. si car(k) = 0),
alors le morphisme sp est un isomorphisme.
Corollaire 0.3 Soit G/k un groupe r´eductif (connexe) d´efini sur un corps
de caract´eristique disctinte de 2. Alors on a une isomorphisme naturel
G(k)/R
G(k((t)))/R. ¤
Cet article est motiv´e par l’article de Chernousov et Merkurjev o`u l’application
de sp´ecialisation est d´efinie dans le cas particulier du groupe de Clifford d’une
forme quadratique ([CM], §4, p. 521). Ainsi, ce r´esultat g´en´eral permet de
simplifier, dans une certaine mesure, des points techniques de cet article.
Il s’applique aussi au cas du groupe SL1(D) d’une alg`ebre simple centrale
D/k pour lequel on retrouve la fl`eche de sp´ecialisation habituelle pour le
groupe SL1(D)(k)/R d´efinie avec la K–th´eorie alg´ebrique via la th´eor`eme
de Voskresenkiˇı SK1(D)
SL1(D)(k)/R [V] et on retrouve ´egalement la
propri´et´e SK1(D) = SK1(Dk((t))).
Le passage de la proposition 0.1 au th´eor`eme 0.2 se fait en deux ´etapes.
La premi`ere consiste en une r´eduction au cas anisotrope et la seconde en la
construction de compactifications explicites de G, notamment la compactifi-
cation magnifique de De Concini et Procesi, expliquant l’hypoth`ese faite sur
la caract´eristique de kdans le th´eor`eme.
Remerciements : Ce travail a b´en´efici´e de discussions bienvenues avec
Michel Brion, Antoine Chambert-Loir, Jean-Louis Colliot-Th´el`ene et M.S.
Raghunathan, c’est avec grand plaisir que je les remercie.
2
1 Compactifications et R´equivalence
1.1 Compactification des groupes alg´ebriques lin´eaires
anisotropes
Le but de cette section est de caract´eriser l’anisotropie des groupes alg´ebriques
lin´eaires avec les compactifications. On rappelle que le k–groupe r´eductif G
(connexe) est isotrope s’il contient un k–tore d´eploy´e non trivial.
Proposition 1.1 On suppose que G/k admet une compactification lisse X/k.
Alors les assertions suivantes sont ´equivalentes :
i) Gest anisotrope,
ii) G(k) = X(k).
L’ingr´edient principal utilis´e dans la proposition est le th´eor`eme suivant
de Bruhat-Tits-Rousseau.
Th´eor`eme 1.2 ([BrT], voir aussi [P] et [T], fin de la section 2 page 663)
On suppose Ahens´elien. Les assertions suivantes sont ´equivalentes :
i)G/k est anisotrope,
ii)GFest anisotrope,
iii)G(A) = G(F).¤
D´emonstration de la proposition 1.1: Suivant le th´eor`eme pr´ec´edent, il est
loisible de remplacer le corps kpar le corps k(t), et ainsi supposer le corps k
infini.
i) =ii) : On suppose que Gcontient un sous-groupe Gm,k. L’inclusion
Gm,k se prolonge en un morphisme f:P1
kX. Si f(0), f()G(k),
alors fest `a valeurs dans la vari´et´e affine Gest constant, ce qui est une
contradiction. On conclut que X(k)\G(k)6=.
ii) =i) : On note X =X\Gle bord de X. Soit xX(k)\G(k);
on note OX,x l’anneau local et [
OX,x son compl´et´e. Il existe T1, ..., Td[
OX,x
tels que [
OX,x soit k–isomorphe `a k[[T1, ..., Td]]. Quitte `a effectuer un change-
ment lin´eaire de coordonn´ees, on peut supposer que le sous-scema Yde
Spec([
OX,x) d´efini par les ´equations
T2=T3=···=Td= 0
3
satisfait
Y×XX ={x},
avec la convention Y=Xsi d= 1. On consid`ere le morphisme
η: Spec(k[[T1]]) X
donn´e par le quotient [
OX,x k[[T1, ..., Td]]/(T2, T3, ..., Td)
k[[T1]], ou
en termes g´eom´etriques la droite formelle d’´equations T2=T3=... =Td
(appartenant `a Y). On a η(0) = xdonc η6∈ G(k[[T1]]). On note
ηgen : Spec(k((T1))) η
Spec(k[[T1]]) X
le compos´e. Par construction, ηgen G(k((T1))). Par suite, G(k[[T1]]) 6=
G(k((T1))), donc le th´eor`eme 1.2 montre que le groupe G/k est isotrope. ¤
Ce r´esultat concerne le cas de caract´eristique nulle o`u il existe une com-
pactification lisse de Gd’apr`es le th´eor`eme d’Hironaka, et aussi le cas des
groupes adjoints en caract´eristique distincte de 2 car on dispose alors des
compactifications magnifiques de De Concini et Procesi ([CS], §3).
Lemme 1.3 On suppose car(k)6= 2. On suppose que G/k est anisotrope.
Alors il existe une compactification X/k, non n´ecessairement lisse, satis-
faisant
G(k) = X(k).
Si de plus G/A est un A–sch´ema en groupes r´eductif de fibre sp´eciale G, on
peut choisir la compactification GXse relevant en GXavec Xpropre
sur Spec(A).
D´emonstration. On note Gad le groupe adjoint de G. et Tle tore coradical
de G. On alors une isog´enie centrale
1µGλ
T×AGad 1.
Suivant la preuve du lemme 12 de [CTS1], il existe une k–compactification
projective Tcde Ttelle que T(k) = Tc(k), rappelons sa construction. On
choisit un plongement T(Rk0/kGm)no`u k0/k est une extension s´eparable de
corps, Rk0/k d´esignant le foncteur de restriction des scalaires `a la Weil ([BLR],
§7.6). La compactification Tcest l’adh´erence de Tdans (Rk0/k(P1
k0))n. On
rel`eve cette construction en prenant un plongement
T(RA0/AGm)n(RA0/AP1
A)n,
4
o`u A0/A est l’extension non ramifi´ee d’anneaux complets relevant k0/k. Vu
que le tore T/F est anisotrope, on a T(R1
A0/AGm)n. On note Yl’adh´erence
de Tdans (RA0/A(P1
A))net on pose Y=Y×Ak.
Lemme 1.4 T(k) = Y(k).
Pour la d´emonstration du lemme, on est ramen´e au cas du tore normique
T=R1
k0/kGm= Ker(Rk0/kGm
Nk0/k
Gm), et alors le bord YRA0/AP1
Aest
donn´e par l’´equation homog`ene
NA0/A(x1e1+···+xded) = td,
o`u A0=Ae1+Ae2+···+Aed. Ainsi YRk0/kP1est donn´e par l’´equation
homog`ene
Nk0/k(x1e1+···+xded) = td,
et n’a pas de point `a l’infini (i.e lorsque t= 0). On conclut que T(k) = Y(k).
Passons `a la partie adjointe. Suivant le th´eor`eme 3.13 de [CS], il existe
une A–compactification projective Zde Gad telle que Z:= Z×Akest une
k–compactification de De Concini-Procesi de Gad. Suivant la proposition
1.1, on a Gad(k) = Z(k). On d´efinit le sch´ema Xcomme le normalis´e par
l’extension F(G)/F (T×AGad) de Y×Z. On a alors un morphisme fini
XY×AZprolongeant λ. Par suite, Xest une A–compactification de G.
Comme Gest un sch´ema normal, on a
G= (T×AGad)×(Y×AZ)X.
Par suite, on a G= (T×Gad)×(Y×Z)Xo`u X=X×Ak, et on conclut que
G(k) = X(k). ¤
1.2 R´eduction de la R–´equivalence au cas anisotrope
On rappelle que la R–´equivalence sur le groupe G/k est compatible `a la struc-
ture de groupe de G(k), ainsi l’ensemble RG(k) des ´el´ements R–´equivalents
`a eG(k) est un sous-groupe normal de G(k) et G(k)/R =G(k)/RG(k)
([G], lemme II.1.1). De plus, deux ´el´ements R–´equivalents de G(k) le sont
´el´ementairement (ibid).
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