SPÉCIALISATION DE LA R-ÉQUIVALENCE POUR LES GROUPES

TRANSACTIONS OF THE
AMERICAN MATHEMATICAL SOCIETY
Volume 356, Number 11, Pages 4465–4474
S 0002-9947(04)03443-9
Article electronically published on January 13, 2004
SP´
ECIALISATION DE LA R-´
EQUIVALENCE
POUR LES GROUPES R´
EDUCTIFS
PHILIPPE GILLE
R´
esum´
e. Soit G/k un groupe r´eductif d´efini sur un corps kde caract´eristique
distincte de 2. On montre que le groupes des classes de R–´equivalence de G(k)
ne change pas lorsque l’on passe de kau corps des s´eries de Laurent k((t)),
c’est-`a-dire que l’on a un isomorphisme naturel G(k)/R
−→ Gk((t))/R.
Abstract.LetG/k be a reductive group defined over a field of characteristic
6= 2. We show that the group of R–equivalence for G(k) is invariant by the
change of fields k((t))/k given by the Laurent series. In other words, there is
a natural isomorphism G(k)/R
−→ Gk((t))/R.
La Requivalence est une relation d’´equivalence sur les points rationnels d’une
vari´et´ealg´ebrique introduite par Manin [M] et ´etudi´ee par Colliot-Th´el`ene et Sansuc
pour les tores alg´ebriques et leurs compactifications [CTS1], par l’auteur pour les
vari´et´es de groupes [G] et par Koll´ar pour les vari´et´es g´eom´etriquement rationnelle-
ment connexes [K1, K2]. Soit X/k une vari´et´ealg´ebrique d´efinie sur un corps k.
La Requivalence est la relation d’´equivalence sur l’ensemble des points rationnels
X(k)deXengendr´eeparlarelation´el´ementaire suivante: deux points xet yde
X(k) sont dits directement R–´equivalents s’il existe une k-application rationnelle φ
de la droite projective P1
kdans X,d´efinie en 0 et 1, telle que φ(0) = xet φ(1) = y.
Soient maintenant Aun anneau de valuation discr`ete, de corps r´esiduel ket
de corps des fractions F.Onaler´esultat suivant de sp´ecialisation pour la R-
´equivalence.
Proposition 0.1 (Madore, non publi´e).Soit X/Spec(A)un sch´ema projectif de
fibre sp´eciale X/k. Alors la sp´ecialisation X(A)=X(F)X(k)induit une appli-
cation
sp :X(F)/R −→ X(k)/R.
Le but de cet article est d’utiliser cette proposition pour d´efinir une application
analogue pour les sch´emas en groupes r´eductifs.
Th´eor`eme 0.2. On suppose car(k)6=2.SoitG/A un A–groupe r´eductif de fibre
sp´eciale G/k (connexe). On note g7→ gl’application de sp´ecialisation G(A)
G(k).
a) Il existe un unique morphisme de sp´ecialisation fonctoriel en Aet G
sp :G(F)/R −→ G(k)/R,
tel que [sp(g)] = [g]pour tout gG(A).
Received by the editors April 9, 2003 and, in revised form, May 9, 2003.
2000 Mathematics Subject Classification. Primary 20G15, 14L40.
c
2004 American Mathematical Society
4465
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4466 PHILIPPE GILLE
b) Si Aest hens´elien (par exemple complet), il existe un morphisme ϕ:G(k)
G(F)/R tel que sp ϕest la surjection canonique G(k)G(k)/R.
c) Si Aest hens´elien et a un corps de coefficients (e.g. si car(k)=0), alors le
morphisme sp est un isomorphisme.
On obtient ainsi le r´esultat suivant, conjectur´e par J.-L. Colliot-Th´el`ene, qui
en´eralise le cas connu des tores (§3.2).
Corollaire 0.3. Soit G/k un groupe r´eductif (connexe) d´efini sur un corps de
caract´eristique distincte de 2. Alors on a une isomorphisme naturel
G(k)/R
−→ Gk((t))/R.
Cet article est motiv´e par l’article de Chernousov et Merkurjev o`u l’application
de sp´ecialisation est d´efinie dans le cas particulier du groupe de Clifford d’une forme
quadratique ([CM], §4, p. 521). Ainsi, ce r´esultat g´en´eral permet de simplifier, dans
une certaine mesure, des points techniques de cet article.
Il s’applique aussi au cas du groupe SL1(D) d’une alg`ebre simple centrale D/k
pour lequel on retrouve la fl`eche de sp´ecialisation habituelle pour le groupe
SL1(D)(k)/R efinie avec la K–th´eorie alg´ebrique via la th´eor`eme de Voskresenkiˇı
SK1(D)
−→ SL1(D)(k)/R [V] et on retrouve ´egalement la propri´et´eSK1(D)=
SK1(Dk((t))).
Le passage de la proposition 0.1 au th´eor`eme 0.2 se fait en deux ´etapes. La
premi`ere consiste en une r´eduction au cas anisotrope et la seconde en la construction
de compactifications explicites de G, notamment la compactification magnifique de
De Concini et Procesi, expliquant l’hypoth`ese faite sur la caract´eristique de kdans
le th´eor`eme.
1. Compactifications et R´
equivalence
1.1. Compactification des groupes alebriques lin´eaires anisotropes. Le
but de cette section est de caract´eriser l’anisotropie des groupes alg´ebriques lin´eaires
avec les compactifications. On rappelle que le k–groupe r´eductif G(connexe) est
isotrope s’il contient un k–tore d´eploy´e non trivial.
Proposition 1.1. On suppose que G/k admet une compactification lisse X/k.
Alors les assertions suivantes sont ´equivalentes:
i) Gest anisotrope,
ii) G(k)=X(k).
L’ingr´edient principal utilis´e dans la proposition est le th´eor`eme suivant de
Bruhat-Tits-Rousseau.
Th´eor`eme 1.2 ([BrT], voir aussi [P] et [T], fin de la section 2, page 663).On
suppose Ahens´elien. Les assertions suivantes sont ´equivalentes:
i) G/k est anisotrope,
ii) GFest anisotrope,
iii) G(A)=G(F).
emonstration de la proposition 1.1. Suivant le th´eor`eme pr´ec´edent, il est loisible
de remplacer le corps kpar le corps k(t), et ainsi supposer le corps kinfini.
i) =ii): On suppose que Gcontient un sous-groupe Gm,k. L’inclusion Gm,k se
prolonge en un morphisme f:P1
kX.Sif(0),f()G(k), alors fest `avaleurs
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R-´
EQUIVALENCE POUR LES GROUPES R´
EDUCTIFS 4467
dans la vari´et´eaneG, donc est constant, ce qui est une contradiction. On conclut
que X(k)\G(k)6=.
ii) =i): On note ∂X =X\Gle bord de X.SoitxX(k)\G(k); on
note OX,x l’anneau local et [
OX,x son compl´et´e. Il existe T1, ..., Td[
OX,x tels que
[
OX,x soit k–isomorphe `ak[[T1, ..., Td]]. Quitte `a effectuer un changement lin´eaire
de coordonn´ees, on peut supposer que le sous-sch´ema Yde Spec( [
OX,x)d´efini par
les ´equations
T2=T3=···=Td=0
satisfait
Y×X∂X ={x},
avec la convention Y=Xsi d=1. Onconsid`ere le morphisme
η:Spec
k[[T1]]X
donn´e par le quotient [
OX,x k[[T1, ..., Td]]/(T2,T
3, ..., Td)
−→ k[[T1]], ou en termes
eom´etriques la droite formelle d’´equations T2=T3=···=Td(appartenant `aY).
On a η(0) = xdonc η6∈ Gk[[T1]].Onnote
ηgen :Spec
k((T1))η
Speck[[T1]]X
le compos´e. Par construction, ηgen Gk((T1)).Parsuite,
Gk[[T1]]6=Gk((T1)),
donc le th´eor`eme 1.2 montre que le groupe G/k est isotrope.
Ce r´esultat concerne le cas de caract´eristique nulle o`u il existe une compactifica-
tion lisse de Gd’apr`es le th´eor`eme d’Hironaka, et aussi le cas des groupes adjoints en
caract´eristique distincte de 2 car on dispose alors des compactifications magnifiques
de De Concini et Procesi ([CS], §3).
Lemme 1.3. On suppose car(k)6=2et Ahens´elien. On suppose que G/k est
anisotrope. Alors il existe une compactification X/k,nonn´ecessairement lisse,
satisfaisant
G(k)=X(k).
Si de plus G/A est un A–sch´ema en groupes r´eductif de fibre sp´eciale G,onpeut
choisir la compactification GXse relevant en GXavec Xpropre sur Spec(A).
emonstration. On note Gad le groupe adjoint de G([SGA3], exp. XXII, §4.3.6)
et Tle tore coradical de G(ibid,§6.2.1). La proposition 6.2.4 de loc cit entraˆıne
que l’on a une isog´enie centrale
1µGλ
T×AGad 1,
o`uµest un A–sch´ema en groupes fini de type multiplicatif. Suivant la preuve
du lemme 12 de [CTS1], il existe une k–compactification projective Tcde Ttelle
que T(k)=Tc(k), rappelons sa construction. On choisit un plongement T
Rk0/kGmno`uk0/k est une extension s´eparable de corps, Rk0/k esignant le fonc-
teur de restriction des scalaires `alaWeil([BLR],§7.6). La compactification Tcest
l’adh´erence de Tdans Rk0/k (P1
k0)n.Onrel`eve cette construction en prenant un
plongement
TRA0/A GmnRA0/A P1
An,
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4468 PHILIPPE GILLE
o`uA0/A est l’extension non ramifi´ee d’anneaux hens´eliens relevant k0/k.Vuquele
tore T/F est anisotrope, on a TR1
A0/A Gmn.OnnoteYl’adh´erence de Tdans
RA0/A (P1
A)net on pose Y=Y×Ak. Suivant loc cit,ona
Lemme 1.4. T(k)=Y(k).
Passons `a la partie adjointe. Suivant le th´eor`eme 3.13 de [CS], il existe une A
compactification projective Zde Gad telle que Z:= Z×Akest une k–compactifica-
tion de De Concini-Procesi de Gad. Suivant la proposition 1.1, on a Gad(k)=Z(k).
On d´efinit le sch´ema Xcomme le normalis´e par l’extension F(G)/F (T×AGad)de
Y×Z. On a alors un morphisme fini XY×AZprolongeant λ.Parsuite,Xest
une A–compactification de G. Comme Gest un sch´ema normal, on a
G=(T×AGad)×(Y×AZ)X.
Par suite, on a G=(T×Gad)×(Y×Z)Xo`uX=X×Ak,etonconclutque
G(k)=X(k).
1.2. eduction de la R–´equivalence au cas anisotrope. On rappelle que la
R–´equivalence sur le groupe G/k est compatible `a la structure de groupe de G(k),
ainsi l’ensemble RG(k)deel´ements R–´equivalents `aeG(k) est un sous-groupe
normal de G(k)etG(k)/R =G(k)/RG(k) ([G], lemme II.1.1). De plus, deux
´el´ements R–´equivalents de G(k)lesont´el´ementairement (ibid).
Proposition 1.5 (proposition 11 de [CTS1]).On suppose kinfini. Soit H/k un
groupe alg´ebrique lin´eaire connexe suppos´er´eductif si kn’est pas parfait et soit
UHun ouvert non vide. Alors on a une bijection U(k)/R
−→ H(k)/R.
Corollaire 1.6. On suppose kinfini. Soit M/k H/k un sous–groupe alg´ebrique
lin´eaire d’un k–groupe alg´ebrique lin´eaire H/k. On suppose qu’il existe une vari´et´e
V/k, ouvert non vide d’un espace affine, et un k–morphisme M×VHinduisant
une k–immersion ouverte. Alors on a un isomorphisme
M(k)/R
−→ H(k)/R.
Le corollaire r´esulte imm´ediatement de la proposition et de l’identit´e
(M×V)(k)/R =M(k)/R ×V(k)/R =M(k)/R.
Lemme 1.7. On suppose kinfini. Soit Pun sous–groupe parabolique de G,L
un sous–groupe de Levi de Pet S/k le sous–tore maximal d´eploy´edeZ(L)(en
particulier, si Pest minimal, le groupe L/S est anisotrope). Alors pour tout corps
F/k, on a des isomorphismes
(L/S)(F)/R
←− L(F)/R
−→ G(F)/R.
emonstration du lemme. Comme Sest d´eploy´e, le morphisme f:LL/S admet
une section rationnelle. On choisit un ouvert non vide Ude L/S tel que f1(U)=
U×S. Suivant la proposition, on a des bijections L(k)/R =(U×S)(k)/R =
U(k)/R =(L/S)(k)/R et le morphisme L(k)(L/S)(k) est un isomorphisme. Le
morphisme GG/P admet une section rationnelle, on choisit un ouvert Vde G/P
et une section s:VGde GG/P .Lek–morphisme P×VGdonn´epar
(p, v)7→ p.s(v) est une immersion ouverte. Comme G/P est une vari´et´e rationnelle
([Bo], th. 21.20, p. 240), le corollaire montre que P(k)/R G(k)/R est un
isomorphisme. Enfin, le morphisme LPs’´etendenunisomorphismedevari´et´es
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R-´
EQUIVALENCE POUR LES GROUPES R´
EDUCTIFS 4469
L×Ru(P)
−→ P. Le radical unipotent Ru(P)estunk–groupe unipotent d´eploy´e,
donc est isomorphe `a un espace affine. On conclut que l’on a des isomorphismes
L(k)/R
−→ P(k)/R
−→ G(k)/R.
1.3. Cas particulier de la caract´eristique nulle.
Proposition 1.8. On suppose car(k) = 0.SoitX/k une compactification lisse de
G/k. Alors l’application G(k)/R X(k)/R est bijective.
L’hypoth`ese de carat´eristique nulle intervient dans la esolution forte canon-
ique des singularit´es de Bierstone-Milman [BM] (voir aussi Encinas-Hauser [EH])
pr´ecisant le th´eor`eme d’Hironaka [H]; la toute puissance de ce th´eor`eme coupe
court `a une ´etude plus fine des compactifications de groupes alg´ebriques par des
ethodes sp´ecifiques au contexte, notamment la th´eorie des ´eventails et des singu-
larit´es toriques.
Lemme 1.9. On suppose car(k) = 0.SoitH/k un groupe alg´ebrique lin´eaire. Alors
il existe une k–compactification projective lisse Yde Hmunie d’une action du
groupe H×Hprolongeant l’action de H×Hsur Hefinie par (h1,h
2).h =h1hh1
2.
emonstration. Soit HGLnune repr´esentation lin´eaire de H. Le morphisme
´evident GLnGLn+1 fait de Hun sous–groupe de PGL
n+1.LegroupePGL
n+1
est un ouvert de l’espace projectif P(Mn+1) qui est muni d’une action de PGL
n+1 ×
PGL
n+1 prolongeant l’action sur PGL
n+1.OnnoteZ/k l’adh´erence de Zariski
de Hdans P(Mn+1); par construction, la vari´et´e projective Z/k est munie d’une
action de H×Hprolongeant l’action sur H.Leth´eor`eme de esolution forte des
singularit´es produit une esingularisation f:YZsatisfaisant les propri´et´es
suivantes [BM]:
i) Yest projective lisse,
ii) finduit un isomorphisme f1(H)
−→ H,
iii) Yest muni d’une action de H×Het fest H×H–´equivariant pour cette
action.
emonstration de la proposition 1.8. Selon le corollaire ii) de la proposition 10 de
[CTS1], cette assertion ne epend pas de la compactification lisse choisie, il suffit
donc de la montrer pour une compactification particuli`ere. De plus, selon la proposi-
tion 13 du mˆeme article, la proposition est connue pour les tores. La d´emonstration
comporte plusieurs ´etapes. Remarquons tout d’abord qu’elle est de fa¸con ´evidente
stable par produit.
Lemme 1.10. a) Soit Uun sous–groupe unipotent normal de G.Silaproposition
vaut pour G/U , alors elle vaut pour G.
b) Soit Sun k–tore d´eploy´e central de G. Si la proposition vaut pour G/S,alors
elle vaut pour G.
c) Soit P/k un sous–groupe parabolique de G/k. Si la proposition vaut pour P,
alors elle vaut pour G.
emonstration du lemme. a) On sait que le morphisme GG/U est scind´e, ainsi
on a un isomorphisme de k–vari´et´es G=G/U ×U. En prenant une compactification
lisse produit, il suffit de voir que la proposition vaut pour U.OrUest une vari´et´ek
rationnelle, donc toute compactification lisse Yde Usatisfait Y(k)/R =1suivantla
proposition 10 de [CTS1] et par d´evissage au cas de Ga,onU(k)/R =Y(k)/R =1.
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