est peu fréquente au cours du premier trimestre de grossesse et qu'elle
augmente au cours du dernier trimestre touchant 15 à 30% des femmes. La
plupart du temps, il n'y a pas d'infections symptomatiques à la naissance.
Quand des lésions apparaissent, elles semblent d'apparition plus tardive et
de gravité moindre que lorsqu'elles sont consécutives à une primo-infection
(le plus souvent il s'agit d'une surdité unilatérale d'aggravation progressive
qui reste modérée). L'apparition de signes neurologiques est rare. Il est donc
très important de pouvoir différencier chez une femme enceinte, une primo-
infection d'une réactivation.
Circonstances de découverte
Le problème du diagnostic prénatal de l'infection congénitale à CMV peut se
poser dans 3 circonstances différentes :
-soit en raison d'anomalies échographiques du foetus connues pour pouvoir
être en rapport avec une infection congénitale à CMV : retard de croissance
intra-utérin, d'autant qu'il existe un oligo-amnios, un placenta épais ou
certaines anomalies morphologiques (hydrocéphalie, microcéphalie, images
hyperéchogènes intra-abdominales, ascite, épanchement pleural…).
-soit à l'occasion d'un épisode clinique maternel évoquant une infection à
CMV, les signes étant cependant peu spécifiques (syndrome pseudo-grippal,
fièvre…)
-soit en raison d'une séroconversion ou d'une réactivation asymptomatique
durant la grossesse, dépistée lors d'une surveillance systématique dans des
populations à risque, alors qu'il n'existe pas d'anomalies échographiques.
DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE L'INFECTION
Diagnostic de la primo-infection maternelle
Il est basé sur le sérodiagnostic qui met en évidence une séroconversion en
IgM et IgG.
Comme il n'est pas habituel de faire une recherche systématique d'Ac anti-
CMV au début de grossesse, la séroconversion est difficile à mettre en
évidence. Il est cependant fréquent que le laboratoire ait stocké des
échantillons de sérum pour des sérologies rubéoliques ou toxoplasmiques
(obligation légale de conserver les sérums à –30°C pendant 1 an pour les
échantillons utilisés pour la réalisation de sérologies). Dans ces conditions,
en présence d'un syndrome infectieux évocateur ou en présence d'une
pathologie fœtale détectée à l'échographie, il est possible d'effectuer un
prélèvement sanguin et de l'analyser en parallèle avec les échantillons
stockés.
Une ascension du titre des IgG anti-CMV, entre 2 prélèvements effectués à
15 jours d'intervalle, est sans valeur en l'absence d'autres critères de primo-
infection. Celle-ci peut être liée à une stimulation polyclonale ou un rappel
hétérologue. Une absence d'ascension du taux des Ac, surtout chez la
femme enceinte, ne permet pas non plus de conclure à une infection
ancienne. Il existe de faux positifs en cas de présence d'auto-Ac sériques
comme dans le cas de LED (cette remarque étant vraie pour tous les virus du
groupe Herpès).
Les IgM anti-CMV sont présentes au cours des primo-infections mais elles
peuvent persister pendant plusieurs mois (plus de 6 mois quelquefois) et
surtout elles réapparaissent dans 10 à 70% des cas de réinfection. Au cours
d'infections non dues au CMV, la recherche d'IgM peut être positive
(réactions croisées ou stimulation polyclonale du système immunitaire). La
présence d'IgM anti-CMV n'est donc pas un critère fiable de primo-infection.
Ce n'est qu'un élément de présomption d'une infection active. La notion d'IgM
fugaces n'existe pas dans le cas du CMV .
La mesure de l'avidité des IgG anti-CMV permet, devant des IgM et des IgG
positives en début de grossesse, d'évaluer la date de l'infection et donc de
différencier les infections présumées anciennes où l'avidité des IgG est
élevée, des infections récentes, où elle est faible. Ce test permet un
diagnostic d'exclusion. Il n'est pas inscrit à la nomenclature des actes de
Biologie Médicale pour l'instant.
L'isolement du virus CMV par culture ou PCR, dans le sang ou l'urine,
chez une femme enceinte connue séronégative en début de grossesse
confirme la primo-infection maternelle.
Diagnostic d'une réactivation maternelle
Le seul critère absolu de réactivation maternelle est l'existence d'une
infection congénitale à CMV chez une femme connue avant la grossesse
comme immunisée contre le CMV. Les autres critères (augmentation des IgG
avec absence d'IgM, virurie récurrente pendant la grossesse) sont sujets à
caution.
Remarque : après infection à CMV, des taux élevés d'Ac peuvent persister
pendant plusieurs années et des épisodes de virurie peuvent survenir de
manière intermittente. Le risque d'infection fœtale chez une femme
immunisée contre le CMV est très faible et ni le taux des Ac, ni leur cinétique,
ni l'existence d'une virurie ne sont en l'état actuel des connaissances des
arguments pour différer le début d'une grossesse.
Diagnostic prénatal
Le dépistage prénatal de l'infection congénitale repose sur la mise en
évidence du CMV par culture ou PCR dans le liquide amniotique 4 à 6
semaines après la séroconversion et après la 20-22
ème
SA. La PCR ne paraît
pas apporter une sensibilité supplémentaire par rapport à la culture virale qui
constitue la méthode de référence. Lors de la réalisation de l'amniocentèse, il
paraît prudent de s'assurer de l'absence de virémie maternelle. Celle-ci peut
entraîner non seulement des faux positifs (de l'ordre de 8%) mais elle peut
être aussi responsable de la contamination du fœtus.
Il est très important de rappeler que la présence de virus témoigne d'une
infection fœtale mais pas nécessairement d'une maladie fœtale.
En l'état actuel des connaissances, il n'existe pas de paramètres biologiques
prédictifs fiables de l'atteinte fœtale (charge virale dans le liquide
amniotique?, souche de CMV?…)
Diagnostic postnatal
Le diagnostic postnatal de l'infection congénitale est réalisé par la recherche
du CMV dans les urines, par culture, durant la première semaine de vie. Le
rapport coût/bénéfice d'une telle recherche n'est pas connu.
FAUT-IL DEPISTER SYSTEMATIQUEMENT L'INFECTION MATERNELLE
A CMV PENDANT LA GROSSESSE ?
A l'heure actuelle, la mise en place d'un dépistage systématique de l'infection
à CMV chez la femme enceinte ne paraît pas opportune étant donné :
- les difficultés à assurer le diagnostic et le pronostic d'une infection fœtale.
Le fait d'avoir diagnostiqué une primo-infection chez la femme ne signifie pas
que le fœtus va être atteint, même si la femme est virémique et/ou virurique,
ce qui suggère une infection du placenta mais non du fœtus.
- l'inexistence de médicaments anti-CMV efficaces, dénués de toxicité et de
pouvoir tératogène.
La pratique d'un tel dépistage serait à l'origine de nombreuses demandes
d'IMG (interruption médicale de grossesse) du fait de l'angoisse intense
soulevée par ce type de situation.
Par contre, si de tels traitements se développaient, il importerait de mettre en
place des stratégies de dépistage efficaces car :
- Le dépistage systématique permettrait, en théorie, de mieux identifier les
fœtus pour lesquels une IMG serait envisageable, mais surtout de mieux
prendre en charge les enfants asymptomatiques et pauci-symptomatiques
dont un certain nombre risque de développer des séquelles neuro-sensori-
motrices à distance. Pour ne donner qu'un seul exemple, les conséquences
en termes de développement psychomoteur, langage, capacités d'acquisition
d'une surdité sont totalement différentes selon que le diagnostic a été posé
précocement ou non.
- Le dépistage systématique permettrait de sensibiliser les femmes enceintes
séronégatives aux mesures d'hygiène à respecter pour diminuer le risque de
contamination par le CMV. Ces mesures visent à éviter le contact avec la
salive ou les urines des sujets infectés et notamment les enfants en bas âge
(lavage des mains après le change, pas de "bisous baveux", pas de "partage"
des repas). Toutefois, les femmes séropositives ne sont pas à l'abri d'un
réactivation ou d'une réinfection, mais leurs conséquences sont moins
fréquentes et moins sévères.
CONCLUSION
L'infection à CMV, acquise in utero, est la cause principale des retards
psychomoteurs d'origine infectieuse et des surdités congénitales. La
prévention de ces infections et de leurs séquelles est un objectif de santé
publique dont il faut envisager les modalités, même si pour l'instant elles sont
limitées.
Jean-Pierre BOUILLOUX & Sylvie HAMON
Prochain sujet : diagnostic biologique des hyperéosinophilies.