Histoire de haricots

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Histoire(s) de haricots
C’est Outre-Atlantique qu’il est né
Le haricot commun, Phaseolus vulgaris L. en latin, est originaire de la zone intertropicale d’Amérique.
S’il est impossible de dater la naissance de cette espèce, sa domestication par les Indiens d’Amérique
semble avoir eu lieu il y a 8 à 9000 ans, comme l'atteste des haricots retrouvés au Pérou et datés de
cette époque.
Avant la domestication le haricot était une liane, sans doute pérenne, avec des fleurs violettes, des
gousses peu charnues, filandreuses et peu comestibles, et avec des graines très petites de la taille de
grains de riz voire beaucoup moins.
La domestication a été le fait de différentes tribus ou ethnies, en parallèle dans 3 zones différentes :
-
Amérique centrale (Mexique, Guatemala…),
-
Nord des Andes (Colombie, Venezuela, Equateur et Pérou)
-
Sud des Andes (Bolivie, Nord du Chili et de l’Argentine).
La circulation des biens et des personnes à cette époque étant relativement limitée, les populations
d’indiens de chacune de ces 3 zones ont développés des types cultivés très différents, répondant
chacun à des utilisations, des goûts et des méthodes de cultures différentes. Une formidable
diversité de variétés a donc été créée il y a bien longtemps avec des variétés naines, à rames, à
grains blancs ou colorés, petits ou gros…
Ces différents types ont tellement évolués pendant des siècles de façon indépendante, qu’ils
présentent actuellement quelques difficultés à se reproduire entre eux. Cela pourrait constituer un
début de phénomène de spéciation (création de nouvelles espèces) inhérente à l’activité humaine.
Les Indiens d’Amérique cultivaient « les trois sœurs », c’est-à-dire 3 plantes différentes en
association : haricots, courges et maïs, ce dernier servant de tuteur. Il est intéressant de noter que
les protéines du haricot et du maïs se complètent en matière d’acides aminés soufrés, et que leur
association les rends proches des protéines animales.
Pour ces Amérindiens, le haricot constituait une des bases de l’alimentation. Ils ne consommaient
alors que les grains qu’ils récoltaient en sec.
Dans certaines régions Andines, les haricots de quelques variétés, si elles étaient cultivées
suffisamment en altitude, pouvaient être soufflées sur des pierres chaudes, à la manière du maïs
pour faire des pop-corn.
Les grains de haricots servaient aussi de monnaie d’échange chez les Aztèques et les Incas lors du
paiement de tributs.
Aujourd’hui il semble que les haricots que nous cultivons proviennent principalement de 2 de ces
zones :
1) L’Amérique Centrale qui a donné des types buissonnants ou grimpants très ramifiés, à
grains petits ou moyens. De nombreuses variétés utilisées au Mexique, au Brésil ou aux
USA pour la consommation en grains proviennent de cette zone,
2) Le Sud des Andes (surtout le nord de l’Argentine) qui a donné des types nains ou
grimpants peu ramifiés, avec des grains assez gros. La majorité des haricots nains ou à
rames que nous utilisons en Europe en sont issus, vraisemblablement car ces types
d’origine étaient mieux adaptés à la photopériode européenne que les types d’Amérique
centrale qui fleurissent en jours courts.
L’arrivée en Europe au XVème siècle: Encore Christophe Colomb !
Christophe Colomb a été vraisemblablement le premier (ou plutôt sans doute ses compagnons de
voyages) à trouver des champs de haricots à Cuba fin octobre 1492.
Il a été suivi par d’autres : Alvar Nuñez Cabeza de Vaca en 1528 en Floride (un nom sans doute
difficile à porter), Gonzalo Fernandez de Oviedo vers 1535 au Nicaragua, Jacques Cartier en 1535
dans l’embouchure du Saint-Laurent… Le haricot les a intéressés car il leur rappelait fortement des
légumineuses qui faisaient alors partie de l’alimentation quotidienne en Europe (fèves, pois, pois
chiches, lentilles…).
Les Espagnols ont donc ramenés différents types de haricot pour les confier aux moines de Séville qui
les ont ensuite transmis au Pape à Rome.
L’histoire dit que c’est Catherine de Médicis qui reçut des haricots des Papes Léon X et Clément VII et
les a rapidement diffusés en France, parmi lesquels les lingots, haricot de Soisson et autres haricots
grains.
Les plantes « sœurs » du haricot ayant été aussi introduites en Europe à la même époque, la culture
associée de maïs et de haricots à rames y a été très utilisée, notamment en France, jusqu’à ce que la
culture du maïs devienne plus intensive vers les années 1950.
Deux siècles et demi après son introduction en Europe, De Comble écrit en 1752 « cette plante est
universellement connue… Ce légume est employé si fréquemment dans la cuisine qu’on peut dire
qu’il est le plus assidu du foyer ».
Variétés françaises de haricots de la fin du XIXe siècle.
Source : Les plantes potagères, Vilmorin-Andrieux et Cie, 2e édition, Paris 1891
Mais pourquoi cette plante s’appelle « Haricot » ou « Phaseolus » ?
Phaseolus chez les Latins, tout comme Phasèlos chez les Grecs, désignait d’autres légumineuses
introduites en Europe bien avant le haricot et dont on consommait les gousses ou les grains. C’est le
cas par exemple de Vigna unguiculata, plante botaniquement voisine du haricot mais originaire
d’Afrique, et qui a donné le Niébé Africain, la Dolique mongette ou le Haricot kilomètre (bien mal
nommé).
Pour certains, Phaseolus serait un dérivé de faselus provenant de fascis qui veut dire fagot, car les
espèces de Vigna de l’époque étaient souvent vendues en bottes à l’époque des Romains (le haricot
kilomètre a des gousses pouvant atteindre 80 centimètres). A noter que les termes de « fayot » et de
« flageolet » en sont des dérivés.
Pour d’autres, Haricot viendrait du terme Aztèque « Ayacotl » qui désigne cette plante. D’autres
enfin suggèrent qu’il vient de l’italien ancien « Araco » venant lui-même du grec « Araxos » qui
désignait une autre légumineuse sans doute une Gesse.
Parallèlement, en vieux français « haricoter » (ou « héricoter ») signifiait « couper en petit
morceaux », et par extension désignait un ragoût de viande, d’où le célèbre haricot de mouton dont
on trouve les premières traces écrites en 1393, bien avant l’introduction du haricot.
Du fait de l’utilisation de plus en plus fréquente de ces nouveaux grains en accompagnement du
haricot de mouton, haricot a désigné la garniture du ragoût plutôt que le ragoût lui-même : les
«feves d’aricot » de Figuier en 1628 sont devenus « haricot » tout court en 1640 dans le dictionnaire
d’Antoine Furetière.
Mais il a fallu de nombreuses années pour que la terminologie se stabilise, car les premières
dénominations ont été très nombreuses : Fève rognon, Fève de Rome, Callicot, Fèverotte, Fève de
haricot, Fève de marais, Pois de haricot, Pois (il existe encore le Pois cerise en Oisans ou des Pois de
la Réunion qui sont en fait des haricots)…
Quelques histoires de haricot
Alors qu’environ 60 variétés étaient décrites en 1750 en France, c’est 249 variétés en 1906, et 1 267
en 2011 au catalogue européen. Mais c’est 14 000 variétés qui ont été répertoriées dans le monde,
dont une très grande partie est conservée au Centre International d’Agriculture Tropicale en
Colombie.
Parmi ces nombreuses variétés, il y a celles qui sont adaptées aux jardins du Sud, aux jardins du Nord
à la récolte échelonnée par les jardiniers amateurs, à la récolte mécanique pratiquée par l’industrie
agroalimentaire, il y a celles qui résistent aux bactéries virus et champignons phytopathogènes, il y
en a pour récolter en grains demi-secs, en grains secs, en gousses vertes jaunes ou violettes, il y a
celles qui sont naines et celles qu’il faut ramer, bref il y en a pour tous les goûts.
Et puis il y a les variétés qui sont célèbres, car elles sont bonnes, ou qu’elles ont une histoire ou font
partie d’une culture.
Laissez nous vous en conter quelques-unes…
La Mogette
Mogette, Mojette, Mongette ou encore Mojhette, signifiait à l’origine dans l’Ouest et le Sud-Ouest
de la France des plantes de Dolique (Vigna en latin), cultivées pour leurs grains.
Mais l’extension de la culture du haricot a fait que ce nom s’est mis à désigner dès le XVIIIème siècle
des haricots nains à écosser avec de gros grains blancs allongés ou légèrement réniformes. La
Mogette n’est donc pas une variété à proprement parler, mais un ensemble de variétés ayant des
formes de grains similaires. Parmi les variétés cultivées figurent les Lingots, le Rognon de Pont l’Abbé
d’Arnoult, le Rognon de Coq…
Une légende remercie la fée Mélusine d’avoir fourni les mongettes qui ont avantageusement
remplacé la gesse de Saintonge et le pois du Limousin.
Aujourd’hui la Mogette de Vendée bénéficie d’un IGP (Indication Géographique Protégée) et fait
vivre une centaine d’agriculteurs qui produisent 1 500 tonnes de haricots secs et demi secs.
Le haricot de Soissons
Contes et légendes …
Lors d’une épidémie de peste pendant la guerre de 100 ans, les habitants des rues Buerie et
Cordeliers de Soissons sont partis en emportant leurs récoltes. Mais beaucoup ont perdus leurs
graines en chemin et au retour, quelques mois plus tard, ils trouvèrent sur les bords du canal un
champ couvert de fèves qui leur permit de survivre à la famine. Là est née la légende du haricot de
Soissons. Mais les fèves dont il s’agit devaient être vraiment des fèves ou autres légumineuses, et
non des haricots car celui-ci n’est arrivé en Europe que beaucoup plus tard.
Au XVIème siècle, ce serait Catherine de Médicis qui, ayant reçu des Papes Léon X et Clément VII des
haricots importés d’Amérique, aurait diffusé le haricot de Soisson.
Une autre origine espagnole est relatée : un diplomate espagnol aurait donné en 1728 un gros
haricot blanc au jardinier « Jacquot » de l’abbaye Saint-Léger de Soissons qu’il avait pris en amitié,
lors de la conférence sur l’avenir de Gibraltar.
Plus récemment, au XIXème Mr Paon, guetteur du haut de la tour de la cathédrale de Soissons
s’ennuyait tout seul. Il fit donc du jardinage, et soigna tellement ses haricots qu’ils firent une
couronne tout autour de la tour de la cathédrale. Mr Paon répétait à qui voulait l’entendre « c’est du
vrai Soissons ! ».
La caractéristique du haricot de Soissons et d’être gros, très gros. Et c’est la recherche d’un grain
toujours plus gros qui a conduit à utiliser une autre espèce de haricot que le haricot commun : le
haricot d’Espagne (Phaseolus coccineus et non P. vulgaris). A tel point qu’actuellement, la variété
« Cahot », utilisée par les 38 producteurs qui relancent la culture du haricot de Soissons sous label
rouge, est un Phaseolus coccineus.
Comme quoi au cours du temps, il est possible de trouver différentes espèces botaniques sous le
même nom vernaculaire.
Le haricot Tarbais
Marguerite de Valois, fille de Catherine de Médicis, aurait diffusé des haricots blancs à rames en
Béarn et en Bigorre.
A partir du XVIIIème siècle des témoignages relatent les nombreuses cultures de haricots à rames
associées au maïs dans les environs de Tarbes. Un siècle plus tard, ces cultures représentent 18 500
ha, soit 10% des terres labourables. Les récoltes sont vendues et exportées. Au marché de Pau on
appréciait fortement le « haricot Tarbais ».
En 1885 Vilmorin décrit le Haricot de Liancourt (Oise), apparenté au Haricot de Soissons (Aisne) et
les rapproche du Haricot de Tarbes, notamment en terme de forme et qualité de grain.
Puis à partir de 1950 la culture a décliné fortement, du fait parait-il de l’utilisation croissante de
désherbants sur le maïs incompatibles avec le haricot. En 1980 il n’en restait que quelques hectares.
Une association a pu retrouver et homogénéiser une des populations de haricot de Tarbes qui
subsistaient et en a relancé la culture.
Aujourd’hui la coopérative du haricot Tarbais qui a obtenu un Label Rouge et une IGP, fédère 64
agriculteurs qui produisent 130 tonnes de haricots chaque année.
Le haricot du Cassoulet de Castelnaudary
L’origine du cassoulet est un ragoût de mouton accompagné de fèves, vraisemblablement originaire
des pays arabes. Dès le XIVème siècle Guillaume Tirel, cuisinier durant 60 ans de plusieurs Rois,
mentionne le « Viandier » ou « Héricot » comme étant des ragoûts de mouton ou de porc aux fèves.
Dès cette époque, ces ragoûts étaient cuisinés autour de Castelnaudary dans des poteries appelées
cassoles, fabriquées à Issel et donnant un goût particulier à la préparation.
En 1528, le Pape Clément VII donne quelques graines de haricots récemment importés d’Amérique
via l’Espagne, à Pietro Valerio, Chanoine italien. Celui-ci cultive ces haricots et les trouve excellents.
Alexandre de Médicis, connaissant ce Chanoine en offre donc un sac à Catherine de Médicis à
l’occasion de son mariage en 1533 avec le Dauphin de France, le futur Henri II. Et c’est en devenant
Comtesse du Lauragais en 1553 que Catherine de Médicis a favorisé l’implantation de la culture de
ces haricots dans le Sud-Ouest de la France.
C’est donc au XVIème siècle que le cassoulet prends sa forme actuelle car les fèves sont remplacées
par des haricots de type « Lingots », ayant de gros grains blancs allongés.
A noter que la dénomination « Cassoulet » ne s’imposera par contre définitivement qu’au XVIIIème
siècle.
Le haricot du Saint Sacrement
Cette très ancienne variété a reçu de nombreuses appellations différentes selon les époques et les
régions : Haricot Saint Esprit, Haricot Saint-Esprit à œil rouge, Haricot à la religieuse, Nombril à la
religieuse, Nombril de bonne sœur, Haricot Ostensoir, Haricot du Bon Dieu…
Toutes ces références religieuses sont sans doute liées à la tâche sur le grain en forme de croix.
La légende autour de son apparition varie selon les régions de France. En voici quelques versions :
-
En Franche-Comté un paysan avait volé un ostensoir dans une chapelle et l’avait enterré dans
son champ. Les villageois, intrigués par la couleur des haricots que ce paysan avait ensuite
récolté, ont creusé dans le champ, retrouvé l’ostensoir et pu confondre le fautif.
-
Devant la Révolution française, le curé d’un petit village d’Alsace (l’histoire se répète dans
plusieurs régions françaises dont les Vosges), très inquiet car la canaille de la République
s’approchait de sa paroisse, posa la question à une de ses paroissiennes : “Où vais-je cacher
le Saint Sacrement ?”
“Amenez-le chez moi, j’ai un jardin un peu en retrait du village, on le cachera dans mes
haricots à rames, ils n’iront pas le chercher là.” Sitôt dit, sitôt fait. Le Saint Sacrement fût
sauvé, mais grande surprise de la paroissienne lorsqu’elle récolta ses haricots à l’automne
qui auraient dû être tout blanc comme d’habitude : ils étaient ornés d’une petite tache
foncée surmontée d’une auréole blanche. La brave femme alla voir son curé qui reconnut
dans cette marque un signe divin : une hostie enchâssée dans un ostensoir! Et le curé de
s’écrier : “C’est une récompense à votre bonne Foi, à votre courage face au danger, car si
cela avait été découvert, vous étiez fusillée et moi aussi, votre maison brûlée et peut être
tout le village ». Haricot voyageur par excellence, ce haricot miraculeux se répandit dans
toute l’Europe et en Amérique.
-
En Ille et Vilaine ces haricots seraient apparus dans un champ de haricot blancs, à l’endroit où
le propriétaire du champ avait autorisé la traversée d’un vicaire portant le Saint-Sacrement
qui souhaitait éviter une route inondée.
Le Chevrier vert et les flageolets
Flageolets désignait des variétés dont on récoltait les grains avant maturité complète pour les faire
sécher en tas afin d’obtenir un grain plus tendre.
En 1872, Mr Gabriel Chevrier, jardinier amateur à Arpajon dans l’Essonne, trouve au milieu de ses
flageolets, une plante dont le feuillage reste vert bien que desséché alors que tous les autres ont
virés au marron.
Surprise ! Les grains aussi sont restés verts, même secs, et avec une saveur très différente des autres
haricots. Mr Chevrier avait repéré une mutation spontanée qui rendait la chlorophylle persistante.
Une nouvelle variété était née, appelée Flageolet vert ou encore Chevrier vert.
Mais malheureusement pour la notoriété de Mr Chevrier, il n’était pas le premier car Vilmorin avait
déjà décrit ce caractère dans la Description des Plantes Potagères de 1856.
Pour en savoir plus : H. Bannerot, CM Messiaen, C. Foury, Histoire de Légumes (2004) ; R. Chopinet, G.
Trébuchet, J. Drouzy, Essai de classification et d’identification des principales variétés de haricots
cultivées en France, Revue Horticole (1950) ; et bien sûr de nombreux sites web qui traite du sujet…
Comment apparait une nouvelle variété de haricot ?
Au cours des millénaires pendant lesquels le haricot s’est étendu et développé sur le continent
américain, il a pu s’adapter aux différentes conditions climatiques et aux différents parasites grâce à
une très grande variabilité de ses caractères : Si par exemple un nouveau parasite arrivait dans une
région, seules les plantes résistantes à ce parasite résistaient. Un nouvel écotype, « variété » adaptée
à un écosystème, était ainsi créé par sélection naturelle.
Cette variabilité était renouvelée grâce à des insectes capables d’ouvrir la fleur de haricot pour y
prélever des nectars et y effectuer à l’occasion des croisements avec le pollen issu de fleurs des
variétés précédemment visitées. Les cartes étaient ainsi rebattues et de nouvelles plantes présentant
de nouvelles combinaisons de caractères apparaissaient, certaines adaptées à leurs écosystèmes,
d’autres non. De nos jours en Europe, des Xylocopes violets ou certains bourdons sont capables
d’assurer des fécondations croisées de haricot.
Les premières variétés cultivées ont été créées par les Amérindiens qui les ont sélectionnés parmi les
écotypes disponibles, en choisissant vraisemblablement les grains les plus gros et les plantes les plus
productives.
C’est cette technique de sélection, dite « massale », qui a permis de voir apparaitre des variétés
naines et d’autres grimpantes, dont on consomme les gousses ou plutôt les grains, à fleurs violettes
ou à fleurs blanches, avec des grains d’un grand nombre de formes et de couleurs.
Puis vers 1850 s’est développée la sélection « dirigée » à la faveur des connaissances scientifiques
qui se développaient, notamment suite aux travaux du Moine Grégoire Mendel sur l’hérédité des
petits pois publiés en 1865.
Depuis cette époque les sélectionneurs croisent des variétés bien déterminées avec pour objectif
d’associer les caractères favorables des deux parents dans une seule et unique nouvelle variété.
Facile à dire… mais moins facile à faire !
La famille de Vilmorin, passionnée de médecine et de botanique depuis le milieu du XVIIIème siècle a
joué un grand rôle dans cette aventure, avec notamment Louis de Vilmorin qui a énoncé en 1856 le
principe de la sélection généalogique, toujours à la base des techniques de sélection pratiquées de
nos jours.
La sélection de nos jours :
1) les objectifs de sélection
Comme pour toutes les espèces légumières, un des principaux objectifs de sélection concerne les
résistances aux maladies, afin de réduire au maximum le recours aux traitements chimiques.
Chez le haricot cela concerne le champignon de l’anthracnose et le virus de la mosaïque commune (la
plupart des variétés y sont actuellement résistantes), la graisse à halo et la graisse commune (deux
bactéries responsables de tâches huileuses sur les gousses), et divers champignons du sol.
Viennent ensuite les critères de qualité de la gousse ou du grain : absence de fil et de structures
fibreuses dans la gousse, homogénéité de maturité du grain…
Puis les critères de port de plante, afin que celles-ci restent bien debout jusqu’à la récolte.
Enfin de très nombreux autres critères spécifiques à l’emploi qui sera fait de la variété :
-
maturité échelonnée pour des haricots verts destinés aux amateurs afin qu’ils produisent
pendant plusieurs semaines,
-
maturité groupée pour des haricots destinés aux professionnels qui récoltent en une seule
fois avec une machine,
-
variété précoce pour ceux qui veulent une production au plus tôt dans l’année, ou ceux qui
font des semis très tardifs,
-
épiderme de la gousse qui ne se décolle pas à la surgélation
-
rupture facile du pédoncule de la gousse pour faciliter la récolte
-
…
2) Où puiser la variabilité nécessaire ?
Le sélectionneur peut utiliser la variabilité existante qui se compose de tous les écotypes et
variétés cultivées disponibles.
Et ce n’est pas rien !
Aujourd’hui, les sélectionneurs conservent en France environ 4 000 variétés cultivées dans leurs
propres collections, et c’est 35 000 variétés et écotypes de haricots différents qui sont conservés au
Centre International d’Agriculture Tropicale à Cali en Colombie.
L’objectif n’est pas de faire une collection philatélique, mais bien de cultiver chaque variété ou
écotype, et de les caractériser pour connaitre leurs qualités ou leurs défauts. Ces observations
permettent ensuite de repérer lesquels d’entre eux ont des qualités complémentaires qui pourraient
être associées dans leurs descendances.
3) Créer une nouvelle variabilité
Une fois les « géniteurs » potentiels repérés, il faut les croiser pour recueillir leur descendance.
Le croisement doit s’effectuer en « castrant » une fleur de la plante qui sera la plante « mère »
(castration des étamines avec de petites pinces), et en apportant du pollen de la plante qui sera la
plante « père » (on frotte le pistil de la plante mère avec des étamines de la plante père).
La première génération issue de ce croisement présente des plantes toutes identiques. C’est ce que
l’on appelle un hybride F1, mais qui dans le cas du haricot ne peut pas être utilisé commercialement
car la pollinisation manuelle le rend inabordable économiquement.
Par contre si nous laissons cet hybride F1 s’autoféconder, dès la 2ème génération comme l’a montré
Grégoire Mendel, les caractères des deux parents disjoignent et toutes les plantes sont différentes.
La sélection peut commencer…
4) Sélectionner dans les générations successives
Pour pouvoir choisir il faut avoir du choix, dirait Lapalisse !
Effectivement si l’on veut avoir des chances d’obtenir une bonne variété il ne suffit pas de regarder 2
descendants de notre croisement. C’est 1 000 ou 10 000 qu’il faut cultiver, regarder, analyser, peser,
tester.
Chaque « lignée » (une ligne semée de 2 ou 3 mètres de long provenant de la récolte d’une seule et
unique plante), est cultivée, observée et testée vis-à-vis des maladies (tests de laboratoires ou
observation en parcelles contaminées).
Mais une lignée excellente lors de la 3ème génération ne donnera pas forcément le même résultat à la
génération suivante car ses caractères vont disjoindre encore un peu.
Il faut donc répéter ces observations pendant 6 à 8 générations pour être sûr d’obtenir une bonne
variété que l’on puisse reproduire ensuite à l’identique.
Au total, se seront peut-être 30 ou 40 000 lignées qui auront été analysées avant de trouver une
nouvelle variété.
Exercice qui prend 6 à 7 ans, 4 à 5 hectares de terrain à scruter plante par plante, et pas mal de mal
au dos, car le haricot nain ne fait guère plus de 50 cm de haut dans les meilleurs cas.
5) A quoi ressemble un sélectionneur ?
C’est d’abord une femme ou un homme passionné, qui aime la plante sur laquelle il travaille, et qui
connait par cœur les détails de toutes les variétés existantes, leurs qualités mais aussi leurs défauts.
Pour être capable de repérer rapidement la plante élite parmi les centaines de milliers qu’il regarde
tous les jours, il doit pouvoir se représenter la plante idéale, celle dont il rêve depuis toujours et qui
n’existe pas.
Cette plante doit être collée au fond de sa rétine, de telle sorte qu’en cas de rencontre fortuite au
détour d’une lignée, une alarme stridente retentisse et le fasse stopper comme un chien d’arrêt.
Ceci n’est pas qu’une image, car nombre de sélectionneurs m’ont dit s’endormir le soir en regardant
passer des haricots lorsqu’ils ferment les yeux.
D’autres comptent les moutons…
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