CETIOM Améliorer l’efficience de la nutrition azotée du colza par voie génétique D epuis plusieurs années, le CETIOM soutient ou coordonne des travaux pour améliorer l’efficience de la nutrition azotée du colza au printemps. Une nouvelle phase vient de se terminer avec la fin d’un projet financé par l’ANR*-Genoplante et par l’ONIGC* dans le cadre du plan d’amélioration de la filière oléagineuse. L. Jung D. Lebourgeois La fertilisation azotée est un élément-clé de la compétitivité économique du colza d’hiver, et représente le premier coût pour l’agriculteur, avec des prix indexés sur le cours du pétrole. Le devenir du nitrate, sous et après une culture de colza, est une préoccupation environnementale persistante. Pour le développement des biocarburants, la question du bilan énergétique, et les moyens de l’améliorer, est centrale. En effet, la fertilisation azotée représente environ 60 % du coût énergétique de la production de colza. Ces raisons ont conduit la filière oléagineuse à promouvoir des actions d’amélioration de la gestion de l’azote sur colza dès le début des années 90. Ces travaux ont abouti sur différents points : optimisation des dates de semis, absence de fertilisation minérale à l’automne, adaptation de la méthode des bilans avec conception de la Réglette azote colza, estimation des biomasses par satellite à la sortie de l’hiver. Ils ont également permis de souligner l’intérêt de focaliser les travaux, non pas sur les phases d’assimilation automnale, mais sur les phases de printemps (remobilisation, sénescence foliaire, absorption tardive). Des travaux de plus longue haleine ont également été soutenus pour identifier le rôle de bactéries rhizosphériques, mieux comprendre les mécanismes d’absorption de l’azote ou de sénes* lexique en page 59 10 cence des feuilles, ou utiliser la voie génétique. Les travaux qui concernent l’amélioration génétique de l’efficience de la nutrition azotée, ont démarré fin 1995. Ils ont permis d’établir une carte génétique sur laquelle ont été localisés des QTL* pour différents caractères liés au rendement, à la teneur en azote des graines ou des pailles et à l’indice de récolte azote (programme IRN 96-02, puis Natural 02-05). C’est sur cette base que le projet ARCOLE1 a démarré en 2006, avec l’objectif de trouver des critères et des cibles pertinents, construits à partir d’approches physiologiques, pour sélectionner des génotypes de colza d’hiver qui demandent des niveaux de fertilisation azotée réduits en raison de leur meilleure capacité d’absorption et de remobilisation de l’azote vers les graines. Dans cette perspective, six haploïdes doublés issus d’un même croisement, préparés lors d’un projet précédent, ont été repris et expérimentés au champ sous deux niveaux d’azote. Des critères agronomiques et physiologiques ont été mesurés régulièrement au cours du cycle et en particulier lors des phases-clés. Des marquages au 15N ont permis de caractériser les phénomènes de remobilisation de l’azote des feuilles vers les tiges puis les graines. Des différences de comportement significatives ont été observées parmi les six génotypes étudiés, ce qui est encourageant dans une perspective d’amélioration génétique des caractères concernés. Faire le lien entre les différences de comportement observées et l’expression des gènes A partir des connaissances et des liens fonction/séquence des gènes, acquis chez Arabidopsis, des amorces ont été sélectionnées pour suivre l’expression des gènes du colza, équivalents à ceux d’Arabidopsis, et impliqués dans les mécanismes d’absorption de l’azote et de sénescence des feuilles, à trois dates et pour différents types d’organes. Ce transfert de connaissances d’une plante modèle à une plante de grande culture pourtant de la même famille botanique, s’est avéré difficile, du fait de l’amphiploïdie du colza et de l’existence de plusieurs copies d’un même gène sur le même génome. Néanmoins, il a été possible, dans des conditions de précision et de reproductibilité satisfaisantes, de comparer l’expression des gènes à partir d’échantillons prélevés au champ. Le rapprochement avec les données agronomiques et physiologiques recueillies devrait permettre d’identifier les caractères à prendre en compte dans les études génétiques à venir. Des avancées importantes Le projet ARCOLE a permis également d’acquérir des connaissances complémentaires sur la nutrition azotée chez Arabidopsis, en particulier sur l’ab1 Ce projet, coordonné par le CETIOM, réunissait huit équipes : l’INRA-Agrocampus-Université (Rennes), Biogemma (ClermontFerrand), Euralis (Toulouse), l’INRA-Agrosup-CNRS et l’UniversitéIRD-CIRAD-INRA-Agrosup (Montpellier), l’INRA de Versailles, l’INRA-AgroParisTech (Thiverval-Grignon), l’Université-INRA (Caen). sorption de l’azote après la floraison. Les différences de comportement d’une vingtaine d’écotypes vis-à-vis de la remobilisation de l’azote et de la sénescence des feuilles ont été étudiées. Il a également permis de consolider notablement la carte génétique colza sur laquelle nous avions commencé à travailler, par cartographie de marqueurs microsatellites. La distance moyenne entre deux locus marqués a été réduite de moitié. Ce travail de cartographie a eu comme souci constant de maximiser le nombre de ponts avec la carte de référence de l’INRA* de Rennes et une carte développée par Euralis-semences, dans la perspective de pouvoir projeter des informations d’une carte vers l’autre. Quelques gènes impliqués dans les métabolismes visés, et suivis en expression lors des expérimentations ont également été cartographiés. Enfin, ARCOLE a contribué à mieux coordonner les efforts des différentes équipes s’intéressant à la nutrition azotée du colza en bénéficiant des expertises différentes de l’ensemble des participants. Il a initié la prise en compte de cette thématique par l’équipe d’amélioration génétique du colza de l’INRA* de Rennes, qui poursuit désormais ces travaux dans le cadre du nouveau programme financé par l’ANR*Genoplante (GENERGY). Une autre perspective logique de ce programme serait aussi d’explorer davantage les questions qui concernent le métabolisme du carbone et l’architecture des plantes. Du côté de la demande en carbone, la synthèse lipidique est, chez une plante oléagineuse, un puits concurrent de la croissance et du pouvoir réducteur nécessaire à l’assimilation de l’azote. Côté offre en carbone, l’amélioration de l’interception de la lumière et de sa traduction en gains de fonctionnement de la photosynthèse et en gain de biomasse, passe probablement en partie par une optimisation de l’architecture du couvert qui peut être la résultante de facteurs agronomiques, mais aussi de propriétés génétiques. Cette partie du travail se poursuit en articulation avec les aspects écophysiologiques développés dans le cadre de Promosol. Contact : Xavier PINOCHET Direction scientifique CETIOM, Centre de Grignon E-mail : pinochet@cetiom .fr POUR EN SAVOIR PLUS ORSEL M., CANOY A.S., BREGEON M., PIC E., PIQUEMAL J., LEFLON M., ALLIRAND J.M., LEDILY F., RENARD M., PINOCHET X., 2008 - Nitrogen nutrition efficiency of winter oilseed rape : variability among 6 DH lines grown under two levels of nitrogen availability. Brassica 2008, 1 p. (poster) PIC E., CHAMPOLIVIER L., ESTRAGNAT A., BAMME B., HEBRAIL M., LEFEVRE A., BETHANCOURT L., ROLLAND S., BECHENY J., LEFLON M., RENARD M., PINOCHET X., 2008 - Detection of QTLs for traits associated with nitrogen use efficiency in winter oilseed rape (Brassica napus.) using a new DH population. Brassica 2008, 1 p. (poster) * lexique en page 59 11