J. Raimbault Des bactéries rhizosphériques pour stimuler la croissance et l'absorption de l'azote par le colza L e CETIOM travaille depuis plusieurs années avec le Laboratoire sur les Symbioses Tropicales et Méditerranéennes de Montpellier pour rechercher et caractériser des bactéries de la rhizosphère du colza susceptibles d'améliorer la croissance et l'absorption de l'azote par la plante. Les populations bactériennes issues de la rhizosphère d'un colza cultivé ont été isolées et caractérisées et plusieurs souches capables d'induire des améliorations de croissance et d'assimilation du nitrate chez de jeunes plantes ont été sélectionnées. Des isolats de Phyllobacterium, bactérie d'un genre peu connu, proche de Mezorhizobium, se sont distingués pour leurs effets promoteurs de croissance. Les premiers essais au champ se révélant décevants, des investigations supplémentaires ont été réalisées dans le cadre de deux thèses financées ou co-financées par le CETIOM, dont l'une est encore en cours. L'effet promoteur de croissance, en conditions contrôlées Des travaux menés en conditions contrôlées, où la plante est en présence de la seule bactérie, montrent que la colonisation spatio-temporelle de la souche travaillée est bonne et régulière le long de la racine avec une progression vers la zone apicale. Elle dépend de la concentration de l'inoculum * lexique en page 88 28 initial. Cette colonisation de type rhizosphérique concerne la surface des racines et les poils absorbants. Ces expérimentations utilisant des concentrations bactériennes variées ont également mis en évidence un effet promoteur de croissance de la bactérie sur le système racinaire de la plantule de colza. La présence de la bactérie a induit une augmentation de la longueur totale des racines, particulièrement des racines secondaires, par ailleurs plus denses, et une amélioration de la vitesse de croissance de ces racines. En milieu naturel, Phyllobacterium doit concurrencer la microflore autochtone En milieu naturel, la microflore inoculée se trouve en compétition avec une microflore autochtone utilisant les ressources nutritionnelles fournies par les exudats racinaires de la plante, et potentiellement antagoniste de la population bactérienne que l'on cherche à inoculer. Pour étudier cette question, des populations de la rhizosphère et du rhizo- plan ont été prélevées au champ, isolées et caractérisées. Différents scénarios de compétition avec les flores les plus représentatives du rhizoplan ou de la rhizosphère ont été reconstitués dans des dispositifs expérimentaux suffisamment contrôlés. La réussite et l'impact de la compétition ont été quantifiés. Les résultats montrent une bonne aptitude à la compétition de la souche de Phyllobacterium, avec une capacité à maintenir une colonisation et un effet sur le système racinaire. La concentration et le positionnement de l'inoculum par rapport à la jeune racine en cours de développement sont très importants. Les propriétés de Phyllobacterium La principale souche de Phyllobacterium travaillée a montré des capacités de fixation d'azote à l'état libre sous des pressions d'oxygène limitées. Ceci lui confère la possibilité de survivre et de se développer dans des milieux dépourvus d'azote minéral. La présence d'un gène de nitrogénase a été mis en évidence, dont les conditions optimales d'expression restent à déterminer. La souche a une activité nitrate réductase qui n'est pas inhibée par l'ammonium ni par l'oxygène. Le nitrite produit peut être également réduit en ammonium. Le développement des poils racinaires, comme celui des racines latérales d'une plante sont sous le contrôle de phytohormones, l'auxine (hormone de croissance) et l'éthylène (inhibiteur de la rhizogénèse). Comme chez de nombreux microorganismes du sol, Phyllobacterium a la capacité de produire de l'auxine et de dégrader le précurseur de l'éthylène en ammonium, qu'elle utilise comme unique source d'azote. Par ailleurs, une activité de solubilisation du phosphate a pu être mise en évidence. En revanche, quelle que soit la méthode de détection, la souche ne semble pas produire de sidérophore pouvant l'aider à assimiler le fer. Parallèlement à ces expériences, un travail de caractérisation et de taxonomie du genre Phyllobacterium, peu connu jusqu'à présent, a été entrepris. Les principales fonctions bactériennes mises en évidence sur les isolats, et leur caractérisation moléculaire à partir de zones conservées du génome, devrait permettre la définition de plusieurs espèces dans ce genre, avec des propriétés nouvelles. Vers une étude approfondie des mécanismes en jeu De façon à mieux comprendre les mécanismes impliqués et permettre la valorisation des propriétés de Phyllobacterium, les travaux ont été complétés par des expérimentations sur la plante modèle Arabidopsis. Des lignées transformées sur le promoteur régulant l'induction d'un gène de transport du nitrate étaient en effet disponibles. Elles ont permis d'étudier les modifications de la régulation de l'absorption du nitrate induites par la bactérie. Les expérimentations réalisées sur le colza ont été reproduites avec Arabidopsis, avec les mêmes effets sur la plante. Les modifications du système racinaire, les effets de concentrations bactériennes, étaient de même nature. Les mêmes interactions positives entre l'effet de l'inoculation de la bactérie et la disponibilité en nitrate ont été observées sur le colza et sur Arabidopsis : augmentation de l'influx de nitrate, des quantités d'azote et d'acides aminés à différents niveaux de la plante. Sur Arabidopsis, la présence de la bactérie a bien induit une augmentation des transcrits des gènes de transport du nitrate. L'étude et l'identification de facteurs de transcription liés à la présence de la bactérie sont actuellement en cours. Ce travail devrait permettre d'identifier d'autres mécanismes éventuellement impliqués dans les effets promoteurs de croissance de la souche de Phyllobacterium. Outre l'inoculation au champ de la bactérie, dans des conditions où ses qualités seraient compatibles avec les contraintes technologiques d'application de l'inoculum bactérien, la compréhension des mécanismes impliqués et l'étude de leur régulation permettront une optimisation des effets. La bactérie aura alors servi d'outil pour révéler les mécanismes de la plante qui doivent être améliorés, soit par la gestion de l'environnement, soit par la génétique. Contact : Xavier PINOCHET service Innovations CETIOM, Centre de Grignon E-mail : [email protected] * lexique en page 88 29