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(Neuhumanismus)
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. En 1801 il s’installe temporairement à Paris et en profite pour
faire un voyage d’études en Espagne destiné à l’étude du basque dont il sait qu’il n’a
rien à voir avec les langues romanes, mais peut-être avec l’ibère dont on a retrouvé
des traces épigraphiques. En 1802 il saisit une occasion de résider à Rome, haut-lieu
de la culture humaniste immortalisé par le tableau de Tischbein représentant Goethe
trônant mélancoliquement au milieu des ruines de Rome, en devenant légat de
Prusse auprès du Saint-Siège. Il y demeure jusqu’en 1808 et ne voit donc pas de près
la décomposition de l’état prussien en 1806.
Soucieux de jouer un rôle dans la reconstruction intellectuelle et morale de la
Prusse, il se réjouit d’être sollicité par le baron von Stein comme directeur de
l’enseignement au ministère de l’intérieur en vue de préparer un projet de réforme
des établissements scolaires et universitaires. En fait, en butte à la méfiance de
ministres inquiets de son faible zèle religieux, il rencontre surtout des revers et finit
par être écarté du service de l’État en 1819 en raison de son libéralisme politique.
Seule la fondation de l’université de Berlin en 1809 sera un succès durable avec la
nomination de “grandes pointures”, le théologien F. Schleiermacher, le philosophe
J.G.Fichte, le juriste K. von Savigny, l’historien de l’antiquité B.G. Niebuhr et le
clinicien Ch. W. Hufeland, médecin personnel du roi Friedrich-Wilhelm III et
premier doyen de la faculté de médecine (cf. Erbe 2010).
Une fois libéré de toute responsabilité publique, Humboldt se consacre
pleinement de 1820 à sa mort en 1835 aux études linguistiques qu’il mène avec la
conviction que toutes les langues – et il en connaît une quantité impressionnante –
partagent une même nature dont le caractère des peuples et des nations valorise
certaines propriété et en minore d’autres. C’est le thème central de l’œuvre maîtresse
inachevée publiée par son frère Alexander, Über die Verschiedenheit des
menschlichen Sprachbaues und ihren Einfluß auf die geistige Entwicklung des
Menschengeschlechts (cf. section II—1.2), laquelle est préparée par de nombreuses
conférences à l’Académie des Sciences de Berlin et des mémoires dont les plus
importants (cf. Trabant, dir.
2
2002) sont
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:
1820 Über das vergleichende
Sprachstudium in Beziehung auf die
verschiedenen Epochen der
Sur l’étude comparée des langues dans son
rapport aux différentes époques du
développement du langage
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4
Les plus grands noms du nouvel humanisme, une des branches les plus vivantes de la
vision allemande des Lumières (Aufklärung) et du “classicisme de Weimar” sont
l’helléniste Friedrich August Wolf, l’historien de l’art et archéologue Johann Joachim
Winckelmann, et les philosophes et dramaturges inspirés par la conception rousseauiste
de la nature humaine : le dramaturge et théoricien de la littérature Gotthold Ephraim
Lessing, le philosophe de l’histoire et du langage Johann Gottfried Herder, le poète et
dramaturge Friedrich Hölderlin et bien entendu Goethe et Schiller. Certains de ses jeunes
représentants sont en même temps des rebelles et créent le mouvement Sturm und Drang
(litt. “Tempête et impulsion”) et “l’exaltation du ‘génie originel‘ comme modèle de
l’homme d’exception et du génie” (
Wilpert 1969).
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Les écrits de 1820, 1821a, 1822, 1823, 1826, 1827 sont édités en entier et annotés par
Jürgen Trabant (
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2002) ; ceux de 1829a, 1829b font l’objet d’une édition raccourcie dans
le même volume. Les écrits de 1820, 1821b et 1822-24 donnent lieu à une édition bilingue
par Denis Thouard (2000).
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Écrit traduit par P. Caussat (1974 :71-95) puis par D. Thouard (2000 :65-111). Le titre
indiqué est celui de l’édition bilingue de D. Thouard. Les termes Sprachstudium et
Sprachentwicklung véhiculent une certaine indétermination sémantique : “étude du
langage” ou “des langues”, “développement des langues” ou “évolution du langage” ?