Progrès en Urologie (1999), 9, 13-16
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Définition épidémiologie de l’infection nosocomiale en urologie
J.L. QUENON, S. PATRIS, A. COLAU
(1) Santé Publique, faculté X. Bichat, Paris. ; (2)Urologie, Hôpital Saint-Louis, Paris.
RESUME
Pour gérer un risque, il convient en premier lieu de bien le définir. Depuis 1988, les équipes hos-
pitalières disposent de définitions des infections nosocomiales pour l’ensemble des localisations
anatomiques. Ces définitions établies par les C.D.C. (Centers for Disease Control) d’Atlanta
sont largement utilisées pour les études épidémiologiques. Il n’existe pas de définition spéci-
fique pour l’urologie.
Sont considérées comme nosocomiales, toutes les infections acquises dans les établissements de
soins, quelle qu’en soit l’origine. Pour chaque localisation, la définition repose sur des critères
cliniques et microbiologiques précis. Pour l’infection du site opératoire, le principal critère est
la présence de pus ; pour l’infection urinaire, c’est l’existence d’une bactériurie supérieure à
105 micro-organismes par millilitre. Ces définitions sont opérationnelles et utilisées par de
nombreuses équipes en particulier dans le cadre des programmes de surveillance. Elles sont
suffisantes pour observer la variabilité selon les services ou les périodes temporelles. Les cri-
tères d’infection sont ceux habituellement retenus par les cliniciens pour établir le diagnostic
d’infection, ce qui en facilite l’appropriation et l’utilisation.
Ces définitions peuvent évoluer en fonction des connaissances, des objectifs de l’étude ou du
contexte local. Il est impératif que chaque cas d’infection remplisse les critères préalablement
établis pour garantir une bonne reproductibilité, seule capable de permettre une bonne analyse
de ce risque.
Mot clés: infection nosocomiale, définition, urologie, épidémiologie
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Pour maîtriser et contrôler un risque, il est impératif de
le définir avec clarté et précision. La définition de l’in-
fection nosocomiale sera utilisée tout au long du pro-
cessus de gestion de ce risque, pour la mise en place
d’une surveillance épidémiologique, pour l’étude des
facteurs de risque mais aussi pour évaluer l’efficacité
de mesures de prévention et l’efficacité du traitement
de ces infections.
En épidémiologie, les définitions utilisées doivent être
applicables pour de larges populations et classer cor-
rectement les infectés et non infectés. L’infection se
caractérise par l’existence de signes cliniques liés à la
multiplication de micro-organismes dans un site anato-
mique. Aussi, ces définitions reposent sur des critères
cliniques et/ou microbiologiques. Les critères retenus
doivent être simples, précis, capables d’identifier tous
les cas et que les cas. Malheureusement, il existe peu
de signes cliniques pathognomoniques. Pour les cri-
tères microbiologiques, les techniques retenues doivent
être facilement utilisables et fiables.
Ces définitions doivent permettre de repérer les infec-
tions apparentes mais aussi inapparentes.
Les definitions disponibles
Les définitions actuellement utilisées pour la sur-
veillance des infections nosocomiales, sont :
• au niveau international, celles établies en 1988, pour
l’ensemble des localisations anatomiques, par les
Centers for Disease Control (C.D.C) d’Atlanta [1],
• au niveau national, celles établies en 1992 pour les
cinq localisations anatomiques les plus fréquentes
(urines, plaie opératoire, poumons, cathéters, sang),
par le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de
France (CSHPF) [2].
Ces différentes définitions sont rassemblées dans un
ouvrage en français, publié par le centre de coordina-
tion de lutte contre les infections nosocomiales
(C.CLIN) de l’inter-région Paris-Nord [3].
Elles ont été élaborées par des groupes de travail
constitués d’experts de plusieurs disciplines. Chaque
définition s’applique à l’ensemble des spécialités médi-
cales. Par conséquent, il n’existe pas de définition spé-
cifique pour les infections survenant en urologie.
Définition du caractère nosocomial
Pour le risque infectieux, le terme nosocomial désigne
toute infection acquise par un patient, un membre du
personnel, voire un visiteur, dans un établissement de
soins. Mais comment être sûr que l’infection a été
acquise en milieu hospitalier ? Si le patient est admis
avec une infection communautaire, peut-il contracter
une infection nosocomiale ? Aussi, la définition du
caractère nosocomial n’est pas unique et envisage les
différentes situations rencontrées en pratique (figure 1).
En urologie, le caractère nosocomial de l’infection uri-
naire est relativement facile à établir grâce aux exa-
mens microbiologiques systématiques réalisés lors de
l’admission des patients.
Comme la figure 1 le montre, définir une infection
comme nosocomiale ne préjuge en rien de l’origine
endogène (flore du patient) ou exogène (environne-
ment) du micro-organisme, de son association à un dis-
positif invasif, de son caractère plus ou moins évitable,
de l’existence d’une faute professionnelle ou d’un dys-
fonctionnement, de la responsabilité du service ou du
soignant dans l’acquisition de cette infection. La fré-
quence des transferts entre services et hôpitaux incite à
distinguer les infections nosocomiales qui sont impor-
tées de celles acquises dans l’unité de soins [4].
Ainsi, le terme nosocomial regroupe une multitude de
situations possibles. Dans tous les cas, il signifie l’exis-
tence d’une réelle menace pour la personne atteinte et
pour son entourage, compte tenu du risque de trans-
mission souvent élevé de ces infections.
Définitions des infections nosocomiales
Nous n’envisagerons que les définitions des infections
les plus fréquentes en urologie : celles de la plaie opé-
ratoire et du site urinaire.
Pour le site opératoire, il existe plusieurs définitions
(figure 2). Sont distinguées les infections superfi-
cielles, des infections plus profondes. Cette distinction
est intéressante car elle permet de mieux évaluer la gra-
vité de ces infections. La définition repose essentielle-
ment sur un critère clinique : la présence de pus. La
seule difficulté dans l’utilisation de ces définitions est
d’avoir des informations sur les infections se déclarant
dans les 30 jours post-opératoires (voire les 12 mois
post-opératoires lors de la mise en place de prothèses
ou d’implants), et survenant après l’hospitalisation.
Cette situation devient de plus en plus fréquente,
compte tenu du raccourcissement des durées d’hospita-
lisation. Les consultations post-opératoires permettent
de repérer ces infections tardives et de ne pas sous-esti-
mer la fréquence réelle de ces infections.
CAS 1 - infection absente à l’admission.
CAS 2 - infection antérieure présente mais
• le micro-organisme est différent,
• ou l’infection précédente était guérie.
CAS 3 - état à l’admission inconnu et délai de survenue
supérieur à 48 heures.
Figure 1 - Définition du caractère nosocomial d’une infection
[3].
Infection de l’organe ou du site
Au niveau des organes ou espaces (autres que l’inci-
sion) ouverts ou manipulés durant l’intervention.
Pour le site urinaire, il existe plusieurs définitions pour
caractériser les infections symptomatiques et asympto-
matiques, en particulier chez les malades sondés (figure
3). Ces définitions reposent essentiellement sur l’exis-
tence d’une bactériurie supérieure à 105micro-orga-
nismes par millilitre. Ces définitions en urologie posent
plusieurs problèmes. En effet, une infection urinaire ne
devrait être considérée comme certaine que s’il existait
simultanément une symptomatologie évocatrice, une
bactériurie et une leucocyturie. Mais, la présence dans
les suites opératoires de signes cliniques urinaires et
d’une leucocyturie ne sont pas des critères spécifiques
d’un problème infectieux. Aussi, la plupart des auteurs
retiennent comme seul critère d’infection la présence
d’une bactériurie avec un seuil de 105micro-orga-
nismes par millilitre [5, 6]. Avec cette définition, il
s’agit d’infections urinaires seulement probables. En
effet, l’évolution naturelle et les conséquences cli-
niques de ces bactériuries sont mal connues.
Validité de ces définitions
Sur le plan épidémiologique, ces définitions sont opé-
rationnelles pour évaluer le risque infectieux. Elles
sont actuellement utilisées par les réseaux de sur-
veillance des infections nosocomiales, aussi bien en
France [7] que dans d’autres pays. Elles sont suffi-
santes pour analyser la variabilité des taux d’incidence
selon les services et les tendances endémo-épidé-
miques.
Ces définitions sont d’autant mieux acceptées et utili-
sées qu’elles reposent sur des critères habituellement
retenus par les cliniciens pour établir le diagnostic d’in-
fection. Elles doivent être évolutives, en fonction des
connaissances, des pratiques et des techniques dispo-
nibles. Ainsi, la définition de l’infection du site opéra-
toire établie en 1988, a été modifiée en 1992 [8].
Conclusion
Définir les cas est une étape indispensable de l’investi-
gation d’un problème. Mais mesurer la réalité n’est pas
toujours nécessaire, en particulier pour la surveillance
épidémiologique. La définition parfaite, c’est à dire
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BACTERIURIE SYMPTOMATIQUE
CAS 1 - Fièvre > 38° C sans autre origine et/ou envie impé-
rieuse et/ou dysurie et/ou pollakiurie et/ou tension sus-
pubienne,
ET
ECBU : micro-organismes >105/ ml (pas plus de deux
germes isolés),
ou ECBU : micro-organismes >103/ ml et polynucléaires >
104/ ml.
BACTERIURIE ASYMPTOMATIQUE
CAS 2 -Patient sondé (sondage vésical à demeure) dans les 7
jours précédant le prélèvement: ECBU : micro-organismes >
105/ ml.
CAS 3 -Patient non sondé :
deux ECBU : micro-organismes >105/ ml avec le même
germe (pas plus de deux germes isolés).
Figure 3 : Définition de l’infection urinaire (CSHPF, 1992)
[3]
Figure 2 - Définitions de l’infection du site opératoire
(C.D.C., 1992) [3]
CAS 1 - Présence de pus.
CAS 2 - Germe isolé au niveau de l’organe ou du site.
CAS 3 - Signes évidents d’infection impliquant l’organe ou le
site.
CAS 4 - Diagnostic clinique.
Infection superficielle de l’incision
Infection survenant dans les 30 jours suivant l’intervention au
niveau de la peau, des tissus sous-cutanés ou des tissus au des-
sus de l’aponévrose.
CAS 1 - Ecoulement purulent de l’incision ou du drain.
CAS 2 - Germe isolé de la culture de l’écoulement d’une plaie
fermée.
CAS 3 - Diagnostic par le médecin ou le chirurgien
Infection profonde de l’incision
Infection survenant dans les 30 jours suivant l’intervention ou
dans l’année, si implant ou prothèse, au niveau des tissus ou
espaces situés au dessous de l’aponévrose.
CAS 1 - Ecoulement purulent provenant d’un drain sous-apo-
névrotique.
CAS 2 - Présence d’un des signes suivants :
• déhiscence spontanée de la plaie,
• ouverture par le chirurgien en cas de fièvre > 38° C, douleur
localisée, sensibilité à la palpation.
CAS 3 - Abcès ou autres signes d’infection observés lors d’une
intervention chirurgicale ou d’un examen histopathologique.
CAS 4 - Diagnostic d’infection par le chirurgien.
classant sans faille toutes les situations cliniques
n’existe pas. Mais, certaines définitions sont meilleures
que d’autres, à nous de les repérer et de les utiliser.
Cependant, il faudra veiller à ce que les définitions
retenues soient :
• suffisamment sensibles et spécifiques pour évaluer
correctement le risque infectieux,
• consensuelles, validées et utilisées par d’autres pour
pouvoir se situer (voire se comparer),
• acceptées et appropriées par les cliniciens pour être
utilisées,
• et enfin modifiées seulement pour s’adapter à un
contexte local particulier, pour réaliser certaines
études ponctuelles ou pour tenir compte de nouvelles
connaissances.
Un impératif : une fois définie, il faut que chaque
infection enregistrée remplisse les critères retenus.
REFERENCES
1. GARNER J.S., JARVIS W.R., EMORI T.G., et coll.: CDC Definitions
for nosocomial infections, 1988. Am. J. Infect. Control 1988; 16 :
128-140.
2. Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France - Groupe de travail
Infections Nosocomiales ”.: 100 recommandations pour la sur-
veillance et la prévention des infections nosocomiales. BEH 1992,
juin.
3. TRAN-MINH T., QUENON J-L.: Guide de définition des infections
nosocomiales. Paris : Frison-Roche,1995.
4. EVEILLARD M., QUENON J-L., MANGEOL A., FAUVELLE F.:
Evaluation du risque infectieux nosocomial chez les patients transfé-
rés. BEH 1998; 39 : 169-170.
5. STAMM W.E.: Criteria for the diagnosis of urinary tract infection and
for the assessment of therapeutic effectiveness. Infection 1992; 20 (3
Suppl): S151-S154.
6. COLAU A.: Bactériurie après résection trans-uréthrale de la prostate.
Mesure du taux d’incidence et étude des facteurs de risque. Thèse,
Med, Paris VI, 1998.
7. C.CLIN Sud-Est.: Réseau ISO Sud-Est : un an de surveillance des
infections du site opératoire. BEH 1996; 42 : 183-185.
8. HORAN T.C., GAYNES R.P., MARTONE W.J., JARVIS W.R.,
EMORI T.G.: CDC Definitions of nosocomial surgical site infections,
1992 : a modification of CDC definitions of surgical wound infec-
tions. Infect. Control Hosp. Epidemiol. 1992; 13 : 606-608.
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